Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

son pour

L'affirmative ne paraît pas douteuse à M. Merlin (Questions de droit, tome 6, vo Donation, § 6, n° 4); et nous partageons entièrement son avis, car si la tradition réelle suffit pour la validité du don manuel entre-vifs, elle suffit à plus forte raila validité du don manuel à cause de mort, puisqu'il est bien plus facile de croire à la réalité d'un don toujours révocable, et qui ne doit avoir d'effet qu'après la mort du disposant, qu'à celle d'une disposition qui exproprie incommutablement le donateur. C'est toujours l'application du mot général et décisif de M. d'Aguesseau: le cas de la tradiction réelle n'a besoin d'aucune loi. (voyez ci-dessus, no 1 ). C'est aussi la conséquence nécessaire de la maxime écrite dans l'art. 2279 du Code civil, en fait de meubles, la possession vaut

titre.

Cependant la doctrine contraire a été adoptée par la cour royale de Paris dans une affaire célèbre.

M. Chenier, membre de l'Institut, décède à Paris, le 10 janvier 1811, après avoir donné verbalement dans sa dernière maladie, et peu d'instants avant sa mort, tous ses manuscrits à madame Lesparda, son amie, à laquelle il avait les plus grandes obligations.

Les héritiers de M. Chenier, autres que son frère aîné, demandent la remise de ces manuscrits. La dame Lesparda répond qu'à la vérité elle les possède, mais qu'ils lui ont été donnés par M. Chenier; et que comme son aveu est indivisible et qu'en fait de meubles la possession vaut titre, elle est bien fondée à garder les manuscrits.

titre; il soutient que dans le doute un don manuel fait, même par un mourant, est censé fait entre-vifs, s'il n'est pas expressément qualifié à cause de mort; que, d'ailleurs, le don manuel que M. Chenier lui a fait de ses manuscrits, fûtil à cause de mort, n'en serait pas moins valable; qu'enfin ses adversaires sont d'autant moins recevables, que leur frère aîné, Constantin, qui seul, d'après Pothier (Traité de la Communauté, no 682), aurait droit de réclamer les manuscrits, reconnaît qu'elle en est légitime propriétaire.

Les intimés répondirent 1° qu'il résulte des diverses circonstances de la cause, que la dame Lesparda n'est devenue détentrice des manuscrits qu'à titre de dépôt; 2o qu'en point de droit, si le don manuel entre-vits est translatif de propriété, il n'en est pas de même du don manuel à cause de mort; qu'en fait, M. Chenier touchait à sa fin, lorsqu'il avait remis ses manuscrits à la dame Lesparda; qu'il ne les lui avait donc donnés que in contemplationem mortis ; que, d'ailleurs, il n'est pas concevable qu'un auteur en état de maladie donne ainsi ses productions sans espoir de les recouvrer, s'il revenait en santé; 30 que même en supposant qu'on puisse donner, à cause de mort, par tradition manuelle, du moins on ne peut pas transmettre par cette voie un droit incorporel; et que c'est bien un droit incorporel que celui qu'a un auteur de faire imprimer ses manuscrits à son profit exclusif.

[ocr errors]

Par arrêt du 4 mai 1816, « considérant, en droit, que la tradition des manuscrits de la part d'un auteur mourant, ne pouvant être faite que dans la vue de la mort, doit être réputée donation à cause de mort, et, comme telle, soumise aux formalités des testaments;

« Considérant que des faits et circonstances de la cause, il résulterait, au plus, la présomption d'un dépôt ès mains de la femme Lesparda;

« La cour a mis et met l'appellation au néant....> (Voyez tous les détails de cette affaire dans Sirey, 1816, 2° partie, page 195.)

