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faits les demandeurs auraient extorqué les enga-comprises dans l'exception, le droit d'opposer le gements de Joseph Hueber; qu'il ne constate pas défaut de la transcription; qu'ils eussent connaissance de la donation au profit des défendeurs, lorsque la vente du 22 septembre 1810, leur a été consentie; et qu'enfin il n'a pas formellement annulé, pour cause de dol; d'erreur ou de violence, les actes dont il s'agit; « 2° En ce qui concerne la donation consentie aux défendeurs par Joseph Hueber,

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Qu'il résulte de la combinaison des articles 938, 939 et 941 du Code civil, que, du donateur au donataire, la donation dûment acceptée est parfaite par le seul consentement des parties, et qu'elle transfère immédiatement la propriété au donataire; mais que, à l'égard des tiers qui peuvent avoir intérêt à contester la donation, elle n'est parfaite et translative de propriété, que lorsqu'elle a été transcrite au bureau des hypothèques dans l'arrondissement duquel les biens sont situés; et que, en effet, s'il eût été dans l'intention du législateur de disposer généralement, par l'article 938, que, à l'égard des tiers ayant intérêt, comme entre le donateur et le donataire, la donation dûment acceptée serait parfaite et translative de propriété par le seul consentement des parties, sans qu'il fût besoin de transcription, il eût été contradictoire d'ajouter, dans l'article 941, que le défaut de transcription de la donation pourrait être opposé par toutes les personnes ayant intérêt ;

Que c'est dans la section particulière, sous la rubrique de la forme des donations entre-vifs, que la transcription de la donation a été prescrite à l'égard de toutes les personnes ayant intérêt; qu'elle est donc, à leur égard, une formalité obligée de la donation, et qu'elle est une formalité essentielle, puisque son défaut peut être opposé, et qu'évidemment il ne peut l'être que pour empêcher les effets de la donation;

«Que vainement on suppose, pour restreindre la disposition de l'article 941, que la transcription n'a été prescrite que sous le rapport des hypothèques, et que son défaut ne peut être opposé que par les créanciers du donateur, mais non par les tiers-acquéreurs des biens déja compris dans la donation;

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Que, d'une part, l'article 941 accorde à toutes personnes ayant intérêt, le droit d'opposer le défaut de la transcription, et que les tiers-acquéreurs ont certainement intérêt à contester une donation qui a été tenue secrète, et dans laquelle avaient été compris, à leur insu, des biens qui leur ont été ensuite vendus par le donateur;

Que, d'autre part, l'article 941, après avoir accordé à toutes personnes ayant intérêt, le droit d'opposer le défaut de la transcription, n'en excepte que les personnes qui sont chargées de faire faire la transcription, ou leurs ayant-cause et I donateur; d'où il suit qu'il a voulu accorder à toutes les autres personnes ayant intérêt, et non

« Que, d'autre part encore, si le législateur avait entendu n'accorder, par l'article 941, qu'aux seuls créanciers du donateur, et sous le rapport seulement des hypothèques, le droit d'opposer le défaut de la transcription, il eût été absolument inutile qu'il insérât dans le même article une disposition particulière pour ordonner, par exception, que ce droit d'opposer le défaut de la transcription n'appartiendrait ni à ceux qui étaient chargés de la faire, ni à leurs ayant-cause, ni au donateur;

«

Qu'ainsi, d'après les termes de l'article 941, il est évident que la transcription a été prescrite par le Code civil, de même que l'insinuation l'avait été par les lois anciennes, pour assurer la publicité de la donation, non-seulement à l'égard des créanciers, mais encore à l'égard de toutes les personnes qui peuvent avoir intérêt à la connaître, pour que personne ne soit exposé à traiter avec le donateur dans l'ignorance de sa fortune réelle, pour que personne ne coure le risque d'acquérir d'un propriétaire apparent, des biens que ce propriétaire avait précédemment donnés par des actes secrets et inconnus;

«

Qu'elle est donc, comme l'était autrefois l'insinuation, une formalité particulière aux donations entre-vifs, qui est également indépendante de la législation sur les hypothèques, et qui, en conséquence, n'a pu être abrogée par l'introduction du nouveau système hypothécaire ;

