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municipal de chaque commune: les conseils municipaux composés de dix membres ne nomment qu'un délégué, ceux qui ont douze membres en nomment deux et le nombre va en croissant mais sans dépasser vingt-quatre délégués que nomment les conseils composés de trentesix membres. Cependant le Conseil municipal de Paris nomme trente délégués.

Les sénateurs sont élus pour neuf ans, mais ils sont renouvelables par tiers tous les trois ans. Tous les trois ans, une série des départements procède au renouvellement de ses sénateurs. L'élection se fait au scrutin de liste; elle a lieu au chef-lieu de département.

Nul ne peut être sénateur s'il n'est Français, âgé de quarante ans au moins, et s'il ne jouit de ses droits politiques.

La Chambre des députés est composée d'un nombre de députés qui dépend du chiffre de la population, il croît avec lui: il est d'environ 580, à raison d'un député par 75,000 habitants français.

Dans chaque département l'éelction a lieu au scrutin de liste, par le suffrage universel direct.

L'Algérie et les colonies sont représentées par un certain nombre de sénateurs et de députés.

Telle est la composition des deux Chambres. Quelles sont leurs attributions?

Il faut distinguer suivant que les deux Chambres agissent séparément ou suivant qu'elles agissent ensemble en formant une Assemblée unique.

1o Elles agissent séparément : alors elles ont des attributions communes et des attributions différentes.

Leurs attributions communes se rapportent à la confection des lois ordinaires. Chacune des deux Chambres a l'initiative et la confection des lois. Cependant, les lois de finances doivent être, en premier lieu, présentées à la Chambre des députés et votés par elle.

Ainsi le pouvoir législatif réside tout entier dans les Chambres. Le Président de la république n'en exerce aucune portion; il a seulement l'iniative des lois concurremment avec les deux Chambres; elles doivent délibérer toutes deux sur les projets qu'il leur soumet, sans qu'il soit obligé, sauf par les lois de finances, de soumettre en premier lieu le projet à l'une plutôt qu'à l'autre des deux Chambres.

Voyons les attributions différentes. La Chambre des députés n'a guère de prérogative spéciale que celle concernant les lois de finances. Le Sénat, au contraire, a des attributions que n'a pas l'autre Chambre. Il peut être constitué en cours de justice pour juger, soit le Président de la république, soit les ministres, et pour connaître des altentats commis contre la sûreté de l'État.

Le plus important de ses droits est relatif à la dissolution de la Chambre des députés : le Président de la république peut proclamer cette dissolution avant l'expiration légale du mandat de la Chambre, mais il faut qu'il ait l'avis conforme du Sénat. Dans le délai de deux mois, les électeurs sont convoqués pour de nouvelles élections, et la Chambre nouvelle est réunie dans les dix jours qui suit la clôture des opérations électorales.

20 Les deux Chambres ont des attributions qu'elles ne peuvent exercer qu'ensemble: elles forment alors une Assemblée unique qui prend le nom d'Assemblée nationale ou de Congrès. Ses attributions sont au nombre de deux.

L'Assemblée nationale, composée des députés et des sénateurs réunis, nomme le Président de la république à la majorité des suffrages pour sept ans. S'il y a vacance de la présidence par décès ou par tout autre cause, l'Assemblée nationale procède immédiatement à l'élection d'un nouveau président.

La seconde attribution de l'Assemblée nationale, non moins importante, est la révision des lois constitutionnelles.

La procédure de cette grave mesure est la suivante :

Les Chambres, par délibérations séparées, prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la république, déclarent qu'il y a lieu à la révision.

Quand chacune d'elles a voté cette résolution elles se réunissent en Assemblée nationale pour procéder à la révision.

Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, doivent être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale.

On remarquera que l'élection des députés par le suffrage universel direct est de droit constitutionnel, mais la loi électorale de la Chambre, comme celle du Sénat, depuis 1884, sont des lois ordinaires. En sorte que par une loi ordinaire, il ne pourrait pas être décidé que la Chambre des députés ne serait plus élue par le suffrage universel direct, tandis qu'il pourrait être au contraire voté par une loi de cette nature que le Sénat serait nommé par le suffrage universel direct.

