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On ne parlera pas ici des donations en faveur de mariage et de celles entre époux. Il en est question aux articles Contrat de mariage, et Don mutuel entre époux.

SECTION Ire.

Regles communes aux donations entre-vifs et aux

testaments.

Cette section va être sous-divisée en trois paragraphes; dans le premier, on traitera de la prohibition de donner, à charge de conserver et de rendre; dans le second, de la condition impossible, ou contraire aux lois et aux mœurs; dans le troisième, de la capacité pour donner et

recevoir.

$ Ier.

à la fin de ses jours, ou plutôt, si bon lui semblait, à l'ainé de ses enfants males, et à défaut de males, à l'aînée de ses filles.

Jean-Pierre Rayet se pourvut en cassation contre cet arrêt, pour fausse application de l'art. 896 du Code civil.

Il soutenait que la nullité de la substitution n'opérait pas la nullité de l'institution, et que cette institution devait être maintenue.

La cour de cassation, section civile, a rejeté ce pourvoi par arrêt du 7 janvier 1808, rendu après

un consultis classibus.

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Considérant, porte cet arrêt, qu'on ne peut admettre que, par l'art. 896 du Code civil, le législateur ait voulu n'annuler que les substitutions; que s'il l'avait ainsi voulu, il se serait borné à ces mots: les substitutions sont prohibées ; — considérant que la nullité de la disposition prononcée par De la prohibition de donner à charge de conserver l'article s'étend même à l'égard du donataire, de l'héritier institué, et du légataire; qu'il résulte de cette addition ( qui autrement serait inutile), que le législateur à eu l'intention d'enlever au donataire, à l'héritier, au légataire, l'avantage qui leur est fait, et, par conséquent, qu'il a annulé leur donation, institution ou legs;

et de rendre.

I. La première et la plus importante des règles communes aux donations entre-vifs et aux testaments, c'est celle qui exige, pour leur validité, que la transmission s'opère pleinement, directement, et immédiatement, de la part du donateur ou testateur, au donataire, à l'héritier institué, et au légataire. Cette règle résulte de l'abolition des substitutions prononcées par le décret du 25 octobre et celui du 14 novembre 1792, confirmée par l'art. 896 du Code civil, qui porte textuelle

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Les substitutions sont prohibées :

Toute disposition par laquelle le donataire, l'héritier institué, ou le légataire, sera chargé « de conserver et de rendre, sera nulle, même à l'égard du donataire, de l'héritier institué, ou du légataire.

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« Néanmoins les biens libres formant la dotation d'un titre héréditaire, que le roi aurait érigé en faveur d'un prince ou d'un chef de famille, pourront être transmis héréditairement, ainsi qu'il est réglé par l'acte du 30 mars 1806, « et par celui du 14 août suivant ».

Il s'est élevé la question de savoir si la nullité prononcée par la seconde partie de cet article s'appliquait à l'institution, comme à la substitution, ou si, au contraire, cette nullité ne devait frapper que la substitution et laisser subsister l'institution.

Cette question s'est présentée dans plusieurs cours d'appel où elle a été jugée diversement; mais on se contentera de rapporter l'espèce d'un arrêt de la cour de cassation, qui a fixé la jurisprudence.

Par arrêt du 30 janvier 1806, la cour d'appel d'Agen avait déclaré nul, tant pour l'institution, que pour la substitution, un testament par lequel Jean Rayet, avait institué Jean-Pierre Rayet, son héritier, à la charge de rendre l'entière hérédité,

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Par ces motifs, la cour rejette, etc. »

D'après cette décision on ne peut plus élever aucun doute sur le sens de l'art. 896 du Code civil, sous le rapport de l'application de la nullité qu'il prononce, tant de l'institution que de la substitution.