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Qu'enfin, il eût fallu, pour anéantir les dispositions précises des articles 939 et 941, une dérogation écrite et formelle; qu'elle ne se trouve dans aucun des articles du Code, et qu'il ne pourrait être permis aux tribunaux de la suppléer par de simples inductions, lors même que ces inductions, purement arbitraires, ne seraient pas fondées sur la fausse supposition que les formalités particulières aux donations entre-vifs doivent être confondues avec les formalités relatives soit aux aliénations à titre onéreux, soit aux hypothèques ;

« De tout quoi il résulte définitivement que l'arrêt dénoncé a fait, dans l'espèce, une fausse application de l'article 938 du Code civil, et formellement violé les dispositions des articles 939 et 941, en décidant que les demandeurs ne pouvaient opposer le défaut de transcription de la donation consentie aux défendeurs;

« La cour casse et annule l'arrêt de la cour

d'appel de Colmar, du 4 août 1812, etc.

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Fait et jugé, etc. Section civile, etc. »

III. La survenance du Code civil a-t-elle dispensé de l'insinuation les donations entre - vifs antérieures, faites par des donateurs vivants, lors de la publication dudit Code?

Les héritiers du donateur sont-ils recevables à opposer au donataire le défaut de transcription,

s'il s'agit d'une donation ancienne, dont ils auraient pu opposer le défaut d'insinuation ?

Sous l'empire du Code, peuvent-ils opposer le défaut de transcription?

Voici un arrêt qui a décidé la première question pour l'affirmative, et les deux autres pour la négative.

Le 28 mars 1792, Pierre Mouret et sa femme ont fait une donation à leur nièce, qui depuis a été mariée à Benoît Pothier. Cette donation comprenait des objets mobiliers et trois pièces de terre. Il était stipulé que l'usufruit du tout resterait aux deux époux donateurs et passerait en totalité au survivant. Ce n'était qu'après la mort de ce dernier, que la femme Pothier devait, entrer en jouissance des objets donnés.

Le mari donateur est mort en l'an vIII, et sa femme au mois d'août 1811. Ainsi ce ne fut qu'à cette époque de 1811, que la femme Pothier put demander la délivrance des choses mobilières et immobilières qui faisaient partie de la donation. Les héritiers du mari donateur se sont opposés à cette demande : ils ont soutenu que la donation était nulle par le motif, entre autres, qu'elle n'avait pas été insinuée.

Le 9 avril 1812, jugement du tribunal de Péronne, qui déclare la donation valable.

Sur l'appel, arrêt du 14 août 1812 qui juge que cette donation, quoique non insinuée, doit sortir son effet quant au mobilier qui en était l'objet; mais que « le défaut d'insinuation du vi« vant du donateur et le défaut de transcription « en même temps, rendaient ladite donation nulle « quant aux immeubles. »

Le principal moyen de la demande en cassation a consisté à dire que les immeubles qui lui avaient été donnés par les mariés Mouret, avaient appartenu, une partie au mari, une autre partie à la femme;

Que celle-ci étant morte après la publication du Code civil, qui avait supprimé la formalité de l'insinuation, il s'ensuivait que la donation dont il s'agit, quoique non insinuée, était valable, au moins quant aux biens qui avaient appartenu à la femme; et qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué avait violé le Code civil.

Les défendeurs, héritiers de Pierre Mouret, ont répondu que tous les biens donnés avaient appartenu à ce Pierre Mouret; que cet individu était décédé en l'an vIII, antérieurement à la publication du Code civil, sous le régime de l'ordonnance de 1731; que la donation, n'ayant pas été insinuée, était nulle aux termes de cette ordonnance;

Que si l'on pouvait juger l'affaire d'après les dispositions du Code civil, il faudrait encore annuler la donation à défaut de transcription, ainsi qu'il est prescrit par l'art. 939.

Suit la teneur de l'arrêt qui casse (sous la date du 23 août 1814.)

Tome II.

« Ouï M. Zangiacomi, conseiller en la cour, dans son rapport; et M. Joubert, avocat-général, dans ses conclusions;

<< Vu les articles 938, 939 et 941 du Code civil;

a

Considérant qu'il y avait communauté de biens entre Pierre Mouret et sa femme; qu'il ne peut exister aucun doute sur ce fait, puisqu'il est prouvé par le contrat de mariage des deux époux, et qu'il n'est contredit par aucune des assertions de l'arrêt attaqué;

