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à une inaction relative; ils ne pouvaient être qu'une gêne pour les insurgés; ils étaient impuissants à devenir un obstacle. L'insurrection avait à peu près le champ libre.

Ce n'est pas impunément qu'on permet à ces bandits des mauvais jours de respirer un instant sans inquiétude. Les moments qu'on leur abandonne sont, pour les honnêtes gens, des moments de douleurs et d'épreuves. Dans les rues occupées par la lie révolutionnaire, tous les excès avaient été commis, les maisons pillées, les meubles jetés par les fenêtres pour aider aux barricades, et les gens paisibles cruellement maltraités. L'un des notables habitants du quartier, qui avait résisté à la spoliation de sa demeure, avait été attaché vivant à une roue d'omnibus sur la partie d'une barricade par laquelle on supposait que devait commencer l'attaque de la troupe. Pour toute la région envahie ces heures avaient été des heures de deuil et d'épouvante.

Je le répète encore, voilà ce que je voulais éviter à tout prix. Le pouvait-on? On l'eût contesté le 3 au soir, à coup sûr, on l'eût nié avec plus d'apparence de raison dans la matinée du 4 en voyant, à son apogée, le déchaînement de l'émeute; mais, je n'hésite pas à affirmer qu'en s'y prenant plus énergiquement dès le début de la journée du 3, on pouvait sinon tout empêcher, au moins réduire aux plus minimes et infructueuses tentatives cette insurrection qui allait prendre de si grandes proportions.

CHAPITRE XXII

LA JOURNÉE DU 4 DÉCEMBRE

Les retards.

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Dépêches télégraphiques du préfet de police. L'armée de Paris sort de ses casernes. Le mouvement convergent des divisions Carrelet et Levasseur. Marche du général de Courtigis. Tactique des insurgés sur la rive gauche. Retraite des troupes de la Cité.

Attaque

de la Préfecture de police.- Un incident à l'heure du combat. Nouvelles dépêches télégraphiques du préfet de police. Les fausses dépêches de MM. Victor Hugo et Véron. Les troupes rentrent dans leurs casernes. — Les nouvelles barricades. - Les conciliabules de la nuit et leur mot d'ordre. Le conseil du colonel Fleury. La mission du général Rollin.

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Apaisement et contre-ordre.

Nous touchons enfin à l'heure où les fautes commises par l'autorité militaire devaient être vaillam-' ment réparées. Chefs et soldats allaient rivaliser de dévouement et de courage. L'armée de l'ordre allait écraser les bandes de l'anarchie.

Nous ne pouvons toutefois nous dispenser de montrer, une fois de plus, l'extrême difficulté que rencontrait l'autorité civile pour obtenir la mise en mouvement des troupes. Aux termes des deux lettres adressées par le général Magnan au préfet de police, lettres que nous avons citées dans l'un de nos précédents chapitres, les troupes devaient être sur

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pied et occuper leurs positions de combat à dix heures du matin.

A dix heures du matin, pas un régiment, pas un soldat n'avaient paru.

A onze heures, à midi même, nulle apparence de prise d'armes par la troupe.

A midi et demi, j'adressais la dépêche suivante :

Préfet de police à Président de la République, Ministre de la guerre, Ministre de l'intérieur et Général Magnan,

« 4 décembre, midi 30 m.

Les barricades augmentent à vue d'œil, l'insurrection n'avait point, depuis trois jours, pris autant de développement et d'importance qu'elle en a dans ce moment. Les insurgés sont maîtres de la porte Saint Denis, de la rue Greneta, du carré SaintMartin et des points adjacents. Une barricade, sur le boulevard, atteint la hauteur du deuxième étage. L'heure de la répression a sonné. Il n'y a pas de troupes, ou ce qu'il y a est insuffisant.

« Je crois, à n'en pas douter, qu'un plan d'attaque contre la Préfecture de police sera mis cette nuit à exécution. C'est de ce côté que se dirigeront les efforts de l'insurrection. Nous sommes prêts, solides et résolus (1).

« Les barricades gagnent du terrain, elles arrivent déjà jusqu'au quartier Montorgueil.

« de MAUPAS. »

(1) Dans son Histoire d'un Crime, M. Victor Hugo nous révèle le fonds que faisaient les insurgés sur cette attaque de la

Ce ne fut qu'à une heure et demie que l'armée de Paris quitta ses casernes, et à deux heures seulement qu'elle commença l'attaque. Mais si l'attente avait été longue, quel admirable spectacle ne devait pas nous donner le déploiement de cette vaillante armée! Quelle tenue! quelle discipline, quelle solidité! Quels généraux résolus pour la commander, quels officiers intrépides pour la mener au feu! Et, nous ne saurions trop le redire encore, car nos dissidences n'altéraient ni l'affection, ni l'estime, quels chefs avait cette armée dans les généraux Saint Arnaud et Magnan! Leur courage, leur habileté militaire étaient connus de chaque soldat. Chacun savait qu'on ne reculerait pas, qu'on ne transigerait pas; nul ne redoutait d'être, comme en 1830 et en 1848, désavoué dans son effort, abandonné dans le combat et livré à l'outrage de ceux qu'on venait de mitrailler. L'armée allait au feu avec confiance.

A peine la tête de colonne était-elle en vue de la barricade qui tenait la largeur du boulevard entre le Gymnase et la porte Saint-Denis, qu'une formidable décharge était dirigée sur la troupe et particulièrement sur le général Carrelet qui se trouvait à sa tête. Son ordonnance tombait à ses côtés et deux de

Préfecture de police. A propos d'un prétendu décret du comité de permanence de l'émeute, il s'exprime ainsi : « Le représentant Duputz reçut quelques heures plus tard de nos mains ampliation du décret, avec mission de le porter lui-même à la Conciergerie dès que le coup de main que nous préméditions sur la Préfecture de police et l'Hôtel de ville aurait réussi. Malheureusement ce coup de main manqua. »

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ses hommes étaient mortellement atteints près de lui. Mais le brave général restait impassible sous le feu des insurgés et continuait du geste et de la voix à soutenir les courages. Après un feu nourri de mousqueterie, nos soldats s'élançaient au pas de course et tentaient d'enlever l'obstacle à la baïonnette; mais un pareil ouvrage demandait d'autres moyens d'attaque, et l'artillerie était mise en position.

Ce ne fut qu'après avoir été battue longtemps par le canon, que cette première barricade put être de nouveau attaquée par l'infanterie. Elle fut prise, et les insurgés se replièrent, en bon ordre, derrière les autres barricades des boulevards Saint-Denis et Saint-Martin et sur celle de la rue Saint-Denis, préparées à la fois comme lieux de refuge, comme seconde ligne de défense.

Cette barricade de la rue Saint-Denis était plus fortement établie encore que celle qui venait d'être enlevée sur le boulevard. Après les premières décharges échangées, on reconnut que l'attaque à la baïonnette serait extrêmement meurtrière et ne devait point aboutir; on mit encore l'artillerie en position et quatre canons battirent la barricade. La défense était vigoureuse, mais le moment parut cependant venu de lancer l'infanterie et l'assaut fut confié au 72° de ligne.

Le colonel Quilico n'avait voulu laisser à aucun de ses officiers l'honneur de mener ses soldats au combat. Il marchait en tête de la colonne d'assaut. A la première décharge, et au pied même de la barricade, alors qu'il allait la franchir, il tombait griève

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