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était juste de leur assurer la jouissance exclusive de leurs inventions.

Un règlement fut adopté en 1744 : en renouvellant et confirmant les anciennes mesures de police, il en contient une nouvelle relative à la propriété des dessins, qui est ainsi conçue :

a Défenses sont faites à tous dessinateurs et autres personnes, telles qu'elles soient, de lever et copier directement ou indirectement, aucun dessin des étoffes tant vieilles que neuves, ni sur les cartes des dessins desdites étoffes, à peine de mille livres d'amende contre le dessinateur qui aurait levé ou copié lesdits dessins, ou de pareille amende contre celui qui les aurait fait lever ou copier, et en outre de la confiscation des étoffes sur les dessins levés ou copiés. >>

Ainsi, dès cette époque, le droit de propriété d'un inventeur de dessins fut reconnu et garanti par la pénalité prononcée contre ceux qui se permettaient de lever ou copier les dessins anciens ou nou

veaux.

Instruites des bons effets de cette disposition appliquée à la fabrique lyonnaise, d'autres fabriques du royaume, notamment celles de Saint-Etienne et Saint-Chamond, demandèrent qu'elle fût déclarée générale. Leurs représentations ne furent pas d'abord entendues; enfin, un arrêt du conseil du roi, en date du 14 juillet 1787, vint leur donner une entière satisfaction.

Cet arrêt reconnaît que la supériorité acquise par les manufactures de soieries du royaume est principalement due à l'invention, à la correction et au bon goût de ses dessins; que l'émulation qui anime les fabricans et dessinateurs s'anéantirait, s'ils n'étaient assurés de recueillir les fruits de leurs travaux; que cette certitude, d'accord avec les droits de propriété, a maintenu jusqu'alors ce genre de fabrication et lui a mérité la préférence dans les pays étrangers. Par ces motifs, le privilége spécial à la ville de Lyon consacré par les règlemens de 1737 et 1744 est désormais rendu applicable à toutes les manufactures de soieries du royaume.

Ce règlement nouveau donne aux inventeurs de dessins les moyens de faire constater à l'avenir leurs droits de propriété ou d'invention d'une manière sûre et invariable, afin d'exciter de plus en plus les talens, par une jouissance exclusive proportionnée dans sa durée aux frais et au mérite de l'invention. Mais il ne dispose que pour les étoffes de soie, soie et dorures, ou mélanges de soie. La durée du privilége est fixée à quinze années pour les étoffes destinées aux ameublemens et ornemens d'église, et à six années pour les étoffes brochées et façonnées servant à l'habillement ou à d'autres usages.

Les art. 5, 6, 7 et 8 déterminent les formalités à suivre pour assurer et garantir à tout fabricant la jouissance exclusive du dessin dont il a la propriété.

L'art. 5 dispose que les fabricans qui auront in

venté ou fait faire un dessin, seront tenus, pour s'en conserver l'exécution, d'en déposer l'esquisse originale, ou l'échantillon, au bureau de leur communauté. Ainsi, une première condition à remplir est celle du dépôt préalable du dessin inventé. Celui qui n'a pas fait ce dépôt est déchu de son droit et ne peut poursuivre les contrefacteurs.

La révolution vint interrompre l'observation de ce règlement de police manufacturière.

Cependant la pensée qui y avait présidé n'était point abandonnée. Tous les esprits justes reconnaissaient la nécessité de garantir le droit de propriété dans l'industrie, comme dans les autres branches de la fortune publique.

L'assemblée nationale, en portant, le 7 janvier1791, une loi pour assurer aux inventeurs la propriété de leurs découvertes, proclama ce grand principe d'équité, que toute idée nouvelle dont la manifestation ou le développement peut devenir utile à la société, appartient primitivement à celui qui l'a conçue, et que ce serait attaquer les droits de l'homme dans leur essence, que de ne pas regarder une découverte industrielle comme la propriété de son auteur; en conséquence, elle décréta que toute découverte ou nouvelle invention dans tous les genres d'industrie est la propriété de son auteur, et que la loi lui en garantit la pleine et entière jouis

sance.

Malgré la généralité de ses termes, cette loi ne

fut pas appliquée à l'invention des dessins de fabri

que.

Des abus nombreux s'étaient glissés dans les manufactures, fabriques et ateliers. Une première loi, du 22 germinal an XI (12 avril 1803), chercha à y porter remède.

Le titre 1e donne au gouvernement la faculté d'établir dans les lieux où il les jugera convenables, des chambres consultatives des manufactures, fabriques, arts et métiers. Leurs fonctions sont de faire connaître leurs besoins et les moyens d'amélioration.

Le titre 2 prononce des peines contre les coalitions de fabricans ou d'ouvriers pour suspendre les travaux, faire hausser ou baisser les salaires.

Le titre 3 renferme quelques dispositions réglementaires sur les apprentissages.

Par le titre 4, des peines sont prononcées contre ceux qui se livrent à la contrefaçon des marques particulières que tout artisan a le droit d'appliquer sur les objets de sa fabrication; mais l'action en contrefaçon doit être précédée du dépôt de la marque au greffe du tribunal de commerce.

Le titre 5 relatif à la juridiction attribuée aux maires dans les affaires de simple police entre les ouvriers et apprentis, les manufacturiers, fabricans et artisans, a été modifié par les lois postérieures.

Cette loi était insuffisante pour faire cesser les contrefaçons, infidélités et abus qui portaient at

teinte à la prospérité des fabriques. La chambre de commerce de Lyon sollicita vivement des mesures répressives. Ce fut à la suite de ses représentations que le gouvernement proposa, et que le corps legislatif adopta la loi du 18 mars 1806, portant établissement d'un conseil de prud'hommes à Lyon. Le titre 3 traite de la conservation de la propriété des dessins.

Le conseil des prud'hommes est chargé des mesures conservatoires de la propriété des dessins. (art. 14.)

Le fabricant qui veut pouvoir revendiquer par la suite, devant le tribunal de commerce, la propriété d'un dessin de son invention, est tenu d'en déposer aux archives du conseil des prud'hommes, un échantillon plié sous enveloppe. (art. 15.)

En déposant son échantillon, le fabricant déclare s'il entend se réserver la propriété exclusive pendant un, trois ou cinq ans, ou à perpétuité. (art. 18.)

Le titre 3 renferme diverses dispositions sur les rapports des chefs d'ateliers et des fabricans.

D'après les derniers articles de la loi, le gouvernement est autorisé à établir des conseils de prud'hommes dans les villes de fabrique où il le jugera convenable.

C'est en vertu de cette faculté que des conseils de prud'hommes ont été successivement établis à StEtienne, Saint-Chamond, Rouen, Saint-Quentin,

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