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autorisée en effet on n'aurait pu la faire observer. L'usage n'était plus guère qu'on envoyât des officiers extraordinaires daus les provinces qui eussent l'œil sur l'administration de la justice et sur les affaires politiques. Ainsi, lorsque tout, à peu près, fut devenu fief, ces officiers ne purent plus être employés; il n'y eut plus de loi commune, parce que personne ne pouvait

faire observer la loi commune.

Les lois saliques, bourguignonnes et visigothes furent donc extrêmement négligées à la fin de la seconde race; et au commencement de la troisième on n'en entendit presque plus parler.

Lorsque les nations germaines conquirent l'empire romain, elles y trouvèrent l'usage de l'écriture; et, à l'imitation des Romains, elles rédigèrent leurs usages par écrit, et en firent des codes. Les règnes malheureux qui suivirent celui de Charlemagne, les invasions des Normands, les guerres intestines, replongèrent les nations victorieuses dans les ténèbres dont elles étaient sorties; on ne sut plus lire ni écrire. Cela fit oublier en France et en Allemagne les lois barbares écrites, le droit romain et les capitulaires. L'usage de l'écriture se conserva mieux en Italie, où régnaient les papes et les empereurs grecs, et où il y avait des villes florissantes, et presque le seul commerce qui se fit pour lors. Ce voisinage de l'Italie fit que le droit romain se conserva mieux dans les contrées de la Gaule autrefois soumises aux Goths et aux Bourguignons, d'autant plus que ce droit y était une loi territoriale, et une espèce de privilége. Il y a apparence que c'est l'ignorance de l'écriture qui fit tomber en Espagne les lois visigothes; et par la chûte de tant de lois, il se forma par-tout des coutumes.

Les lois personnelles tombèrent; les compositions et ce qu'on appelait freda se réglèrent plus par la coutume que par le texte de ces lois. Ainsi, comme dans l'établissement de la monarchie on avait passé des usages des Germains à des lois écrites, on revint quelques siècles après des lois écrites à des usages non écrits.

On voit, par plusieurs monumens, qu'il y avait déjà des coutumes locales dans la Tome XII.

première et la seconde races. On y parle de la coutume du lieu, de l'usage ancien, de la coutume, des lois et des coutumes.

Du temps de Pepin le Bref ( premier roi de la seconde race, en 751), les coutumes qui s'étaient fumées avaient moins de force que les lois; mais bientôt les coutumes détruisirent les lois; et comme les nouveaux réglemens sont toujours des remèdes qui indiquent un mal présent, on peût croire que du temps de Pepin, on commençait déjà à préférer les coutumes aux lois.

Dans le commencement de la troisième race, les rois donnèrent des chartes particulières, et même ils en donnèrent de générales tels sont les établissemens de Philippe-Auguste, et ceux que fit saint Louis. De même, les grands vassaux, de concert avec les seigneurs qui tenaient d'eux, donnèrent dans les assises de leurs duchés ou comtés, de certaines chartes ou établissemens, selon les circonstances. Telles furent l'assise de Geoffroy, comte de Bretagne, sur le partage des nobles; les coutumes de Normandie, accordées par le duc Raoul; les coutumes de Champagne, données par le roi Thibault; les lois de Simon, cointe de Montfort, et autres. Cela produisit quelques lois écrites et même plus générales que celles que l'on avait.

Dans le commencement de la troisième race, presque tout le bas peuple était serf: plusieurs raisons obligèrent les rois et les seigneurs de l'affranchir en partie.

Les seigneurs en affranchissant leurs serfs, leur donnèrent des biens; il fallut leur donner des lois civiles pour régler la disposition de ces biens. Les seigneurs en affranchissant leurs serfs se privèrent de leurs biens; il fallut donc régler les droits que les seigneurs se réservaient pour l'équivalent de leurs biens. L'une et l'autre de ces choses furent réglées par les chartes d'affranchissement. Ces chartes formèrent une partie de nos coutumes, et cette partie se trouva rédigée par écrit.

