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attaché à lui donner le caractère d'une loi définitive; et, pour lui conserver, dans l'avenir, ce caractère, on y avait inséré vers la fin une déclaration formelle, repoussant d'avance toute protestation éventuelle (1). Cette protestation, l'Église, dont les droits étaient si complétement sacrifiés par ce traité, ne pouvait renoncer à la faire entendre. Le pape Innocent X, dont le nonce avait déjà précédemment protesté contre la paix conclue à Munster et à Osnabrück, réclama en faveur des prérogatives de l'Église, par une bulle spéciale, la bulle Zelo domus, du 26 novembre 1646 (2). Ce pontife y déclare, en vertu de la pleine puissance apostolique (3), « tous les articles et clauses de l'un et de l'autre << traité de paix, tout autant qu'ils pourraient être con« traires, préjudiciables, et élever le moindre obstacle à la religion catholique, au salut des âmes, au siége apostolique, à l'Église romaine, où à toutes autres églises moins « considérables, à la hiérarchie ecclésiastique et à l'état clérical, soit dans ses personnes et dans ses membres, « soit dans ses choses, ses biens, sa juridiction, son autorité, ses immunités, franchises, priviléges, prérogatives ou • droits quelconques, nuls et de nulle valeur, ipso jure, en « eux-mêmes et dans toutes leurs conséquences, sans force, «< injustes, iniques, condamnables et condamnés, dénués de << toute vertu et de tout effet. » Ajoutant, en conséquence, « que nul n'était tenu de les observer, alors même qu'on s'y << serait obligé avec serment; que nul, non plus, ne pouvait «< en tirer un droit ou une action, ou une apparence de titre « ou une cause de prescription, alors même qu'il s'agirait «< d'une possession ou d'une quasi-possession de date très<< ancienne ou indéterminée. »

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Le discrédit dans lequel la puissance de l'Église était déjà tombée à cette époque, dans les conseils des princes de l'em

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(2) Innoc. X, P., Const. 116, ann. 1648 (Bullar. Roman., tom. VI, p. III, p. 173 sqq.).

(3) § Attamén, 3, p. 174.

pire, ne lui permettait pas d'aller au delà de cette protestation; et encore, quand elle parut, l'empereur Ferdinand III en défendit la publication dans ses États, et punit de la prison et d'une amende énorme le libraire qui l'imprima à Vienne.

S CXLII.

2. Pratique du paritétisme jusqu'au milieu du dix-huitième

siècle.

La parité établie par la paix de Westphalie, déjà si imparfaite par elle-même, fut encore, dans une foule de cas, très-imparfaitement pratiquée. La tendance générale de l'époque était de faire servir de plus en plus la religion de levier aux intérêts politiques, et ceux qui paraissaient animés du plus grand zèle pour la cause religieuse, en se faisant la guerre sous l'étendard de l'Église ou sous celui de l'hérésie, ne faisaient le plus souvent qu'obéir dans leur cœur à des mobiles purement humains. La guerre de Trente ans avait déjà pleinement démontré ce fait (§ 140), et l'on ne peut lui reconnaître son caractère apparent de guerre de religion, en voyant la France s'allier alors avec la Suède, et la Saxe-Électorale avec l'empereur. L'époque qui suivit immédiatement la conclusion de la paix offre également des exemples frappants de ces anomalies singulières. Ainsi, dans l'année 1658, cinq princes catholiques, parmi lesquels quatre ecclésiastiques, se coalisèrent pour assurer à la Suède la possession des évêchés sécularisés (1); ainsi encore, la Bavière et la Saxe s'allièrent en 1679, pour porter secours à ce même royaume (2); d'un autre côté, Léopold Ier, élève des jésuites, était tout spécialement redevable de son élection (1657) aux deux électeurs protestants de Saxe et de

(1) Menzel, Neuere Geschichte der Deutschenn der Reformation bis zur Bundesacte, vol. VIII, p. 376.

(2) Id., ibid., vol. IX, p. 73.

