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LIVRE SECOND.

SOURCES DU DROIT ECCLÉSIASTIQUE.

CHAPITRE I.

DE LA RÉVÉLATION DIVINE COMME SOURCE DE TOUT LE DROIT ECCLÉSIASTIQUE.

S CXLVI.

1. Tradition et Écriture.

La volonté divine révélée comme loi au genre humain, et transmise soit oralement, soit par l'organe de l'écriture, avec l'assistance du Saint-Esprit, est la source de tout droit ecclésiastique, comme elle est le principe même de l'existence de l'Église. Cette loi divine, contenue dans l'Ancien et le Nouveau Testament, et s'harmonisant parfaitement avec les instincts et les besoins de la nature humaine (1), est, par cette raison, désignée comme droit naturel, jus naturale. C'est dans ce sens que Gratien dit (2) : « Le genre humain est régi « par deux sortes de lois : par le droit naturel et par le droit

(1) Guigo, Epist. ad fratr. Carthus., c. 2, n. 7 (int. Oper. S. Bernard., vol. III, p. 253) : Nullum vitium naturale est, virtus vero omnís homini naturalis

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humain; le droit naturel est celui qui est écrit dans la loi et l'Évangile. » A l'appui de cette définition, il reproduit un passage de la Collection d'Isidore, ainsi conçu (1): « Toutes les << lois sont ou divines ou humaines; les premières reposent «< sur la nature, les secondes sur les coutumes. »

Comment ce droit divin naturel a-t-il été transmis, et quels rapports ont entre elles ces deux voies de transmission: la tradition et l'écriture? Ces deux questions ont déjà été l'objet d'une dissertation spéciale (S 87); nous avons également assigné le témoignage des Pères comme la source où l'on doit puiser la tradition (§ 87) (2), et fait connaître les divers livres de l'Ancien et du Nouveau Testament que l'Église a reçus dans son canon (§ 87); il nous reste maintenant à donner quelques développements sur les différentes catégories des Pères de l'Église (3) et sur les textes de l'Écriture trans

(1) Can. Omnes, 1, d. 1.

(2) Magna Bibliotheca veterum Patrum et antiquorum Scriptorum ecclesiasticorum, Paris., 1644, 1654, 17 vol. in-fol. Maxima Bibliotheca veterum Patrum et antiquorum Scriptorum ecclesiasticorum, Lugdun., 1677, 27 vol. in-fol. — Gallandi, Bibliotheca veterum Patrum, Venet., 1765, 13 vol. in-fol.; Supplementum, Venet., 1781, in-fol. — Collectio selecta SS. Ecclesiæ Patrum, complectens exquisitissima opera tum dogmatica et moralia, tum apologetica et oratoria; curantibus Caillau et Guillon, Paris, 1829, in-8°. — Patrologiæ cursus completus, sive Bibliotheca universalis, integra, uniformis, commoda, œconomica omnium SS. Patrum, Doctorum, Scriptorumque ecclesiasticorum, qui ab ævo apostolico ad usque Innocentii III tempora floruerunt, Paris., 1845, in-fol.— Patres Ecclesiæ Anglicanæ, edid. J. A. Giles, Lond., 1840, in-8°.—Rob. Bellarmin., Liber de scriptoribus ecclesiasticis, Rom., 1613, in-4°, avec la suite d'Andr. v. Saussay, Tulli Leuc., 1665. L. Ellies Du Pin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Par., 1686-1714, 47 vol., in-8°. - Seb. le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir de guide dans les premiers six siècles de l'histoire ecclésiastique, Paris, 1693, 16 vol. in-4°. — Nourrý, Apparatus ad Bibliothecam maximam Lugd., Paris., 1694-1697, 2 vol. in-8; 1703, in-fol. - Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1729-1763, 24 vol. Table générale, par Rondet, Paris, 1782, 2 vol. in-4°. - - G. Lumper, Historia theologico-critica de vita, scriptis atque doctrina sanctorum Patrum, Aug. Vindel., 1783-1799, 13 vol. in-8°.—A. Mæhler, Patrologie oder christliche Literaturgeschichte, herausgegeben von F. X. Reithmayr, Regensb., 1840, vol. I. Permaneder, Bibliotheca patristica, tom. 1, p. 34 et 77.

(3) Vinc. Lerin., Commonit., c. 39: Eorum dumtaxat Patrum sententiæ conferendæ sunt, qui in fide et communione catholica sancte, sapienter, con

portés dans la législation ecclésiastique; puis nous examinerons ces deux questions: Dans quel sens la sainte Écriture, et spécialement le Nouveau Testament, doivent-ils être considérés comme source essentielle du droit canon (§ 150)? Comment et par quel intermédiaire la législation canonique se rattache-t-elle à ce fondement primordial, la révélation divine (§ 151)?