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Qu'il est également constant, en fait, et non contredit par cet arrêt, que, parmi les immeubles compris dans la donation faite à la demanderesse par les mariés Mouret, se trouvait une pièce de terre que Pierre Mouret avait acquise pendant son mariage; et, par conséquent, que cette pièce de terre, acquêt de la communauté, appartenait pour moitié à la femme; qu'ainsi il y a eu, au profit de la demanderesse, une donation de la part de Pierre Mouret, et une autre de la part de sa femme;

Considérant, en droit, sur la donation faite par cette femme, que si l'ordonnance de 1731 voulait qu'elle fût insinuée, elle autorisait aussi à différer l'accomplissement de cette formalité jusqu'au dernier moment de la vie de la donatrice;

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Qu'à la vérité, la donation dont il s'agit, n'a pas été transcrite; mais qu'aux termes de l'article 941, les défendeurs, héritiers et représentants du donateur, sont non-recevables à exciper de ce manquement de formalité;

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Qu'ainsi, en annulant la donation dont il s'agit, sous le prétexte qu'elle n'avait été ni insiticles ci-dessus, nuée ni transcrite, l'arrêt attaqué a violé les ar

« La cour casse et annule l'arrêt de la cour

d'Amiens, du 14 août 1812, etc.»>

IV. Lorsqu'une donation faite, soit sous l'em

pire de la loi du 11 brumaire an vII, soit sous le Code civil, n'a pas été transcrite, la propriété continue-t-elle de résider sur la tête du donateur, par rapport à ses créanciers hypothécaires?

Ces créanciers peuvent-ils alors saisir réellement sur lui les biens compris dans la donation?

La cour de cassation a résolu ces questions pour l'affirmative, par un arrêt du 23 juillet 1822, au rapport de M. Carnot, dont voici la teñeur:

26

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Vu l'art. 26 de la loi du 11 brumaire an vii, sur le régime hypothécaire;

. Vu aussi les art. 939 et 1266 du Code civil; « Attendu, 1o en ce qui concerne la donation du 9 pluviose an vII, que cette donation a été faite sous l'empire de la loi de brumaire, et que

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S III.

c'était dès lors par cette loi qu'elle devait être régie; Des exceptions à l'irrévocabilité des donations entre

"

Que cette loi établissait, en principe général, que les actes translatifs de propriété ne pouvaient être opposés aux tiers, avant d'avoir été transcrits; « Que ladite loi, ni aucune autre, n'avait excepté de la transcription les donations faites en ligne directe par contrat de mariage;

« Et que la donation dont il s'agit n'avait pas été transcrite;

a

Attendu, 2o, relativement à la donation du 31 janvier 1811, passée sous l'empire du Code civil, qu'elle ne pouvait non plus être opposée aux tiers, aux termes des art. 939 et 941 dudit Code, du moment qu'elle n'avait pas été transcrite;

Qu'il résulte, en effet, dudit article 939 que les donations de biens susceptibles d'hypothèque doivent être transcrites; et de l'art. 941, qu'à défaut de transcription, elles ne peuvent être opposées aux personnes ayant intérêt;

«Que cependant l'arrêt attaqué a déclaré que les donations dont il s'agit avaient fait passer la propriété des choses données, d'une manière irrévocable et absolue, dans les mains des donataires, de manière qu'il ne restait aux créanciers à qui lesdits biens étaient affectés par hypothèque, qu'un simple droit de suite, pour l'exercer dans les formes de droit;

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Que la cour royale s'est fondée, pour le juger de la sorte, sur les dispositions de l'art. 2166 du Code civil, portant que les créanciers ayant privilége ou hypothèque inscrite sur un immeuble le suivent en quelques mains qu'il puisse passer; Que cet article n'a pas disposé pour le cas où la donation n'avait pas été transcrite; qu'à défaut de transcription, une donation est un acte que la loi considère comme non avenu dans ses rapports avec les tiers, ce qui résulte nécessairement de ce qu'elle ne peut leur être opposée;

Que, dans l'état des choses, et à défaut de transcription des donations des 9 pluviose an vII et 31 janvier 1811, il avait été légalement procédé à la saisie réelle des immeubles qui s'y trouvaient compris, à la requête des créanciers inscrits sur lesdits immeubles, et sur la tête du curateur à la succession vacante du donateur;

«

Que la cour royale devait donc maintenir cette saisie, et ne pas ordonner qu'elle serait rayée du registre des hypothèques, quant aux immeubles compris dans lesdites donations;

Que la réserve faite au créancier de l'exercice de son droit de suite sur lesdits biens ne couvre pas la fausse application dudit art. 2166 et la violation de l'art. 26 de la loi du 11 brumaire an vi et des articles 939 et 941 du Code civil,

vifs.

