Page images
PDF
EPUB

récrutement force, c'est-à-dire, la conscription que la Charte a abolie, et il se plaint qu'on prenne cette Charte tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, suivant l'intérêt du moment. Il montre combien un recrutement forcé se concilie difficilement avec les articles de cette loi

fondamentale. C'est par des levées volontaires, plutôt que par des troupes réglées, que la Suisse, la Vendée, l'Espague ont repoussé l'invasion étrangère, tandis que c c'est par son recrutement forcé que la France a vu son territoire envahi. L'Europe entière s'est soulevée contre la traite des noirs, et nous rétablissons, au sein du christianisme et entre les blancs, un vaste marché où le père, qui veut sauver la vie de son fils, vient marchander la vie d'un autre avec le père qui consent à la vendre, trafic essentiellement immoral, où la vie de l'homme est au plus bas prix, quand l'argent est au plus haut. Les armées de Buonaparte étoient composées de françois, et cependant il a opprimé notre pays. L'orateur, parcourant les divers articles du projet, a combattu les dispositions qui lui semblent ôter au Roi une partie essentielle de son pou voir. Son discours, quoique long, a été entendu avec une attention soutenue, et nous regrettons de ne pouvoir reproduire les pensées for tes, les traits brillans, les aperçus ingénieux qui se retrouvent toujours sons la plume de l'orateur, quelque sujet qu'il traite. M. de Bonald a voté pour le rejet de la loi. M. Morisset vote pour le projet avec un amendement en fav ar des fils uniques; il s'est attache à montrer de nombreuses différences entre la loi nouvelle et la conscription. M. Pontet répond à quelques parties du discours de M. Camille-Jordan, discute le projet de loi où il voit de graves inconvéniens. Il souhaite qu'on prenne le temps de rédiger une loi mieux rédéchie. M. de Solilbac se déclare pour le projet, sauf plusieurs amendemens. Il blâme, par exemple, l'institution des légionnaires-vétérans, et l'avancement pat ordre d'ancienneté. Il s'étonne qu'on ait parlé de renvoyer les Suisses nos bons et fidèles alliés, qui se sont fait massacrer pour la défense du trône. M. Doria voté pour la loi, sauf le remplacement collectif, dent il explique la nature.

AVIS.

Ceux de nos Souscripteurs dont l'abonnement expire le 12 février sont priés de le renouveler de suite, afin de ne point éprouver de retard dans l'envoi du Journal. Cela est d'autant plus urgent pour ceux qui en font la collection, qu'ils pourroient, par un plus long retard, nous mettre dans l'impossibilité de leur donner les premiers numéros du

réabonnement.

Ils voudront bien joindre à toutes les réclamations, changement d'adresse, réabonnement, la dernière adresse imprimée, que l'on coit avec chaque numéro. Cela évite des recherches, et empêche des erreurs.

L'administration des postes ayant, à compter du rer. janvier 1818, doublé le prix du port pour la Sardaigne et l'Italie, le prix de la souscrip tion, pour ces deux Etats, sera désormais de 33 fr. pour un an, 18ft., pour six mois, et 10 fr. pour trois mois.

Les lettres non affranchies ne sont pas reçues.

( Samedi 24 janvier 18 18.)

(No. 361).

Essai historique sur les libertés de l'Église gallicane et des autres Églises de la catholicité, pendant les deux derniers siècles; par M. Grégoire (1).

Ce seroit certainement rendre un mauvais service à M. Grégoire, que de ne pas parler des écrits qu'il publie. Il ne se donne pas la peine de faire des livres pour qu'on n'en rende pas compte, et il ne se montre pas sur la scène pour n'être pas aperçu. Il a beau être modeste, il a acquis une espèce de célébrité à laquelle rien ne peut le dérober. Ces événemens où il s'est trouvé mêlé, ces places qu'il a remplies, ces discours brûlans de patriotisme, sa conduite révolutionnaire, politique et constitutionnelle, ses missions et ses conciles, ses rapports et ses mandemens, ses lettres à la Convention et à son diocèse, tous ces rôles éclatans et divers ont donné à M. Grégoire une cer*taine illustration, à laquelle, bon gré, malgré, il ne sauroit plus se soustraire. Il est condamné à une renommée qui le poursuivra, quoiqu'il en ait, et toutes les fois qu'on prononcera son nom, on se rappellera involontairement qu'il fut républicain dès l'Assemblée constituante, qu'il fut une des colonnes de l'église constitutionnelle, qu'il provoqua, en 1792, l'anéan tissement de la monarchie, qu'il eut l'honneur de présider la Convention, qu'il écrivit de Savoie, à une certaine époque, une lettre fameuse, qu'il fut l'ennemi déclaré des rois, et qu'enfin il mit le zèle le plus

(1) In-8°. de 459 pages.

