Page images
PDF
EPUB

mariage anéanti, sa femme libre de se remarier, la propriété de ses biens passer à ses héritiers, parce que sa succession s'ouvrait lui vivant..... La mort civile, si contraire aux progrès de la civilisation, fut donc abolie en 1854, bien tard par conséquent, mais enfin elle l'est.

Il n'y a plus, en fait d'incapacité de jouir, que des incapacités spéciales, limitées soigneusement par le législateur à certains droits : ainsi un individu perdra le droit de tester, le droit d'être électeur, juré, tuteur, de pratiquer telle ou telle profession agent de change, professeur, etc.

Mais, s'il n'y a plus d'incapacités générales de jouissance, il y a des incapacités générales d'exercice le mineur, la femme mariée, l'interdit, sont les principaux exemples d'incapables de cette catégorie.

Il faut encore ajouter une observation d'une grande importance. Quand la loi prononce contre une personne l'incapacité d'exercer des droits, elle n'entend pas priver cette personne des utilités et des bénéfices que confèrent ces droits les actes d'exercice sont faits au profit de l'incapable par le protecteur que lui donne le législateur : le tuteur, par exemple, en accomplissant les conditions légales, vendra, aliénera, administrera au nom du mineur incapable; ou l'incapable lui-même, la femme, fera l'acte avec l'autorisation de son mari (450, 217).

Mais il est clair que, si le droit ne peut être exercé que par la personne, et non par un représentant en son nom, comme le droit de se marier, le droit de tester, le droit de voter, déclarer une personne incapable de l'exercer, c'est la priver en réalité de la jouissance du droit.

Ces notions sont à retenir. Il arrive quelquefois que le législateur emploie par erreur les mots d'incapacité de jouir, quand il ne veut parler que de l'incapacité d'exercice, ou réciproquement : il faut donc bien rechercher son intention (7 et 8 C. 42 P.).

Les faits que nous allons examiner en étudiant les divisions des personnes ont précisément pour résultat de changer la capacité des personnes si théoriquement on a soutenu que les hommes sont égaux, en ce sens qu'ils ont, au moins en germe, la même aptitude à acquérir les droits, on va voir combien en fait ils deviennent inégaux par la manière dont ils usent de leur capacité.

Quant aux personnes morales, je n'ai rien à dire de leur capacité, elle résulte ou de la nature des choses ou de la loi qui les crée : ainsi ces personnes ne sauraient avoir les droits de famille, et on conçoit que le législateur, en donnant la personnalité à une association, lui défende d'acquérir la propriété d'un immeuble, ne lui permettant que la propriété des meubles et la possibilité de louer seulement les immeubles nécessaires à l'accomplissement de son but

La capacité légale des personnes morales peut donc produire des divisions variées, dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer: nous allons seulement étudier les diverses classes de personnes naturelles.

12

Influence de la nationalité sur la capacité des personnes.

Les personnes sont Françaises ou étrangères.

Il ne faut pas confondre la qualité de Français et celle de citoyen. Le citoyen est le Français qui jouit des droits politiques: les femmes et les enfants sont Français, ils ne sont pas citoyens; car pour avoir le minimum des droits de citoyen, pour être électeur, il faut avoir 21 ans et être du sexe masculin.

L'intérêt qu'il y a à distinguer le Français de l'étranger est dans leur capacité différente.

Inspirées par un esprit large et un sentiment d'humanité très-profond, nos lois traitent bien l'étranger. Sans doute, il n'a jamais les droits politiques, car on ne peut comprendre qu'il puisse pour une portion, si petite qu'elle soit, prendre part au gouvernement de notre pays; sans doute, dans le même but d'assurer l'indépendance nationale, il ne peut résider en France que s'il n'est pas un danger, et le gouvernement reste toujours armé du droit de l'expulser. Mais en dehors de ces nécessités, la France, nul ne peut le méconnaître quand on compare son droit avec celui des nations étrangères, la France s'est montrée généreuse et hospitalière (L. 3-11 déc. 1849).

