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Le 3 janvier 1810, Simon Taillefer, alors âgé de 77 ans, a fait donation entre-vifs de plusieurs immeubles aux défendeurs en cassation.

Les demandeurs en cassation ont provoqué la nullité de ces actes. Ils ont prétendu que cette nullité résultait, soit du jugement et de l'arrêt Le 16 du même mois, le sieur Lefebvre a pré- qui avaient donné un conseil judiciaire à Simon senté au tribunal de première instance de Péronne, Taillefer, soit des preuves qui avaient été faites une requête dans laquelle il a exposé que Simon de son imbécillité avant lesdits jugement et arrêt; Taillefer, âgé de 77 ans, était atteint, depuis mais subsidiairement, et dans le cas où ces preu sa naissance, d'une faiblesse d'esprit qui l'avait ves ne paraîtraient pas suffisantes, ils ont conclu réduit, pendant toute sa vie, à un état d'im-à ce qu'il fût ordonné qu'il serait, à leur requête, bécillité et de perpétuelle enfance, et que cette fourni un supplément auxdites preuves, et justifié, espèce de démence, sans avoir rien de dan- tant par titres que par témoins, de tous les faits gereux pour la société, s'était constamment ma- tendant à établir que Simon Taillefer n'était pas nifestée dans ledit Taillefer, par l'incapacité abso-sain d'esprit lors de la donation et du testament, lue de se livrer aux moindres soins qui demandent la preuve contraire réservée aux défendeurs. quelque intelligence, et l'avait toujours rendu inhabile à régir ses biens, et même à gouverner sa personne sagement.

En conséquence, ledit sieur Lefebvre a formé une demande tendant à ce que ledit sieur Simon Taillefer fût pourvu d'un conseil judiciaire.

Un conseil de famille ayant été convoqué pour délibérer sur l'état de Simon Taillefer, il a reconnu et déclaré que tous les faits énoncés par le sieur Lefebvre étaient véritables.

Simon Taillefer a été interrogé, et une enquête a été faite.

Sur le tout est intervenu, le 9 juin 1810, un jugement contradictoire avec ledit Taillefer, et qui statue en ces termes :

«

Sur cette demande, jugement contradictoire par le tribunal de Péronne, sous la date du g janvier 1812, par lequel la donation et le testament ont été déclarés nuls.

Les défendeurs ayant interjeté appel de ce jugement, les demandeurs ont encore pris des conclusions subsidiaires pour le cas où la cour d'Amiens, saisie de l'appel, ne voudrait pas se déterminer par les preuves d'imbécillité résultant de la délibération du conseil de famille, de l'interrogatoire du sieur Taillefer, et de l'enquête, ensemble par les moyens de suggestion et de captation. Ils ont articulé, mis en fait et offert de prouver qu'aux jours de la donation et du testament, Simon Taillefer était dans un état d'imbécillité et d'incapacité absolue, qui ne lui permettait pas de faire, sain d'esprit, une donation ou un testament. Ils ont demandé qu'il fût ordonné aux défendeurs d'avouer ou de contester ces faits. Le 3 février 1813, arrêt contradictoire ainsi

concu:

Considérant qu'il résulte de l'avis du conseil de famille, de l'interrogatoire de Simon Taillefer, et des enquêtes, la preuve que ledit Simon Taillefer est dans un état d'imbécillité qui exige qu'il lui soit nommé un conseil, le tribunal fait défense à Simon Taillefer de plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier, en donner «En point de droit, la nomination d'un conseil décharge, aliéner ni gréver ses biens d'hypothè-judiciaire faite à Simon Taillefer, peut-elle porter ques, sans l'assistance de Fresson, notaire, que atteinte aux actes de donation et testament des 3 le tribunal nomme d'office pour conseil audit Tail- janvier et 9 novembre 1810? lefer, et qui prêtera serment devant le président du tribunal; ordonne que le présent jugement sera inscrit sur les tableaux exposés dans l'auditoire du tribunal et dans les études des notaires et avoués de l'arrondissement. >>

Simon Taillefer ayant interjeté appel, un arrêt contradictoire, rendu par la cour d'Amiens, le 8 janvier 1811, adoptant les motifs des premiers juges, a purement et simplement confirmé le jugement du tribunal de Péronne.

