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par exemple, d'un conseiller municipal. Celui qui arrive dans une commune, en général, n'en connaît ni les habitants, ni les besoins ; il ne saurait donc, en connaissance de cause, participer aux élections du conseil municipal.

Sans doute, les besoins plus généraux auxquels les membres d'un conseil de département et ceux des assemblées législatives sont chargés de pourvoir, ne nécessitent pas une résidence aussi prolongée dans les circonscriptions électorales qu'ils représentent: néanmoins le législateur a regardé une certaine durée de domicile comme pouvant être une des garanties d'un choix réfléchi et sérieux; ce n'est pas la seule, mais, à tort ou à raison, c'est l'une des principales.

Pour être électeur au conseil municipal d'une commune, il faut en principe, outre l'âge de vingt et un ans accomplis, y avoir une résidence. de deux années consécutives (L. 7-10 juill. 1874).

Mais ce délai peut tantôt être abrégé, tantôt être supprimé.

Abrégé, ainsi: 1° ceux qui, étant nés dans une commune ou qui y ayant satisfait à la loi du recrutement, n'ont pas continué d'y résider, y deviennent électeurs lorsqu'ils s'y sont établis de nouveau depuis six mois au moins; 2o un an de résidence dans la commune suffira à ceux qui s'y sont mariés.

Supprimé, ainsi : 1° les ministres d'un culte reconnu par l'État et les fonctionnaires qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune y sont électeurs de droit; 2° ceux qui, n'étant pas nés dans la commune et qui même n'y résidant pas, y sont inscrits, depuis un an, au rôle d'une des quatre contributions directes ou au rôle des prestations en nature, pourront demander à y excercer les droits électoraux, etc.

Pour être éligible au conseil municipal d'une commune, il faut y être électeur. Cependant des conseillers, formant au plus le quart du nombre total, pourront être élus parmi des personnes non domiciliées dans la commune, pourvu néanmoins qu'elles y paient une des quatre contributions directes (Art. 4, L. 14-16 avril 1871).

Les électeurs des conseillers municipaux sont aussi électeurs au conseil général. Sont éligibles les citoyens inscrits sur la liste des électeurs municipaux qui sont domiciliés dans le département ou qui paient dans ce département une des quatre contributions directes avant le 1er janvier de l'année dans lequel se font les élections. Toutefois, un quart seulement des conseillers généraux peuvent être domiciliés hors du département (L. 10-29 août 1871, art. 5 et 6).

Les règles, relatives à l'électorat municipal, sont d'autant plus importantes qu'elles auront une grande influence sur les lois à faire touchant les élections de la Chambre des députés.

LIVRE TROISIÈME

DES DROITS

22

De la nature des droits et de leurs principales divisions.

En traitant des personnes, nous avons étudié le premier élément de tout problème juridique le droit est le second élément.

C'est un rapport qui existe entre deux personnes : l'une sujet actif, l'autre sujet passif.

Au point de vue qui nous occupe, ce rapport de droit consiste dans la faculté qu'une personne a de réclamer juridiquement ce qui lui est dû.

Juridiquement, c'est-à-dire en mettant en mouvement, s'il le faut, le pouvoir social et ses trois organes: le législatif, le judiciaire et l'exécutif.

Un droit est ainsi une liberté d'action protégée et sanctionnée. C'est la liberté limitée par la justice: le cercle où elle peut s'exercer et qu'elle ne peut franchir est tracé par ce qui est dû à autrui.

Se mouvoir dans la limite de ce qui m'appartient, respecter ce qui appartient à autrui voilà le code de la liberté; c'est le code des. droits.

Agir et s'abstenir sont donc les deux formes possibles du droit, aussi bien pour le sujet actif que pour le sujet passif.