II. Maintenant, la prohibition des substitutions s'étend-elle aux dispositions par lesquelles un tiers serait appelé à recueillir la donation, l'hérédité, ou le legs, dans le cas où le donataire, l'héritier institué, ou le légataire, ne les recueillerait pas? La même prohibition s'étend-elle aussi aux dispositions par lesquelles l'usufruit serait donné ou légué à l'un, et la propriété à l'autre ?

La négative est formellement prononcée par les articles 898 et 899 du Code civil.

Dans la première espèce, il y a bien substitution d'un donataire, héritier ou légataire, à celui appelé à recueillir le bénéfice de la disposition, mais il n'y a pas charge de conserver et de rendre, parce que le second appelé ne doit recueillir que dans le cas où le premier ne pourra, ou ne voudra pas recueillir.

Cette espèce de substitution est celle qu'on appelait vulgaire dans l'ancien droit; elle a été conservée, parce qu'elle n'avait aucun des inconvénients de la substitution fidéi-commissaire, c'est-àdire, de la disposition à la charge de conserver et de rendre; elle n'intervertit point l'ordre des successions futures; elle ne place point les biens hors du commerce, comme il résultait de la substitution fidéi-commissaire, puisque, d'une part, le second appelé ne reçoit rien du premier, mais seulement, à son défaut, recueille directement et immédiatement du disposart, et que ses droits

sont entièrement éteints du moment où le premier appelé a recueilli; que d'autre part, soit que les biens soient recueillis par le premier appelé, ou par le second, ils passent dans leurs mains, entièrement libres et dégagés de toute espèce d'obligation qui puisse en empêcher ou en gêner la disponibilité.

Dans la seconde espèce, c'est-à-dire, lorsque l'usufruit est donné ou légué à l'un, et la nue propriété à un autre, il n'y a aucune espèce de substitution; chacun des deux donataires ou légataires recevant immédiatement du donateur ou testateur, l'un la propriété, et l'autre l'usufruit, il n'y avait pas de raison pour prohiber cette manière de disposer.

On voit que les articles 898 et 899 du Code civil ne constituent pas d'exception à son article 896, qui prononce la prohibition des substitutions, parce que cette prohibition ne frappe que les substitutions fidéi-commissaires, et que, dans le cas de l'article 898, il n'y a qu'une substitution vulgaire, tandis qu'il n'y en a d'aucune espèce dans le cas de l'article 899.

La seule exception à la prohibition de substitutions fidéi-commissaires, est (indépendamment de celle dont parle la troisième partie de l'article 896) celle établie par l'article 897, et celle qui résulte de la faculté accordée aux pères et aux mères, aux frères et aux sœurs, par les articles 1048 et 1049, de disposer au profit d'un ou de plusieurs de leurs enfants, ou de leurs frères et sœurs, de la portion de leurs biens dont ils ont la disponibilité, à la charge de leurs enfants, ou frères, ou sœurs donataires, de conserver et de rendre les biens donnés à leurs enfants nés et à naître au premier degré seulement. Cette disposition est textuellement établie par l'article 897 du Code. Voy. Substitution et Majorat.

S II.

Les auteurs sont partagés.

Dans l'ancienne jurisprudence, la condition absolue de ne pas se marier était regardée comme non écrite dans les dispositions testamentaires ou à cause de mort; mais la condition de ne pas se remarier était considérée comme valable. Ces deux principes, adoptés par les anciens auteurs, sont proclamés dans un arrêt de la cour de cassation du 20 janvier 1806, rendu au rapport de M. Coffinhal, et sur les conclusions de M. Merlin, arrêt dont voici les motifs :

