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presque irrésistible. Il fit, en tous cas, expier cruellement au Prince les services qu'il put lui rendre, en se faisant, dans un but de popularité, l'un des promoteurs de plusieurs de ces néfastes réformes auxquelles la France doit ses malheurs. M. Émile Ollivier eut, en effet, originairement M. de Morny pour principal complice dans cette campagne funeste qui aboutit à la liberté mal réglée de la presse,. et à la loi sur les réunions publiques.

M. de Morny causa encore à l'Empire un grave préjudice moral. Dans ce naufrage de principes auquel nous assistons, il en est cependant quelquesuns qui surnagent. Si on ne les applique pas assez pour soi, on les veut chez les autres. C'est ainsi que l'opinion, en France, exige, chez ceux qui gouvernent, le désintéressement et le détachement de toute entreprise industrielle, de toute spéculation. Les spéculations aventureuses de M. de Morny n'eurent point pour seuls effets d'atteindre sa situation, leur retentissement fut tel que l'opinion en prit ombrage. Elle crut trouver, dans ces agissements, comme un symptôme révélateur. Les ennemis du gouvernement ne manquèrent pas d'exploiter cette erreur, et là où il ne fallait voir qu'une défaillance individuelle, ils s'appliquèrent à montrer une décadence morale dans les hautes sphères du pouvoir.

Pour être exact, on pourra dire de M. de Morny : il fut homme de haute élégance et de rare savoirfaire; il fut courageux toujours, habile et puissant à ses heures; il fut aventureux et compromettant en affaires; mais son nom et ses actes ont eu un grand

retentissement. C'était son ambition ; il eut la satisfaction de l'atteindre.

On s'explique aisément quelles difficultés avait soulevées, dans les préliminaires ministériels, le nom de M. de Morny; mais l'heure n'était plus aux questions de personnes. Dans la journée du 1er décembre, M. de Morny assista, pour la première fois, à l'une de nos réunions; le Prince, le général de Saint Arnaud et moi l'initiâmes aux détails d'exécution depuis longtemps résolus; puis nous arrètâmes un point qui, pour moi, avait une importance décisive.

Le préfet de police a de tout temps occupé, en fait, dans le haut personnel gouvernemental, un rang à peu près égal à celui des ministres. Mais, quoique dans la pratique, le pouvoir exécutif, sous la royauté comme depuis, l'eût rendu, dans une certaine mesure, indépendant du ministère de l'intérieur en l'admettant, chaque jour, au travail direct avec le Chef de l'État en dehors du ministre, ce dernier n'en restait pas moins hiérarchiquement son chef, pouvait lui donner ses ordres et par conséquent paralyser sa volonté et son initiative à un moment donné. En présence des circonstances graves que nous allions aborder, une semblable situation offrait de réels dangers; une large part de responsabilité devait peser directement sur moi; je devais exiger mon indépendance absolue, mon entière liberté d'action. Le Prince le comprit ainsi, et M. de Morny ne fit aucune objection à me voir dégagé de son autorité. Il ne devait d'ailleurs entrer en fonctions le 2 décembre, à six heures un quart du malin,

que

et à cette heure, le Coup d'État d rement accompli si le succès cour

rances.

J'avais également à prendre m m'affranchir de la suprématie du Nous devions agir sous l'empire d Or, l'état de siège enlève immédi torités civiles la plus notable portic butions, les fait passer aux autorité me rendre les pouvoirs que la loi il nous parut qu'il suffisait d'un de la guerre, qui renonçât, en n aux attributions dont le saisissait proclamation de l'état de siège. Le Arnaud comprit que rien ne dev marche, il accepta et signa une for tion qui avait pour but d'établir exp ture de nos rapports réciproques. Cette pièce était ainsi conçue:

« Le Ministre de la guerre, « Vu le décret de mise en état d mière division militaire,

« Arrête :

« Nous déléguons, au préfet de de ses pouvoirs que l'état de siège

« Paris, le 2 décembre, 1851.

« Le Ministre

« A. DE SAIN

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Après avoir arrêté quelques points de détail, nous prîmes rendez-vous définitif pour le soir à dix heures, après la soirée de l'Elysée (1). Nous devions nous retirer isolément et nous rendre dans le cabinet du Prince pour notre dernière conférence. L'heure des grandes solutions était proche.

(1) Les salons de l'Élysée étaient ouverts les lundis; le lundi 1er décembre était donc un jour de réception.

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