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ment que le défunt ait voulu avantager l'un d'eux. Il ne l'admet pas facilement mais il le permet, à la condition que la donation ou le legs aient été faits expressément par préciput et hors part ou avec dispense de rapport (843).

Cette égalité voulue par la loi est appliquée avec rigueur par la jurisprudence dans les opérations du partage. Lorsqu'en effet les héritiers ne s'entendent pas pour faire un partage amiable qui les laisse libres d'agir comme bon leur semble, ou lorsqu'ils ne le peuvent pas, parce qu'il y a parmi eux des mineurs, des interdits ou des absents, il faut un partage judiciaire. Sans doute, on y évitera autant que possible de morceler les héritages et de diviser les exploitations; mais il convient de faire entrer dans chaque lot, s'il se peut, la même quantité de meubles, d'immeubles, de droits ou de créances de mème nature et valeur. Si le chef de famille a laissé une ferme, une usine, un établissement commercial, qu'on ne puisse diviser, on vendra le bien aux enchères publiques pour en partager le prix entre les héritiers : l'exploitation créée par le père de famille ira ainsi peut-être à un étranger, mais le principe d'égalité ne sera pas violé (832).

Quoiqu'en réalité le Code soit moins égalitaire que l'ensemble de nos coutumes, on l'accuse de l'être encore trop, et on lui attribue, comme dernière conséquence de son système, d'autres faits que celui de l'extrême division du sol. Les familles tombent en poussière, diton. Le même toit n'abrite plus que pour un instant le père et la mère retenant leurs enfants autour d'un foyer mobile. A peine l'âge de la virilité est-il arrivé que ceux-ci se hâtent de former des groupes aussi peu durables; divisés par les intérêts et les luttes de la vie moderne, ils n'ont plus de lien solide après que le père et la mère ont disparu, et l'ensemble de ces descendants d'un même auteur mérite de moins en moins d'être appelé une famille dans le sens ancien du mot.

C'est peut-être vrai. Qu'y faire? La loi n'est pas une digue infranchissable contre les mœurs. Sans doute, il semble que la famille tende à se restreindre à ce qu'on peut appeler ses éléments essentiels : le père, la mère et les enfants; la puissance paternelle s'arrête à la première génération, et les aïeux n'ont guère d'influence sur leurs petitsenfants. Mais tout d'abord, le mariage reste comme la source purifiée et féconde de cette famille diminuée; on peut encore redire de lui ce qu'un vieil édit de nos rois en disait après un ancien qu'il est le séminaire de la nation. Les enfants qui en naissent sont plus nombreux que ceux qui naissent des unions illégitimes, les devoirs sacrés qu'imposent la paternité et la maternité y sont plus respectés, et, quoi qu'en disent les légistes d'une école qui voudrait abolir le mariage, ces enfants sont plutôt formés de manière à devenir des hommes ils sont mieux nourris, mieux entretenus, mieux élevés que les en

fants naturels, laissés le plus souvent par leurs auteurs à la charge de l'État.

Quant à la famille légale, qui se compose des parents jusqu'au 12 degré, il faut reconnaître qu'elle a encore une influence importante dans la société. Nos familles françaises, appuyées sur des alliances nombreuses, forment dans chacune de nos communes comme un réseau dont toutes les mailles se tiennent, elles se répandent au dehors; et les relations que multiplient encore entre les communes tant d'intérêts identiques, des moyens si faciles de communication, la mobilité même des établissements, l'émigration permanente entre les campagnes et les villes, font de la France une grande famille dont l'unité est de plus en plus concentrée.

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Le domicile est un élément de l'état des personnes : il indique, dans certains cas, les circonscriptions judiciaires, politiques et autres, où elles ont des obligations à remplir et des droits à exercer.

Un créancier donne mandat à un huissier de citer son débiteur récalcitrant à comparaître devant un tribunal: où le créancier trouvera-t-il certainement ce débiteur pour lui signifier l'assignation qu'il est chargé de lui remettre? Il faut indiquer ce lieu, car il n'est pas admissible qu'en se cachant un débiteur puisse échapper aux poursuites, sous prétexte qu'il n'a pas reçu les assignations, commandements, sommations que son adversaire est forcé de lui adresser.

