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à la confiance qu'on avait placée en lui. Il avait rétabli l'ordre, ramené la sécurité, ouvert tout un horizon de prospérité. Parce qu'il grandissait, fallait-il cesser de le soutenir? Parce qu'il était devenu fort, fallait-il le combattre? Parce que son pouvoir marchait à un affermissement définitif, fallait-il le renverser? Une telle attitude n'était ni correcte ni patriotique. On s'était résigné au 10 décembre; on devait se résigner encore la logique le commandait.

En vain eût-on voulu prétendre que l'échéance constitutionnelle de 1852 ouvrait une porte nouvelle aux aspirations dynastiques. Une telle affirmation eût manqué de sincérité. Pour tous, il était prouvé, jusqu'à l'évidence, qu'à la date de 1852 il n'y aurait que deux forces possibles en présence: d'un côté, le Prince et l'ordre avec lui; de l'autre, la Révolution et la Jacquerie avec elle. Tout effort dynastique eût été broyé entre ces deux forces puissantes; le moment de l'effort était passé, le patriotisme demandait la résignation. Peut-être avait-on fait, au 10 décembre, plus qu'on ne voulait faire; mais on ne pouvait revenir en arrière, et, nous le répétons, la résignation seule était opportune et patriotique.

Pour être juste, pour limiter, là où elles doivent l'être, les responsabilités encourues par les partis à cette époque critique, disons que, dans leur généralité, en dehors surtout de l'Assemblée, l'attitude des partis monarchiques était ce qu'elle devait être, empreinte de calme et de modération. Et c'est pour leur rendre hommage que nous séparons d'eux,

comme nous venons de le faire, passionné de représentants qui, blée, poussaient à la sédition à la fois, et leur cause et les ve pays.

CHAPITRE XIV

NOS DERNIÈRES CONFÉRENCES

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Les sociétés secrètes.

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Le projet de loi sur la responsabilité du Président de la République. Nouveaux agissements des partis. Les résolutions qu'ils nous commandent. Les coulisses parlementaires. La presse. Deux discours de Louis-Napoléon. MM. de Saint Arnaud, Magnan, de Persigny et de Morny. M. de Morny désigné pour le ministère de l'intérieur. rence du 1er décembre à l'Élysée.

Notre confé

Le soir même du 17 novembre, nous étions appelés à l'Élysée. Le général de Saint Arnaud et moi, nous examinions rapidement avec le Prince ce qu'il y avait à faire. Pour la nuit, nous n'avions qu'à surveiller les menées de nos adversaires. Le lendemain nous devions, dans un entretien nouveau, arrêter les mesures que commandait la situation.

Avant de me rendre à l'Élysée, le 18 novembre, j'avais reçu déjà un rapport m'informant des dispositions dans lesquelles étaient les vaincus du scrutin de la veille. Si quelques-uns avaient subi le décou

ragement qu'engendre souvent la défaite, les plus violents ne faisaient au contraire que redoubler d'ardeur. A peine un de leurs projets avait-il été condamné par la Chambre, qu'ils songeaient de nouveau à surprendre d'elle, une mesure, une résolution, un acte quelconque qui pût servir de base à leur action.

Par une singulière coïncidence, le jour même où se discutait la proposition des questeurs, le 17 novembre, avait été déposé, sur le bureau de l'Assemblée, le projet de loi élaboré par le Conseil d'État sur la responsabilité du Président de la République. Dans ce projet, et à côté de ce projet surtout, on espérait retrouver l'occasion qui venait d'échapper. On avait nommé sans retard une commission; on y avait fait entrer les adversaires déclarés du Prince, et on voyait déjà poindre la revanche possible de la journée du 17 novembre (1).

On comptait bien, cette fois, attirer une partie au moins des membres de la gauche; on s'apprêtait, pour assurer cette conquête, à tous les sacrifices exigés. Les intrigues parlementaires et la conspiration reprenaient donc parallèlement leur cours, e avec plus d'activité que jamais.

(1) La commission chargée de l'examen du projet de loi sur la responsabilité des dépositaires de l'autorité publique avait été nommée le 22 novembre 1851. Elle était ainsi composée :

1er Bureau, M. Michel (de Bourges); 2°, Duprat (Pascal); 3o, Creton; 4o, Béchard; 5o, Crémieux; 6o, Berryer; 7o, Janvier; 8o, Monet; 9°, Arago (Emmanuel); 10°, Dufaure; 11°, de Cambarel de Leyval; 12°, Jules de Lasteyrie; 13o, Dufraisse 14, de Laboulie; 15o, Pradié.

Tous ces manœuvres nous étaient révélées, et il était d'autant plus nécessaire de les suivre attentivement qu'elles n'étaient pas le seul péril que nous avions en face de nous.

Si les monarchistes, ou plutôt les meneurs de la droite songeaient à s'emparer du pouvoir, les démagogues, pour lesquels ces projets n'étaient pas un mystère, jugeaient, avec raison, que cette tentative était inséparable d'une collision violente. Une fois la lutte engagée, les premiers coups de fusils tirés, l'armée séparée peut-être en deux camps, tout ne pouvait-il pas sortir d'une semblable conflagration? Et les sociétés secrètes faisant alors appel à toutes leurs forces, un immense embrasement ne pouvaitil pas permettre à la Révolution un nouveau jour de triomphe?

Il ne pouvait à coup sûr se produire, pour les démagogues, une occasion plus propice de prendre les armes que celle d'une insurrection commencée par les monarchistes; aussi les plus avisés de la Montagne se montraient-ils prévoyants quand ils cherchaient à calmer les impatiences de leurs amis, des réfugiés de Londres surtout, qui voulaient profiter de l'agitation provoquée par les dernières séances de l'Assemblée pour tenter un mouvement général.

Parmi les réfugiés de Londres, un grand nombre vivait dans une extrême misère; les secours venant de France diminuaient chaque jour; les ressources du parti étaient consacrées, de préférence, à des achats d'armes et de munitions, et les besogneux expatriés

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