Brandebourg, alors que les autres membres du collége, moins patriotes, songeaient déjà à élever au trône impérial Louis XIV, que des écrivains allemands célébraient comme un nouveau Charlemagne (1). Bien que les Bourbons ne soient point parvenus à réaliser dans le dix-septième siècle le plan, depuis longtemps conçu et nourri depuis longtemps par l'ambition des Capétiens et de la maison de Valois (2), la France ne négligea rien, en guerre comme en paix, pour mutiler de plus en plus la force de l'empire d'Allemagne, déjà si affaibli (3). Que Louis XIV, en particulier, dans les coups qu'il porta au protestantisme, ait été quelquefois dirigé par son zèle pour la vérité catholique, cela est possible; mais la plupart de ses actes renfermèrent les plus manifestes violations des lois et des traités.

Ce monarque voulut faire insérer dans le traité de paix de Ryswick (1697) une clause qui garantissait aux catholiques des pays occupés par les Français pendant la guerre la liberté de conscience dont ils avaient joui sous leur domination (4). Cette clause fut l'occasion d'une nouvelle et longue contestation (5) qui, si elle se termina à l'avantage des catholiques, principalement dans le Palatinat, leur fut aussi très-préjudiciable dans d'autres États. Toutefois, la

(1) Menzel, a. a. O., vol. IX, p. 9 ; vol. VIII, p. 317. (2) Supra, § 131, § 132.

(3) Fr. Rühs, Historische Entwicklung des Einflusses Frankreichs und der Franzosen auf Deutschland und die Deutschen. Berlin, 1815.-Eichhorn, Deutsche Staats- und Rechtsgeschichte, vol. IV, § 588.. Menzel, a, a. O., vol. IX,

p. 191.

(4) Instr. Pac. Ryswic., art. 4 (Schmauss, Corp. jur. publ., p. 1104) : Restituentur quævis tam durante bello et via facti quam unionum seu reunionum nomine occupata loca, — omniaque in eum statum reponentur, quo ante illas occupationes fuerunt, nullo deinceps tempore amplius turbanda seu inquietanda. Suit cette clause : Religione tamen Catholica Romana in locis sic restitutis in statu, quo nunc est, remanente.-B. G. Struve, Ausführliche Historie der Religions-Beschwerden zwischen denen Römisch-Katholischen und Evangelischen im teutschen Reich, th. 2, S. 122. — Pütter, Historische Entwicklung der heutigen Staatsverfassung des teutschen Reichs, th. 2, S. 300. — Menzel, a. a. O., vol. IX, p. 191.

(5) Menzel, a. a. O., Bd. XII, Abth. 1, S. 24, S. 26.

clause de Ryswick avait changé la situation religieuse dans dix-neuf cent vingt-deux localités, et l'Église doit savoir gré de ce résultat à son auteur.

Mais, avant que Louis XIV n'eût opéré ce changement en Allemagne par cette dernière disposition, il avait déjà pris une autre mesure qui fut aussi d'une grande influence sur l'état religieux de l'empire allemand. Par l'édit de Nantes de l'année 1599, les huguenots de France avaient obtenu d'Henri IV le libre exercice de leur religion dans tout le royaume. L'attitude hostile et factieuse de ces hérétiques, comme parti politique formant un État dans l'État (1), détermina Louis XIV à révoquer cet édit. Cette révocation et les cruautés inexcusables déployées à ce sujet contre les huguenots, à la grande désapprobation du pape Innocent XI, forcèrent un grand nombre de réformés français à s'expatrier, et, l'émigration leur étant interdite, ils cherchèrent leur salut dans la fuite. Plusieurs pays d'Allemagne, et notamment le Hanovre, Brunswick et Brandebourg, leur ouvrirent un asile hospitalier (2). Ainsi que les réformés fugitifs de l'Angleterre sous Marie Ire, et ceux des Pays-Bas qui s'étaient réfugiés dans le Bas-Rhin (3), ils transportèrent

