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1746. nir le cinquième de leurs nègres pendant six semaines. "Je pense qu'il y aura, sous peu de jours, dix pièces de canon de 18 en batterie sur chaque fort. Il serait à propos qu'on envoyât seize pièces de 24 avec leurs boulets et quatorze pièces de 18 pour garnir toutes les embrasures qui battent sur le fleuve, les retranchements qui font la clôture de ces batteries du côté des terres ne devant être défendus qu'avec des pièces de 4 et de 6, qui se trouvent à la Nouvelle-Orléans. Avec ce secours la colonie pourrait se défendre.

"On remarquera que, dans cette dépêche, le marquis de Vaudreuil dit qu'il est à peu près impossible de faire à la Balise aucun ouvrage de fortification. Cependant M. de Bienville parait n'avoir pas été de cette opinion, puisqu'il adjugea, en 1741, à M. Dubreuil, pour la somme de 297,382 livres, les ouvrages les plus pressés qu'il y avait à y faire. L'ingénieur Devergès, consulté sur la possibilité de bâtir un fort à la Balise, répondit favorablement et porta le devis des dépenses à 532,408 livres. L'opinion des ingénieurs modernes s'est prononcée en faveur du site choisi par M. Lenormant: le détour de Plaquemines.

Le 26 Novembre, le marquis de Vaudreuil écrivait au ministre : "j'ai reçu en septembre dernier la lettre du 6 mai, par laquelle on me donne avis de trois vaisseaux et une frégate partis d'Angleterre au mois d'avril sous le commandement du chef d'escadre Knowles, qui devait relacher à Antigua et de là, à la Jamaïque. Il est supposé que cet armement est destiné pour la Louisiane. J'ai été aussi informé que le général Oglethorpe devait repasser incessamment dans la Georgie avec un renfort de troupes, et que peut-être le chef d'escadre Knowles était destiné à faire quelque entreprise, de concert avec lui, sur la floride. J'ai fait passer cet avis aux gouverneurs de Pensacola, de St.-Marc et de St.-Augustin.

"Je suis préparé à tout évènement. J'ai la bonne vo- 1746. lonté, mais peu de moyens. Je n'ai rien pour défendre l'entrée de la passe de l'Est, où il s'est fait une ouverture au nouveau chenal dans la partie la plus prochaine de la Balise, lequel chenal à de quinze à seize pieds d'eau de mer basse sur la barre et deux cents toises de longueur par le travers des battures les plus au large, qui forment comme un fer à cheval avançant en mer. Le fonds est de vase. Il est divisé en trois à sa sortie. Deux de ces chenaux ont dix à vingt cinq toises de largeur chacun, et le troisième trente à quarante, et sont séparés l'un de l'autre par des battures et des buttes de terre grasse sortant de l'eau. Le plus large est à droite en entrant. Nous avons travaillé sur le champ à fortifier cette nouvelle passe avec le secours des habitants, qui l'auraient fait encore plus volontiers, si M. Lenormant s'y fut pris autrement. Il leur a refusé même de fournir des outils, des vivres pour la subsistance de leurs nègres, et les voitures pour les conduire sur les lieux. Voulant même, en dernier lieu, les obliger à achever les fortifications au détriment de leurs récoltes, prétention injuste qui commençait à irriter les habitants. Aussi, je ne l'ai pas voulu laisser aller plus loin.

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"Quant aux forces de la colonie, je puis mettre quatre cents hommes sur pied, avec les petites nations, qui peuvent faire nombre de cinq à six cents hommes, et deux cents à trois cents nègres sur lesquels on peut compter. Mais il nous manque des armes et des munitions."

Il y eut cette année un ouragan presque aussi terrible que les deux ouragans de 1740. Une grande partie des recoltes fut détruite, et le bas de la province était me

cé de famine, si de prompts secours n'avaient pas été
voyés par le district des Illinois, qui déjà fournissait
us les ans à la Nouvelle-Orléans une assez grande

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1746. quantité de farine. Les bateaux des Illinois arrivaient vers la fin de décembre et repartaient en février. Il paraît qu'autrefois les ouragans étaient beaucoup plus fréquents que de nos jours. On dirait que la marche de la civilisation, que les progrès de l'agriculture, en modifiant l'aspect d'un pays, détruisent les causes de ces fléaux dévastateurs. On dirait que la nature se dépouille de sa rudesse primitive, et que les éléments mêmes adoucissent leur lutte devant le courage persévérant et le labeur patient de l'homme!