Par quels motifs justifie-t-on la dualité des Chambres ?

Les lois sont vraisemblablement mieux faites chacune des Chambres, sachant que l'autre est appelée à délibérer sur les dispositions qu'elle vote, les discute avec plus de soin et d'attention. Une Assemblée unique, sans doute, délibère trois fois avant de voter définitivement; mais on sait qu'au moyen d'une déclaration d'urgence, elle se débarrasse facilement de ces entraves d'une triple délibération, et fait ainsi par entraînement des lois souvent regrettées,

Une Chambre unique, l'histoire le démontre, entre en conflit avec le chef du gouvernement, elle l'absorbe ou est anéantie par lui. L'Assemblée devient omnipotente, ou c'est le président qui, par un coup d'Etat lui ravit à son profit le despotisme qu'elle veut exercer.

Une seconde Chambre rend plus difficile ce conflit. Dans la pensée des constituants, le pouvoir exécutif, armé du droit de dissolution, peut en appeler au souverain définif: le peuple des électeurs; mais pour qu'il n'abuse pas de ce droit, il lui faut pour l'exercer l'assentiment du Sénat.

Le Sénat n'a l'autorité nécessaire à l'exercice de ce grand rôle que lui donne la constitution qu'à la condition d'être indépendant du pouvoir exécutif, et d'avoir une origine qui le rende suffisamment populaire ou respecté.

Depuis 80 ans, sauf l'essai insuffisant de la constitution directoriale. il n'y a guère eu en France qu'une Chambre unique, celle des élus. L'autre, quand elle a existé, Chambre des pairs ou Sénat conservateur n'a été qu'une apparence au point de vue qui nous occupe elle n'a jamais exercé d'influence sérieuse quand le pouvoir exécutif est entré en conflit avec l'autre Chambre; elle n'a servi, par son impuissance démontrée, qu'à entretenir chez beaucoup la croyance en l'unité de l'Assemblée comme en un dogme. A voir la seconde Chambre si inutile, on s'est dit: A quoi bon la constituer?

Pour être autre chose qu'un fantôme, pour avoir une autorité efficace, respectée et populaire, il fallait que le Sénat ne reçût pas son mandat du pouvoir exécutif. Nommé directement par le suffrage universel, il y aurait eu, par l'identité d'origine, une similitude avec la Chambre suivant une règle suivie presqu'universellement en Amérique comme en Europe on a voulu lui donner une autre origine: pour cela on a cru qu'il suffisait de le faire nommer par un corps électoral issu lui-même du suffrage universel.

En tout cas, ce Sénat, parfaitement indépendant par son origine, est appelé à un grand rôle. L'esprit de conservation, la suite dans les desseins, le respect des traditions, la résistance aux entraînements, doivent avoir en lui leur organe obéi et compris. Il est destiné en cela à remplacer la royauté et l'hérédité qui auraient, dit-on, seules jusqu'à présent donné ces garanties.

La durée prolongée du mandat des sénateurs, leur nomination par des électeurs plus propres à résister aux passions des foules, la périodicité triennale de son renouvellement partiel, font espérer qu'en obtiendra les résultats attendus de ce grand corps; il ne meurt jamais tout en entier, il assiste et modère, toujours le même, mais vivifié de temps à autre par un sang nouveau, une Chambre des députés plus mobile et plus progressive.

Telle est l'organisation du pouvoir législatif.

Dans cette constitution, le président de la République a conservé l'attribution que le chef du gouvernement a eue d'ailleurs sous toutes les constitutions : le droit et le devoir de promulguer la loi.

La promulgation est un acte assez complexe, par lequel le pouvoir exécutif:

1° Atteste au peuple l'existence de la loi;

2. Ordonne qu'elle soit exécutée;

3° Commande de la publier.