Le second motif de cet arrêt, que la remise des manuscrits n'était qu'un dépôt, est une interpréLe 30 mars 1815, jugement du tribunal de tation du contrat qui, comme nous l'avons repremière instance de la Seine, qui attendu qu'il marqué ci-dessus, nos II et III, rentre essentielrésulte de la déclaration faite par la dame Les-lement dans le domaine des tribunaux. Sous ce parda qu'elle est détentrice de plusieurs manus- rapport l'arrêt était certainement à l'abri de la crits composés par le feu sieur Chenier...., et qui cassation.

sont....;

« Attendu que la dame Lesparda ne justifie pas qu'elle ait aucun droit de propriété de ces manuscrits..... ordonne que dans la huitaine de la signification du présent jugement, la dame Lesparda sera tenue de remettre aux demandeurs les

manuscrits.....>>

La dame Lesparda appelle de ce jugement. Son défenseur insiste principalement sur l'indivisibilité de l'aveu qui fait la base du jugen.ent, et sur la règle, en fait de meubles, la possession vaut

Mais nous ne saurions adopter, en général, le premier motif, qu'un don manuel à cause de mort est soumis aux formalités des testaments; car si ce principe était vrai, il s'appliquerait, à plus forte raison, aux dons manuels entre-vifs, et nous avons prouvé au commencement de cet article qu'il ne s'y applique pas du tout.

Au reste,

l'arrêt de la cour de Paris n'a statué que sur un don de manuscrits; et il laisse assez entendre que s'il eût été question d'effets mobiliers d'une autre nature, la circonstance que la

donation avait été faite dans les derniers instants | tiel à la validité du don mutuel dans la coutume de M. Chénier n'aurait pas suffi pour en empècher l'exécution. C'est aussi la conséquence nécessaire de l'arrêt de la cour de cassation, du 12 décembre 1815, rapporté ci-dessus.

V. Lorsque les donations manuelles sont faites pour éluder la loi, soit en fraude de la réserve, soit pour avantager un incapable, elles sont réductibles dans le premier cas, et nulles dans le second; la preuve par témoins est alors admissible, comme dans tous les cas de fraude, et l'on sent que la décision est subordonnée aux circon

stances.

Voyez, au surplus, Donation entre-vifs.

DONATION RÉMUNÉRATOIRE. C'est celle qui est faite pour des services rendus au donateur par le donataire.

Quand le donateur est-il obligé à la garantie des objets par lui donnés à ce titre?

Voy. Donation entre-vifs, sect. 11, § 1, no 1.

DON MUTUEL ENTRE ÉPOUX. I. Le don mutuel, dans la législation coutumière, était une disposition par laquelle deux conjoints par mariage se donnaient réciproquement, par le même acte, en cas de survie, l'usufruit de leur portion dans les biens de leur communauté.

Cette définition cependant ne pouvait s'appliquer au don mutuel que sous les modifications résultantes des dispositions des diverses coutumes. Cette espèce de disposition était autorisée dans la presque totalité des coutumes; quelques-unes cependant, et particulièrement celles de Normandie, de Chartres et d'Auvergne, ne la permettaient pas.

Dans la grande majorité des coutumes, et notamment dans celle de Paris, le don mutuel n'était autorisé que dans le seul cas où le mari et la femme n'avaient pas d'enfants au moment de la mort du premier d'entre eux. Quelques coutumes le permettaient, soit qu'il y eut enfants ou non. Aux termes de la coutume de Paris et du plus grand nombre des coutumes, le don mutuel ne pouvait comprendre que les biens de la communauté; dans d'autres, il pouvait s'étendre à tous les meubles, acquêts et conquêts; dans quelquesunes il était permis d'y comprendre une partie des propres; parmi ces dernières quelques-unes distinguaient le cas où il y avait des enfants, et celui où il n'y en avait pas.

de Paris et dans un grand nombre d'autres coutumes. Dans quelques-unes cette égalité n'était pas exigée, et il y suffisait à la validité du don mutuel, que chacun des conjoints eût des biens de même nature, quoique leurs valeurs fussent inégales.

Quelques coutumes, mais en très-petit nombre, exigeaient aussi une certaine égalité d'àge entre les conjoints; dans quelques-unes cette égalité était censée exister lorsqu'il n'y avait pas entre l'âge des conjoints une différence de plus de quinze années; dans quelques autres la diftérence ne devait pas excéder dix ans.