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considérant 1°, que la conditon absolue de ne pas se marier était réprouvée comme contraire à l'utilité publique, et regardée comme non écrite, dans les dispositions testamentaires ou à cause de mort; mais qu'une semblable condition, si elle était apposée dans les contrats, était valable et devait être exécutée, parce qu'ils sont l'ouvrage de la volonté des parties qui ont stipulé selon leurs vues et selon leurs intérêts;

ainsi

que cette espèce de convention protégée par les lois romaines, l'était également par notre législation; et que de là vient que l'art. 25 de l'ordonnance des substitutions de 1747 déclarait la condition de ne point se marier, accomplie, lorsque la personne à qui elle avait été imposée, avait fait profession solennelle de l'état religieux; et de même que la novelle 22, chapitre 44, l'avait établi par rapport à l'admission à la prêtrise, tandis que le même article 25, abrogeant le chapitre 27 de la novelle 123 de l'empereur Justinien, réputait, au contraire, la condition de se marier, manquée par l'entrée en religion; et l'acaduc vantage fait sous la condition de se marier, et inutile;

Considérant 2°, que la condition de ne point se remarier n'était pas même rejetée dans les actes de dernière volonté; que la novelle 22, chapitre 44, voulait que la personne gratifiée s'abstînt du second mariage, ou renonçât à la libéralité; —

Des conditions impossibles et contraires aux lois ou que cette novelle formait le droit commun de la

aux mœurs.

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France, les cours en ayant uniformément adopté les dispositions; et que l'article 25 de l'ordonI. Les conditions impossibles et contraires aux nance de 1747, lequel érigeait en loi générale les lois ou aux mœurs, qui annulent les conventions, dispositions du droit ancien, relatives à la condisont seulement réputées non écrites dans les do- tion de ne point se marier, apposée dans les connations et testaments. (Code civ., art. goo.) La trats, supposait, à plus forte raison, la validité raison de cette diversité de droit est que, dans de la condition de ne point se remarier; qu'ainsi, les donations et testaments, la stipulation d'une la stipulation de ne pas convoler en secondes condition impossible, ou contraire aux lois ou aux noces, sur la foi de laquelle Luciat avait conmœurs, est le fait exclusif et personnel du dona- stitué la pension viagère portée par le contrat de teur ou du testateur, et ne doit pas nuire consé-mariage de 1789, était permise et légitime; et quemment au donataire, à l'héritier institué, ni au légataire, auxquels il est absolument étranger. II. Doit-on considérer comme non écrite dans un acte de libéralité la condition de ne pas marier, d'épouser ou de ne pas épouser telle personne, de se remarier ou de ne pas se remarier? En d'autres termes, pareille condition est-elle contraire aux lois ou aux bonnes mœurs

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se

la

qu'en jugeant que cette stipulation avait été
anéantie par l'effet rétroactif de la loi du 5 sep-
tembre 1791, et de celle du 17 nivose an 2,
cour de Paris a fait une fausse application de ces
lois, dont l'effet rétroactif a été abrogé par celle
du 9 fructidor an 11;
On voit par cet arrêt qu'il était constant dans
l'ancienne législation,

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casse....

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1° Que la condition de ne point se marier ap- | rester dans le célibat; vous créez donc une incaposée dans un contrat était valable et obligatoire; pacité qui n'est pas dans la loi; vous enfreignez 2o Que celle de ne point se remarier était pa- donc la loi qui permet de se marier, à tous ceux reillement obligatoire dans les contrats et dans les qu'elle même n'a pas déclarés incapables; la conactes de dernière volonté; dition est donc contraire à la loi, et, par suite, réputée non écrite.

3o Que celle de ne point se marier, dans une disposition testamentaire ou à cause de mort, était réputée non écrite.

