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au sortir de son ministère, sa lassitude des affaires et sa résolution d'en rester éloigné, avait conservé un ardent désir de rentrer au pouvoir. Il savait, à certains moments, s'imposer au Président; il y avait réussi pour le Deux-Décembre en lui arrachant sa nomination au ministère de l'intérieur; il y était parvenu une seconde fois en surprenant au Prince la promesse de la présidence de la: Chambre. Mais l'attitude d'hostilité qu'avait prise M. de Morny vis-à-vis du ministère entier eût fait de sa nomination un échec pour le cabinet; il fut donc convenu que chacun de nous insisterait près du Prince pour qu'il revînt sur ses premières intentions. Il fut décidé, en outre, que le prince Jérôme serait prié de joindre ses instances à celles des ministres. Le prince Jérôme usa de toute son influence sur son neveu; c'est lui qui obtint que M. de Morny ne serait pas président de la Chambre et que cette situation serait réservée à M. Billault.

Le 29 mars était le jour fixé pour la réunion des Chambres; mais avant cette date et durant les quatre mois de la Dictature de Louis-Napoléon, que de choses faites, que de résultats obtenus, quelle transformation profonde dans l'état du pays, dans sa situation morale, politique et financière! Quelles grandes fet fécondes entreprises avait engagées l'État! Combien de réformes utiles étaient décrétées! Quel élan était donné aux affaires! Quel essor prenaient le commerce et l'industrie! Quel souffle vivifiant de prospérité se répandait d'un bout à l'autre de la France! Pour un pays qui eût eu la

sagesse de préférer les bienfaits de la stabilité, le bien-être qu'elle donne, la richesse qu'elle répand, aux expériences aventureuses, au trouble qu'elles éveillent, aux ruines qu'elles amènent, quels splendides horizons la France n'avait-elle pas devant elle!

Et nous ne fuirons point ici une objection que nous avons entendu faire: « Si le Deux-Décembre, pourrait-on nous dire, a arraché le pays à l'anarchie, il n'a pu réussir à fonder un régime durable. La révolution a relevé la tête, elle a repris sa marche, elle règne en souveraine aujourd'hui ; le Deux-Décembre n'a été, ainsi, qu'une nouvelle halte dans la révolution. »

N'eût-ce été d'abord, que cette halte de vingt ans, dans la coûteuse et néfaste occupation du pays par la révolution, que nous aurions bien le droit de dire que le Deux-Décembre n'a point été un bienfait à dédaigner, quand on songe surtout aux formes terribles qu'avait affectées le soulèvement démagogique. Mais il eût été plus qu'une halte, il eût été le salut final, si le sentiment du patriotisme, qui s'était un instant réveillé pour aider à la marche du gouvernement nouveau, n'avait rapidement fait place à l'esprit de parti. Au lieu d'un concours sympathique, comme celui des premières heures, le nouveau pouvoir n'a pas tardé à trouver en face de lui la croisade reconstituée des meneurs ardents des anciens partis : la coalition. La coalition n'a cessé, par tous les moyens possibles, de poursuivre son œuvre de destruction, et, sur les

ruines de la patrie, elle a pu contempler à l'aise le fruit de ses efforts.

Nous ne nous sommes point donné pour tâche de justifier ce que l'histoire appellera « les fautes du second Empire »; mais eussions-nous voulu entreprendre cette justification que ce n'est pas dans ce volume qu'elle eût dû prendre place. La critique, en effet, aurait peine à s'exercer dans la période du gouvernement de Louis-Napoléon dont nous avons eu à parler. Dans une nouvelle et prochaine publication, nous nous trouverons en face de circonstances pénibles. Tous les partis ont leurs entraînements comme tous les gouvernements ont leurs erreurs; nous saurons, sans faiblesse, faire la part de la vérité. Disons, dès aujourd'hui, que les hommes qui conseillèrent et réussirent à dominer le souverain, dans les dernières années de son règne, auront à rendre compte du pernicieux usage qu'ils firent de leur domination. On pouvait, on devait le faire vivre, le faire grandir, le faire prospérer cet Empire dont le Deux-Décembre avait posé les bases; on pouvait en faire le terme de la Révolution. Aux jours difficiles, les hommes ont manqué à l'importance de l'œuvre. Le fardeau est devenu trop lourd pour un seul, et c'est pour ne l'avoir pas compris assez tôt, c'est pour n'avoir point écouté les avertissements qui lui étaient donnés, c'est pour avoir jeté, sur le pays, des libertés malsaines au lieu de lui donner de sérieuses garanties constitutionnelles ; c'est pour avoir ainsi méconnu les aspirations vraies de la nation, qu'on a laissé s'écrouler ce splendide édifice de 1852. Si

nous avons été condamné à assister, spectateur affligé, à la destruction de cette grande œuvre du Deux-Décembre, à l'effondrement de nos espérances, il ne nous sera pas interdit de déterminer, à son heure, la part des responsabilités.

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Origine de l'hostilité de M. de Persigny.

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de la sincérité. natus-consulte du 7 novembre 1852. Le plébiscite du 22 novembre. Le scrutin.

Voyage du Prince-Président.

L'Empire est rétabli.

Le 29 mars, le Prince-Président ouvrait la première session des Chambres et mettait ainsi en vigueur cette Constitution qui était son œuvre. Dans un magnifique langage, il rappelait au pays quelle tâche il venait d'accomplir et à quels mobiles il avait obéi. « La dictature que le peuple m'avait confiée cesse aujourd'hui, disait Louis-Napoléon. « Les choses vont reprendre leur cours régulier. C'est avec un sentiment de satisfaction réelle que je viens proclamer ici la mise en vigueur de la Constitution; car ma préoccupation constante a été non seulement de rétablir l'ordre, mais de le rendre durable, en dotant la France d'institutions appropriées à ses besoins..... Aussi, lorsque, grâce au concours de

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