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Une personne veut se marier: il faut que le mariage soit célébré par le maire de l'une des 35,000 communes de France et dans sa mairie lequel choisir? Dans quelle commune le futur est-il le plus connu, de telle façon que le maire de cette commune soit le plus facilement informé des empêchements au mariage qui pourraient exister? Un acte de l'état civil concernant un individu est à rédiger : quel maire encore le receyra et dans quel dépôt sera-t-il conservé ? Où le conseil de famille d'un mineur sera-t-il convoqué? Quel tribunal prononcera l'interdiction d'un aliéné? Quand enfin une personne meurt, laissant une succession à partager, quel tribunal sera plus apte à trancher les difficultés que peut soulever la liquidation? On choisira celui du lieu où l'on a le plus de chance de trouver les renseignements, papiers, documents, etc., propres à éclairer les juges.

L'institution du domicile répond à toutes ces questions.

Il y a un lieu où une personne est réputée être légalement, même lorsqu'elle n'y est pas, où, quand elle est absente, on dit qu'elle est en voyage, où généralement elle est mieux connue qu'ailleurs, où elle a sans doute centralisé toutes les preuves concernant l'état de sa fortune, où vraisemblablement elle a les parents et les amis qui s'intéresseraient le plus à elle, et lui viendraient en aide dans le cas où l'âge, la maladie, etc., la mettraient dans l'impossibilité de se protéger elle-même.

C'est là qu'on l'assignera, là que s'ouvrira sa succession; c'est devant le maire de ce lieu qu'elle se mariera; c'est devant le tribunal du ressort qu'on demandera son interdiction; c'est devant le même tribunal qu'on la fera comparaître en matière personnelle, etc. (68, 59 Pr. 110; 74, 165; 492, C.).

Quel est ce lieu? Celui où elle a son principal établissement. De ce fait connu, en effet, la situation du principal établissement, la loi tire les conséquences de l'idée de domicile.

Le domicile est donc le siége légal où une personne est réputée toujours présente, sous le rapport de ses droits et de ses obligations, quoiqu'en fait elle n'y réside peut-être pas.

La résidence est le lieu où une personne habite effectivement, habituellement elle est souvent distincte du domicile Ainsi beaucoup de commerçants ou d'industriels dans les grandes villes ont leur domicile là où ils ont leurs affaires et leurs occupations, c'est-à-dire dans l'intérieur de la ville, tandis qu'ils habitent avec leur famille soit dans un faubourg, soit même dans un village voisin; un mineur est domicilié chez son tuteur, par exemple, son oncle, et il réside chez sa mère ou chez tel autre parent maternel qui l'élève.

Il y a plusieurs domiciles.

La loi, en effet, considère souvent la même personne comme présente, en même temps, dans tel endroit relativement à certains droits et à certaines obligations, et dans tel autre lieu, s'il s'agit de devoirs ou de droits différents. Elle agit ainsi parce qu'elle croit que l'exercice de certains droits ou l'accomplissement de certains devoirs sera plus facile pour une personne dans tel lieu que dans tel autre.

C'est en conséquence de ce fait que les personnes sont réparties dans les différentes circonscriptions judiciaires, administratives ou politiques.

Nous ne parlerons que du domicile pour l'exercice des droits civils et du domicile politique.

Le domicile civil est celui dont nous avons parlé jusqu'ici : c'est le domicile de droit commun, que l'on a pour tous les actes, lorsqu'il n'y en a pas d'autre établi par la loi ou avec sa permission. Le domi

cile politique est souvent autre, parce que l'accomplissement des devoirs de citoyen ne saurait s'effectuer partout avec utilité et convenance pour le bien public.

Ainsi le domicile de droit commun pour l'exercice des droits privés est au lieu du principal établissement.

En cas de contestation, les tribunaux déterminent en fait où est ce principal établissement. Mais souvent la loi établit des présomptions, sans preuve contraire.

En premier lieu se présente le domicile d'origine. L'enfant en naissant l'a chez ses parents; s'il n'a pas de parents connus, il l'a au lieu où il est recueilli, qu'il soit chez un particulier ou dans un établissement de bienfaisance publique. Son domicile reste là, en principe, jusqu'à ce que, devenu majeur ou mineur émancipé et capable de choisir un domicile, il en ait en effet changé.

Si, avant sa majorité, il tombe en tutelle, il est domicilié chez son

tuteur.

