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L'aspect de Paris dans la matinée du 2 décembre.

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Copies de rapports adressés au Préfet de police. Les réunions des représentants. Protestation de M. Odilon Barrot. Tentative de séance au Palais Bourbon. — M. Dupin et les représentants. La réunion Daru. --La mairie du dixième arrondissement. Un premier envoi de troupes. Les renforts du général Forey. Les sommations et leurs suites. Les 218 ex-représentants à la caserne du quai d'Orsay. La première sortie de Louis-Napoléon. L'armée de Paris et le colonel Fleury. La haute cour de justice. Sa dissolution.

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Le bruit des arrestations dont nous venons de faire le récit s'était vite répandu dans Paris. Quel était à ce moment l'aspect de la capitale? On lisait les documents affichés. On voyait l'armée occuper tous les points importants de Paris, et on pouvait juger déjà de sa solidité. Quelles étaient les impressions dominantes? Nous pourrions, comme l'ont fait ceux qui, en se plaçant à des points de vue di

vers, ont écrit l'histoire de ces évér ici notre appréciation. Si certain qu de rester, en cela comme en toute les limites de la plus stricte vérité, pour résumer l'état des esprits, prof que les circonstances ont mis à no Nous avons pu conserver copie de ports des agents de la Préfecture serait inutile de les reproduire tous suffisamment éclairé en lisant ceux pris au hasard. Les autres en sont presque textuelle. On peut ajouter ments une foi complète. Ils émanen n'ont d'autre mission que la surveill publique, dont la fonction est de dire ce qu'ils entendent, et qui, sous to l'ont fait avec une telle impartialité presque de l'indifférence. Nous cito ment de ces rapports. Ils résument la seuls :

14 arrondissement, 2 décembre, 8 h

Rapport.

« La dissolution de l'Assemblée et sures prises par M. le Président de sont connus des habitants de l'arro n'en paraissent pas trop émus.

«La majorité paraît satisfaite et d fait.

< Pas de rassemblements dangereux,

«

Tranquillité.

« L'Officier de paix,

« de BEAUMARCHAIS. »

Faubourg Saint-Antoine, 2 décembre, 8 h. 40 matin.

« Nous venons de parcourir le quartier de l'Hôtelde-Ville, le faubourg du Temple, la rue Ménilmontant, le faubourg Saint-Antoine, la rue Saint-Antoine.

Partout les groupes sont compacts, mais rien de sérieux ne se fait sentir; tout le monde applaudit le Président, et, de toutes les bouches, on n'entend sortir que ces mots: Il a bien fait, il a bien fait. Vive Napoléon!

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« L'Officier de paix,
« HENRICY. »

Ces mots il a bien fait », dits en parlant de l'acte de Louis-Napoléon, figurent dans ces deux rapports écrits à la même heure et venant de points différents. Ils se retouvent textuellement dans un très grand nombre d'autres encore.

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Les rapports essentiellement politiques sur les menées des partis sont confiés à des agents d'une autre catégorie, lesquels n'ont aucune relation avec ceux dont nous venons de donner les appréciations. Ces rapports sont généralement assez développés, la matière le comporte; il serait trop long de les reproduire; on y suivrait trop lentement la marche des événements; nous nous contenterons d'en prendre la substance en ce qui concerne les membres

de l'Assemblée dissoute. D'eux seuls, en effet, pouvaient venir, au début, des complications redoutables, parce qu'ils pouvaient seuls placer leur résistance sous l'égide de la légalité de la veille.

A peine les décrets et proclamations étaient-ils connus que les représentants de toutes les nuances hostiles au Prince s'agitaient, se rendaient les uns chez les autres, et prenaient les mesures nécessaires pour que les convocations fussent faites à bref délai ; ils se concertaient, en toute hâte, sur les moyens d'organiser immédiatement la résistance. Des groupes se formaient, par quartier, chez le plus notable re· présentant de la région. C'est ainsi qu'à la première heure, de petites réunions avaient lieu chez M. Crémieux, chez M. le comte Daru, chez M. Yvan et chez M. Odilon Barrot. Si l'on en croit M. Victor Hugo, quelques montagnards se seraient également réunis chez lui à la première nouvelle des événements. Nos rapports ne nous ont signalé aucune réunion de cette nature chez le grand poète. Nos agents, il est vrai, ne surveillaient que les hommes dangereux. M. Victor Hugo était considéré comme inoffensif; les événements l'ont prouvé; à ce titre, il put sans entraves jouir de toute sa liberté et s'agiter à son aise.

Plusieurs membres de la réunion des Pyramides s'étaient également rendus au lieu ordinaire de leurs séances; mais, là, toutes les opinions étaient représentées, et si la résistance était proposée, le parti de la soumission aux faits accomplis comptait également de très chauds adhérents. Ce fut cependant à la résistance que se décida la majorité, et on se mettait en

mesure de rédiger une protestation, quand les agents de la Préfecture de police vinrent couper court à toute délibération. On se dispersa sans trop de mauvaise humeur.

Chez MM. Crémieux et Odilon Barrot, les agents avaient également fait lever la séance. Chez M. Odilon Barrot, on avait saisi une protestation revêtue déjà de quelques signatures, celles entre autres de MM. Odilon Barrot, Dufaure, Piscatory, Duvergier de Hauranne, de Tocqueville, Chambolle et H. Passy. C'était la formule obligée de la capitulation.

Nous avons dit avec quelle habileté le colonel Espinasse avait pris possession du palais de l'Assemblée. Le but essentiel de cette occupation était d'empêcher les représentants de se réunir au lieu ordinaire de leurs séances. Ils n'auraient pas manqué de constituer là un gouvernement en fáce de celui du Prince, et leurs ordres, s'appuyant ainsi sur le prestige de leur demeure officielle, eussent été mieux écoutés que s'ils fussent partis de quelque logis de circonstance, ce qui, dans de pareils moments, respire toujours plus ou moins la défaite ou la conspiration.

On va voir combien, en toutes choses, le soin des détails est, à côté des préoccupations d'un ordre plus élevé, une nécessité impérieuse. Une fois maître du Palais-Bourbon, maître des questeurs, maître encore du président Dupin, maître de toutes les issues, le colonel pouvait croire, à bon droit, sa mission bien remplie, et il confiait à l'un de ses officiers le soin de placer, à toutes les portes, une sentinelle avec cette sévère consigne de ne laisser ni entrer ni sortir per

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