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DÉGUERPISSEMENT. C'est l'abandon que le propriétaire fait de son héritage, pour se libérer des charges dont il est grévé, par rapport à la possession de cet héritage.

Le Code civil ne parle point du déguerpissement, et on en a conclu qu'il l'abolit par cela même. Ceci demande explication.

Si l'on entend par déguerpissement, l'acte par lequel le détenteur d'un immeuble grévé d'une rente foncière, au service de laquelle il est personnellement obligé, en abandonne la possession au créancier, pour se soustraire à cette rente, le Code civil l'a aboli, et cela n'est pas étonnant: il ne reconnaît plus de rente foncière, proprement dite. Les rentes constituées pour le prix d'un immeuble, ne forment plus qu'une créance ordinaire; le vendeur ne peut réclamer que l'exercice d'un privilége, pour se faire payer, s'il l'a dûment conservé (voy. Privilege); elles sont rangées dans la classe des meubles, et déclarées remboursables par l'art. 530. Sous ce double rapport, il est certain que, dans l'état actuel de la législation, l'acquéreur d'un immeuble, à charge d'une rente, ne pourrait déguerpir qu'autant qu'il s'en serait réservé la faculté.

Cependant, comme le Code civil ne déroge pas, pour le passé, aux lois antérieures, c'est d'après leurs dispositions que l'on doit décider si, et à quelles conditions, tel possesseur d'héritages chargés de redevances foncières, par d'anciens baux à rente, peut se libérer par le déguerpissement. Or, malgré la diversité des coutumes qui régissaient la France, on reconnaissait certaines règles comme étant le droit commun, et voici les principales: 1o Le preneur ne peut déguerpir, lorsqu'il a renoncé à cette faculté, soit expressément, soit par la clause de fournir et faire valoir la rente, soit par toute autre stipulation équivalente.

2

Le déguerpissement n'est permis qu'aux personnes maîtresses de leurs droits.

3o Il ne peut avoir lieu qu'autant que les immeubles sont en aussi bon état qu'au temps du

bail à rente.

Si le preneur s'est expressément engagé à faire des améliorations, il ne peut déguerpir qu'après les avoir faites.

5o S'il y a plusieurs codétenteurs des immeubles, chacun peut déguerpir ce qu'il possède des héritages, pour se dégager de sa part de la rente. 6° Par l'effet du déguerpissement, le bailleur reprend la propriété de son héritage, ou par l'effet de la convention, s'il l'a acceptée volontairement, ou par l'effet du jugement, et à partir du jour de la demande, s'il est autorisé par la justice.

7° Tous les droits que le preneur avait sur l'héritage, avant le bail à rente, revivent après le déguerpissement.

Voy. Pothier, Traité du contrat de bail à rente, n° 122 et suivants, et le Répertoire de jurisprudence de M. Merlin, v° Déguerpissement.

Mais, le déguer pissement qui a lieu par le propriétaire d'un immeuble, pour se soustraire aux charges qu'il n'est obligé de supporter qu'à raison de la possession de cet immeuble, n'est pas aboli par le Code civil.

Ainsi, le copropriétaire d'un mur mitoyen. peut se dispenser de contribuer aux réparations et reconstructions, en abandonnant le droit de mitoyenneté, pourvu que le mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartienne. (Code civil, art. 656.)

Il y a plus; dans le cas même où le propriétaire du fonds grévé d'une servitude, est assujetti personnellement, par le titre, à faire, à ses frais, les ouvrages nécessaires pour l'usage ou la conservation de la servitude, il peut toujours s'affranchir de la charge, en abandonnant au propriétaire du fonds auquel la servitude est due, la partie du fonds assujetti, sur laquelle s'exerce, ou doit s'exercer la servitude. (Ibid., art. 699.) Voy. Servitude, sect. IV, no 11.

Nous ne parlons pas du déguerpissement qui a lieu pour se libérer des poursuites d'un créancier hypothécaire; le Code l'appelle Délaissement par hypothèque.

