Page images
PDF
EPUB

modifier la loi du 31 mai soi-même, et dans une juste mesure, que de la voir rétractée tout entière et solennellement révoquée par Louis-Napoléon. Je le dis sans colère contre les personnes, mais avec un profond sentiment d'amertume contre les conséquences funestes qui en sont sorties: c'est du côté d'où devait venir le secours qu'est venu l'obstacle, et, il faut bien le reconnaître, la responsabilité de la catastrophe de 1851, comme celle de 1848, pèse, en grande partie, sur ceux qui, en présence d'un péril évident, n'ont su ni céder, ni résister, ni faire la guerre, ni se prêter à la paix. Si j'avais été interpellé directement à ce sujet, j'aurais été forcé de dire que, pour cette fois, la formation d'un ministère parlementaire avait échoué par la faute des chefs du parti conservateur. »

Et qui tient ce langage que nous tenons nous-même? Nous l'avons dit, c'est l'homme le moins suspect de bienveillance, M. Odilon Barrot qui, à chaque page de son livre, s'ingénie à relever, une à une, ce qu'il appelle les fautes de Louis-Napoléon, incrimine tous ses actes, attaque injustement et impoliment ceux qui le servent ou le soutiennent, et ne rend cet hommage accidentel à la vérité que parce qu'elle lui apparaît avec un tel éclat, qu'il renonce à en essayer la dissimulation. Condamner ainsi ses plus chauds amis, dire que c'est d'eux « qu'est venu l'obstacle », faire peser expressément sur eux la responsabilité du coup d'État, n'est-ce pas cent fois absoudre Louis-Napoléon de sa courageuse entreprise! Et si M. Odilon Barrot proclame si librement cette irrécusable vérité, au

rions-nous donc besoin de rien ajouter à de semblables aveux!...

Qu'on ne nous prête pas toutefois, quand nous parlons ainsi, la pensée de rechercher des palliatifs à nos actes; qu'on ne suppose point que nous demandions à d'autres le partage de responsabilités qui ne sont lourdes ni à notre conscience ni à notre patriotisme. Il nous plaît seulement d'enlever à nos adversaires d'alors, par la main d'un des leurs, le droit de nous accuser. Et quand nous dirons plus loin, que nous n'avons fait, au Deux-Décembre, que répondre aux exigences d'une situation qui n'était pas notre œuvre, et dénouer, au péril de notre vie, les inextricables difficultés, qui étaient l'œuvre des partis; si leur contradiction nous arrive, nous aurons à leur répondre lisez votre historien, lisez M. Barrot; il vous dira que c'est vous, et vous seuls, qui avez été « l'obstacle » à la solution pacifique et constitutionnelle de la crise. A chacun sa part dans l'histoire à vous les fautes commises, à Louis-Napoléon la gloire de les avoir réparées.

CHAPITRE IX

LA DISCUSSION SUR LA REVIS

DE LA CONSTITUTION

Tactique du Prince-Président avec l'Assemblé du 10 avril.-L'article III de la Constitution

[ocr errors]
[ocr errors]

de Dijon. Discussion sur la demande de Constitution. La République jugée par 1 Le général Cavaignac affirme la doctrine Prophétie sur M. Thiers. MM. Berryer et

[ocr errors]

Les diatribes de M. Victor Hugo. MM

[merged small][ocr errors]
[ocr errors]

Rejet de la prop

prise indirecte de la discussion.

Ordre d

le ministère Faucher. - Deux partis à pren Napoléon. Celui auquel il s'arrête.

Il fallait que les chefs de la majorité bien haute idée de la longanimité du F mépris profond de sa puissance, pour témérairement à des provocations ince adresse. Il fallait, plus exactement, dominés par un étrange aveuglement, que cette guerre à coups d'épingles po un résultat profitable à leurs desseins. retour sur eux-mêmes leur eût montre

[blocks in formation]

lait sur leurs têtes. Ils pouvaient exaspérer le Cl de l'État, le contraindre ainsi à sortir de sa patien et voir éclater cette crise, ce Coup d'État, qui, mal leur forfanterie, était leur constante inquiétude. devaient, en outre, irriter les gens sensés, troub le pays pacifique, et diminuer incessamment nombre, si réduit déjà, de leurs adhérents, pour rejeter dans les rangs des partisans de Louis-Na léon. Dans cette voie des agressions systématiqu tout était donc préjudice pour leur cause, tout ét profit pour celle du Chef de l'État.

A quoi donc servaient ces puissantes facultés hommes les plus éminents de la France réunis aréopage, si, à eux tous, ils ne réussissaient pas à p nétrer les réelles intentions du Prince auquel ils s'é diaient à faire échec! Pourquoi ne parvenaientdonc pas à découvrir son plan de conduite, à devin à l'avance ses résolutions, à comprendre la port de ses actes, à riposter avec opportunité aux cou qu'il leur portait! Pourquoi, si puissants par l'espr par l'expérience, étaient-ils, dans toutes leurs re contres, battus par leur ennemi, qui, seul, presq sans conseils, du fond de sa retraite de l'Élysée, jouait de leurs menaces, se fortifiait de leurs faut et se préparait à les frapper à son heure, s'il réussissait à les amener à ses volontés! Pourqu cet étrange contraste? Pourquoi les forts étaientécrasés par celui qu'ils appelaient le faible? Par que le faible avait avec lui la vérité, la raiso l'immense coopération du pays, un but précis, ha

tement avouable, le salut de la France sans secousse et sans désordre, et parce que les forts étaient, au contraire, sans cohésion, parce que l'obscurité pouvait seule prolonger leur compromis, parce que, si respectable que fût leur dévouement à leur cause, le pays ne voyait en eux, ni le souci de son intérêt, ni le pouvoir d'assurer son repos.

Louis-Napoléon, à mesure que se répétaient les attaques, bénéficiait de son imperturbable patience pour choisir sa riposte. Souvent, et par calcul, il la faisait attendre; il tenait à laisser calmer les esprits au lendemain des perturbations parlementaires et mettait une sorte d'affectation à se laisser venger par l'opinion d'abord, avant de se venger lui-même; puis au jour adroitement choisi, il frappait à son tour, et ses coups faisaient brèche. C'est ainsi qu'après avoir brisé le général Changarnier, il avait patiemment laissé la Chambre entasser fautes sur violences; il avait, sans murmures, laissé passer l'ordre du jour blessant du 6 janvier, le rejet de sa dotation, les sarcasmes, les injures dont on l'avait compendieusement accompagné, le refus de coopérer à la formation d'un cabinet de conciliation, et jusqu'à ces mots qu'on promenait à la Chambre: << ni un jour, ni un écu, bravade impolitique, quand on n'avait ni une majorité pour agir, ni le pays pour approuver.

Dans un discours prononcé à Dijon, et dont nous aurons à parler, le Prince-Président devait payer sa dette à ses adversaires, et, en même temps, les avertir de ce qu'il attendait de la Chambre dans la

« PreviousContinue »