Les auteurs qui ont une opinion contraire répondent:

il

La loi du 5 et 12 septembre 1791 fit de grands 1o Le legs fait sous la condition de ne pas se changements à ces principes.« Toute clause impé-marier ne rend pas le légataire incapable de conrative ou prohibitive ( y ést-il dit) qui serait con-tracter mariage; après l'acceptation du legs, traire aux lois ou aux bonnes mœurs, qui porte- n'en est pas moins habile à se marier; le mariage rait atteinte à la liberté religieuse du donataire, qu'il contractera n'en sera pas moins valable. La héritier ou légataire, qui gênerait la liberté qu'il condition apposée au legs ne l'a donc frappé d'aua, soit de se marier, même avec telle personne, cune incapacité; elle n'a donc pas enfreint la loi soit d'embrasser tel état, emploi ou profession...., sur les mariages; seulement, le légataire aura est réputée non écrite. » tacitement renoncé au legs; mais il pouvait y renoncer avant de se marier, il le pouvait aussitôt qu'il en a eu connaissance. En quoi donc la loi serait-elle enfreinte par la condition dont il s'agit?

Cette disposition fut reportée dans l'article 12 de la loi du 17 nivose an 2, qui ajouta que la clause impérative ou prohibitive de se remarier serait aussi réputée non écrite.

Ces dispositions ont-elles été implicitement conservées par l'article 900 du Code civil, ainsi

concu,

Dans toutes les dispositions entre-vifs ou tes<tamentaires, les conditions impossibles, celles << qui seront contraires aux lois ou aux mœurs, « seront réputées non écrites. »

Il faut convenir que le Code ne prohibe pas expressément les conditions dont nous venons de parler, mais on soutient qu'il les prohibe implicitement; voici comment on raisonne.

Celui qui ne se trouve dans aucune incapacité légale et qui a l'âge requis, a la faculté de contracter mariage; les lois qui lui assurent ce droit tiennent à la constitution des familles, et, par conséquent, à l'ordre public; la condition qui tend à le priver du droit que ces lois lui confèrent, est donc contraire aux lois d'ordre public et, par suite, réputée non écrite.

En créant un droit, le législateur qui ne peut prévoir tous les cas, désigne tous ceux qui ne peuvent l'exercer; il l'accorde à tous les autres; et, si ce droit est de ceux qui ne peuvent être l'objet de conventions particulières, il s'ensuit que lorsqu'un individu en est investi, il ne peut pas l'aliéner, et c'est ce qui a lieu pour la capacité relative au mariage.

On déroge, en effet, aux lois, non-seulement lorsqu'on n'exécute pas leurs dispositions expresses, mais encore lorsqu'on enfreint leurs dispositions tacites; ce qui le prouve, c'est que la cour régulatrice annule les arrêts lorsqu'ils contiennent excès de pouvoir, c'est-à-dire, lorsqu'ils créent une obligation qui n'est pas dans la loi, ou qu'ils appliquent un principe qui n'est pas établi par elle.

Or, pour prendre un exemple, par le legs que vous faites à telle personne, sous la condition de ne se pas marier, vous frappez cette personne d'incapacité de se marier; vous la contraignéz à

Sans doute la condition serait contraire à la loi, s'il y avait, une loi qui ordonnât de se marier; mais cette loi n'existe pas. Bien plus, la loi du 10 mars 1818, article 15, encourage les jeunes gens à entrer dans les ordres sacrés, en les dispensant du service personnel à l'armée, c'est-à-dire, qu'elle les invite au célibat, pour ce motif d'utilité publique. Comment donc la condition d'un legs serait-elle considérée comme contraire à la loi, lorsqu'elle n'a pour but que d'inviter à faire ce que la loi engage à faire elle-même, car enfin, une donation peut être faite sous la condition de rester dans le célibat et d'entrer dans les ordres ?

2o On a vu par l'arrêt de la cour de cassation que, dans l'ancienne législation, la condition de ne se point marier, apposée à un contrat, était valable et obligatoire. Il était donc alors permis de faire une convention sur la faculté de se marier; cette faculté, interdite à telle personne en particulier, n'était donc pas considérée comme une stipulation enfreignant la liberté de se marier, conférée à tous ceux qui n'en étaient pas légalement déclarés incapables; mais alors le mariage n'était pas moins respecté ni favorisé qu'aujourd'hui ; c'est qu'un pareil contrat ne rendait réellement pas incapable de se marier; c'est qu'un mariage contracté malgré la stipulation n'en eût pas moins été valable; seulement, celui qui l'aurait enfreinte eût été tenu des dommages-intérêts de son cocontractant, comme cela arrive en cas d'infraction à toute obligation de faire ou de ne pas faire; nouvelle preuve que la condition de ne se point marier n'est pas contraire à la loi sur les mariages.