Le principe de l'irrévocabilité des donations entre-vifs, est modifié par trois exceptions. Elles peuvent être révoquées,

1° Pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elles ont été faites;

2o Pour cause d'ingratitude du donataire envers le donateur;

3o Pour cause de survenance d'enfants au donateur. (Code civ., art. 953. )

Να I. De la révocation des donations pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elles ont été faites.

L'inexécution des conditions sous lesquelles une donation a été faite, n'opère pas de plein droit sa révocation. Elle doit être prononcée par les tribunaux sur la demande du donateur. (Code civ., art. 956.)

Lorsque la révocation a lieu, les biens donnés reviennent au donateur, libres de toutes les charges et hypothèques dont ils auraient été grevés; le donateur les reprend dans les mains du tiers-détenteur, s'ils ont été aliénés par le donataire, et il a contre eux les mêmes actions qu'il aurait contre le donataire ( Code civ,, art, 954). La raison en est que, dans ce cas, la révocation dérive d'une cause inhérente à l'acte, qui, n'ayant été consenti par le donateur que sous des conditions qui n'ont pas êté remplies, est censé n'avoir jamais existé.

Le Code civil n'a pas fixé de délai pour l'exercice de l'action en révocation des donations pour cause d'inexécution des conditions qui y ont été stipulées; il en résulte que cette action peut être exercée pendant trente ans, durée de toutes les actions pour lesquelles la loi n'en a pas fixé de particulière. Telle était d'ailleurs l'ancienne jurisprudence. No 2. - De la révocation des donations pour cause d'ingratitude.

La morale publique et l'intérêt du donateur veulent également que le donataire soit puni, lorsqu'il a manqué à la reconnaissance envers son bienfaiteur.

Ce principe avait été consacré dans la législation romaine. Elle énonçait les divers cas qui donnaient lieu à la révocation des donations, pour cause d'ingratitude. Ces causes de révocation étaient admises dans l'ancienne jurisprudence, quoique l'ordonnance de 1731 n'eût pas de disposition à cet égard.

Le Code civil a mis positivement l'ingratitude du jour de cette demande. (Code civ., art. 957.) au nombre des causes qui donnent lieu à la ré- Les donations en faveur de mariage étant cenvocation des donations entre-vifs; il en a déter-sées faites en faveur des enfants qui en naîtront; miné et spécifié les cas par son art. 955.

Le premier est celui où le donataire a attenté

à la vie du donateur

Le second est celui où il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits, ou injures graves. Le troisième est celui où il lui a refusé des ali

ments.

Ces trois cas sont les seuls qui, depuis la promulgation du Code civil, peuvent motiver la révocation des donations pour cause d'ingratitude. Cette révocation, de même que celles pour cause d'inexécution des conditions imposées au donataire, n'a pas lieu de plein droit, et doit être prononcée par les tribunaux sur la demande du donateur. Cette demande doit être formée dans l'année à compter du jour du délit imputé au donataire, ou de celui auquel le donateur aura pu en avoir connaissance. (Code civ., art. 956 et 957.)

La demande en révocation, pour cause d'ingratitude, ne peut être formée que contre le donataire seul, et contre ses héritiers; elle ne peut l'être que par le donateur, et non par ses héritiers, à moins que l'action n'eût été intentée par le donateur, ou qu'il soit décédé dans l'année du délit. (Code civ. art. 957, conforme dans cette dernière disposition à l'ancienne jurisprudence.) Il y a cette différence entre l'effet de la révocation de la donation pour cause d'inexécution des conditions, et l'effet de la révocation pour cause d'ingratitude; que dans le premier cas, comme on l'a vu, le donateur reprend ses biens en quelques mains qu'il les trouve, libres et dégagés de toutes charges et hypothèques dont ils auraient pu être grevés; qu'au contraire, dans le cas de révocation pour cause d'ingratitude, les aliénations faites par le donataire sont maintenues, de même que les charges et hypothèques dont les biens donnés auraient été grevés par le donataire, pourvu cependant que le tout soit antérieur à l'inscription qui aurait été faite de l'extrait de la demande en révocation, en marge de la transcription de la donation. (Code civ., art. 958.)

cas,

et ces enfants ne devant pas souffrir de la faute de leurs pères, ces donations ne sont pas susceptibles de révocation pour cause d'ingratitude. | C'était l'ancienne jurisprudence, et elle a été consacrée et érigée en loi positive par l'art. 959 du Code civil.

