Page images
PDF
EPUB

donnait le résumé des événements de la province; elle était ainsi conçue :

<< Il paraît certain que le complot devait éclater le même jour dans les principales villes de France. Les agitateurs connus s'étaient installés en permanence, attendant les nouvelles de Paris; à Reims, à Dijon, à Lyon, à Toulouse, quelques tentatives d'insurrection ont eu lieu; les meneurs paraissent obéir à un mot d'ordre venu de Paris. A Bordeaux, le 13, les sections des sociétés secrètes étaient en permanence, les clubs convoqués pour le 14 au matin. A Reims, le président du club s'est rendu le 13 à la sous-préfecture et a signifié au sous-préfet que son mandat était terminé, le triomphe de l'insurrection étant assuré à Paris. D'autres meneurs se rendaient chez le maire pour lui annoncer le renversement du Gouvernement. A Toulouse, même tentative et même insuccès. La nouvelle de la compression instantanée de l'insurrection à Paris a maintenu partout la même tranquillité.

[ocr errors]

Quelle leçon recevait rétrospectivement ainsi l'Assemblée constituante! Elle avait renversé un vigilant ministre, M. Léon Faucher, pour avoir dénoncé le péril; elle avait voulu venger les représentants qu'il avait montrés du doigt comme les ennemis de la société, comme les chefs de l'émeute. Le péril était devenu une réalité, et les Montagnards signalés étaient à la tête des insurgés !

Cette prise d'armes avait ému, comme elle le devait, l'Assemblée nationale, et, tous les pouvoirs nécessaires, en vue des éventualités qui pouvaient

se produire, avaient été donnés au gouvernement. Sur la proposition de M. Dufaure, devenu ministre de l'intérieur, l'Assemblée avait autorisé l'état de siège, et elle se montrait prête aux résolutions les plus énergiques pour la répression, mais pour la répression seulement.

Quant au Prince-Président, il s'était tenu prêt à monter à cheval si cela eût été nécessaire. Il avait sagement agi en n'intervenant pas de sa personne à l'heure de la répression. Sa présence eût provoqué des manifestations d'où pouvaient surgir de sanglantes collisions. Mais une fois les rassemblements dispersés, la circulation rétablie, il voulut se montrer au peuple. Il parcourut la ligne des boulevards et la rue de Rivoli à la tète d'un brillant état-major, et reçut l'accueil le plus enthousiaste. Les cris de Vive Napoléon! vive l'Empereur! le saluaient à son passage. S'il l'eût voulu ce jour-là, peut-être l'Empire était-il fait!

Mais ce n'était pas ainsi que Louis- Napoléon entendait arriver à la dignité souveraine. Déjà, en effet, la question de la restauration de l'Empire était partout posée. Dans l'armée, comme dans le peuple, on croyait avoir fait un Empereur, le 10 décembre, en plaçant le prince Louis-Napoléon à la tête du pouvoir. On le saluait, partout où il se montrait en public, des cris persistants de Vive l'Empereur! Ce n'étaient pas seuleinent le peuple et l'armée qui poussaient ouvertement le Prince à prendre la couronne. Parmi les hommes politiques qui l'approchaient, de bons esprits inclinaient à penser que le moment était

[graphic]

propice pour en finir avec la se soumeltre au vou de l'im pays. Étant donné que le titre République devait inévitableme se transformer en celui d'Emper d'éviter les péripéties et les com taires que la Chambre nouvelle C'était, pensait-on, une économi et peut-être de troubles; mais la r était absolue; il se montrait croyait obligé à faire l'épreuve caine; il savait que, sur son nom compromis entre divers partis ; il et, sincèrement, tenter de sauver dans les formes légales qui lui Il ne songeait, éventuellement, à moyens que pour le cas où se auraient été absolument impuissa cette journée du 13 juin, l'Empir vie, n'avait pas été donné au P tion de la consolidation du Gouve un grand pas, et cela en dehors sa part et par le seul fait des circ nemis du Prince continuaient à plus utiles auxiliaires de son éléva

Une journée, pour prendre le journée jette toujours, dans le p émotion; elle laisse de longues t intérêts ont à souffrir; elle convie sur les motifs qui ont amené le moyens d'en prévenir le retour. S

point le triomphe de ceux qui l'ont entreprise, elle porte une grave atteinte à leur cause, car elle engendre inévitablement la réaction. C'est ce phénomène naturel qui se produisait, en France, au lendemain du 13 juin

Le moment n'est-il pas venu déjà de résumer, en quelques mots, les avertissements de ce passé que nous avons rapidement parcouru et les renseignements qu'il donne pour l'avenir? Après la catastrophe de février, qui avait décuplé les forces des révolutionnaires de profession, qui leur avait permis de poursuivre leur organisation avec la complicité du pouvoir d'abord, avec la protection de la loi ellemême ensuite, la France était, d'un bout à l'autre, enserrée dans un réseau de conspiration anarchique. Les clubs, les sociétés secrètes, une presse absolument libre, ces trois puissants éléments de renversement, pour tout gouvernement qui les tolère, avaient poursuivi, avec un menaçant succès, leur œuvre de destruction. De redoutables émeutes avaient permis aux démagogues d'essayer leurs forces, d'entretenir la discipline dans leurs rangs; on sentait qu'une immense armée anarchique était prête à se ruer sur le pays.

Cette vérité, que les ennemis de l'Empire ont voulu nier plus tard, parce qu'elle était une justificat on pour lui, on la prend sur le fait dans cette journée du 13 juin, comme on l'avait fait plus d'une fois dans le cours de l'année qui venait de s'écouler. Et cette vérité, qui la proclame à la tribune? Qui la signale au pays? Qui s'en inspire pour demander à la Chambre

[graphic]

des pouvoirs exceptionnels? Q provoquer, dans la législation, d trices réformes? Ces lois d'une appuie dans le Parlement? Qu Montagne? Qui les vote? Qui Nous l'avons dit : ce sont ces plus tard, nieront ces mêmes da cette contradiction? Parce qu'a et proclamer le péril, c'était p cause, et que plus tard, reconn décuplé par le temps, c'était absoudre son entreprise et légit

Quand, plus tard, nous écriro née du Deux Décembre, quand face de nous, unis dans la plus nous combattre, les vainqueur 13 juin, nous aurons le droit, de juste sévérité, de leur deman déplorable alliance et des mobi tradiction!

« PreviousContinue »