3o L'article 6 du Code civil qui déclare qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs, ne fait que répéter un principe universellement admis dans l'ancienne jurisprudence.

Avant la révolution, la condition de ne se point marier était obligatoire dans les contrats; elle n'était donc pas contraire aux lois intéressant l'ordre public et les bonnes mœurs. Et aujourd'hui, pourquoi y serait-elle contraire? Il n'y en a aucune raison. Elle n'était pas même considérée comme y étant contraire par les lois de 1791 et de l'an 2.

La

preuve

s'en trouve dans le texte même de ces

lois qui prohibent d'abord toutes clauses contraires aux lois et aux bonnes mœurs, et ensuite toutes celles qui gênent la liberté de se marier ou remarier. Ces clauses avaient donc un caractère distinct dans l'opinion du législateur, puisque l'une ne contenait pas l'autre.

4o Dans l'ancienne législation, la condition de ne se point marier apposée à une disposition testamentaire était réputée non écrite, comme contraire à l'utilité publique; et pourtant elle était valable dans les contrats, parce qu'ils sont l'ouvrage de la volonté des parties qui ont stipulé suivant leurs vues et leurs intérêts. Il est difficile de comprendre comment la même condition était contraire à l'utilité publique, dans un cas, et ne l'était pas dans l'autre. Il y a mieux, la condition de ne pas se remarier était également obligatoire dans les contrats et les testaments, encore bien qu'une personne veuve, sans enfants, doive être aussi favorisée pour se remarier, que celle qui entre pour la première fois dans le mariage.

lors même qu'elle l'a acceptée, elle peut y renoncer tacitement en enfreignant la condition : elle reste donc libre dans tous les cas. Il ne s'agit pour elle que de savoir si elle profitera ou ne profitera pas d'une libéralité. Or, cela n'intéresse ni l'ordre public ni les bonnes mœurs; il ne s'agit alors que d'un intérêt purement pécuniaire.

III. Doit-on conclure de ce qui précède, que les conditions dont on vient de parler doivent toujours avoir leur effet? Non, certainement; cela dépend des circonstances, et en voici un exemple.

Le 18 brumaire an XIII, acte sous seing-privé, fait double, par lequel le sieur M..., notaire à Versailles, marié et père de famille, s'oblige et oblige sa succession à payer dans l'année de son décès une somme de 30,000 francs à la dame veuve C... Le même jour, autre écrit sous seingprivé, par lequel la dame C... déclare que l'obligation de 30,000 francs ne lui a été consentie que sous la condition expresse qu'elle ne se remariera pas du vivant du sieur M..., et, en cas d'infraction à la condition, s'engage à lui remettre l'obligation.

Après le décès du sieur M..., arrivé en 1806, sa veuve et ses enfants sont assignés devant le tribunal civil de Versailles par la dame veuve C..., pour se voir condamner à lui payer les 30,000 fr. portés en l'acte de l'an XIII. Mais un jugement du 21 août 1809 rejette la demande, attendu que l'obligation et la contre-lettre du 18 brumaire an XIII ne forment en réalité qu'un seul acte ayant pour cause la condition de ne se pas remarier, hors du commerce par sa nature, et contraire aux bonnes mœurs et à l'honnêteté publique, dans l'espèce particulière de la cause.