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leur temps sur la disposition des biens; mais tout s'y trouve et quoique ces auteurs particuliers n'eussent d'autorité que par la vérité et la publicité des choses qu'ils disaient, on ne peut douter qu'ils n'aient beaucoup servi à la renaissance de notre droit français. Tel était, dans ces temps-là, notre droit coutumier écrit. Mais Charles VII, parvenu au trône de France en 1422, et ses successeurs, firent rédiger par écrit dans tout le royaume, les diverses coutumes locales, et prescrivirent des formalités qui devaient être observées dans cette rédaction. Or, comme elle se fit par province, et que de chaque seigueurie on venait déposer dans l'assemblée générale de la province, les usages écrits et non écrits de chaque lieu, on chercha à rendre les coutumes plus générales, autant que cela put se faire, sans blesser les intérêts des particuliers qui furent réservés. Ainsi nos coutumes prirent trois caractères : elles furent écrites; elles furent plus générales; elles recurent le sceau de l'autorité royale.

Plusieurs de nos coutumes ayant été de nouveau rédigées, on y fit plusieurs changemens, soit en ôtant tout ce qui ne pouvait compatir avec la jurisprudence actuelle, soit en ajoutant plusieurs choses tirées de cette jurisprudence.

Quoique le droit contumier fût regardé parmi nous comme contenant une espèce d'opposition avec le droit romain, de sorte que ces deux droits divisaient les territoires, il est pourtant vrai que plusieurs dispositions du droit romain étaient entrées dans nos coutumes, sur-tout lorsqu'on en fit de nouvelles rédactions dans des temps peu éloignés du nôtre, où ce droit était l'objet des études de tous ceux qui se destinaient aux emplois civils.

On comptait environ soixante coutumes générales dans le royaume, c'est-à-dire, qui étaient observées dans une province

entière; et environ trois cents coutumes locales, qui n'étaient observées que dans une seule ville, bourg ou village.

Louis XI desirait beaucoup de ne faire qu'une seule coutume en France, c'est-àdire, d'établir une loi uniforme pour toute

la France. Ce fut aussi le vœu de plusieurs de ses successeurs; mais comment concilier tant d'intérêts si divers? Comment détruire des habitudes, abroger des prérogatives, fondre en un seul et même peuple soumis aux mêmes règles tant de petits états particuliers ayant chacun leurs règles et leur maximes différentes? Il ne fallait pas moins qu'une violente secousse politique, un ébranlement universel dans tous les ordres de l'état pour amener les choses à cette uniformité générale, dont les bons esprits sentaient depuis long-temps l'avantage; et cette époque mémorable s'est présentée au moment de la révolution, en 1789.

Les députés de l'assemblée constituante qui n'avaient que des mandats impératifs, s'étant fait délivrer des pouvoirs illimités par leurs commettans, à la suite de l'arrêté de la fameuse nuit du 4 août 1789, il fut décrété le 11 du même mois, art. 10, page 63, « qu'une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les priviléges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice était nécessaire à l'union intime de viléges particuliers des provinces, princitoutes les parties de l'empire, tous les pripautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitans, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, étaient abolis sans retour, et demeuraient confondus dans le droit commun de tous les Français. » L'art. 19, du titre 2 de la loi du 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, porta que « les lois civiles seraient revues et réformées par les législatures; et qu'il serait fait un code général de lois simples, claires et appropriées à la constitution. »

Des principes généraux et uniformes pour toute la France ayant été adoptés par les lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2, sur la transmission des biens par succession ou donation, toutes lois, coutumes, usages et statuts relatifs à ces objets furent déclarés abolis par l'art. 61 de cette loi du 17 nivose. Enfin le Code civil ayant été publié dans les années 11 et 12, (1803 et 1804), il a été disposé par l'art. 7 de la loi du 30 ventose an 12, sur la réunion des lois civiles en un seul corps, « qu'à compter du jour où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes,

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Suivant l'art. 1390 du Code Civil, les époux ne peuvent plus stipuler d'une manière générale que leur association sera réglée par l'une des coutumes, lois ou statuts locaux qui régissaient ci-devant les diverses parties du territoire français et qui sont abrogés par le présent code.

Voyez ci-après l'art. Matrimoniales. (Conventions)

7. COUTUME LOUABLE. T. 5, p. 682. 8. COUTUME. (Droit ecclésiastique. )·

I. C'est un droit substitué par l'usage à une loi écrite In iis rebus in quibus nihil certi divina statuit scriptura, mos populi et instituta majorum pro lege tenenda sunt Dei, et sicut prævaricatores divinarum legum ita et contemptores ecclesiasticarum consuetudinum sunt coercendi. (C.7, dist. 12. Lancelot, Instit. tit. 2, lib. S est autem.) Diuturni mores consensu utentium approbati legem imitantur. (C. 6, dist. 12.)