A ces différences entre les coutumes qui autorisaient le don mutuel, il faut ajouter, 1o que dans quelques-unes il était sujet à délivrance; que dans d'autres le donataire mutuel était saisi de plein droit par le décès du prédécédé; 2° que quelques coutumes soumettaient le donataire mutuel à l'obligation de donner bonne et suffisante caution; que d'autres se contentaient de sa caution juratoire, et que la coutume de Blois ne soumettait le donataire mutuel à donner caution qu'en cas de convol; 3° et enfin que dans un petit nombre de coutumes le donataire mutuel ayant enfants, qui se remariait, était privé du bénéfice du don mutuel.

Une dernière différence entre les coutumes qui autorisaient le don mutuel, c'est que cette disposition, irrévocable par sa nature dans la généralité des coutumes, pouvait être révoquée dans celles de Poitou et de Mantes, par la seule volonté de l'un des conjoints, sans le consentement de l'autre, sous la seule condition de faire notifier la révocation du vivant de celui qui l'avait faite.

II. Toute cette variété de législation en matière de don mutuel n'existe plus, ou pour mieux dire le don mutuel proprement dit n'existe plus. Il n'est plus permis, en effet, de disposer au profit l'un de l'autre réciproquement par un seul et même acte, ce qui caractérisait particulièrement le don mutuel.

Il est permis aujourd'hui aux conjoints, dans tonte l'étendue du royaume, même dans les pays autrefois régis par les coutumes qui prohibaient le don mutuel, de disposer au profit l'un de l'autre, soit avec réciprocité, soit sans réciprocité, pendant le cours du mariage, soit qu'ils aient enfants, ou non, pourvu que ce soit par acte séparé.

La coutume de Paris, ainsi que la grande ma- Lorsque deux époux disposent respectivement jorité des autres, ne permettait le don mutuel au profit l'un de l'autre, il se forme bien par le conqu'en usufruit, quelques-unes le permettaient en cours des deux dispositions une donation mutuelle, propriété. Parmi celles-ci, quelques-unes distin- mais qui diffère, sous tous les rapports, du don guaient la nature des biens, quelques autres dis-mutuel qui était autorisé par le droit coutumier, tinguaient le cas où il y avait enfants, et celui où il n'y en avait pas.

L'égalité entre ce que chacun des conjoints donnait à l'autre était encore un caractère essen

notamment en ce que ces donations, quoique faites par acte entre-vifs, sont toujours révocables par la seule volonté du donateur (Code civil, article 1096); et encore en ce que chacune des dis

positions dont se compose la donation mutuelle est entièrement indépendante de l'autre.

III. Le Code civil ne reconnaissant par son article 893, que deux manières de disposer de ses biens a titre gratuit, c'est-à-dire, par acte entrevifs ou testamentaire, il en résulte que les donations mutuelles entre époux doivent être faites par acte de l'une ou de l'autre espèce et revêtues de toutes les formalités qui leur sont propres ; il en résulte aussi la conséquence ultérieure que ces donations peuvent être faites par des testaments olographes.

Lorsque deux époux disposent réciproquement au profit l'un de l'autre par actes testamentaires, il est bien évident que leurs dispositions respectives ne sont point sujettes à la formalité de l'acceptation.

Mais lorsqu'ils emploient pour leurs dispositions la forme des donations entre-vifs, il faut, à peine de nullité, que chacun d'eux accepte la donation faite à son profit. C'est ce qui résulte de la combinaison des articles 893, 932 et 947 du Code civil.

IV. Tous les époux, soit qu'ils aient enfants ou non, peuvent, dans l'état actuel de la législation, disposer au profit l'un de l'autre, soit avec réciprocité, soit sans réciprocité; mais chaque disposition doit être faite par acte séparé. (Ibid., article 1097.)