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Voyez ce mot.

Le copropriétaire d'un mur mitoyen peut-il, pour se dispenser de contribuer à la réparation, abandonner la mitoyenneté, dans les villes et faubourgs, où la clôture est forcée, aux termes de l'article 663 du Code civil?

Voy. Servitude, sect. 11, § Iv, n° iv. S Avant le Code civil, le pacte-commissaire était-il de la nature du bail à rente foncière?

A défaut de paiement de la rente, depuis la publication du Code, le bailleur a-t-il pu exercer l'action du déguerpissement?

La cour de cassation a affirmativement résolu ces deux questions, par un arrêt du 11 octobre 1814, rapporté à l'art. Rente foncière.

DÉLAI. C'est le temps accordé par la loi, le juge, ou les parties, pour faire quelque chose.

La matière des délais est immense; elle embrasse presque toutes les parties de la législation: pour ne pas nous répéter, nous renvoyons aux articles qui traitent de chaque matière où il y a lieu aux délais. Cependant, nous allons indiquer les questions les plus importantes traitées sur cette matière.

Dans quel cas peut-on assigner à bref délai? Peut-on former opposition à l'ordonnance qui permet d'assigner à bref délai?

Voy. Ajournement, § 11, nos III, v et vi. 8° Tous les droits réels qu'il a constitués sur Le délai d'une assignation donnée à un domi. l'immeuble, au profit des tiers de bonne foi, sub-cile élu, doit-il être calculé d'après la distance de

sistent malgré le déguerpissement.

ce domicile au lieu où siége le tribunal; ou doit, il

l'être d'après la distance du lieu où siége le tri- à la partie, au domicile de son avoué, pour être bunal, au domicile réel de l'assigné? présente à une enquête? Voy. Ibid., no IX. Voy. Ibid., § 11, no v.

Y a-t-il lieu à augmentation du délai, à raison des distances, si la partie assignée demeure dans le rayon de trois myriamètres ?

Voy. Citation, § 1, no vi.

Pour faire courir le délai d'appel d'une décision judiciaire, faut-il nécessairement une signification à la requête de la partie qui a obtenu gain de cause en première instance?

Voy. Cours d'eau, no 11.

En matière de distribution par contribution, l'appel a-t-il besoin d'être signifié à personne ou domicile?

Voy. Distribution par contribution, § III, n° IV. Quand les jours qui composent un délai sont-ils

francs?

Voy. Saisie-immobilière, § 1.

Quand le jour formant le point de départ d'une signification, terminus a quo, et celui où il expire, terminus ad quem, sont-ils compris dans le délai ?

Voy. Rapport d'experts, § 11, no 1.

Le délai pour faire enquête, court-il contre la partie qui a signifié le jugement, de même que contre celle qui a reçu la signification? Voy. Ibid., § 11, no II.

nement, Célérité, Exception, Appel, Requête civile, Voyez, au surplus, les articles Citation, AjourCassation, Jugement, Opposition aux jugements, Justice de paix, Complainte, Conseil de prud'hommes, Conseil - d'état, Procès-verbal, Öbligation, Nullité, Prescription.

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On a vu au mot Assurance, § v et vi, quelles obligations sont respectivement imposées à l'assureur et à l'assuré, et quelles actions elles produisent. Au nombre de ces actions est celle en délaissement qui va faire la matière de cet article. Elle appartient à l'assuré, qui toutefois ne peut

Si un délai expire un jour de fête légale, est-il, l'exercer que dans un petit nombre de cas. Elle de droit, prorogé au lendemain ?

Voy. Saisie-immobilière, § 1.

Voyez aussi Opposition aux jugements, § 11,

no I.

Les juges peuvent-ils accorder des délais pour l'exécution de leurs jugements?

Le peuvent-ils en matière de commerce ? Peuvent-ils surseoir à l'exécution des actes authentiques?