Mais, dans l'intervalle de temps qui s'était écoulé entre ce jugement et l'arrêt confirmatif, le 9 novembre 1810, Simon Taillefer avait fait un testament public, par lequel il avait institué pour ses héritiers universels les défendeurs en cassation, auxquels il avait déja consenti une donation entre-vifs d'une grande partie de ses biens. Peu de jours après l'arrêt de la cour d'Amiens, Simon Taillefer est décédé; et alors s'est élevée, entre les parties, la contestation sur la validité de la donation entre-vifs et du testament.

Tome II.

« Ces deux actes sont-ils également valables ou nuls?

«Les faits subsidiairement articulés par les intimés, le sont-ils à temps? sont-ils précis, pertinents et admissibles en preuve ?

«

Considérant, en droit, que Simon Taillefer, pourvu d'un conseil judiciaire, n'a pas été privé de la faculté de tester;

« Considérant, en fait, que rien ne prouve que le testament dont il s'agit, ne soit pas l'effet de sa volonté libre;

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Considérant que les conclusions subsidiaires des intimés, ne précisant aucun fait d'imbécillité postérieur à la dation du conseil judiciaire, ne peuvent être admises;

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Considérant que le maintien du testament rend superflu l'examen de la question relative à la donation dont il s'agit;

« La cour met l'appellation, et ce dont est appel au néant; émendant et faisant droit au principal, déboute de la demande en nullité. » 24

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soit

Les défendeurs ont répondu à ce premier moyen, 1o que, suivant l'art. 902 du Code civil, toutes personnes peuvent disposer et recevoir, par donation entre-vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables; qu'il n'existe aucun article de loi qui déclare incapables de disposer par donation entre-vifs ou par testament, les personnes qui ont été, non pas interdites, mais seulement pourvues de conseils judiciaires, même pour cause d'imbécillité; et qu'au contraire il résulte évidemment des art. 499 et 513 du Code civil, que les personnes pourvues d'un conseil judiciaire conservent la faculté de tester; 2° que, d'ailleurs, il n'a pas été déclaré par le jugement du 9 juin 1810, et par l'arrêt du 8 janvier 1811, que Simon Taillefer fût dans un état habituel d'imbécillité, dans un état d'imbécil

lité absolue; que seulement il a été déclaré que Simon Taillefer était dans un état d'imbécillité qui exigeait qu'il lui fût nommé un conseil; et que, pour la dation d'un conseil judiciaire, il suffit qu'il y ait preuve d'une imbécillité simple, d'une simple faiblesse d'esprit.

Le second moyen consiste en ce que l'arrêt dénoncé, en rejetant la preuve des faits d'imbécillité postérieurs à la dation du conseil judiciaire, sous le prétexte que ces faits n'étaient pas précisés, n'a eu aucun égard aux faits d'imbécillité anté rieurs, quoiqu'il pût résulter de ces faits antérieurs la preuve que Simon Taillefer était dans un état habituel d'imbécillité, dans un état d'imbécillité absolue, lors de la dation du conseil judiciaire, ou qu'au moins il n'était pas sain d'esprit, soit lors de la donation qui est antérieure à la dation du conseil, soit lors du testament également antérieur à l'arrêt du 8 janvier 1811, qui a confirmé définitivement la dation du conseil judiciaire; que l'arrêt du 8 janvier 1811 n'a pas jugé explicitement que Simon Taillefer ne fût pas dans un état d'incapacité absolue; que l'autorité de la chose jugée par cet arrêt a été faussement appliquée, pour rejeter les faits antérieurs à la dation du conseil judiciaire; et qu'ainsi l'arrêt dénoncé contient une fausse application de l'article 1351 du Code civil, et une violation expresse de l'arti

cle go1.