Ainsi les conditions qui nous occupent ne sont pas contraires aux lois actuellement en vigueur. Voyons si elles sont contraires aux bonnes mœurs. D'après le dictionnaire de l'Académie, mœurs signifie inclination, habitudes naturelles ou acquises; bonnes mœurs signifie donc bonnes inclinations, bonnes habitudes naturelles ou acquises; ainsi, pour que la condition de ne se point inarier Ce jugement ayant été confirmé sur l'appel, fût contraire aux bonnes mœurs, il faudrait qu'elle par arrêt de la cour de Paris, du 14 juillet 1810, le fût aux bonnes habitudes naturelles ou ac- la veuve C... s'est pourvue en cassation pour vioquises. Mais c'est ce qu'il est impossible de sou- lation des articles 1108 et 1134 du Code civil; tenir sérieusement. La preuve qu'elle n'est pas mais par arrêt du 11 juin 1811, au rapport de contraire aux bonnes mœurs, c'est que l'ancienne M. Botton, et sur les conclusions de M. Merlin, législation l'approuvait dans les contrats, que la «la cour, — attendu que le dernier motif anlégislation moderne encourage, comme on l'a vu, noncé dans le jugement du tribunal de Versailles, les hommes au célibat, pour un motif d'utilité confirmé par l'arrêt dénoncé, justifie cet arrêt: publique; que la religion catholique romaine, qui rejette. est celle de l'état, regarde le célibat comme un état qui approche le plus de la perfection; qu'enfin, aucune loi ne met les célibataires dans un rang inférieur à celui des personnes mariées.

De là il suit que la condition de se marier ou de ne se pas marier, de se remarier ou de ne se pas remarier, d'épouser ou de ne pas épouser telle personne, est parfaitement valable dans un acte de libéralité; et que tout ce qui en résulte pour la personne qu'on a voulu gratifier, c'est qu'elle ne peut profiter de la disposition sans se soumettre à la condition. Sa liberté n'est point par là attaquée; d'abord elle peut refuser la libéralité dès qu'elle en a connaissance; ensuite,

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Ce motif est en réalité, que l'on ne pouvait voir dans la donation déguisée sous la condition de ne se pas remarier, qu'un moyen d'assurer, jusqu'à la mort du donateur, la prolongation d'un commerce illicite entre le donateur et la donataire. Or, cette cause choquant évidemment les bonnes mœurs et l'honnêteté publique, la justice ne pouvait sanctionner la donation dans ses effets, ni en ordonner l'exécution.

IV. Un legs d'usufruit fait par un mari à sa femme, à condition de ne pas convoler, n'a rien d'immoral ni de contraire aux lois, parce qu'il ne lui interdit pas la faculté de contracter de nouveaux liens, si elle veut renoncer au bénéfice

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II. Toutes les personnes jouissant de leurs droits civils peuvent disposer et recevoir par donation entre-vifs et par testament, à la seule exception de celles que la loi en déclare incapables. (Code civil, art. 902.)

du legs. Cette disposition équivaut à un legs fait pour durer pendant le temps du veuvage, et qui cesse d'être dû, si la veuve se remarie. En un mot, il en doit être dans ce cas de même que si le mari avait dit : « Je lègue à ma femme la jouis«<sance de mes biens, tant qu'elle restera en vi- Il y a deux sortes d'incapacité, celle pour donduité, ou jusqu'à ce qu'elle contractera un nou-ner, et celle pour recevoir. Ceux qui sont inca« veau mariage. » pables de donner, ne sont pas toujours incapables de recevoir; et réciproquement, ceux qui sont incapables de recevoir, ne sont pas toujours incapables de donner. Par exemple, les mineurs et les interdits sont incapables de donner, et ne sont pas incapables de recevoir; les tuteurs sont incapables de recevoir de leurs mineurs, même après leur majorité, tant que leurs comptes n'ont pas été rendus et apurés, et cependant les tuteurs peuvent donner à leurs mineurs, même pendant la durée de la tutelle.

C'est ce qui a été jugé par un arrêt de la cour royale de Lyon, du 13 novembre 1813, rapporté, par Sirey, tome 15, 2o partie, page 221.

e

§ III.

