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un semblable procédé de réfutation! N'était-ce pas perdre de sa dignité que de descendre à la justification pour une foule d'invraisemblables impostures? Une autre voie nous était offerte; c'était d'exposer simplement les faits authentiques, d'écrire, pièces en main, l'histoire exacte de la Présidence de LouisNapoléon et spécialement celle du Deux-Décembre. C'est à ce parti que nous nous sommes arrêté.

Nous ne nous sommes pas interdit, cependant, de saisir au passage, et à titre d'exemple, quelquesunes des énormités inventées à plaisir par les pamphlétaires en renom; mais nous nous sommes attaché à maintenir nos rectifications dans l'exacte mesure de la nécessité.

Quelques-uns de nos amis nous conseillaient de différer encore notre publication. Tout en rendant hommage à la justesse de certaines de leurs observations, deux raisons nous ont déterminé à ne point attendre plus longtemps. Voici la première :

A côté des esprits éclairés qui ont certainement fait justice, à la simple lecture, des inventions de nos insulteurs, il se trouve des natures crédules qui prennent souvent pour vrai, sans défiance, ce que l'impression fait passer sous leurs yeux. Nous avons eu, plus d'une fois, l'occasion de le constater, et il nous eût paru dommageable de laisser plus longtemps s'accréditer l'erreur.

MÉMOIRES

SUR

LE SECOND EMPIRE

CHAPITRE PREMIER

LES ORIGINES DE NOS RÉVOLUTIONS

Les phases diverses de la révolution en France. 1830 et 1848. Louis-Napoléon élu représentant du peuple. Démission et réélection. Les premières lueurs de l'Em

pire.

Quand une nation veut rompre avec son passé, se séparer de ses coutumes traditionnelles, de ses lois fondamentales, pour s'engager dans la voie des réformes et se créer des institutions nouvelles, une semblable entreprise n'est point l'œuvre d'un jour. Un long travail des esprits prépare la crise; un effort suprême la fait aboutir; il faut de nombreuses années pour en régler les effels. En cherchant dans la vie des peuples, en étudiant l'histoire de leurs transformations politiques et sociales, en suivant

attentivement la marche de leur civilisation, on voit, effectivement, combien sont laborieuses ces évolutions qui mènent à la grandeur ou qui conduisent à la décadence.

La France traverse une de ces crises redoutables. Il faut remonter aux dernières années du siècle de Louis XIV pour trouver les germes du mouvement politique et social qui a causé dans notre malheureux pays un si terrible ébranlement. Sous la régence et durant les longues années du règne de Louis XV, le mal s'aggrave, et déjà s'aperçoivent les premières lueurs de cet immense incendie qui, de la France, devait s'étendre à une partie de l'Europe.

Sous le règne de Louis XVI, l'idée révolutionnaire apparaît à visage découvert; elle s'affirme, elle se constitue. Les chefs du mouvement ne conspirent plus seulement, ils agissent. Ils négocient d'abord avec le pouvoir, puis lui dictent leurs lois, jusqu'au jour où, se sentant une force suffisante pour livrer le dernier assaut, ils sapent et renversent ce vieil édifice monarchique duquel étaient sortis, pour la France, des siècles de grandeur et de prospérité.

Aucune concession, aucune soumission n'avait réussi à calmer les exigences, à prévenir l'explosion; tous les efforts que pouvaient inspirer, à un souverain, l'amour du bien, le patriotisme le plus sincère, Louis XVI les avait tentés. Il avait compris que le mouvement qui agitait la France n'était pas de ceux qu'on réprime; il s'était consacré à la recherche des réformes utiles; il ne reculait devant aucun sacrifice pour arriver à ce qu'il croyait être l'intérêt du pays.

Si les promoteurs de la révolution n'eussent voulu, comme le Roi, que le triomphe du bien, le mouvement fût resté pacifique; il eût été fécond en bienfaits au lieu d'être si prodigue en désastres; il eût ouvert une ère nouvelle de prospérité au lieu d'accumuler les douleurs et les ruines.

Mais ce ne sont point ceux qui déchaînent les passions populaires qui sont maîtres d'en régler le courant. Les chefs de la révolution furent rapidement débordés par elle et ils en devinrent, tour à tour, les victimes. 1793 fut le point culminant de la crise, et l'histoire, en flétrissant cette date funeste, lui a donné son véritable nom, la Terreur.

La Terreur une fois vaincue, la révolution reprenait son œuvre. Si elle cessait d'être sanguinaire, elle ne cessait point d'être, et pour longtemps, désastreuse; pour si longtemps, qu'à l'heure présente nous nous débattons péniblement encore sous les étreintes de ce mal terrible dont la fin reste toujours un problème.

Il fallait que la domination de l'idée révolutionnaire eût une puissance bien profonde pour que les gigantesques et glorieuses diversions de l'Empire n'aient point réussi à terminer la crise. Le 18 Brumaire avait été la première revanche de l'ordre sur l'anarchie et le premier retour à la raison. Du milieu des décombres, le génie de Napoléon avait fait jaillir tout un monde nouveau. Les utopies, les idées aventureuses et subversives avaient été refoulées. Les revendications acceptables de la révolution, celles qu'on eût pu, sans commotions et d'accord avec la

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