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spontanément, ou que le travail de l'homme les arrache à la terre, comme le blé, le raisin, etc. Du reste, industriels ou naturels, les fruits dont nous parlons sont toujours soumis aux mêmes règles (583).

Les autres sont civils. Ils ne se détachent pas de la chose même, ils naissent plutôt à son occasion: ainsi les loyers des maisons, les fermages des terres, les intérêts des sommes prêtées, les arrérages des rentes (584).

Le droit de disposer consiste à retirer de la chose une utilité totale ou partielle qui ne puisse plus être retirée une seconde fois par le disposant or, cette utilité non renouvenable peut être naturelle ou sociale.

Naturelle, c'est la consommation manger une pêche, tuer un bœuf, démolir une maison.

Sociale, c'est l'aliénation: donner, vendre, échanger, par exemple. Disposer, c'est donc consommer ou aliéner. Aliéner se dira à proprement parler de la translation de la propriété à autrui; mais en réalité, celui qui confère un droit réel sur sa chose l'aliène en partie, il fait un acte de disposition, il ne peut plus en concéder un autre qui lui soit contraire. D'où nous conclurons qu'en principe, celui-là seul peut concéder un droit réel sur une chose qui serait capable de l'aliéner (2124).

Ces notions nous permettent de bien comprendre les droits réels. suivants :

2o L'usufruit.

C'est la faculté pour une personne, l'usufruitier, de retirer pendant sa vie l'usage et les fruits d'une chose appartenant à autrui. Les rédacteurs du Code civil appellent jouissance l'ensemble de ces deux utilités, que l'étymologie évidente du mot usufruit démontre être l'objet de ce droit (578).

Le Code civil règle avec soin l'étendue des droits de l'usufruitier (582 à 600).

3° L'usage.

C'est encore le droit pour un individu, appelé l'usager, de retirer, également à titre viager, d'une chose appartenant à autrui, la jouissance dans la mesure de ses besoins et de ceux sa famille (630).

On pourrait croire, et il en était ainsi dans le droit romain, que l'usager n'a droit qu'à l'usage; le législateur français en a modifié la notion, il a fait du droit réel d'usage un usufruit restreint.

Du reste, rien n'empêche, par une convention expresse, de constituer un droit d'usage proprement dit sur une chose: ainsi le droit de

chasse vendu sur une terre peut très-bien être vendu comme un droit réel viager.

4° L'habitation.

C'est un droit viager aussi, analogue à l'usage, mais appliqué à la jouissance d'une maison.

Ces deux droits réels, l'usage et l'habitation, sont variables dans leur étendue, puisque la somme des utilités que peut prendre l'ayant droit se mesure sur ses besoins et ceux de sa famille; aussi un droit d'usage ou d'habitation est-il incessible, il ne peut être exercé que par celui qui l'a reçu.

Les trois droits réels qui précèdent sont essentiellement viagers; sans doute ils peuvent être éteints par d'autres causes que la mort du bénéficiaire ainsi on peut constituer un usufruit pour dix ans, pour vingt ans, etc.; mais le droit reste visager en ce sens que, si l'usufruitier meurt avant ce délai, au bout d'un an, d'un mois, le droit s'éteint.

La condition ordinaire d'une chose, d'un fonds, est de donner son utilité à son propriétaire; quand cela a lieu, on dit que le fonds est libre: il est donc serf ou esclave, en quelque sorte, quand une partie de son utilité est donnée à un autre qu'à son propriétaire de là le nom de servitude donné aux trois droits réels dont nous venons de parler, et à d'autres droits réels analogues dont nous parlerons plus loin sous le nom de services fonciers.

Comme les droits réels d'usufruit, d'usage et d'habitation sont essentiellement attachés à la personne du sujet actif et meurent avec lui, les auteurs les appellent servitudes personnelles: mais le rédacteur du Code a proscrit ce langage; il a craint que l'expression de servitudes personnelles ne rappelât certaines corvées, certains droits humiliants du moyen âge.

5o La nue propriété.