(1) Walter, Kirchenrecht, § 54, cite ce passage intéressant de Moshemii Instit. histor. eccles., saec. XVII, sect. II, p. II, § 2: Referebat ab Henrici IV tempore Reformata ecclesia in Gallia civitatem quandam seu rempublicam in republica, magnis juribus et privilegiis vallatam, quæ cum alia securitatis suæ causa oppida et castra tum urbem munitissimam Rupellam possidebat, et suis præsidiis hæc omnia loca custodiebat. Huic reipublicæ non semper duces erant satis providi et regiæ majestatis amantes. Hinc ea nonnunquam (nam quod res est, dici debet) motibus et bellis civilibus ortis, partibus eorum se jungebat, qui Regi repugnabant; nonnunquam invito Rege agebat, Batavorum et Anglorum fœdera et amicitiam aperte nimis appetebat, aliaque suscipiebat et moliebatur paci publicæ supremæque Regis auctoritati ad speciem saltem adversa.

(2) Rühs, a. a. O., p. 203, met cette immigration au nombre des causes qui ont contribué à donner au caractère national allemand l'empreinte du caractère français.

(3) Bickell, die Presbyterial- und Synodalverfassung der evangelischen Kirche in ihrem Ursprunge und ihrem Einflusse auf Hessen, Bd. I, S. 57.—Hospiniani Historia sacramentaria, tom. II, p. 142, b. Menzel, a. a. O., vol. IV, p. 119 sqq.

dans leur exil, avec le calvinisme (1), la constitution synodale et presbytérale, particulière à leur confession (2). Cette constitution, en vertu de laquelle chaque église se gouvernait elle-même par des ministres de son choix et des synodes composés de ces ministres, était en opposition directe avec le système allemand, où tout était soumis au pouvoir spirituel des souverains. Aussi ne put-elle se maintenir longtemps dans cette forme démocratique (3), et elle subit une entière transformation, en ce qu'il ne fut plus laissé aux églises des réfugiés qu'une certaine participation, trèsrestreinte, dans le gouvernement et à la législature, par l'organe de leurs synodes.

De tous les souverains allemands, celui qui s'intéressa le plus vivement aux huguenots, ce fut le grand-électeur de Brandebourg (4). Plus tard, son petit-fils Guillaume Ier, roi de Prusse, accordait pareillement sa protection aux Salzbourgeois, contraints d'émigrer de leur pays (5). La Prusse semblait regarder comme sa vocation de prendre les intérêts des sujets protestants contre leurs souverains catholiques. L'électeur de Saxe, bien qué la famille régnante se fût convertie au catholicisme, conserva dans la diète la direction du Corpus Evangelicorum; mais cette même circonstance et cet autre fait, que les voix des souverains redevenus catholiques (6), devaient désormais compter comme

(1) Confess. Gallic., art. 29-32 (August., Corpus librorum symbolicorum, qui in ecclesia reformatorum auctoritatem publicam obtinuerunt, p. 121 sq.). (2) Discipline des églises réformées de France (Heidelb. 1711).— A. Soulier, Statistique des églises réformées de France (Par. 1828), p. 191 et suiv. Bickell, a. a. O., p. 60.— Walter, a. a. O., § 32, § 37.—Richter, a. a. O., note 4. (3) Kamptz, Ueber das bischöfliche Recht in der evangel. Kirche in Deutschland, p. 155 sqq. — Jakobson, Gesch. d. Quellen des evang. Kirchenrechts der Prov. Rheinland und Westphalen, p. 259 sqq. —V. Mühler, Geschichte der evang. Kirchenverf. in der Mark Brandenburg (Weimar, 1846), p. 208 sqq. Laspeyres, a. a. O., p. 486. Richter, a. a. O., § 32, p. 69.

(4) Menzel, a. a. O., vol. IX, p. 154 sqq.

(5) Id., ibid., vol. X, p. 198.

(6) Pütter, a. a. O., p. 349. — J. W. de Bülow, Geschichte und Verfassung des Corporis Evangelicorum, p. 28.

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