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Le temps nécessaire pour former une coutume, suivant le droit canonique, n'est pas bien déterminé. Les uns estiment qu'on doit suivre en matières ecclésiastiques les lois civiles qui, en matières profanes, n'exigent que dix ou vingt ans; les autres fixent le temps à quarante années; enfin les autres à l'immémoriale. ( Gloss. in C. 7, dist. 12.) La plus commune opinion est qu'il faut quarante ans pour prescrire contre une loi ecclésiastique dont la disposition n'intéresse ni la foi, ni les bonnes mœurs, ni par conséquent la raison et le droit naturel; car, en ce cas, la coutume serait illicite et pernicieuse; et quelque longue qu'elle fût, il faudrait l'abolir: ce ne serait plus alors un usage, mais un abus et une corruptèle.

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2. En France, on a toujours respecté l'autorité des coutumes et des usages particuliers des églises. Les libertés mêmes de l'église de France en général ne sont proprement que des coutumes et des anciens usages. (Voyez Libertés.) Les ultramontains en ont fait mal à propos un sujet de critique en demandant où étaient les titres de ces libertés. On leur a répondu qu'ils étaient dans les anciens canons et dans les coutumes, aussi respectables par leur antiquité que par leur éloignement de tout ce qui peut blesser la foi et les bonnes mœurs; ce qui n'a rien que de conforme aux principes que nous venons d'établir, et qui sont reconnus en France comme par-tout ailleurs.

L'art. 6 des articles organiques du concordat du 26 messidor an 9 (bulletin 172, no 1344, 3me série), porte « qu'il y aura recours au conseil d'état dans tous les cas d'abus de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques. Que les cas d'abus sont l'usurpation ou l'excès de pouvoir, la contravention aux lois et règlemens de la république, l'infraction des règles consacrées par les canons reçus en France, l'attentat aux libertés, franchises et coutumes de l'église gallicane, et toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression ou en injure, ou en scandale public. »

n

L'art. 38 de la même loi défend aux vicaires généraux qui gouverneront pendant la vacance, ainsi qu'aux métropolitains ou capitulaires, de se permettre aucune innovation dans les usages et coutumes du diocèse.

COUTUMIER. Tome 5, pag. 682.

COUVENT. Tome 5, page 682.

COUVERTURE.

C'est le toit des maisons, c'est-à-dire ce qui défend le dedans des injures de l'air :

tectum.

Suivant l'art. 606 du Code Civil, le rétablissement des poutres et des couvertures entières est au nombre des grosses répa

rations.

Voyez Réparation.

COUVRAINES.

On dit en Artois faire des couvraines, pour désigner l'action de couvrir la terre ensemencée. Voyez Maillard sur l'art. 141 de la coutume d'Artois.

COUVRIR.

On emploie ce mot au Palais dans plusieurs phrases; ainsi, couvrir une enchère signifie enchérir au-dessus de quelqu'un. Couvrir la prescription signifie interrompre la prescription qui commençait à courir, soit par un acte de possession, soit par quelque procédure. Couvrir la péremption signifie la prévenir de manière qu'elle ne puisse plus avoir lieu. Couvrir une fin de non recevoir signifie la parer et l'écarter de façon qu'on ne peut plus l'opposer. Couvrir une nullité signifie l'écarter par une sorte de fin de non recevoir, comme quand celui qui pouvait débattre de nullité un exploit ou quelqu'autre acte, a approuvé cet acte en procédant volontairement en conséquence.

Voyez Enchère, Fin de non recevoir, Péremption, Prescription, etc.

COYS.

saire français, un droit sur les vaisseaux qui échouent à la côte, ou le droit d'ancrage et amarrage. Cet auteur cite à cette occasion, dans son Glossaire latin, au mot Peccium, l'extrait suivant d'une charte donnée en 1422, par Jean, duc de Bretagne : « Ports de mer, coys et pecoys, et ce que la mer cueuvre et décueuvre, etc. »> Peut-être le coys et pecoys ne sont-ils ici rien autre chose que les relais de la mer, d'autant que cueuvre et decueuvre signifient

couvrir et découvrir.

CRAINTE. (Morale.)

