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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Le samedi, 22 novembre, la séance publique s'est ouverte à trois heures. M. le duc de Richelieu, président du conseil, M. Laine, ministre de l'intérieur. M. Pasquier, garde des sceaux, et M. Portalis, conseiller d'Etat, étoient au banc des ministres. Plusieurs députés ont été admis et ont prêté leur serment. M. Maine de Biran, président de la commission des pétitions, fait un rapport sur plusieurs pétitions. Des prisonniers demandent l'augmentation de la pension alimentaire qui leur est allouée; leur mémoire sera déposé au secrétariat, comme pouvant faire la matière d'une proposition de loi. Les autres pétitions sont presque toutes écartées par l'ordre du jour. Il n'y a eu de débats que pour celle d'un sieur Testard, heutenant de gendarmerie, à la demi-solde, qui demandoit à jouir d'un traitement de retraite. Sa demande a été appuyée par M. Courvoisier et M. de Chauvelin. Mais la chambre a passé à l'ordre du jour. La parole ayant été accordée aux ministres du Roi, M. Lainé, ministre de l'intérieur, est monté à la tribune, et a prononcé le discours suivant :

Messieurs, à l'ouverture de votre dernière session, le Roi vous annonça qu'il continuoit ses négociations avec le saint Siége, et qu'il avoit là confiance que leur heureuse fin reudroit une paix entière à l'église de France. Les chambres accueillirent, avec reconnoissance, cette communication du Ror. A l'ouverture de la session actuelle, S. M. vous a fait connoître que la conclusion du traité avoit terminé ces négociations. Le Roi a ajouté que ce traité vous seroit communiqué, et qu'il chargeroit ses ministres de vous proposer en même temps un projet de loi nécessaire pour donner la sanction lé gislative à celles des dispositions du nouveau Concordat qui en seroient susceptibles, et pour les mettre en harmonie avec la Charte, les lois du royaume et les libertés de l'église gallicane. C'est cette importante mission que nous venons remplir auprès de vous.

Les événemens qui ont amené le renversement de l'église de France sont assez connus. Nous n'en avons pas seulement été les témoins, mais les victimes; ils appartiennent à l'his toire, et nous ne les rappelons que pour bénir la Providence qui nous a rendu, avec la liberté, le trone légitime et tutélaire

qu'affermit chaque jour la sagesse du Roi. Le 15 juillet 1801, une convention fut arrêtée entre le gouvernement françois et sa Sainteté; elle fut publiée comme loi de l'Etat, le 8 avril 1812. Deux séries de dispositions intitulées, l'une Articles organiques de la convention du 15 juillet 1801, et l'autre Articles organiques du culte protestant, furent promulguées simultanément avec elle, pour être observées comme loi de l'Etat. Ainsi, l'on donna un seul et même acte de la puissance législative.

Dès le 24 mai suivant, le Pape, dans une Allocution prononcée en consistoire secret, déclara que, s'étant aperçu qu'avec le Concordat, on avoit publié des articles qui ne lui étoient pas connus, il se croyoit forcé de demander au gouvernement françois qu'il y fût fait des changemens opportuns et nécessaires. Une discussion s'ouvrit aussitôt entre les deux puissances, et se prolongea sans amener aucun résultat. Bientôt des sujets de mésintelligence entre le Pape et le gouvernement françois se multiplièrent. Nous n'en retracerons point ici la progression. Dès l'année 1808, le Pape refusoit aux évêques de France le pouvoir extraordinaire qu'il leur avoit jusque là accordé. Des difficultés s'élevoient sur la forme des institutions canoniques demandées pour les siéges françois, dans les provinces réunies à la France postérieurement au Concordat. Les événemens de 1809 produisirent une rupture ouverte. Le gouvernement françois prétendant, de son côté, n'avoir pas violé le Concordat de 1801, déclara que si le Pape persistoit dans son refus des institutions, il regarderoit le Concordat comme abrogé. Les actes promulgués par le gouvernement en l'année 1810, rendoient désormais impossible tout rapprochement avec le saint Siége. Le Pape refusa toutes les bulles d'institution qui lui furent demandées; on ne consentit à les faire expédier que sous la condition expresse qu'il ne seroit pas fait mention de la nomination des nouveaux prélats par le chef du gouvernement, et qu'elles seroient spécifiées de propre mouvement, proprio motu. Des négociations entamées en 1811 demeurèrent sans effet. Le Pape continua de ne vouloir plus reconnoître les dispositions de la convention de 1801. Le 13 février 1813, un prétendu Concordat, signé à Fontainebleau, fut inséré au Bulletin des Lois, et publié comme loi de l'Etat dans une forme insolite. Le Pape protesta contre cette promulgation, et ne cessa de se regarder comme délié