Les époux mineurs peuvent également disposer au profit l'un de l'autre, pendant le mariage, mais seulement jusqu'à concurrence de ce dont il leur est permis de disposer en faveur d'un étranger. (Ibid., art. 904.)

L'époux auquel un conseil judiciaire a été donné, , pour cause de prodigalité, n'en demeure pas moins capable de donner à son conjoint, et de recevoir de lui.

Voy. Conseil judiciaire.

V. La donation mutuelle entre époux ne pouvant avoir d'effet que par le prédécès de l'un d'eux, c'est ce prédécès qui y donne ouverture en faveur du survivant. La mort civile produit, à cet égard, le même effet que la mort naturelle. (Code civil, art. 25 et 1452.)

Dans l'ancien droit, le don mutuel était, suivant les lieux, sujet à délivrance, ou en était dispensé; aujourd'hui, lorsque la disposition faite par l'époux prédécédé au profit du survivant, comprend l'universalité de ses biens, il est saisi de plein droit, et n'a pas besoin de demander la délivrance. I en est autrement lorsque le prédécédé laisse des héritiers auxquels la loi réserve une partie de ses biens. Dans ce dernier cas, le survivant est tenu

de demander à ces héritiers la délivrance des biens compris dans la disposition faite à son profit, et néanmoins il acquiert les fruits à compter du jour du décès, lorsqu'il forme sa demande en délivrance dans l'année à partir de cette époque. (Code civil, art. 1004, 1005 et 1006.)

Lorsque la disposition, quoique à titre universel, ne comprend pas l'universalité des biens, le survivant doit toujours en demander la délivrance. Il en est de même lorsque la disposition est à titre particulier. (Ibid., art. 1011 et 1014.) VI. L'époux survivant donataire en usufruit est tenu de donner caution, à moins qu'il n'en ait été dispensé par l'époux prédécédé. (Ibid., article 601.)

Lorsque le survivant recueille, par l'effet de la disposition faite à son profit par le prédécédé, l'universalité de ses biens en propriété, il est tenu de toutes les dettes et charges de la succession. Il n'en est tenu que ratione emolumenti, lorsqu'il recueille seulement, soit en propriété, soit en usufruit, une quotité des biens par l'effet d'une disposition à titre universel; il n'en supporte aucune portion lorsqu'il n'est donataire qu'à titre particulier. (Code civil, articles 609, 1009, 1012 et 1019.)

L'époux survivant donataire en usufruit est tenu de toutes les obligations des autres usufruitiers. Voy. les articles 605, 608 et 609 du Code civil.)

Il faut voir, au surplus, ce qui est dit sur les donations entre époux au mot Contrat de mariage, sect. IV, S II.

VII. Beaucoup de difficultés se sont élevées sur l'exécution des dons mutuels faits antérieurement au Code civil, soit sous l'empire des coutumes locales, soit sous le régime de la loi du 17 nivose an 2. Nous allons rappeler les principales.

Par quelle loi, doit être régi le don mutuel, lorsque le donateur, dont le décès y donne ouverture, n'est mort que sous l'empire du Code civil?

Il faut distinguer si la loi, sous l'empire de laquelle le don a été fait, le considérait comme révocable ou irrévocable.

Au premier cas, il doit être assimilé à une disposition testamentaire, et dès lors réglé par le Code civil, puisque, jusqu'au décès du donateur, il a été également incertain pour son existence et sa durée.

Au second cas, il est entièrement soumis, pour ses effets, à la loi sous laquelle il a été consenti, parce que, dès ce moment, il a constitué un droit absolu, acquis et irrévocable, bien qu'éventuel dans son exécution. On ne pourrait effectivement. le régler par une législation postérieure, sans donner à cette législation un effet rétroactif. Or, c'est une des bases fondamentales de notre droit, que les lois ne rétroagissent pas. Ces principes ont été proclamés plusieurs fois par la cour de

cassation.