Voyez Jugement, section 1, § II, n° Iv, v

et VI.

De quel jour court le délai fixé par un jugement contradictoire, pour son exécution?

Et particulièrement, le délai fixé par un jugement contradictoire, pour la reddition d'un compte, court-il du jour de la prononciation, ou de celui de la signification?

Voy. Compte, § 1, no iv.

Celui qui, étant condamné, demande un délai pour payer le montant de la condamnation, acquiesce-t-il, par cela seul, à la sentence?

Voy. Désistement, n° vIII.

Les juges peuvent-ils accorder, pour faire enquête, un autre délai que celui fixé par la loi? Voy. Enquête, sect. 1, § II, no vI.

En quel sens le juge-commissaire peut-il proroger le délai pour faire enquête?

Voy. Ibid., n° VII.

a pour objet de contraindre l'assureur à payer le montant intégral de l'assurance. Son effet étant aussi d'attribuer à ce dernier la propriété des objets assurés, qui, à raison des sinistres majeurs qu'ils ont essuyés, ont ordinairement peu de valeur, et quelquefois même sont entièrement péris, on conçoit qu'elle est onéreuse à l'assureur qui n'en est pas moins tenu de payer le prix des objets assurés comme s'ils n'avaient éprouvé aucune détérioration. Il serait beaucoup plus avantageux pour lui de n'avoir à tenir compte que des dommages de subir seulement l'action d'avarie. Quoique, dans causés par les accidents de mer, en d'autres termes, l'un et l'autre cas, l'assureur soit le débiteur, il ne peut pas invoquer les principes du droit commun qui, dans les obligations alternatives, laissent au débiteur le choix de se libérer par l'une des deux choses promises. C'est à l'assuré, et à l'assuré seul, que compètent les deux actions d'avarie et de délaissement, et qui, par conséquent, a la faculté d'adopter, pour le recouvrement de ce qui lui est dû, celui des deux modes qui convient, lorsqu'il s'agit d'un sinistre de nature à donner

lieu aux deux actions.

On voit par là que le droit de faire le délaissement malgré l'assureur, et de forcer celui-ci à devenir propriétaire de choses qu'il n'a ni voulu ni entendu acheter, est hors du droit commun;

Quand les juges doivent-ils proroger les délais c'est une voie rigoureuse introduite dans l'intérêt pour faire enquête ?

Voy. Ibid., n° ix.

Le délai d'un jour, pour trois myriamètres de distance, prescrit pour les assignations données à domicile, est-il applicable à l'assignation donnée

du commerce maritime; c'est, pour nous servir des expressions du guidon de la mer, un remède extrême. C'en est assez pour que l'exercice d'une telle action soit circonscrit dans des limites étroites, pour qu'il n'ait lieu que dans des circon

Nous exposerons donc dans un premier paragraphe, les cas où le délaissement est permis, et, dans un second, les formes et les délais dans lesquels il doit être fait. Dans un troisième nous parierons de ses effets.

S I.

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stances déterminées, dans des délais et avec des Mais il est obligé de signifier à l'assureur la comformes réglées par la loi. position qu'il a faite, dès qu'il en a les moyens. Aux termes de l'art. 396, l'assureur a le choix de prendre la composition à son compte, ou d'y renoncer, et il est tenu de notifier son choix à l'assuré, dans les vingt-quatre heures qui suivent la signification de la composition. S'il déclare prendre la composition à son profit, il est tenu de contribuer, sans délai, au paiement du rachat de son intérêt; et il continue de courir les risdans les termes de la convention, et à proportion ques du voyage, conformément au contrat d'assurance. S'il déclare renoncer au profit de la composition, il est tenu au paiement de la somme assurée, sans pouvoir rien prétendre aux effets rachetés. Ainsi dispose l'art. 399 qui, par un dernier alinéa, prévoit aussi le cas où l'assureur ne fait point de réponse dans le délai de vingtquatre heures; dans ce cas, le silence de l'assureur s'interprète en ce sens, qu'il est considéré comme ayant renoncé au profit de la composition.