Le père, armé de la puissance paternelle, corrigera son fils ; l'électeur choisira son mandataire; le propriétaire retirera l'utilité de sa chose; la société punira, en lui infligeant une amende ou la prison, le membre qui lui causera un dommage; le créancier se fera payer par son débiteur ainsi, personne naturelle ou personne morale, le sujet actif, qu'il soit père, propriétaire, électeur, État ou créancier, a une action pour obtenir ce qui lui dû, pour exercer son droit.

Le sujet passif s'il est fils, sera contraint de se soumettre à la direction paternelle; s'il est député, obéira loyalement au mandat con

féré; s'il est tiers détenteur, livrera au propriétaire la maison ou le cheval qui lui appartient; s'il est criminel, subira la peine prononcée par la loi; s'il est débiteur, sera forcé de payer son créancier.

Chez un peuple sauvage, cette liberté, qu'on appelle un droit, sera impunément violée par le plus fort; dans une société organisée, elle est protégée par le pouvoir public, dont c'est la principale et l'essentielle mission. Ainsi l'état social donne au sujet actif d'un droit une sécurité qu'il n'a point ailleurs.

N'oublions jamais ce fait, qui constitue l'utilité d'une législation positive.

Il y a un autre caractère qui rend le droit non-seulement utile, mais légitime, et par conséquent sacré et inviolable: il est pour l'homme le moyen d'exécuter son devoir.

Le père a le devoir d'entretenir et d'élever ses enfants: de là le droit. appelé puissance paternelle, qui n'est autre chose que la liberté d'em ployer les moyens propres à l'accomplissement de ses devoirs.

Le citoyen ne peut se désintéresser des questions qui concernent la commune, le département et l'État, parce que ce sont des associations dont il retire des avantages, comme la sécurité et la justice, sans lesquels il ne peut vivre de là le droit d'élire des mandataires pour gouverner ces associations diverses, puisqu'il ne peut les administrer directement et qu'il a le devoir de les maintenir.

De même ce devoir de vivre, de se perpétuer, de s'améliorer lui et les siens, donne à l'homme le droit de propriété et ses dérivés, qui lui permettent de le remplir en s'appropriant par son travail les choses nécessaires au maintien et au développement de l'existence physique, intellectuelle et morale de l'humanité.

Nous pourrions multiplier les exemples. Laissons-les, et constatons une autre face du droit qui est aussi d'une importance capitale.

Quand un homme est sujet passif d'un droit (c'est-à-dire débiteur, dans le sens le plus général du mot), il a, lui aussi, le droit d'exécuter sa dette, parce que c'est devenu un devoir pour lui de rendre à autrui ce qui lui est dû. De là la synonymie fréquente des mots devoirs et obligations, quoique, dans un sens étroit, le mot obligation soit réservé pour exprimer le devoir résultant d'un droit positif.

Ainsi le débiteur d'une somme d'argent a le droit de forcer son créancier à la recevoir et à le libérer: ce moyen s'appelle la procédure des offres et consignations.

Dans l'ordre pécuniaire, un débiteur a rarement l'occasion et la tentation d'exercer le droit de se libérer; il n'en est pas de même dans l'ordre de la famille et des choses publiques. Le législateur a organisé ici avec le plus grand soin le droit pour le sujet passif de s'acquitter de son devoir; il a précisé l'étendue de ce droit, et quand il ne l'a pas

fait, la force des choses n'en met pas moins ces droits sur le premier plan.

La puissance paternelle, les pouvoirs du tuteur, les droits d'électeur, ne sont pas autre chose que les droits organisés pour les pères, les tuteurs, les citoyens, d'accomplir les obligations qu'ils ont volontairement embrassées ou que le législateur leur a imposées.

Un conseiller municipal, un conseiller général, un député, etc., en acceptant un mandat, se constituent débiteurs de l'exécution: ils ont donc les droits nécessaires pour accomplir leurs obligations. Or, pour le dire en passant, comme ils tiennent ce mandat d'une élection, d'une majorité, personne, tant que le délai du mandat n'est pas écoulé, ne peut les relever de leurs devoirs. Des électeurs de leur circonscription, vinssent-ils à s'entendre pour révoquer le mandat, ne le pourraient pas légitimement. Nul ne peut relever un homme de l'exécution d'une dette, à moins que ce ne soit le créancier lui-même : or, ici ce créancier, c'est la majorité qui a nommé le représentant; elle est morte en le nommant, elle n'existe plus.