La raison de cette différence est, qu'au premier ceux qui ont contracté avec le donataire ont pu connaître les conditions sous lesquelles la donation lui avait été faite; qu'ils ont dû s'assurer si ces conditions avaient été exécutées, et prévoir, dans le cas contraire, qu'à défaut d'exécution de ces conditions, la donation pouvait être révoquée, et par suite leurs droits résolus; qu'au contraire, au deuxième cas, ceux qui ont contracté avec le donataire n'ont pu ni dû prévoir son ingratitude. Lorsque la donation est révoquée pour eause d'ingratitude, le donataire est condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard au temps de la demande, et les fruits, à compter

La donation faite par un époux à son conjoint dans le contrat de mariage, est-elle révoquée par la séparation de corps, prononcée contre le donataire?

Voy. Séparation entre époux, sect. II, § 1. De la révocation des donations, pour cause de survenance d'enfants.

No 3.

I. La survenancé d'enfants au donateur, qui n'en avait pas au moment de la donation, et qui n'avait pas non plus de descendants à cette époque, est la troisième cause de révocation des donations entre-vifs. Elle est fondée sur l'affection paternelle que la nature a placée au premier rang de toutes les affections humaines. La loi présume que celui qui a donné lorsqu'il n'avait pas d'enfants, n'aurait pas donné s'il en avait eu. (Code civil, art. 960.)

II. La révocation des donations, pour survenance d'enfants, s'opère de plein droit. elle a lieu même par la naissance d'un posthume, même par la légitimation d'un enfant naturel, pourvu qu'il soit né après la donation. (Ibid.)

La donation est-elle révoquée par l'effet de l'adoption? Voy. Adoption, sect. 11, § ш, n° iv. III. Cette révocation s'étend à toutes les donations pour quelque cause, et à quelque titre qu'elles aient été faites, à la seule exception de celles faites par contrat de mariage aux futurs époux par leurs ascendants, et à celles que les futurs époux se font l'un à l'autre par le même acte. (Code civil, art. 960, conforme à l'art. 39 de l'ordonnance de 1731.)

IV. Il y a cependant une différence importante entre ces deux articles. Aux termes de l'art. 39 de l'ordonnance, la légitimation de l'enfant naturel par mariage subséquent révoquait les donations, encore bien que l'enfant légitimé fût né avant ces donations. Au contraire, aux termes du Code civil, pour que la légitimation de l'enfant naturel par mariage subséquent opère la révocation des donations, il faut que l'enfant légitimé soit né après la donation. L'article 960 porte textuellement : «< ou par la légitimation d'un enfant naturel, par mariage subséquent, s'il est né de« puis la donation. »

«

V. La révocation par survenance d'enfants a lieu, encore bien que l'enfant né postérieurement à la donation fût conçu au moment où la donation a été faite. (Code civ., art. 961. Ordonnance de 1731, art. 40.)

Elle a lieu également, encore bien que le donataire eût été mis en possession des biens donnés, et qu'il eût continué d'en jouir après la naissance ou la légitimation qui opère la révocation: seulement, dans ce cas, le donataire n'est tenu de la restitution des fruits qu'à compter du jour de la notification qui lui est légalement faite, ou de la naissance, où de la légitimation, qui opère la résolution de sa propriété; la raison en est que c'est seulement du moment de cette notification qu'il cesse d'être possesseur de bonne foi. La restitution a lieu, par la même raison, du jour de la notification, encore bien que la demande pour rentrer dans les biens donnés ne soit formée que postérieurement. (Code civ., art. 962. - Ordonnance de 1731, art. 42.)

Mais, si avant la naissance de l'enfant qui a opéré la révocation de la donation, le donateur s'est mis de fait en possession des biens par lui donnés, et en a perçu les fruits, il doit les restituer au donataire ou à ses héritiers, parce que tant que la révocation de la donation n'est pas opérée, le donataire n'est pas un simple possesseur avec un titre coloré; il a une propriété pleine et entière qui lui donne droit à tout ce que produit la chose, jusqu'à la résolution de son droit de propriété (Code civ., art. 544 et 546). C'est ce que la cour de cassation a décidé par arrêt du 8 janvier 1816, au rapport de M. Zangiacomi, en cassant un arrêt de la cour royale de Montpellier. (Bulletin civil. — Sirey, 1816, page 121.)