27

Première espèce. - Par acte public du août 1805, Etienne-Joseph Levaretto, négociant à Novi, fait donation à Etienne-François Levaretto, son petit-fils, tombé sous sa puissance par le décès du père de ce dernier, de deux maisons et de son

-

fonds de commerce. D'après les règles du droit romain alors en vigueur dans la Ligurie, cette donation était révocable jusqu'au décès du donateur. Il meurt le 13 novembre suivant, sans l'avoir révoquée ni confirmée; mais déja le Code civil était publié dans le pays. La dame Pernigotti, fille du donateur, intente une action en partage des biens, dans lesquels elle comprend les objets donnés; et sur le refus du tuteur d'adhérer à ce mode de partage, elle demande la nullité de la donation, et subsidiairement que le donataire soit condamné au rapport et à la réduction, aux termes du Code civil.-On soutient pour le mineur, que la donation est valable en elle-même, puisqu'elle a été faite conformément aux lois d'alors, et que n'ayant pas été révoquée, la mort du donataire y a mis le sceau. On soutenait, en outre, que la donation devait sortir effet du jour du contrat, suivant les lois romaines en vigueur alors, d'après la disposition expresse de la loi 25 au Code, de donat. inter vir. et ux. portant donationes quas parentes in liberos cujuscumque sexus, in potestate sua constitutos, conferunt... firmas esse per silentium donatoris...sancimus; tunc et silentium....ad illud tempus referatur quo donatio conscripta est, sicut et alias ratihabitiones negotiorum gestorum ad alia reduci tempora oportet in quibus contracta sunt.

[ocr errors]
[ocr errors]

la loi romaine précitée, et violation de l'article
2 du Code civil, en ce que, suivant lui, l'arrêt a
donné un effet rétroactif aux articles 843, 913 et
920 de ce Code.
920 de ce Code. - Mais, par arrêt du 14 décem-
bre 1809, au rapport de M. Lasaudade,

«Attendu que la donation faite par Etienne-
Joseph Levaretto au profit d'Etienne-François
Levaretto, son petit-fils, par acte du 27 août
1805, étant revocable jusqu'au décès du donateur,
n'a pu avoir d'effet qu'à l'époque de ce décès,
arrivé le 13 novembre de la même année, époque
postérieure à la publication du Code civil en Li-
gurie; qu'aux termes de ce Code, les libéralités,
soit par acte entre-vifs, soit à cause de mort, sont
réductibles à la portion disponible et rapportables
à la masse de la succession, et que l'arrêt attaqué
n'a jugé le donataire sujet à rapport, que tandis
qu'il demeure cohéritier; ce qui ne lui interdit
point la faculté de renoncer, s'il y a lieu, et par-
ce moyen, de se dispenser du rapport;
jette, etc. »

[ocr errors]

re

Deuxième espèce. Le 18 mai 1785, contrat de mariage de Marc-Urbain Leclerc, et de VictoireAntoine Maussaire. Les futurs époux se firent un don mutuel de tous biens, aux termes de la coutume de Paris, sous l'empire de laquelle ils declarèrent se marier.

Il importe de remarquer que Marc-Urbain Leclerc avait, à l'époque de son mariage, une fille naturelle, baptisée le 29 octobre 1783, sous le nom de Catherine. Cette fille naturelle avait été reconnue par son acte de naissance. Elle se maria le 23 fructidor de l'an x1, avec le sieur d'Abadie.

Marc-Leclerc mourut le 26 juillet 1809, sous l'empire du Code civil. — Alors des difficultés s'élevèrent, entre la veuve Leclerc et la dame d'Abadie. La première réclamait tous les biens du défunt, par suite du don mutuel porté dans son contrat de mariage; la seconde démandait une réserve sur les biens donnés, aux termes des art. 754 et 757 du Code civil.