Les défendeurs ont répondu que les faits d'imbécillité antérieurs à la dation du conseil judiciaire ont été appréciés par le jugement et par l'arrêt

des 9 juin 1810, et 8 janvier 1811; que, par le jugement et par l'arrêt, il a été déclaré qu'il ne résultait de ces faits antérieurs que la preuve d'une imbécillité qui exigeait qu'il fût nommé un conseil, c'est-à-dire, d'une simple faiblesse d'esprit; qu'ainsi les faits ne pouvaient être d'aucune influence pour faire décider que Simon Taillefer n'était pas sain d'esprit, lors du testament qu'il a souscrit ; et que, d'ailleurs, les demandeurs n'ayant précisé aucun fait d'imbécillité postérieur à la dation du conseil, l'arrêt dénoncé n'a violé aucune loi en déclarant le testament valable.

« Sur quoi, ouï le rapport fait par M. le conseiller Chabot (de l'Allier); les observations de Guichard, avocat des demandeurs, et de Dupont, avocat des défendeurs; et les conclusions de M. le comte Merlin, procureur-général du roi;

« Vu les articles 901 et 1351 du Code civil; « Attendu que les demandeurs avaient précisément articulé que, soit avant la dation du conseil judiciaire, soit après, et notamment aux époques de la donation et du testament souscrits par Simon Taillefer, cet individu se trouvait dans un état d'imbécillité absolue, et qu'en conséquence il n'était pas sain d'esprit lors de la donation et du

testament;

«Attendu que l'arrêt dénoncé, en rejetant la preuve des faits d'imbécillité postérieurs à la dation du conseil judiciaire, par la raison qu'ils n'étaient pas précisés, n'a eu, d'ailleurs, aucun égard aux faits d'imbécillité antérieurs;

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vait résulter la preuve que Simon Taillefer n'était Que, cependant, de ces faits antérieurs poupas sain d'esprit, soit au moment de la donation entre-vifs, qui est antérieure à la demande en dation de conseil, soit au moment du testament, lequel est antérieur à l'arrêt du 8 janvier 1811, qui a prononcé définitivement la dation du conseil; Que de ces faits antérieurs pouvait encore résulter la preuve que Simon Taillefer était réellement dans un état habituel d'imbécillité, dans un état d'imbécillité absolue; que l'arrêt du 8 janvier 1811 n'a rien préjugé à cet égard; que n'ayant à statuer que sur une simple demande en dation d'un conseil judiciaire, il n'a eu à constater qu'une imbécillité telle que l'exigeait la dation d'un conseil; mais qu'il n'a pas décidé qu'il n'existât pas de preuve d'une imbecillité entière et absolue; et qu'ainsi l'arrêt dénoncé a faussement appliqué l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 8 janvier 1811, en rejetant les faits antérieurs à la dation du conseil ;

«

Que la preuve de ces faits était d'ailleurs admissible, sur la demande en nullité de la donation et du testament; et, qu'en effet, la disposition de l'art. 901 du Code civil qui porte que, pour faire une donation entre-vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit, serait absolument illusoire, si la preuve des faits qui tendent à établir

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« La cour casse et annule l'arrêt de la cour royale d'Amiens, du 3 février 1813, etc.

« Fait et jugé, etc. Section civile, etc. » L'incapacité absolue prononcée par les art. 902 et 903, reçoit une exception à l'égard des mineurs dans le cas de l'art. 1095 du Code civil. Cet article autorise le mineur, qui se marie, à donner à son futur époux, par contrat de mariage, avec le consentement et l'assistance de ceux dont la présence est nécessaire à la validité de son mariage. tout ce que la loi permet à l'époux majeur de donner à l'autre époux. Or les filles pouvant, aux termes de l'art. 144, se marier à quinze ans, il résulte des dispositions géminées de cet art. 144, et de l'art. 1095, que les filles peuvent dispenser par contrat de mariage en faveur de leurs époux, avant d'avoir atteint l'âge de seize ans.

L'incapacité du mineur âgé de moins de seize ans, et celle des interdits, pour disposer de leurs biens, sont les seules qui soient communes aux donations entre-vifs et aux testaments.

disposant n'ait pas d'héritiers en ligne directe, ou que, s'il en a, le donataire ou légataire soit du nombre de ces héritiers.