Cet acte est évidemment accompli par le chef du gouvernement dans le secret du cabinet; il résulte de l'apposition de sa signature sur une copie officielle de la loi. Le Journal officiel reproduit le texte de la loi avec la mention : « L'Assemblée nationale a adopté la loi dont la teneur suit. » Puis après le texte de la loi, on lit : « Le Président de la république promulgue la présente loi. »

Mais les citoyens ignoreraient à quelle époque est intervenu un pareil acte, et par conséquent quel est le point de départ à partir duquel la loi est obligatoire; le législateur a donc fait résulter la promulgation d'un fait que chacun peut facilement connnaître l'insertion du texte de la loi dans le Journal officiel.

A partir de cette insertion la loi est promulguée; elle est réputée publiée, et par conséquent réputée connue dans chaque arrondissement un jour après celui où le Journal officiel est arrivé au chef-lieu de l'arrondissement. (Déc. du 5-11 nov. 1870.)

Du reste, cette règle n'empêche pas des modes de publication plus matériels, par exemple l'affichage de la loi, dont le pouvoir exécutif peut et quelquefois doit charger ses agents.

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Organisation du pouvoir judiciaire.

Deux principes dominent cette organisation.

Le bon sens pratique indique le premier : nous devons trouver un juge toutes les fois que notre intérêt est lésé par la violation d'une loi quelconque. La loi dont nous ne pouvons obtenir l'exécution volontaire. ou forcée est une lettre morte, ce qu'il y a de pire dans une société, car de semblables règles habituent les esprits au mépris de la justice impuissante.

Le second principe est que l'organisation du pouvoir judiciaire doit

être combinée de manière à donner aux justiciables des juges impartiaux, instruits, indépendants........... indépendants vis-à-vis des plaideurs, indépendants surtout quand l'un des plaideurs, l'une des parties, est le pouvoir exécutif, appelé ici l'administration.

Voyons comment l'institution du pouvoir judiciaire en France donne satisfaction à ce double principe.

On peut ranger en trois classes les lois principales dont les citoyens ou la société ont intérêt à exiger l'exécution elles sont constitutionnelles, administratives ou de droit commun.

1o Les lois constitutionnelles.

Si une constitution par exemple proclame les règles suivantes : « La confiscation ne pourra jamais être rétablie, ou la presse ne pourra, en aucun cas, ètre soumise à des mesures préventives, » lorsque plus tard une Assemblée ou un Corps législatif quelconque s'avise par une loi d'ordonner la confiscation des biens d'un condamné ou d'exiger que l'éditeur d'un journal, l'écrivain qui a fait un livre, obtiennent pour le faire paraitre l'autorisation du pouvoir exécutif, de semblables lois seraient contraires à la constitution. Evidemment, en cas de conflit, le juge devrait appliquer la constitution. Si donc, en exécution de la loi, on confisque mes biens ou si on saisit le livre que j'ai fait paraître sans autorisation, il faut que je trouve un juge qui me protège, me fasse rendre mes biens et mon livre par les autorités qui les ont saisis conformément à la loi et contrairement à la constitution.

La loi est nulle, puisque le pouvoir législatif n'avait pas le droit de la faire la constitution en effet est la loi suprême qui non seulement règle les organes du pouvoir social, mais qui encore leur fixe un champ d'action limité qu'ils ne peuvent franchir.

En fait, jamais en France un pouvoir législatif n'a été arrêté par ces barrières constitutionnelles l'opinion s'est habituée à le regarder comme omnipotent, et aucun citoyen prétendant qu'il y avait conflit entre la constitution et une loi n'a trouvé de juge qui osât ou qui pût faire triompher la constitution.

L'absence de pouvoir judiciaire spécial pour faire appliquer la constitution et ne pas tenir compte de la loi contraire votée par le pouvoir législatif est aujourd'hui une lacune plus théorique que pratique. Nos lois constitutionnelles actuelles ne proclament plus comme les constitutions ou les Chartes anciennes de principes régulateurs: la presse est libre, l'enseignement est libre, la confiscation abolie. De sorte qu'il ne peut plus y avoir de conflit entre le pouvoir législatif ordinaire et le pouvoir constitutionnel: quant à l'usurpation du pouvoir constitutionnel par une seule des deux Chambres, elle constituerait un coup d'état on plutôt une révolution.

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