Il y a, au point de vue du droit privé, lieu de diviser les étrangers en trois classes :

1o Les étrangers autorisés par le gouvernement à établir leur domicile en France. Ils y jouissent de tous les droits civils ou privés; il n'y a pas lieu à ce point de vue de distinguer entre eux et nos nationaux. Cependant on admet que, quand il s'agira de leur capacité et de leur état, la France leur appliquera leur droit national. Ces concessions de domicile sont individuelles, et le gouvernement peut ne pas les multiplier comme il peut toujours les retirer (13, 3 C. L. 11 déc. 1849).

2 Les étrangers jouissant chez nous de la réciprocité diplomatique. Cela ne veut pas dire qu'ils ont chez nous tous les droits que leur patrie accorderait aux Français; car un peuple étranger peut avoir intérêt à appeler chez lui nos nationaux, et dans ce but il leur conférera le plus de droits possible et nous au contraire nous pouvons

n'avoir pas le même interèf à attirer chez nous les membres de cette nation. La réciprocité diplomatique signifie qu'un traité intervenu entre un peuple étranger et la France, a déterminé les droits dont les nationaux des deux peuples jouiront respectivement dans chaque pays (11).

3o Les étrangers qui sont en dehors de ces deux catégories. Ce sont les plus maltraités, et cependant, quand on a dit qu'ils ne peuvent être demandeurs devant un tribunal français contre un Français sans déposer, si celui-ci l'exige, une caution qui s'oblige à payer les frais du procès en cas de condamnation de l'étranger; quand on a ajouté qu'ils peuvent être assignés devant un tribunal français par un Français devenu, même en pays étranger, leur créancier..... en a à peu près cité les plus importants des droits civils dont ils sont privés (16,14). Il est difficile, en effet, de trouver, dans l'ordre privé bien entendu, une infériorité de droit entre le Français et cet étranger de la troisième classe, qui est la plus maltraitée.

On est Français de naissance ou on le devient.

Naissent Français :

1° L'enfant né d'un mariage légitime, quand le père est Français au moment de la conception, que la naissance ait eu lieu ou non en France (10).

2o L'enfant né en France de père et mère inconnus. Il n'y a pas moyen de lui donner une autre nationalité qu'on ne pourrait prouver (D. 9 janv. 1811).

3o L'enfant naturel, quand celui de ses auteurs qui l'a reconņu, soit le père, soit la mère, était Français; la nationalité du père lui est donnée de préférence, si tous deux l'ont reconnu.

4° L'enfant naissant en France d'un étranger qui lui-même y est né; mais cet enfant a la faculté, dans l'année qui suit la majorité de 21 ans, de déclarer qu'il veut rester étranger. La déclaration faite devant la municipalité du lieu de sa résidence ou devant les agents diplomatiques ou consulaires de la France ne suffit plus: il doit justifier qu'il a conservé sa nationalité d'origine par une attestation en due forme de son gouvernement (L. 12 fév, 1851 et 16-29 déc. 1874).

On devient Français de trois manières par le bienfait de la loi, par la naturalisation, par l'annexion.

Pour devenir Français par le bienfait de la loi, l'étranger n'a aucune faveur à demander au gouvernement français: il remplit les conditions légales, et il devient Français de droit. Ainsi l'enfant né en France d'un étranger peut, dans l'année qui suivra sa majorité, réclamer la qualité de Français, pourvu, s'il réside en France, qu'il déclare que son intention est d'y fixer son domicile; ainsi encore l'enfant d'un ex-Français jouira aux mêmes conditions du même droit,

non-seulement dans l'année de sa majorité, mais pendant toute sa vic. Cette dernière règle sera très-certainement applicable aux enfants des Alsaciens et Lorrains, puisque le traité de Francfort ne dit rien de contraire (9-10).

La naturalisation au contraire résulte d'un acte volontaire du gouvernement conférant à un étranger la qualité de Français. Voici les conditions; l'étranger doit :

1° Avoir l'âge de 21 ans accomplis;

20 Demander l'autorisation d'établir son domicile en France;

3o Y demeurer pendant un délai de trois ans ;

4° Faire alors une demande de naturalisation, et le gouvernement peut l'accorder ou la refuser après avoir entendu le conseil d'Etat. (L. 11 déc. 1849 et 5 juill. 1867).

Le stage de trois années peut être réduit à une année pour l'étranger qui a rendu à la France d'importants services, le gouvernement étant d'ailleurs seul juge de la question de savoir si les services méritent cette faveur.