Des cas dans lesquels le délaissement est autorisé. I. « Le délaissement des objets assurés, porte l'art. 369 du Code de commerce, peut être fait, en cas de prise, de naufrage, d'échouement avec bris, d'innavigabilité par fortune de mer, en cas d'arrêt d'une puissance étrangère, en cas de perte ou détérioration des objets assurés, si la détérioration ou la perte va au moins à trois quarts. Il peut être fait en cas d'arrêt de la part du gouvernement, après le voyage commencé. » A ces divers cas l'art. 375 du même Code en ajoute un autre, c'est lorsqu'il s'est écoulé un temps déterminé sans que l'assuré ait reçu de nouvelles du

navire.

Nous allons parcourir chacun des cas prévus par le législateur, en commençant par la prise qu'il place lui-même en première ligne.

La prise d'un navire, c'est-à-dire, sa capture, faite dans un esprit de déprédation, paraît rendre le délaissement superflu; car que signifie l'abandon de choses dont l'assuré est dépouillé, et que l'assureur ne semble guère pouvoir ressaisir? mais la prise peut être reconnue injuste et être suivie d'une restitution. Le délaissement alors n'est pas inutile: l'assureur, subrogé aux droits de l'assuré, non-seulement dans la propriété des choses capturées, mais même dans la faculté de les revendiquer, en poursuit lui-même la restitution.

Mais sans examiner si la prise est conforme ou contraire au droit des gens, l'assuré a la faculté de faire immédiatement l'abandon, et l'assureur ne peut s'y opposer. « Le cas de prise, dit Valin, sur l'art. 46, tit. vi de l'ordonnance de 1681, ne souffre aucune difficulté, que la prise soit juste ou injuste, attendu que l'article ne distingue point, non plus que le 26°, et que de manière ou d'autre, c'est une fortune de mer, de nature à donner lieu au délaissement. Il n'y a point non plus de distinction à faire à cet égard, entre le navire et les marchandises, tout étant pris; et l'espérance d'une restitution, dans le cas d'une prise injuste, n'est point une raison pour exclure ou retarder l'abandon. »

Cependant le rachat des objets capturés apporte quelque modification à cette règle. C'est ce que nous enseignent les articles 375 et 396 du Code de commerce. D'après le premier, si l'assuré, en cas de prise, n'a pu en donner avis à l'assureur, ni, par conséquent, faire le délaissement, il peut racheter les effets sans attendre son ordre.

II. La seconde cause de délaissement, c'est le naufrage, mot qui dérive des deux expressions latines, navis fractura, et qui présente l'idée d'un vaisseau brisé: dicitur naufragiun, dit Accurse sur la loi 1, au Code de naufragüis, quasi navis fractura, a NAVE et FRANGO; qui à plerumque navis frangitur, dum naufragium patitur. Le naufrage, proprement dit, est celui qui arrive lorsque, comme le porte la déclaration du roi, du 15 juin 1735, le navire est submergé, sans qu'il en reste aucun vestige permanent sur la surface des eaux. Nous disons naufrage proprement dit, parce qu'il en est un d'une autre espèce, auquel on donne le nom de bris, et dont il va être question dans le numéro suivant. Ce naufrage, proprement dit, que les auteurs appellent absolu, engloutissant tout à la fois le navire et le chargement, est le sinistre le plus redoutable qui puisse menacer les navigateurs. Comme il détruit ordinairement l'un et l'autre, il est tout naturel qu'il en résulte pour l'assureur l'obligation de payer intégralement le montant de l'assurance, à la charge toutefois par l'assuré de faire le délaissement dans la forme légale, même quand il ne reste rien des objets assurés, parce qu'il est possible que des débris soient recouvrés, et alors ils appartiennent à l'assureur. Le sauvetage des effets naufragés est au nombre des obligations de l'assuré. « En cas de naufrage ou d'échouement avec bris, porte l'article 381 du Code de commerce, l'assuré doit, sans préjudice du délaissement à faire en temps et lieu, travailler au recouvrement des effets naufragés. Sur son affirmation, les frais de recouvrement lui sont alloués jusqu'à concurrence de la valeur des effets recouvrés.