Le budget des dépenses courantes de la colonie se monta cette année à 444,904 livres.

CHAPITRE XVIII.

RAPPORT DE M. LENORMANT SUR LA MONNAIE DE PAPIER.-GUERRE
CIVILE ENTRE LES CHACTAS.-MORT DE SOULIER ROUGE.-LES
FRANÇAIS SONT HARCELÉS PAR LES INDIENS.-NOUVELLE ÉMIS-
SION DE PAPIER MONNAIE PAR VAUDREUIL ET MICHEL.-ILS SONT

BLAMÉS PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS.-RÉGLEMENTS DE
POLICE.-ÉTAT DES FORCES DE LA COLONIE EN 1751.

LE 27 mars 1747, M. Lenormant qui, en sa qualité de commissaire-ordonnateur, devait accorder une attention. toute particulière à l'état financier de la colonie, fit, à ce sujet, un rapport dont voici un extrait: "Dès que le papier-monnaie a commencé à perdre, on s'est jeté sur les piastres, que l'on a achetées plus ou moins dans les commencements, suivant le plus ou moins de besoin, de cupidité ou d'industrie de ceux qui les achetaient ou les vendaient. Voilà la source de tout l'agio qui s'est fait dans la colonie sur les lettres de change et sur les piastres. Il a considérablement augmenté pendant les années 1741, 1742 et 1743, mais il serait bien difficile de vous dire la fermentation qui a eu lieu à cet égard dans la colonie, à combien de virements cela a donné lieu, ni avec combien d'adresse plusieurs particuliers ont su profiter de ces circonstances à leur avantage, et au préjudice des intérêts du roi et du bien général de la colonie. "Sur la question de savoir s'il convient de hasarder de nouveau de la monnaie de papier, j'y trouve de grandes difficultés, parce que la quantité à émettre ne

1747.

1747. peut pas être connue d'avance, pas plus que les dépenses de la colonie, sur lesquelles doit être fondée l'émission de ce papier monnaie.

"On a tout à craindre encore de l'avidité et du goût décidé des particuliers de cette colonie pour l'agio. Leur industrie, dont on aurait pu faire un meilleur usage, a été de tout temps uniquement tournée de ce côté là. Car, quoique l'agio sur la monnaie de la colonie, sur les piastres et sur les lettres de change, n'eût commencé qu'en 1737, l'agio sur les marchandises de magasin, et sur tout ce qui en était d'ailleurs susceptible, a toujours eu lieu dans la colonie. C'est pour ainsi dire le seul objet auquel ceux qui demeurent dans le pays se sont attachés, au préjudice de l'établissement des terres et des autres moyens qui peuvent faire fleurir la colonie.

"Je conviens qu'une nouvelle monnaie de carte ou de papier procurera un soulagement actuel à la caisse de la marine en France; mais ce soulagement, qui ne peut avoir lieu que pour la première année, ne peut balancer les risques inséparables de l'établissement et de l'existence de cette monnaie dans le pays."

On voit que M. Lenormant, il y a juste un siècle, écrivait, en quelque sorte par anticipation, l'histoire du papier monnaie contemporain dont nous avons vu tous les tripotages; on voit que les mêmes causes ont produit, en 1842, les mêmes effets qu'en 1742. Ce rapprochement est par lui-même une leçon pour l'avenir et n'a pas besoin de commentaires.

A cette époque, quelques doutes s'étant élevés sur l'étendue des terres qui dépendaient de la juridiction de la Nouvelle-Orléans comme chef-lieu, le marquis de Vaudreuil décréta, en date du 11 mai, que cette juridiction s'étendait depuis le bas du fleuve, des deux côtés, jusques aux quartiers des Allemands exclusivement, et qu'elle devait comprendre aussi le quartier du bayou

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