1. L'abbé Girard, dans son dictionnaire des synonymes, met les distinctions suivantes entre crainte, appréhender, redouter et avoir peur. On craint par un mouvement d'aversion pour le mal dans l'idée qu'il peut arriver. On appréhende par un mouvement de desir pour le bien, dans l'idée qu'il peut manquer. On redoute par un sentiment d'estime pour l'adversaire, dans l'idée qu'il est supérieur. On a peur par un faible d'esprit pour le soin de sa conservation, dans l'idée qu'il y a du danger.

Le défaut de courage fait craindre; l'incertitude du succès fait appréhender; la défiance des forces fait redouter; les peintures de l'imagination font avoir peur.

Le commun des hommes craint la mort au-dessus de tout; les épicuriens craignent davantage la douleur ; mais les gens d'honneur pensent que l'infamie est ce qu'il y a de plus à craindre. Plus on souhaite ardemment une chose, plus on appréhende de ne la pas obtenir. Quelque mérite qu'un auteur se flatte d'avoir, il doit toujours redouter le jugement du public. Les femmes ont peur de tout, et il est peu d'hommes qui, à cet égard, ne tiennent de la femme par quelque endroit. Ceux qui n'ont peur de rien, sont les seuls qui font bonneur à

leur sexe.

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La crainte grave, qu'on appelle metus

C'est, dit dom Carpentier dans son Glos- cadens in constantem virum, est celle qui

ne vient point de pusillanimité, mais qui est capable d'ébranler l'homme courageux, comme la crainte de la mort, de la captivité, de la perte de ses biens; et, à cet égard, le Code Civil définit ainsi, article 1112: « il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne, ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes. »

La crainte légère est celle qui se rencontre dans l'esprit de quelques personnes timides, et pour un sujet qui n'ébranlerait point un homme courageux, comme la crainte de déplaire à quelqu'un, d'encourir sa disgrace.

On met au rang des craintes légères la crainte révérentielle, telle que la déférence qu'une femme peut avoir pour son mari, le respect qu'un enfant a pour ses père et mère et autres ascendans, soit en ligne directe ou collatérale; celui que l'on doit avoir pour ses supérieurs, et notamment pour les constituées en dipersonnes guité; la soumission des domestiques envers leurs maîtres, et autres semblables considérations qui ne sont pas réputées capables d'ôter la liberté d'esprit nécessaire pour donner un consentement valable, moins qu'elles ne soient accompagnées d'au tres circonstances qui puissent avoir fait une impression plus forte. Ainsi le consentement qu'un fils donne au mariage que son père lui d'être ne laisse propose, pas valable, quand même il serait prouvé que ce mariage n'était pas du goût du fils : Volontas enim remissa tamen volontas est.

à

Les lois romaines nous donnent encore plusieurs exemples de craintes graves et de craintes légères; elles décident que la crainte de la prison est juste, et que la promesse qui est faite dans un tel lieu est nulle de plein droit. Parmi nous, une promesse qui serait faite pour éviter la prison, serait en effet nulle; mais celui qui est déjà constitué prisonnier peut s'obliger en prison, pourvu que ce soit sans contrainte, en observant seulement de le faire venir entre deux guichets, comme étant réputé lieu de liberté.

La crainte d'un procès mu ou à mouvoir ne vicie pas la stipulation; il en est de même de l'appréhension que quelqu'un a d'être nommé à des charges publiques et de police; mais, lorsqu'il y a danger de la vie, ou que l'on est menacé de subir quelque peine corporelle, c'en est assez pour la rescision d'un acte, fût-ce même une transaction.

Un nouveau consentement ou une ratification de l'acte répare le vice que la crainte y avait apporté.

Chez les Romains, aucun laps de temps ne validait un acte qui avait été fait par une crainte grave; mais, dans notre jurisprudence, il faut réclamer dans les dix années du jour qu'on a été en liberté de le faire; autrement on n'y est plus recevable. Au surplus, voici ce qui a été réglé par le Code Civil.

Art. 1111. « La violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation, est une cause de nullité, encore qu'elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. »

Nous avons rapporté ci-dessus l'article 1112.

Art. 1113. « Laviolence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu'elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu'elle l'a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendans ou sur ses ascendans.

Art. 1114. « La seule crainte révérentielle envers le père, la mère ou autre ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuller le

contrat.

Art. 1115. « Un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé, soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi. »>

L'art. 1304 du Code Civil limite à dix années l'action en rescision. Dans le cas de violence, ce temps ne court que du jour où elle a cessé.

Voyez Rescision.

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