L'annexion est un dernier mode de devenir Français. On appelle ainsi l'incorporation par un traité au territoire français d'un pays étranger.

Que le traité d'annexion soit volontaire ou arraché par la guerre, la pratique moderne française, d'accord avec la morale, semble n'admettre comme légitime la qualité de Français donnée aux habitants du pays annexé que sous deux conditions:

1° Il y aura un vote conforme des populations annexées : il est nécessaire en quelque sorte pour la francisation du sol;

2° Pendant un certain délai que fixe le décret, chaque habitant du pays annexé aura le droit de déclarer qu'il veut conserver la naturalisation étrangère.

Le droit des gens finira peut-être par compléter cette deuxième condition, en décidant que le choix n'est loyalement laissé aux habitants de conserver leur ancienne nationalité qu'à la condition de n'être pas forcés, dans un court délai, d'abandonner le sol qui les a vus naitre; d'y vendre à vil prix leurs biens et d'aller chercher ailleurs la terre hospitalière où ils vivront en exilés.

13

· Influence du sexe sur la capacité.

Le lecteur verra plus loin que l'on distingue trois sortes de droits : 1 les droits civils ou privés, qui comprennent les droits relatifs à la propriété, ou plutôt dont l'objet est une utilité appréciable en argent, et

les droits de famille; 2° les libertés publiques, comme la liberté de conscience, le droit d'écrire, etc.; enfin, 3° les droits politiques.

Dans l'ordre privé, le sexe n'est pas pour la femme une cause d'incapacité, elle a les mêmes droits que l'homme droit au mariage, à la puissance paternelle, à la propriété, droit de contracter. Çà et là cependant on rencontre quelques différences: ainsi, dans la tutelle, dans l'exercice du droit de correction, la mère exerçant la puissance paternelle n'a pas tout à fait les mêmes droits que le père; ainsi encore, la femme qui n'est pas commerçante ne peut pas signer de lettre dé change (391 à 396, 400, 381, 442 C. 113 Co.).

Nous verrons que le mariage rend incapable la femme, nous en avons déjà parlé mais ce n'est point ici le lieu d'examiner quelles sont les causes complexes de cette incapacité, et dans quelle mesure on doit y comprendre son sexe.

La femme jouit des droits publics : elle a la liberté de conscience, le droit d'écrire, etc.

Mais la femme n'a chez nous aucun des droits qualifiés de politiques elle n'a ni le pouvoir d'élire, ni celui d'être élue dans aucune des assemblées qui gouvernent à divers titres nos communes, nos départements ou l'État; elle ne peut remplir aucune fonction ou aucun office public: jamais la loi ne prévoit qu'elle puisse être professeur dans nos lycées ou dans nos facultés, qu'elle puisse être avocat. Des textes exprès lui ôtent le droit de servir de témoin dans des actes. notariés et même dans les actes de l'état civil en général.

Là encore éclate la différence entre le droit naturel et le droit positif en supposant qu'à un point de vue absolu, les deux sexes doivent avoir des droits semblables, nous n'admettons pas cette égalité dans l'ordre politique, et jamais il ne s'est encore trouvé de législateur tenté de donner aux femmes une partie quelconque de ces droits. Nos mœurs ne poussent pas les femmes à en réclamer; elles se contentent d'exercer au foyer, dans cet ordre d'idées, une modeste et souveraine action que nul ne leur dispute. Tout ce qui forcerait la femme française à paraître sur une scène plus éclatante répugnerait à des mœurs. traditionnelles, à je ne sais quel profond sentiment de pudeur, fruit du christianisme.

Cependant on ne peut s'empêcher de reconnaître que cette absence, à la fois volontaire et forcée, puisqu'elle est légale, de tout rôle politique actif qui résulterait des droits de citoyen conférés à la femme, donne à l'action qu'elle exerce sur l'esprit des hommes une tournure qui peut être funeste. La femme en effet, plus aux prises que son mari avec les difficultés de la vie dans ses détails matériels, le contient et rabaisse trop souvent ses idées, en ce qui concerne le gouvernement du pays, au niveau des besoins domestiques.

« PreviousContinue »