La première de ces exceptions n'a fait que confirmer l'ancien usage.

en

La seconde a introduit un droit nouveau, ce que dans l'ancienne jurisprudence on ne validait les dispositions à titre universel, faites aux médecins, chirurgiens et pharmaciens, que lorsqu'ils étaient successibles du disposant; au lieu qu'elles sont maintenant autorisées à leur égard, encore bien qu'ils ne soient pas successibles, pourvu seulement qu'ils soient parents au quatrième degré, et qu'il n'y ait pas d'héritiers en ligne directe, ou qu'ils soient eux-mêmes du nombre de ces héritiers, s'il y en a.

Une dernière disposition de l'art, 909, déclare toutes les règles qu'il établit relativement aux médecins, chirurgiens et pharmaciens, applicables aux ministres du culte.

La disposition de l'art. 909 du Code, qui établit en faveur des parents jusqu'au quatrième degré, inclusivement, une exception à la prohibition faite aux médecins, chirurgiens, officiers de santé ou pharmaciens, de recevoir, dans les cas prévus par la loi, aucune donation ou aucun legs des V. Tontes les incapacités de recevoir sont com-personnes qu'ils traitent, est-elle applicable aux munes aux donations entre-vifs et aux testaments. La première de ces incapacités est celle des tuteurs à l'égard de leurs mineurs.

Les tuteurs ne peuvent rien recevoir de leurs mineurs, même après leur majorité, soit par donation entre-vifs, soit par testament, avant que leurs comptes définitifs aient été rendus et apurés. (Code civ., art. 907, conforme à l'art. 131 de l'ordonnance de 1539, et à une déclaration interprétative de 1549.)

La jurisprudence avait étendu la disposition de l'art. 131 de l'ordonnance de 1539, aux médecins, chirurgiens et apothicaires qui avaient soigné le donateur ou testateur dans sa dernière maladie. Le Code civil a érigé cette jurisprudence en loi positive par sun article 909. Il porte textuel

lement :

alliés ?

Le pharmacien qui, sur l'ordonnance d'un médecin, fournit à un malade les médicaments dont il a besoin, peut-il être considéré comme ayant traité ce malade, et être, en conséquence, déclaré incapable de profiter du legs que ce dernier a fait en sa faveur ?

Ces deux questions ont été décidées par arrêt de la cour de cassation du 12 octobre 1812, au rapport de M. Gandon, dont voici les motifs qui en feront assez connaître l'espèce :

« La cour, considérant, sur le premier moyen, que l'art. 909 du Code civil, et dans l'incapacité qu'il prononce, et dans l'exception qu'il établit en faveur des parents, s'occupe de la transmission et de la conservation des biens dans les familles ; que les alliés, qui n'ont aucun droit à ces biens, sont « Les docteurs en médecine ou en chirurgie, aussi étrangers à cet article, qu'à tous les autres les officiers de santé et les pharmaciens, qui au- qui règlent la même matière; et qu'ainsi, en re«raient traité une personne pendant la maladie fusant d'étendre aux alliés l'exception faite en fa« dont elle meurt, ne peuvent profiter des dispo-veur des parents, la cour de Turin a fait une sitions entre-vifs ou testamentaires qu'elle aurait « faites en leur faveur pendant le cours de cette « maladie.

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"

Cette prohibition générale est cependant modifiée par deux dispositions du même article.

La première excepte de la prohibition les dispositions rémunératoires, lorsqu'elles n'excèdent pas de justes bornes.

La seconde excepte les dispositions à titre universel, en faveur des médecins, chirurgiens et pharmaciens, parents du donateur ou testateur au quatrième degré inclusivement, pourvu que le

juste application dudit article 909;

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Considérant, sur le second moyen, que l'article gog ne prononce d'incapacité contre le pharmacien, qu'en supposant que celui-ci ait traité le donateur pendant la maladie dont il est mort, et que ce serait en faire une fausse application que d'étendre cette incapacité au pharmacien qui se serait borné à livrer de son magasin les remèdes ordonnés par ceux qui traiteraient le malade;

"

Que l'on ne voit réellement, dans l'appointement en preuves, aucun fait dans lequel il soit établi que les Allara aient traité Georges Garda;

d'où l'on pourrait conclure que la preuve n'eût pas dû être admise;

Mais, considérant que traiter un malade, est un fait complexe qui peut se composer, et qui se compose nécessairement de plusieurs circonstances et de soins de diverses espèces;

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il l'aurait ornée.