Voilà un nouveau droit réel, conséquence de la création d'un usufruit, d'un usage ou d'un droit d'habitation. La naissance de ces droits. laisse entre les mains du propriétaire une propriété dépouillée pour lui de ses principaux avantages: on l'appelle nue propriété.

C'est encore un droit réel important.

Il contient pour le nu propriétaire la certitude d'un recouvrement plus ou moins prochain de la pleine propriété. En effet, la constitution des servitudes personnelles amène des conflits entre les différents ayants droit sur la chose; ceux qui n'ont qu'un droit temporaire cultivent mal ou négligent les améliorations dont le bénéfice doit être. éloigné la société y perd de toute manière, elle est troublée par des procès ; la production économique est entravée. Le législateur a donc

multiplié les causes d'extinction de l'usufruit et des droits dont nous parlons, il les a surtout déclarés essentiellement viagers. Le nu propriétaire reste intéressé à l'amélioration de la chose; il pourra aider par des avances l'usufruitier à faire des sortes de travaux plus utiles pour l'avenir que pour le présent.

Ajoutons que pendant la durée de l'usufruit, il a droit aux produits qui ne rentrent pas dans la classe des fruits : les extraits des carrières ouvertes pendant l'usufruit, les arbres coupés dans des forêts qui n'étaient pas en coupe réglée lors de la constitution de l'usufruit, la moitié du trésor trouvé attribuée au propriétaire, etc. (591, 598, 716).

6o La servitude ou service foncier.

Le mot servitude, nous l'avons dit, n'est plus appliqué par le législateur français aux droits réels d'usufruit, d'usage et d'habitation: il le réserve pour désigner le droit que nous allons examiner, que les anciens auteurs appellent servitude réelle, pour la distinguer de la servitude personnelle, et que lui appelle simplement servitude ou

service foncier.

La servitude est le droit qu'a le propriétaire d'un fonds, appelé dominant, de retirer une partie de l'utilité d'un fonds, appelé servant, appartenant à un autre propriétaire, en tant que cette utilité rendra plus facile, plus commode ou plus agréable l'exploitation du fonds dominant (637, 686).

Il est utile pour le service d'une maison, d'une ferme, d'un jardin, de pouvoir traverser un terrain qui sépare ces immeubles d'un chemin public: le propriétaire de l'immeuble, maison, ferme ou jardin, pourra obtenir du propriétaire du terrain une servitude de passage. Des fenêtres d'une habitation on a une vue magnifique sur une vallée voisine; mais il pourrait prendre fantaisie au propriétaire d'une terre qui sépare l'habitation de la vallée d'intercepter la vue par des plantations ou des constructions: l'établissement d'une servitude de ne pas bâtir et de ne pas planter, achetée au voisin par le propriétaire de l'habitation, augmentera les agréments de son fonds.

Il ne faut pas croire que les servitudes sont indéfiniment variées et très-nombreuses en fait, il n'y a pas une quantité illimitée d'utilités qui, prises au détriment du propriétaire du fonds servant, augmentent intrinsèquement l'utilité, la commodité ou l'agrément du fonds do

minant.

Il faut qu'il y ait utilité pour le fonds dominant, indépendamment de la profession ou des goûts de son propriétaire. Voici le propriétaire d'une maison; il est voisin d'un terrain contigu qui contient cette argile dont on fait des poteries pourra-t-il acheter de ce propriétaire comme droit perpétuel, réel, comme servitude, en un mot,

la faculté de retirer de son fonds autant d'argile qu'il en faut pour son industrie de potier? Non. Le propriétaire d'un fonds pourrait-il, comme servitude, acheter de son voisin le droit de chasser sur ses terres? Non encore, en principe. Le droit de retirer de la terre à poterie, de chasser, n'augmente pas intrinsèquement la facilité d'exploiter le fonds prétendu dominant: c'est commode ou agréable pour le propriétaire, sans doute, parce que accidentellement il est potier ou chasseur, mais voilà tout.