VI. Les donations révoquées par survenance d'enfants, ou par légitimation d'enfant naturel, ne peuvent revivre et produire leur effet, ni par la mort de l'enfant qui en a opéré la révocation, ni par aucun acte confirmatif de la part du donateur. Si ce dernier persiste dans la volonté de donner ses biens au donataire, il ne peut le faire que par un nouvel acte revêtu de toutes les formes nécessaires à la validité des donations. (Code civ., art. 964. Ordonnance de 1731, art. 3.)

VII. Le donateur ne peut, par quelque clause que ce soit, renoncer à la révocation de la donation par survenance d'enfant. Une pareille clause est toujours considérée comme nulle et non avenue (Code civ., art. 965. — Ordonn. de 1731, art. 44). La raison de la disposition de ces deux articles est que la révocation des donations, par survenance d'enfant, a été particulièrement établie en faveur des enfants, et qu'il ne doit pas être au pouvoir des pères de les priver d'un droit que la loi leur accorde.

VIII. Lorsqu'une donation est révoquée par survenance d'enfant, elle est censée n'avoir jamais existé le donateur reprend les biens donnés, dans quelques mains qu'ils se trouvent, dans l'état où ils étaient au moment de la donation, c'est-àdire, libres et dégagés de toutes dettes et hypothèques dont ils auraient pu être grevés, sans aucune exception quelconque; ils ne restent pas

|

même soumis à l'hypothèque subsidiaire de la femme, pour raison de sa dot et de ses conventions matrimoniales, encore bien que la donation eût été faite à son mari par son contrat de mariage, et que, par une clause insérée dans la donation, le donateur se fût obligé comme caution à l'exécution du contrat de mariage. (Code civ., art. 963. Ordonnance de 1731, art. 42.)

IX. L'action pour retirer les biens donnés, lorsque la donation est révoquée par survenance d'enfants, dure trente ans, à compter du jour de la naissance du dernier enfant du donateur, même posthume, et ce, sans préjudice des interruptions telles que de droit. (Code civ., art. 966. Ordonnance de 1731, art. 45.)

Il est à remarquer que la durée de cette action pendant trente ans a lieu même contre les tiersdétenteurs, ce qui est contraire au droit commun en matière de prescription, suivant lequel le tiersdétenteur, qui a titre et bonne foi, prescrit par une possession de dix ans entre présents, et de vingt ans entre absents. (Code civ., art. 966.)

DON MANUEL. C'est une donation d'effets mobiliers faite sans acte, de la main à la main, et que le donataire accepte.

I. Dans tous les temps on a pu donner des gratifications, faire des présents, dans la vue d'exercer des actes de générosité, ou de récompenser des services rendus. Il n'est pas nécessaire de constater par des actes ces dons, qui ne peuvent porter que sur des objets mobiliers. C'est dans ce sens que M. d'Aguesseau, rédacteur de l'ordonnance de 1731, a dit, dans sa 290° lettre, tom. 9 de ses œuvres : « A l'égard d'un don qui se consommerait sans acte, par la tradition réelle d'un meuble on d'une somme modique, l'art. 1o de l'ordonnance nouvelle (celle de 1731) ne parlant que des actes portant donation, n'a pas d'application à ce cas, qui n'a besoin d'aucune loi. »

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On peut faire le même raisonnement sous l'empire du Code civil, qui porte aussi, art. 931, « que tous actes portant donation entre-vifs, seront passés devant notaires.... sous peiue de nullité. »

D'ailleurs, suivant l'art. 2279, en fait de meubles, la possession vaut titre.

Le 9

Ainsi il est certain qu'aujourd'hui, comme sous l'ancienne législation, on peut, de la main à la main et sans acte, donner des meubles, des effets mobiliers, une somme d'argent. C'est aussi ce que la cour de cassation a jugé dans l'espèce suivante : mai 1807, le sieur Thomas, retenu dans son lit par une maladie grave, fait appeler le notaire Jeannin, et lui remet seize effets de commerce par lui endossés en blanc, et montant ensemble à 15,077 francs. Il le charge de remettre neuf de ces effets aux sieurs Regaud, Grélier, d'Arçon, Piard, Rousseau et Muyard, comme un témoignage de son amitié et de la reconnaissance qu'il leur doit pour les services qu'ils lui ont

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