Le 5 brumaire an ix, la femme décéda. Le mari prit possession des biens, sans opposition de la part des héritiers ; et il en jouit sans trouble jusqu'au 13 octobre 1818.

Mais, par exploit de ce même jour, le frère et une des sœurs de la donatrice citèrent le sieur Boyer devant le tribunal civil de Castelnaudary, en nullité de la donation, prétendant que le sieur Boyer, ayant traité la donatrice pendant la maladie dont elle était atteinte lors de la donation, et dont elle était décédée, était incapable de recevoir des donations de sa part, nonobstant le mariage qu'il n'avait contracté que pour éluder la prohibition de la loi.

Le sieur Boyer répondit que la demande était non-recevable, faute d'avoir été formée dans les dix ans de la donation, conformément à l'art. 46 de l'ordonnance de 1510.

Les héritiers Damieu répliquèrent qu'il s'agissait d'une action en nullité qui durait trente ans.

Par arrêt du 23 décembre 1819, la cour royale

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Ouï le rapport fait par M. le conseiller Cassaigne, les observations de Buchot, au lieu et place de Darrieux, avocat du demandeur; celles de Raoul, avocat des défendeurs, ainsi que les conclusions de M. l'avocat-général Joubert; et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil : Vu l'art. 46 de l'ordonnance de 1510;

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« Attendu qu'aucune loi romaine ni française mariage avec la malade qu'il traitait, ni de régler ne déclarait le médecin incapable de contracter avec elle les conditions de leur union; que si la l'ordonnance de 1539 et la jurisprudence, leur loi 9 au Code de profess. et medicis, l'art. 131 de défendaient de recevoir des donations de leurs malades, c'était dans le cas seulement où une influence dangereuse avait amené ces donations, et non lorsqu'elles avaient été faites librement en vue d'un mariage qui s'était réalisé, ou qu'elles elles étaient à l'abri d'atteinte; qu'il suit de là avaient, d'ailleurs, une cause légitime, auquel cas que l'invalidité des donations contractées en faveur du mariage étant subordonnée à la circonstance de fraude qui pouvait les avoir détermiaction rescisoire soumise à la prescription de dix nées, l'action en annulation était une véritable ans; qu'en jugeant le contraire dans l'espèce, l'arrêt viole l'article précité de l'ordonnance de 1510:

« La cour casse l'arrêt de la cour royale de Montpellier, du 23 décembre 1819, etc.

»

VI. Une vente faite par une personne capable de donner à une personne capable de recevoir, peut-elle être annulée comme contenant une donation déguisée ?

Si la vente considérée comme donation était réductible, peut-elle être annulée pour le tout?

La cour de cassation a décidé que non, par arrêt du 26 juillet 1814, dont l'espèce est retracée au Bulletin civil, de la manière suivante :

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resse une somme de 4600 francs, après le décès | suivie, avaient eu pour objet de corroborer et de de celle-ci. valider la prétendue vente; et qu'elles avaient, comme cet acte, tous les caractères de la simu

A l'égard des 27,680 francs assignats restants du prix de la vente, l'acte porte qu'ils ont été | lation. payés présentement, en présence du notaire et des témoins, à la veuve Platel, qui en a donné quittance.

Enfin, il fut stipulé que l'acquéreur paierait les contributions du domaine et aurait la faculté d'y faire les réparations, constructions et améliorations qui lui conviendraient.

Cet acte, qui a été exécuté pendant huit ans, a été attaqué en l'an x, sur le motif de lésion d'outre-moitié du juste prix. La veuve Platel en a demandé la rescision devant le tribunal de Valence; cependant les parties se sont rapprochées, et elles ont transigé le 11 frimaire an x1.

La veuve Platel a ratifié la vente du 2 prairial an III, au moyen de ce que le sieur Paul s'est obligé à lui payer une pension annuelle et viagère de 600 francs, réversible pour 200 francs sur la tête du sieur Platel son fils; et le sieur Paul a payé, en outre, une somme de 1200 francs en numéraire pour supplément du prix de la vente.