. Rien n'empêche le chasseur.... et pour cela il n'a pas besoin d'être propriétaire d'un fonds, rien n'empêche un chasseur d'acheter, comme droit réel d'usage restreint, par conséquent viagèrement, le droit de chasse sur des terres, de le louer pour un certain nombre d'années, comme on loue une maison; mais ce ne sera pas un droit perpétuel.

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Remarquons-le bien, en effet, le service foncier est un droit réel perpétuel il est foncier, attaché à deux fonds; qualité positive de l'un, qualité négative de l'autre, il dure autant qu'eux, et, comme en général les fonds ou immeubles ne périssent pas, ces servitudes ont la perpétuité de leur durée.

On distingue plusieurs espèces de servitudes:

1o Les servitudes apparentes et les servitudes non apparentes.

Les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc: ainsi la servitude de vue, celle de passages quand il y a un chemin tracé (689).

Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence par exemple, le plus souvent la servitude de passage, celle de ne pas bâtir sur un fonds ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée.

2o Les servitudes sont encore continues ou discontinues.

Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel, sans avoir besoin du fait actuel de l'homme tels sont les conduits d'eau, les égouts, les vues (688).

Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables.

L'intérêt qu'il y a à faire ces distinctions est considérable, soit au point de vue de l'acquisition, soit au point de vue de l'extinction des servitudes (690 à 694, 707).

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Jusqu'à présent nous avons vu des droits réels constitués par la séparation d'une fraction de l'utilité totale d'une chose; or cette uti

lité est l'objet du droit de propriété. La copropriété est le droit réel appartenant à chacune des personnes qui ont un droit égal à la propriété d'une chose.

Pierre meurt, laissant entre autres biens une maison, une prairie et trois fils héritiers; ils sont copropriétaires de la maison, de la prairie. Le bien est indivis, c'est-à-dire impartagé entre eux.

La propriété pleine appartient à tous les cohéritiers ou copropriétaires donc aucun d'eux n'a le droit total de propriétaire, puisque le droit de chacun est limité par le droit égal des autres.

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C'est ce droit qui constitue le droit réel de copropriété, caractérisé par la faculté imprescriptible qu'a l'ayant droit de demander le partage.

On appelle partage tout acte qui, dans l'intention des parties, doit faire cesser et fait, en effet, cesser l'indivision. La prairie est divisée en trois portions et chacun des lots est attribué à chacun des héritiers: il y a partage. L'un d'eux achète la maison et paie un tiers du prix à chacun de ses cohéritiers: il y a encore partage.

Le partage est amiable ou 'judiciaire.

Il est amiable, quand tous les héritiers sont capables et présents: alors ils font le partage dans les formes et suivant les règles qu'il plaît aux intéressés d'adopter (819).

Il est judiciaire, quand un ou plusieurs des copropriétaires est mineur, interdit, incapable enfin ou absent. Il en est de même si les parties capables ne s'entendent pas pour faire un partage amiable. Le législateur alors a dû prendre de nombreuses précautions pour assurer l'égalité entre les copropriétaires, pour protéger les absents et les incapables. De là des longueurs, des formalités minutieuses, et par conséquent beaucoup de frais. Des praticiens sérieux prétendent qu'on pourrait simplifier les procédures en protégeant aussi efficacement les faibles: mais tant qu'on ne le fera pas, les hommes de loi sont bien obligés de se faire payer le temps et les soins qu'ils consacrent à ces partages (815 à 892 C., 966 à 985 Pr.).

L'indivision que suppose le droit de copropriété est un état contraire à la bonne gestion et à l'amélioration des biens, car l'homme travaille peu pour la chose commune: la propriété individuelle, en lui donnant un intérêt exclusif, est le meilleur excitant du travail. L'indivision est de plus une source de discussions, de procès. De là une règle fondamentale du droit français: Nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision, tout copropriétaire a le droit de demander le partage (815).

Néanmoins les copropriétaires peuvent convenir de rester dans l'indivision pendant un délai qui n'excédera pas cinq ans. Il peut, en effet, être possible que le partage, pour une raison ou pour une

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