Il importe de se faire une idée de l'immense variété des objets possibles des droits.

User des moyens propres à se conserver, à se perpétuer, à fonder une famille, à instruire des enfants; user des moyens propres à propager la science, la religion, les idées, le beau et le bien; user des moyens propres à maintenir, gouverner, améliorer ces groupes sociaux, comme la commune, le département et l'Etat, au sein desquels l'homme se développe chez nous, constituent autant de champs divers et indéfinis dans lesquels se meut l'activité humaine.

L'homme peut ainsi tirer de lui-même, d'autrui, de la société, des choses extérieures, idées et corps, animées ou inanimées, mille utilités variées, satisfaisant des besoins divers dans tous les ordres de son développement.

Toute utilité, qu'elle réside dans un corps ou qu'elle consiste dans un service humain, s'appelle, dans notre science, un bien si elle est appropriable par l'homme elle devient alors l'objet possible d'un droit.

Qu'un homme isolé, vivant en dehors de la société, perçoive une utilité quelconque, la morale pourra s'occuper de son action et dire s'il a bien ou mal agi: le droit n'a rien à y démêler.

Mais quand deux hommes, chez un peuple policé, se disputent une utilité, alors intervient la science du droit positif : elle détermine celle des deux parties à laquelle l'utilité est due, dans quelle mesure elle y peut prétendre et doit être respectée par l'autre.

La science du droit ne s'occupe donc pas des utilités en elles

mêmes, au moins en principe, c'est l'objet de sciences diverses: hygiène, histoire naturelle, pédagogie, en un mot, d'une des sciences qui s'occupent des besoins de la vie physique, morale, intellectuelle, politique, etc., et des lois suivant lesquelles les choses peuvent satis faire ces besoins.

La science juridique n'intervient que pour déterminer à qui on attribuera l'utilité, s'il y a contestation.

C'est la science du tien ou du mien, dit-on avec raison, science essentiellement pratique; la première, probablement, qui a dû apparaître. Dès l'instant où il y eut deux hommes en rapport sur la terre, la première discussion, le premier problème fut, sans doute, soulevé par la distinction du tien et du mien et la science eut alors une première solution, c'est-à-dire une loi à trouver, à formuler, à appliquer et à consacrer.

DIVISIONS DES DROITS.

Reste à savoir dans quelle mesure le législateur français a ainsi déterminé et sanctionné les droits de chacun ou les libertés que nous avons de nous approprier les utilités que nous pouvons percevoir dans les champs si divers de notre activité.

Nous en aurons une idée suffisante en étudiant les droits, que nous allons diviser en plusieurs classes en nous plaçant à des points de vue. différents.

1° Au point de vue de leur étendue ou de la sécurité qu'ils donnent. au sujet actif, ils sont réels ou personnels.

2o Au point de vue de leur objet, ils sont mobiliers ou immobiliers. 3o Au point de vue de la force du lien juridique, ils sont purs et simples, ou affectés par de modalités variées condition, terme, solidarité, etc....

4° Au point de vue de leur but, ils tendent à percevoir des utilités qu'on peut apprécier en argent et qui entrent dans notre patrimoine, où ils servent à la direction de l'homme et ils ne font pas partie de notre patrimoine ils sont, en un mot, dans leurs objets, pécuniaires

Ou moraux.

On pourrait encore présenter d'autres divisions: mais celles que nous donnons nous paraissent suffisantes pour que dans leur cadre nous puissions parcourir les droits les plus importants, l'ensemble des libertés protégées par des sanctions sociales.

Quand nous aurons étudié ces droits, nous aurons une idée générale de la liberté totale qu'une personne peut avoir sous l'empire de la législation française.

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