Jugement du tribunal civil de Novi, puis arrêt de la cour d'appel de Gênes, du 29 juin 1807, qui déclarent l'acte de donation valable, mais condamnent le donataire, comme l'un des héritiers du défunt, au rapport et à la réduction de la donation, conformément au Code civil, « attendu (c'est ainsi que s'explique la cour d'appel) que la donation faite par Étienne-Joseph Levaretto n'était, dans son principe, qu'une pure et simple déclaration de sa volonté, aucunement obligatoire, mais tout au contraire révocable et dépendante de son silence, par lequel seul elle demeurait confirmée, et devenait après sa mort irrévocable; qu'ainsi tous les biens compris dans cette donation devaient être censés appartenir à son patrimoine Jugement du tribunal de première instance de jusqu'à ce moment; que la confirmation qui ré- la Seine, qui affranchit le don mutuel de tout sulte du silence se réduit, en effet, à une libéra- retranchement pour la réserve de l'enfant naturel. lité, laquelle ne doit sortir des bornes posées par Les motifs de ce jugement sont en substance, que le législateur à toute disposition expresse, soit le don mutuel, par contrat de mariage, a tous entre-vifs, soit à cause de mort; que l'application | les caractères d'une donation entre-vifs, dès lors du Code civil à la donation dont il s'agit ne porte qu'il n'est soumis, quant à son étendue et à ses aucun effet rétroactif; car la publication de ce effets, qu'aux lois existantes à l'époque du contrat; Code ayant été faite avant que cette donation fût que le 18 mai 1785, époque du don mutuel dont parvenue à sa perfection, il est arrivé que, lors-il s'agissait en la cause, aucune loi n'assujétissait que le donateur a jugé à propos de la renouveler, ou de la confirmer par son silence, il a trouvé l'obstacle de la loi; laquelle, s'opposant à la confirmation de la donation, qui n'était pas encore faite, mais pouvait seulement se faire, a disposé pour un cas à venir. »

Le mineur Levaretto, ou plutôt son tuteur pour lui, se pourvoit en cassation pour violiation de

les dons de cette nature à un retranchement quelconque en faveur des enfants naturels, surtout alors que ces enfants étaient mariés; qu'ainsi la loi nouvelle qui décide le contraire ne pourrait être appliquée sans violer l'article 2 du Code civil, qui prohibe tout effet rétroactif.

Le 22 février 1811, arrêt de la cour d'appel de Paris, qui, par les mêmes motifs, ordonne que

leurs effets, par les lois dominantes au moment où elles sont stipulées, bien que l'exécution en soit renvoyée au moment du décès du donateur; d'où il suit encore que l'arrêt dénoncé a suivi les vrais principes en décidant que le donataire avait acquis, lors de la stipulation de ses conventions. matrimoniales, un droit irrévocable, auquel les lois postérieures n'avaient porté aucune atteinte; « Considérant que la question de savoir s'il était dû des aliments à la demanderesse sur la succession de son père n'a pas formé l'objet, ni des conclusions prises par elle devant la cour, ni du dispositif de l'arrêt dénoncé; qu'à la vérité il est dit dans les motifs, que la demanderesse n'a aucun droit à exercer sur la succession d'Urbain Leclerc, mais qu'il n'est pas permis de scinder ces mots d'avec les autres, qu'on y lit aussi, étant mariée avec d'Abadie; - rejette, etc. ».

le don mutuel sortira son plein et entier effet,
au préjudice des droits de l'enfant naturel.
Pourvoi en cassation pour fausse application de
l'article 2, et pour violation des articles 756 et
757 du Code civil, en ce que le don mutuel par
contrat de mariage n'est point une donation entre-
vifs, mais une donation à cause de mort, soumise
aux retranchements et aux réserves, d'après les
lois existantes à l'époque du décès du donateur.
-La demanderesse soutenait subsidiairement
qu'à supposer même que ses droits dussent être
appréciés par les lois existantes à l'époque du don
mutuel, la cour de Paris ne pouvait se dispenser,
dans cette hypothèse, de lui adjuger des aliments
sur les biens donnés, et d'opérer, sous ce rapport,
une réduction ou un retranchement du don mu-
tuel. En effet, disait-elle, l'ancienne législation
accordait aux enfants naturels le droit de récla-
mer des aliments, non-seulement contre leurs
pères et mères, mais encore contre leurs héritiers,
légataires ou donataires universels. Donc au moins
la veuve Leclerc était tenue de cette obligation
sur les biens donnés; d'où il suit que l'arrêt dé-
noncé n'a pu lui adjuger les mêmes biens, en la
dispensant de toute obligation relative aux ali-blissement.
ments, sans violer les lois qui assuraient aux enfants
naturels le droit de demander des aliments à leurs
père et mère.