De la capacité et incapacité pour donner et

recevoir.

I. La liberté de l'esprit, et la plénitude du jugement, nécessaires dans tous les actes, le sont plus particulièrement encore dans les dispositions à titre gratuit, par lesquelles le disposant se dépouille de tout ou partie de sa propriété, sans recevoir aucun prix, ni quelque autre équivalent que ce soit.

C'est par cette raison que le Code civil exige positivement, par son article gor, qu'on soit sain d'esprit pour faire une donation entre-vifs ou par

testament.

Quoique cette disposition comprenne également les donations entre-vifs et les testaments, elle se réfère cependant plus particulièrement encore aux testaments, qui ne se font le plus souvent que dans les derniers moments de la vie, où le testateur affaibli, soit par l'âge, soit par la maladie, a besoin de toute la force de son esprit pour se garantir des suggestions dont il est presque toujours environné.

Les notaires, pour satisfaire au vœu et au texte de l'article 901, doivent donc, avant de recevoir aucun acte de disposition gratuite, s'assurer du bon état de l'esprit et du jugement du disposant. Ils ne pourraient, sans une prévarication grave, négliger cette précaution, et surtout lorsque le disposant est malade de corps, ou d'un âge extrêmement avancé. Leur négligence sur ce point pourrait avoir des conséquences infiniment désagréables pour eux.

Il y a des incapacités de donner et de recevoir communes aux donations et aux testaments; il y en a qui sont particulières aux donations entrevifs on ne s'occupera ici que de celles qui sont communes à l'une et à l'autre de ces dispositions.

III. Il est à remarquer que l'enfant qui n'est pas encore né, mais seulement conçu, est capable de recevoir, soit par donation entre-vifs, soit par testament, pourvu toutefois qu'il naisse viable; parce que, dans le cas contraire, il est réputé n'être pas né (Code civil, art. 906). Cette disposition a été puisée dans cette règle de droit Qui in utero est, pro jam nato habetur, quoties de commodis agitur.

Mais il y a cette différence entre les donations entre-vifs et les testaments, que l'enfant à naître, pour être capable de recevoir par donation entrevifs, doit être conçu au moment même de la do nation; et que, pour recevoir par testament, il suffit qu'il le soit au moment du décès du testateur. (Code civil, art. 906, conforme, dans cette dernière disposition, à l'article 49 de l'ordonnance de 1735.)

IV. Les mineurs âgés de moins de seize ans, et les interdits qui leur sont assimilés, sont dans une incapacité absolue de disposer, soit par donation entre-vifs, soit par testament. (Code civil, art. 502 et 903.)

Celui à qui l'on a donné un conseil judiciaire, pour cause d'imbécillité, est-il par là même incapable de tester ?

La loi ne leur ordonne pas textuellement d'énoncer en tête des donations entre-vifs et des testaments, que le disposant leur a paru sain d'esprit et d'entendement; ils ne doivent pas pour Celui qui a provoqué et fait ordonner, par un cela négliger de le faire. Le besoin de cette énon-jugement passé en force de chose jugée, la nomiciation résulte implicitement de la disposition de l'article 901, qui exige que le disposant par donation ou par testament, suit sain d'esprit. Le vœu de cette disposition est évidemment que le notaire, avant de recevoir un acte de ce genre, s'assure de la situation d'esprit du disposant, et exprime en tête de son acte, qu'il lui a paru avoir l'usage plein et entier de ses facultés morales et intellectuelles.

nation d'un conseil judiciaire, à un individu, pour cause d'imbécillité, est-il non-recevable à prouver que, dès l'époque de ce jugement, cet individu était déja privé de l'usage de raison nécessaire pour contracter et pour faire un testament?

La cour de cassation a décidé ces questions par arrêt du 19 décembre 1814, rapporté en ces termes au Bulletin civil:

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