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III. L'échouement avec bris est le troisième cas heurde délaissement. Il a lieu lorsque le navire, tant sur un bas-fond, sur des écueils, ou contre

Le délaissement pour cause d'innavigabilité a lieu, soit que l'assurance porte sur le corps du navire, soit qu'elle ne s'applique qu'au chargement, pourvu, bien entendu, que le vaisseau ait été rendu innavigable par fortune de mer, comme le dit l'article 369, et comme le veulent les principes qui régissent ce contrat aléatoire. Cependant il faut faire une différence entre ces deux espèces d'assurances. Lorsque c'est le navire qui a été as

le rivage, se brise par la violence du choc, sans | recharger les marchandises et les conduire au lieu disparaître entièrement comme dans le naufrage. de leur destination, l'assuré peut en faire le déL'ordonnance de la marine faisait du bris et laissement. » de l'échouement, deux causes différentes de délaissement. Cependant, elle n'avait pas entendu que le simple échouement pût, dans tous les cas, autoriser l'assuré à faire l'abandon. Mais elle manquait de clarté, et il fallut recourir à une interprétation législative. Son véritable sens fut expliqué par la déclaration du 17 août 1779 dont l'art. 5 portait: « ne pourront, les assurés, être admis à faire le délaissement du navire échoué, si ledit navire relevé, soit par les forces de l'é-suré, l'assureur ayant garanti l'heureuse arrivée quipage, soit par des secours empruntés, continue sa route jusqu'au lieu de sa destination, sauf à eux à se pourvoir, ainsi qu'il appartiendra, tant pour les frais dudit échouement que pour les avaries, soit du navire, soit des marchandises. Ce sont ces mêmes principes, ainsi expliqués, que le Code de commerce a consacrés en des termes différents. Comme dans l'ordonnance, l'échouement avec bris est toujours une cause de délaissement. Comme dans l'ordonnance aussi, le simple échouement, qui rentre dans le cas d'innavigabilité dont nous allons parler tout à l'heure, ne peut donner lieu au délaissement, qu'autant qu'il est devenu impossible de mettre le navire en état de continuer sa route.

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IV. L'innavigabilité est l'état d'un navire qui, ayant échoué sur un bas-fond, ou étant délabré, se trouve dans l'impossibilité de continuer sa route. Voici quelles sont, sur ce point, les dispositions du Code de commerce.

que l'innavigabilité rend impossible, cet accident met fin à l'assurance, et l'assuré peut immédiatement faire l'abandon. Si, au contraire, l'assurance n'embrasse que les facultés du vaisseau, l'assuré n'est admis au délaissement qu'autant qu'il a été impossible de trouver un autre navire pour transporter les marchandises assurées au lieu de leur destination. Voilà pourquoi les articles que nous venons de citer, depuis et y compris l'art. 390, ne parlent que de l'assurance sur le chargement.

L'innavigabilité est un des événements maritimes que le capitaine doit faire constater régulièrement ; et à cet égard, il est inutile de répéter ici ce que nous avons dit sous le mot Capitaine de navire. Mais c'est toujours aux tribunaux de commerce à apprécier ce fait, lorsqu'ils sont appelés à statuer sur une question de délaissement, ou sur toute autre contestation qu'un accident de même nature peut faire naître; et la déclaration d'innavigabilité, que pourraient avoir faite les agents de la marine, ne serait point une règle qu'ils fussent tenus de suivre ; de sorte qu'ils peuvent, sans excéder les limites de leurs attributions, déclarer qu'un vaisseau est navigable, lors

Art. 389. Le délaissement, à titre d'innavigabilité, ne peut être fait, si le navire échoué peut être relevé, réparé, et mis en état de continuer sa route pour le lieu de sa destination. Dans ce cas, l'assuré conserve son recours sur les assu-même qu'il a été déclaré innavigable par les comreurs, pour les frais et avaries occasionés par

l'échouement.