Toute personne qui accepte des fonctions conférées à vie est domiciliée dans le lieu où elle doit les exercer, dès l'instant où elle les a acceptées. Ainsi un juge de tribunal de première instance, un conseiller de cour, un président, un évêque, etc., sont réputés avoir changé de domicile même avant qu'ils se soient rendus dans le lieu d'exercice de leurs fonctions, s'ils ont accepté avant ce moment. Un juge de commerce, un conseiller général, un député, un préfet, un procureur de la république, etc., conservent leur ancien domicile s'ils ne manifestent pas d'intention contraire; en effet, ou ils sont nommés pour un certain temps, ou ils sont révocables (107, 106).

La femme mariée, non séparée de corps, est domiciliée chez son mari. Séparée de corps, elle a le domicile distinct qu'elle s'est choisi (108).

L'interdit est domicilié chez son tuteur. Si sa femme est tutrice, par exception, le domicile du mari est celui que choisit la femme.

Les mineurs émancipés et les majeurs capables, qui servent ou travaillent habituellement chez autrui, auront le même domicile que la personne qu'ils servent ou chez laquelle ils travaillent, lorsqu'ils demeureront avec elle dans la même maison (109).

Tels sont les cas dans lesquels la loi établit par des présomptions légales le domicile de certaines personnes. Elles ne peuvent prouver, pas plus qu'on ne pourrait prouver contre elles par aucun moyen, qu'elles en ont un autre.

En dehors de ces cas, le mineur émancipé et le majeur capable sont libres de se choisir un domicile. Tant qu'ils ne l'ont pas changé, ils conservent leur domicile d'origine : la question est donc de savoir quand ils en auront pris un autre. Deux conditions sont nécessaires

pour la validité du changement: 1° l'intention de fixer ailleurs leur principal établissement; 2° le transport effectif de cet établissement dans ce lieu.

Des contestations peuvent s'élever sur la question d'intention. Ainsi, une personne ayant une usine à Dunkerque réside dans une autre localité elle fonde une fabrique plus importante à Lille, tout en continuant d'habiter entre les deux villes. Le domicile a-t-il été transféré de Dunkerque à Lille? Cela n'est pas bien manifeste; aussi notre industriel est-il exposé à voir les tribunaux des deux villes déclarer valables les assignations qui lui sont adressées aux deux établissements de là des procès et des frais.

Pour les éviter, la loi donne un moyen bien simple: la personne fera une déclaration expresse de son intention à la municipalité du lieu où elle cesse d'avoir son principal établissement, et une autre à la municipalité du lieu où elle le transporte. Ces formalités remplies constituent une preuve de l'intention de changer. Mais comme l'intention ne suffit pas, il faudra qu'en réalité il y ait installation de l'établissement principal (104).

La loi, pour faciliter la célébration du mariage, a établi un domicile spécial. Une personne peut toujours se marier devant l'officier de l'état civil de son domicile réel, de son domicile de droit commun; mais il peut y avoir des difficultés dans le cas où elle n'y résiderait pas pour les éviter, le législateur permet le mariage dans la çommune où elle a une résidence continue de six mois (165, 74).

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Le domicile réel est un domicile général : quand la loi dit qu'un acte doit être fait au domicile d'une partie, c'est là qu'il se fera. Par faveur pour le mariage, la loi a établi un domicile spécial. Elle a été plus loin, et a permis aux parties elles-mêmes d'en choisir un pour l'exécution d'un acte.

L'élection de domicile peut avoir lieu dans l'acte même qu'il s'agit d'exécuter ou dans un acte postérieur. Les significations, demandes et poursuites qui y seront relatives devront être adressées à ce domicile et devant le juge du lieu. Cependant, si l'élection avait eu lieu dans l'intérêt unique du créancier, ce qui arrivera le plus souvent, le créancier pourrait y renoncer et assigner le débiteur devant le tribunal de son domicile réel (111).

Un mot sur le domicile politique.

Il est fixé par les lois électorales. Des considérations d'ordre public exigent en général qu'il ne soit pas soumis à trop de variations.

Si l'on comprend en effet que tout citoyen puisse, partout où il se trouve, voter pour la nomination du chef de l'Etat, quand la constitution rend ce chef électif, il n'en saurait être de même pour le choix,

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