La veuve Platel est décédée le 11 brumaire an XII; et les sieurs Richard et Ythier, en qualité de maîtres des droits de Henriette et de Thérèse Platel, leurs épouses, ont fait assigner le sieur Paul devant le tribunal de Valence, pour voir annuler l'acte de vente du 2 prairial an 111, et la transaction du 11 frimaire an x1, comme contenant une donation déguisée en faveur d'une des filles de la dame Platel, au préjudice de ses autres enfants.

Les sieurs Richard et Ythier prétendaient que cette vente n'était que simulée; qu'elle était faite sans que la venderesse eût aucun besoin de vendre; que cette vente n'était pas sérieuse, puisque la veuve Platel avait conservé la jouissance des fonds vendus.

Ils alléguaient que le domaine avait une valeur infiniment supérieure aux 36,000 francs assignats qui formaient le prix de la prétendue vente; qu'il résultait de toutes les circonstances que cet acte avait pour objet de transmettre à l'épouse du sieur Paul la totalité de la fortune de la veuve Platel, au préjudice de ses autres enfants, contre le vœu des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2, qui rétablissaient l'égalité des partages en ligne directe, et qui prohibaient les libéralités faites à des successibles sous la forme de vente à fonds perdu; qu'enfin cette vente prétendue ne pouvait valoir comme donation entre-vifs, parce qu'elle n'avait pas été rédigée avec les formalités prescrites par le statut delphinal de 1456.

Ils soutenaient que la transaction du 11 frimaire ne pouvait avoir changé la nature de l'acte du 2 prairial, ni transformer une donation déguisée en une vente sérieuse et véritable; que l'action en rescision et la transaction qui l'avait

Le tribunal de Valence, sur ces moyens, a adopté les conclusions des sieurs Richard et Ythier, a cassé la vente et la transaction, et a condamné le sieur Paul à relâcher dans le domaine vendu la portion qui les concernait comme maîtres des droits de Henriette et de Thérèse Platel, leurs épouses.

Sur l'appel du sieur Paul, l'affaire portée à la cour de Grenoble, cette cour a pleinement confirmé le jugement de première instance, le 24 août 1811.

Le sieur Paul s'est pourvu contre cet arrêt, pour fausse application des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2, et du statut delphinal de 1456, et sur la violation de la loi 38, au Digeste de contrahenda emptione, et pour contravention aux articles 913 et 920 du Code civil. Les défendeurs se sont attachés à développer les motifs de l'arrêt attaqué, pour le justifier.

Sur ces débats, la cour de cassation a prononcé ainsi qu'il suit:

« Ouï le rapport de M. le conseiller Oudot, et les conclusions de M. l'avocat-général Jourde;

Vu la loi 38, au Digeste de contrahenda emptione, et les articles 911, 913 et 920 da Code civil;

Attendu que les lois romaines, et notamment la loi 38, au Digeste cité, sous l'empire desquelles l'acte du 2 prairial an n a été passé,

confirment les donations faites sous la forme d'une vente, ou de tout autre acte à titre onéreux, lorsqu'elles l'ont été par des personnes capables de donner, en faveur de personnes capables de recevoir;

"

« Attendu que les lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2 n'établissaient pas une incapacité absolue dans la personne d'un successible, mais annulaient seulement, pour le maintien de l'égalité, les avantages faits à l'un des héritiers au préjudice des autres, en ce qui pouvait excéder la faculté de disposer;

« Attendu que Nicolas Paul, gendre de la veuve Platel, n'était pas incapable de recevoir; que la donation dont il s'agit pouvait être susceptible d'être réduite à la quotité disponible, si elle excédait cette quotité; mais qu'elle ne pouvait être annulée pour le tout, d'après le vœu des articles 913 et 920 du Code civil: d'où il suit que la cour de Grenoble, en l'annulant en son entier, et par suite la transaction du 11 frimaire an x1, a faussement appliqué les lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2, et l'art. 911 du Code civil, et a contrevenu à la loi 38, au Digeste, et aux articles 913 et 920 du même Code;

« La cour casse et annule l'arrêt de la cour royale de Grenoble, du 24 août 1811, etc. »

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