[ocr errors]

Ces moyens n'ont pas été accueillis; et, par arrêt du 9 juillet 1812, au rapport de M. BottonCastellamonte, et sur les conclusions de M. Merlin: « La cour, — attendu qu'il s'agit, dans l'espèce, d'un enfant reconnu en 1783, et d'une donation réciproque entre époux de l'universalité de leurs biens en faveur du survivant, stipulée par contrat de mariage en 1785, et à une époque à laquelle il était de principe que les enfants naturels n'avaient droit qu'aux aliments sur la succession paternelle; et cela posé, considérant que l'arrêt dénoncé n'a pas méconnu l'état de la demanderesse; qu'il n'a pas méconnu les droits — que les textes invoqués du Code civil accordent aux enfants naturels ; mais que ces textes n'ont pas été appliqués à l'espèce, par l'unique motif que l'universalité de la succession du père de la demanderesse, Marc-Urbain Leclerc, avait été acquise à la femme de ce dernier, en vertu d'un titre légitime et irrévocable, antérieur à la loi de brumaire an 2 et à celles qui l'ont suivies; qu'en jugeant ainsi, la cour de Paris a fait la plus juste application de l'article 1, § 11 du Code civil: La loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif;

[ocr errors]

Considérant qu'il n'était pas question de statuer sur un don mutuel fait entre le mari et la femme constante matrimonio, dont parle la coutume de Paris, article 284, mais bien d'une donation entre époux faite par contrat de mariage;

que ces sortes de donations, assimilées aux institutions contractuelles, doivent être régies, dans

Ce dernier motif de l'arrêt annonce que, dans l'espèce particulière, il n'était pas dû d'aliments à la dame d'Abadie. C'est qu'il était constaté, en fait, par l'arrêt attaqué, que la dame d'Abadie était mariée, et que l'ancien droit n'accordait d'aliments aux enfants naturels que jusqu'à leur éta

2, un don

VIII. Sous la loi du nivose an 17 mutuel entre époux a-t-il pu avoir lieu dans les coutumes qui prohibaient ces sortes d'actes?

A-t-il pu avoir lieu dans les coutumes qui les autorisaient, sans être soumis aux conditions, limitations et exceptions prescrites par ces cou

tumes ?

Ces deux questions ont été affirmativement résolues par un arrêt de la cour de cassation, du 25 fructidor an XI, dont voici les termes :

« Vu les art. 14 et 61 de la loi du 17 nivose

an 2;

«

Attendu qu'il résulte de l'ensemble et de la généralité des expressions de ces deux articles, que le but de la loi a été d'écarter tous les obstacles qui interdisaient ou gênaient la faculté de s'avantager entre époux, et de permettre aux maris et femmes de se faire tels avantages qu'ils jugeront convenables, en observant toutefois les formalités relatives à l'essence des contrats et à la capacité des personnes; d'où il suit que, dans l'espèce, il n'y avait lieu ni à appliquer la coutume d'Auvergne, qui défend les dons mutuels entre époux, ni l'art. 15 de l'ordonnance de 1731, qui n'en fait pas même mention; la cour casse et annule le jugement du tribunal d'appel de

Riom......

IX, Un don mutuel est-il sujet au retranchement au profit des ascendants, s'il a été fait sous l'empire de la loi du 17 nivose an 2, qui ne leur accordait pas de réserve, lorsque le donateur est décédé sous le Code civil?

Voici un arrêt qui a jugé que non.
Le 6 ventose an vi, mariage du général Wirion

« PreviousContinue »