390. Si le navire a été déclaré innavigable, l'assuré sur le chargement est tenu d'en faire la notification dans le délai de trois jours de la réception de la nouvelle.

391. Le capitaine est tenu, dans ce cas, de faire toutes dilige ces pour se procurer un autre navire, à l'effet de transporter les marchandises au lieu de leur destination.

missaires de la marine. C'est ce que la cour de cassation a jugé dans l'espèce suivante :

Par deux polices séparées, des 30 septembre et 1er octobre 1818, le sieur Damiens fit assurer, par la maison Balgerie-Dandiran et compagnie, de Bordeaux, une somme de 40,000 francs sur le corps du navire la Mère de Famille, pour aller de Cratois, lieu d'appareillage, à Cette ou à Marseille, et faire son retour dans un port de la Manche. Il fut reconnu que les assureurs se

392. L'assureur court les risques des mar-raient responsables de la baratterie de patron. chandises chargées sur un autre navire, dans le cas prévu par l'article précédent, jusqu'à leur arrivée et leur déchargement.

des ava

393. L'assureur est tenu, en outre, ries, frais de déchargement, magasinage, rembarquement, de l'excédant du fret, et de tous autres frais qui auront été faits pour sauver les marchandises, jusqu'à concurrence de la somme

assurée.

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Le 14 obtobre 1818, le navire partit sur son lest pour se rendre à Cette après avoir éprouvé les plus grands obstacles dans sa navigation, il se trouva, le 21 novembre suivant, en vue du fort de la Nouvelle, près Narbonne, à l'ouest duquel il alla échouer.

Le lendemain, 22 novembre, le capitaine écri vit au sieur Damiens, son armateur, pour lui annoncer cet événement; sa lettre fut communiquée, par le sieur Damiens, aux assureurs.

Cependant le commissaire de la marine, atta

ché au port de Narbonne, donna des ordres pour | d'urgence qui leur paraissent les plus convenale sauvetage du navire et de ses agrès; il nommables; mais que la partie litigieuse appartient nades experts pour visiter ce navire et pour décider turellement aux tribunaux de commerce, qui ont s'il pouvait être mis à flot.

Par deux rapports, en date des 2 et 22 décembre 1818, les experts déclarèrent le navire innavigable; et le commissaire de la marine, adoptant leur avis, ordonna que le navire serait vendu le 15 janvier suivant.

Dès le 7 janvier 1819, le sieur Damiens notifia aux assureurs l'abandon qu'il leur faisait de son navire, et il les assigna en paiement du montant

de l'assurance.

Les assureurs demandèrent leur renvoi devant des arbitres, conformément à la police d'assurance; et ce renvoi fut ordonné par jugement du 15 janvier 1819. Ils formèrent aussi opposition à la vente du navire; mais le commissaire de la marine passa outre à l'adjudication, sans s'arrêter à l'opposition des assureurs. Le navire, à ce qu'il paraît, fut immédiatement dépecé par l'adjudicataire.

merce,

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Dans cet état de choses, les arbitres, saisis de la contestation, ont décidé qu'il résultait, tant des circonstances que de la manière même dont les rapports des experts étaient motivés, que le navire la Mère de Famille n'avait éprouvé qu'un simple échouement sans bris, et qu'il avait pu être relevé et rendu navigable; que, d'ailleurs, l'innavigabilité de ce navire n'aurait pu être valablement prononcée que par le tribunal de comet qu'elle avait été incompétemment déclarée par le commissaire de la marine, uniquement chargé de la surveillance administrative du port; qu'enfin, on ne pouvait imputer à baratterie de patron dont les assureurs fussent responsables, l'omission des mesures prescrites par la loi, soit pour constater l'état du navire, soit pour le relever et le réparer, parce qu'à cet égard, la conduite du capitaine avait été tacitement ratifiée par l'armateur. En conséquence, par jugement du 12 juillet 1819, les arbitres ont déclaré nul, comme fait sans cause légale, le délaissement du navire la Mère de Famille, sauf le droit réservé à l'assuré de se pourvoir en réglement des avaries.