Tome XIV. L'Ami de la Religion et du Ror. Y

ardent à ressusciter l'église constitutionnelle croulant sous le poids de ses scandales. On ne sauroit assurément nous soupçonner de mauvaise intention en rappelaut ces démarches; car M. Grégoire ne souhaite pas qu'on les oublie, et il est le premier à rappeler à tout propos les principes qu'il a suivis, et à se faire honneur et de son républicanisme et de son attachement pour l'église constitutionnelle, L'Essai même dont nous avons à parler, n'a pas d'autre but, et on diroit que l'auteur n'a pris la plume que pour avoir le plaisir de nous répéter qu'il est ancien évêque de Blois, qu'il a du caractère, qu'il déteste les cours, qu'il ne sait se venger de ses ennemis que par des bienfaits, qu'il n'a jamais varié, témoins les huit ou dix sermens qu'il a prêtés, etc.

Voilà ce qu'il y a de plus clair dans cet Essai; car, d'ailleurs, je défierois bien le plus habile faiseur d'analyses de parvenir à en faire une bonne de cet ouvrage incohérent et confus, assemblage informe d'anecdotes vraies et fausses, de réflexions décousues, de sorties déplacées, de digressions ennuyenses. On ne sait ja mais où est l'auteur ni où il ya ; il confond perpétuellement les époques; il cite à tort et à travers les autorités les plus suspectes. C'est dans des recueils décriés qu'il va le plus souvent chercher ses témoignages,et c'est là-dessus qu'il fonde ses plaintes et ses reproches. Pas plus de critique que de méthode, ni de raisonnement que de style. Essayons cependant de distinguer quelque chose dans ce chaos; et si nous ne parvenons pas à bien analyser cette production singulière, détachonsen quelques traits. Nous n'avons garde de chercher à réfuter toutes les assertions de l'auteur ; il faudroit pour cela des volumes, et, en vérité, cela n'en vant pas

la peine. Nous nous bornerons done à des remarques qui feront juger des principes et du goût de M. Grégoire, ainsi que de la confiance qu'il mérite.

[ocr errors]

M. Grégoire s'est proposé de faire l'histoire des libertés de l'Eglise gallicane, ainsi que celle des autres églises. Nous nous bornons aujourd'hui aux premières, qui nous intéressent davantage; et d'ábord nous aurions voulu que l'auteur eût daigné nous expliquer ce qu'il entend par ces libertés; car on en parle si diversement, et tant de gens ont pris plaisir à embrouiller la matière, qu'on ne sait plus qu'en penser. Sont-ce les libertés de Pithou ou celles de Bossuet, de Durand de Maillanne ou de Fleury, dés parlemens ou de la Sorbonne? Sout-ce les libertés, en verta desquelles on forçoit, par arrêt, les prêtres à porter les sacreinens aux malades, ou bien celles qu'on déduit des quatre articles, et qui sont enseignées dans les écoles? Qui sera juge eu cette matière, des jurisconsultes ou des théologiens? car les premiers different beaucoup des seconds dans l'explication qu'ils donnent de nos libertés. Il faudroit donc, ce semble, commencer par s'entendre; mais je serois tenté de croire que c'est ce dont se soucient peu ceux qui ne font si sonner si haut nos libertés que pour avoir le plaisir d'y trouver tout ce qu'ils veulent, et de faire passer sous ce nom des systêmes funestes à l'Eglise, et subversifs de sa discipline. Je gagerois même que M. Grégoire, tout évêque et tout gros de citations qu'il est, auroit de la peine à nous spécifier bien nettement en quoi consistent nos libertés. Il a l'air de regarder comme des autorités à peu près égales les quatre articles de 1682,' ou un arrêt du parlement; il met presque sur la mênie ligne Bossuet et Durand de Maillanne; il a sous la main

un tas d'écrivains jansénistes, dont il étale complaisamment des passages, et qu'il nous donne bonnement comme des espèces d'oracles. Ainsi, vous le voyez s'appuyer tour à tour sur Caylus, l'évêque d'Auxerre, sur Colbert, l'évêque de Montpellier, et sur des hommies tont à fait obscurs ou décriés, Le Gros, Gauthier, Minard, l'Avocat du Diable, etc. Ce dernier recueil, aussi insipide qu'impertinent, est un triste témoignage à invoquer, et j'ai bien mauvaise opinion de la sagacité et du discernement de celui qui écrit l'histoire sur de telles garanties.

M. Grégoire a la prétention de savoir beaucoup de choses, et d'avoir fait des découvertes qui avoient échappé aux recherches faites avant lui. Ainsi il fait grand bruit des pièces curieuses qu'il a trouvées dans les archives pontificales amenées à Paris, et il est tout fier d'y avoir déterré des protestations occultes; par exemple, l'acte par lequel Clément XIII cassa, le 3 septembre 1764, les arrêts du parlement contre les Jésuites. Il a fait là véritablement une trouvaille bien précieuse; il auroit pu s'apercevoir que le même fait est rapporté dans les Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique du 18', siècle, tome II, page 435, et que le Pape, dans un bref aux cardinaux françois, annonçoit cet acte si mystérieux et si occulte.

L'auteur, après avoir tracé à sa manière l'histoire des prétentions ultramontaines, et être redescendu de Grégoire VII à Pie VI, puis remonté de ce dernier à Boniface VIII et même plus haut, raconte avec le même ordre ce qui est relatif aux quatre articles. Il blâme avec sa verdeur ordinaire la foiblesse qu'ent Louis XIV de négocier avec le Pape. li s'y seroit pris, lui, d'une manière plus expéditive.

« PreviousContinue »