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de tous les engagemens qu'il avoit contractés envers le gouvernement alors existant.

Tel étoit l'état des choses, lorsque le Roi est remonté sur le trône de ses ancêtres. Toutes relations entre la France ét le chef de l'Eglise étoient suspendues; de là la succession des évêques interrompue, les églises sans pasteurs, le sacerdoce divisé, les citoyens privés du bien fait de l'instruction religieuse. Les maux qui affligeoient l'Eglise menaçoient l'Etat. Pour prévenir les uns et faire cesser les autres, le Roi a entamé des négociations avec la cour de Rome. Ouvertes des 1815, elles n'ont pu être terminées que dans ces derniers temps. La convention conclue, le 11 juin dernier, entre le saint Siége et le Roi, et que le ministre des affaires étrangères dépose sur le bureau, a été le résultat de ces longues. négociations; elle renouvelle la filiale alliance qui a existé de tous les temps entre le souverain Pontife et la France.

Aux termes de l'article 14 de la Charte, le Roi fait les traités de paix, d'alliance et de commerce : que l'on considere le Pape ou comme souverain temporel, ou en sa qualité de chef de l'Eglise universelle, un concordat a tous les caractères d'un traité proprement dit; c'est un pacte formé entre deux puissances, en vue du bien public. Cependant, si le Concordat qui vous est communiqué est un traité de paix et d'alliance religieuses, qu'il appartient au Roi de conclure, il présente aussi des caractères qui lui sont propres, et qui le séparent des traités ordinaires. Il n'a pas seulement pour objet de régler les relations de l'Etat avec uu Etat voisin, mais il est encore une partie de l'économie intérieure d'une église nationale. Si, d'après la discipline générale de l'Eglise, cette économie intérieure ne peut être réglée qu'avec le concours du Pape, d'après notre droit public, de nouvelles règles ont besoin d'être converties en loi. C'est pour cela qu'il est devenu nécessaire de rédiger le projet de loi que nous avons l'honneur de vous présenter. Il a été conçu dans le double objet de donner force de loi aux dispositions de cette convention diplomatique, qui ne peuvent devenir obligatoires pour les citoyens, et prendre place parmi les monumens de droit public du royaume, qu'avec le concours des trois branches du pouvoir législatif, en les accompagnant de disposi tions explicites et solennelles, qui mettent à couvert tous les droits et toutes les libertés assurées par nos lois et nos maximes

nationales. Certains articles de la convention présentent l'expression religieuse du désir de S. M. de voir régner dans ses Etats, et s'affermir dans les cœurs l'empire de la religion. La nature de ses vœux est clairement indiquée par les termes du projet de loi que nous allons vous soumettre. Le Ro! trèschrétien, qui les a formés, est toujours le Roi législateur qui Dous a donné la Charte sa boussole est la nôtre.