Sur l'appel du sieur Damiens, ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour royale de Bordeaux, du 7 janvier 1820, dont voici les motifs: -Attendu qu'il n'est pas justifié que l'échouement ait eu lieu avec bris, et qu'il n'y a rien à ajouter aux motifs qui ont déterminé sur ce point les arbitres.....; attendu, en droit, que la condamnation pour cause d'innavigabilité prononcée par les experts, et adoptée par le commissaire de la marine, ne suffisait pas pour autoriser le délais sement; que les commissaires de la marine sont chargés de la partie administrative, c'est-à-dire, du soin qu'exige le sauvetage, en sorte que, dans le cas de naufrage et même d'échouement, ils peuvent prendre les mesures conservatoires et

à cet égard la juridiction des anciennes amirautés ; que la question de savoir si un navire est ou n'est pas en état de navigabilité, est le plus souvent une question de propriété, par la raison que l'innavigabilité survenue par fortune de mer, est une cause légitime de délaissement; que, dans l'espèce, il s'est écoulé entre l'échouement et la vente un espace de temps suffisant pour faire décider la question de l'innavigabilité par l'autorité conpétente, et que l'opposition faite par le fondé de pouvoirs des assureurs à la vente dn navire, avertissait l'administrateur de la marine que l'innavigabilité prétendue était contestée et litigieuse; -attendu que le navire a pu être dépecé par celui qui s'en est rendu adjudicataire, sans qu'on doive nécessairement en conclure qu'il ne pouvait pas être relevé, réparé et mis en état de continuer sa route; qu'il résulte seulement de cette circonstance que les assureurs ont été mis dans l'impossibilité de demander devant le tribunal compétent une vérification contradictoire de l'état du navire; attendu que le capitaine paraît s'être conformé aux instructions qui lui furent données par son armateur, et que ce dernier ne lui a imputé aucune espèce de baratterie; que, quelque générale que soit l'expression de baratterie, elle ne comprend que les délits et les fautes que le capitaine peut commettre au préjudice de l'armateur, dans la conduite du navire qui lui est confié, et non pas l'omission des formalités prescrites pour constater la cause de l'abandon; que, s'il en était autrement, la clause de garantie, relativement à la baratterie, aurait l'effet de dispenser l'assuré de rapporter la preuve de la légitimité de l'abandon; car on ne manquerait pas de dire que, si la preuve n'est pas régulière et légale, la faute en est au capitaine; que, pour décider, dans l'espèce, que l'insuffisance des preuves doit être imputée au capitaine, il faudrait présupposer qu'il dépendait de lui de rapporter une preuve complète, ou, en d'autres termes, présupposer la légitimité des causes de l'abandon et mettre en fait ce qui est en question.

Il a

Le sieur Damiens s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, et a proposé divers moyens. prétendu d'abord que la cour royale de Bordeaux avait excédé ses pouvoirs et violé les lois qui maintiennent l'inviolabilité des actes administratifs de la part des tribunaux, en décidant que la condamnation du navire, prononcée par le commissaire de la marine pour cause d'innavigabilité, n'était pas une preuve légale que le navire fût en effet innavigable. Suivant lui, la décision prise, à cet égard, par le commissaire de la marine, fûtelle incompétente, ne pouvait être réformée que par l'autorité administrative supérieure; elle était inattaquable devant les tribunaux.

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