D'abord, pour ce qui concerne l'autorité que l'Église attribue aux écrivains (1) des premiers âges du christianisme (2), qui se sont signalés par le savoir et la sainteté de leur vie, il en est quelques-uns que l'on a coutume de distinguer de tous les autres par le titre honorable de docteurs de l'Église (Doctores Ecclesiæ); ils forment au firmament de la société chrétienne comme deux constellations, dont l'une brille en Orient, l'autre en Occident. En Orient, c'est Athanase, l'immortel héros de la foi (3); c'est Basile, ce roi par le nom et par le génié (4); c'est Grégoire de Nazianze, le théologien des théologiens (5); enfin, c'est le grand évêque de Constantinople, ce Jean Chrysostome, des livres duquel les saintes doctrines s'épanchèrent comme un fleuve d'or (6): pléiade resplendissante, que le même siècle vit se lever, et qui ne cesse de verser ses lumières sur toute l'Église. En Occident brille glorieusement, à la tête de la phalange sacrée, Am

stanter viventes, docentes et permanentes, vel mori in Christo fideliter, vel occidi pro Christo feliciter meruerunt.

(1) Bonaventura de Arragonia, De optim. legend. Eccl. Patr. methodo, c. 1. Devoti, Jus canon. univ. Proleg., c. 15, § 17, not. 3 (tom. I, p. 320).

(2) Lupoli, Prælectiones juris ecclesiastici, tom. V, p. 280-295.

(3) S. Athanasii Opera, stud. Monach. Maurin. præsertim Bern. de Montfaucon, Par., 1698, 3 tom., in-fol. Tom. IV, cur. Nic. Ant. Giustiniani, Patav., 1777. Mahler, Athanasius der Grosse und die Kirche seiner Zeit,

Mainz, 1827; 2e édit. 1844. (4) S. Basilii Opera, edid. Garnier, Paris., 1721 sqq., 3.tom., in-fol. ·Bahringer, Die Kirche Christi und ihre Zeugen, vol. I, sect. 2, Zurich, 1842. (5). S. Gregor. Nazianz. Opera, edid. Caillau, Paris., 1840, 2 vol. in-fol. Ullmann, Gregor von Nazianz, der Theologe, Darmst., 1825.

(6) S. Joann. Chrysostomi Opera, stud. Bern. de Montfaucon, Paris., 1738, 13 vol. in-fol. Oudini Comment. de scriptor. eccl., p. 657. Neander, Der heilige Chrysostomus und die Kirche seiner Zeit, Berlin, 1832.

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broise (1), que la voix d'un enfant divinement inspiré appela, avant même qu'il n'eût été baptisé, au siége épiscopal de Milan. A sa suite vient Jérôme (2), qui, dans la nuit sépulcrale des catacombes, dans les solitudes sauvages du désert et aux pieds de Grégoire, apprit les austérités de la vie chrétienne et pénétra les secrets de la science du salut, et qui soupirait après les ailes de la colombe (3) pour voler dans les bras de son Augustin (4). A côté de lui marche ce même Augustin, qui, après sa conversion, due aux ardentes prières de sa mère, initié aux divins mystères par la parole inspirée d'Ambroise, s'éleva des hauteurs d'une brillante instruction profane au sommet de la science céleste. Sur ce même sommet, à la même époque, à la place où les pieds sacrés de Pierre avaient reposé, se montre la grande figure du pape Grégoire (5). La postérité reconnaissante a rangé aussi, dans la glorieuse famille de ces docteurs de l'Église, Léon (6), cet illustre pontife devant la parole duquel l'hérésie d'Eutychès resta muette dans le concile de Chalcédoine (§ 88), et dont la prière sauva Rome et le monde chrétien de la barbarie des Huns.

Ce n'est point l'ancienneté qui a donné à ces Pères le rang supérieur qu'ils occupent à l'égard des autres; mais, parmi ceux-ci, c'est l'ordre chronologique qui fonde la préséance. Ceux qui ont recueilli la tradition divine de la bouche des apôtres, comme les apôtres l'avaient recueillie de la bouche

(1) S. Ambrosii Opera, Paris., 1696, 2 vol. in-fol.

(2) S. Hieronymi Opera, stud. Vallarsi, Veron., 1734, 11 vol. in-fol.— Fr. Leop. Gr. zu Stolberg, Gesch. der Religion Jesu, vol. 13 sqq.

(3) Hieron., Ep. 143, n. 1 (edit. Paris., 1825, tom. 1, col. 1181). (4) S. Augustini Opera, ed. Maurin., Paris., 1679, 11 vol. in-fol. berg, a. a. O.

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Gr. Stol

(5) S. Gregorii Opera, ed. Maurin., Paris., 1705, 4 vol. in-fól.—Oudini Diss. de vita, indole, doctrina, et scriptis genuinis et spuriis S. Gregor. M. (a. a. O., p. 149). — Pozzo, Istoria della vita e del pontificato di S. Gregorio M., Rom., 1750, in-4°. — J. Lau, Gregor I. der Grosse, nach seinem Leben und seiner Lehre, Leipz., 1845.

(6) S. Leonis Opera, edid. Petr. et Hieronym. Ballerini, Venet., 1755, 3 vol., in-fol. W. A. Arendt, Leo der Grosse und seine Zeit, Mainz, 1835.

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