L'institution canonique des évêques étoit le point essentiel sur lequel il convenoit de s'entendre avec le saint Siége, car il y avoit en France un grand nombre d'évêchés vacans, et d'églises en souffrances. Le droit d'intervenir dans la nomination des évêques, est un droit que le Roi tient de sa couronne, de sa qualité de chef suprême de l'Etat. Ce droit dérive de l'intérêt qu'a toute société de veiller à sa propre conservation, et de s'assurer que des fonctions aussi importantes que celles de l'épiscopat, ne seront point commises à des étrangers ou à des ennemis de sa constitution. D'un autre côté, le Pape tient de la discipline générale de l'Eglise catholique et romaine consacrée en France par les ordonnances du royaume, le droit d'investir les évêques nommés. Mais ces deux droits devant s'exercer de concert, il est devenu necessaire que les deux puissances s'entendissent pour s'assurer l'exercice de leurs prérogatives mutuelles. Aussi la disposition relative aux nominations royales et aux institutions canoni ques, devint-elle la condition radicale et la base des Concordats de Bologne et de Paris. Durant le cours de la dernière négociation, les regards se portoient naturellement vers ce qui avoit été convenu au suiet de ces nominations et de ces institutions, entre François 1er. et Léon X, dans un traité confirmé par une exécution de près de trois siècles; ils s'y portoient surtout, lorsqu'on faisoit attention que l'exécution d'une convention plus récente venoit d'être refusée par le Pape, durant plusieurs années. Il étoit dans l'ordre qu'ayant le choix entre deux dispositions qui, au fond, étoient les mêmes, on se décidât à faire revivre de préférence celles qui étoient l'ous vrage d'un des augustes prédécesseurs du Roi.

La nomination aux évêchés étoit, en 1789, le seul point conservé du Concordat de François 1er. et de Léon X. Les décisions du clergé de France, les arrêts des cours souveraines avoient établi une doctrine fixe; et nos publicistes ne parloient du Concordat de François Ier. et de Léon X que comme d'un

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acte solennel qui avoit invariablement reconnu le droit du monarque de nommer aux siéges vacans. Personne n'aura peine à reconnoître que, sous ce rapport, il est manifeste qu'il ne peut être invoqué que selon les traditions françoises, et en ce qu'il a de compatible avec l'ordre de choses actuel. Les bénéfices et les ordres religieux n'existent plus; et s'il y des gradués en France, ils n'ont rien de commun avec ceux dont cet ancien Concordat s'est occupé. Ainsi, la loi qui vous est proposée ne parle que de la nomination aux évêchés et archevêchés, et des dispositions qui s'y rapportent. La convention nouvelle a reconnu ce droit du Roi de France, tel qu'il étoit reconnu dans le Concordat de François Ier. Elle fait disparoître la convention du 5 juillet 1801, les deux traités ne pouvant subsister en même temps.

Toutefois, le Concordat de 1817, comme celui de Bologne, a trouvé l'église de France constituée. Il ne s'agit plus, comme en 1801, de la faire sortir des ruines sous lesquelles elle étoit ensevelie; il n'est question que de consommer la restauration. Aussi cette dernière convention ne porte pas le caractère d'une création nouvelle; elle prend les établissemens ecclésiastiques tels qu'elle les trouve; elle en complète le nombre; elle élève deux des églises cathédrales existantes à la dignité de métropoles; elle a pour base l'état actuel des choses; elle confirme tous les effets, toutes les conséquences de la convention antécédente. Mais l'article 13 de cette convention contenoit une disposition. qui étoit d'une grande importance pour la tranquillité publique. Le Pape y déclaroit que ni lui ni ses successeurs ne troubleroient en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés, et qu'en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les fruits et revenus y attachés, demeureroient incommutables entre les mains des acquéreurs, on celles de leurs ayant-cause. Cette disposition ne pouvoit retrouver place dans le nouveau Concordat, parce qu'elle n'avoit été que l'exercice d'un droit désormais épuisé, et parce qu'il n'étoit pas convenable de reproduire dans un traité des garanties que la France ne tient pas d'une puissance étrangère. Aussi le souverain Pontife s'est-il borné à faire une nouvelle déclaration contenue dans un acte récent, authenthique et solennel, qui a déjà reçu dans le monde catholique la plus grande publicité, et qui est en ce moment soumis à votre vérification. Cependant, pour aller au-devant de toutes les craintes, le Roi,

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