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III. Le Code dispose, par son article 1705 | l'assimilation qu'établit l'article 1707 entre l'éque le copermutant évincé de la chose qu'il a change et la vente ? Nous avons prouvé à l'article « reçue en échange, a le choix de conclure à des Privilége, sect. 1, § III, n° iv, par le texte de la loi et la jurisprudence de la cour de cassation dommages-intérêts, ou de répéter sa chose. >> Cet article ne s'explique pas sur la question de que le vendeur qui n'a pas reçu son prix, peut savoir si cette faculté de répéter sa chose peut être reprendre son immeuble exempt de toutes charges exercée contre un tiers-détenteur, ou seulement et hypothèques du chef de l'acquéreur au préjucontre le copermutant. dice des tiers de bonne foi auxquels l'acquéreur l'avait engagé.

Cette question avait été jugée contre les tiersacquéreurs par deux arrêts du parlement d'Aix, des 24 décembre 1544 et 12 mai 1581; et au contraire elle avait été jugée en leur faveur et contre l'échangiste évincé par un arrêt du grand conseil, du 30 mars 1673, et par un arrêt du parlement de Toulouse', du 22 février 1741.

Par application d'un contrat d'échange passé en 1785, entre le sieur Bastier et le sieur Mazade, la cour d'appel de Nimes juge, le 19 messidor an x, que Bastier évincé de l'héritage par lui reçu en échange, n'a pas droit de revendiquer sur un tiers acquéreur celui qu'il avait livré à son copermutant.

Bastier se pourvoit en cassation pour fausse application de la loi 4 Cod. de rerum permutatione, et contravention expresse à la loi 1, § 1, ff, et à la loi 1 Cod

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Mais par arrêt du 15 prairial an xII, au rapport de M. Ruperou.—«Attendu que la loi 4 Cod. de rerum permutatione, decide positivement que l'échangiste vis-à-vis duquel l'échange n'a pas été exécuté, n'a point d'action en revendication contre le tiers-acquéreur; -que le motif que cette loi donne de sa décision, est que le tiers-acquéreur a reçu en propriété la chose de celui-là même auquel celui qui agit contre le tiers-acquéreur, l'avait livrée; -que ce motif est général, et s'applique au cas où l'un des échangistes se trouve évincé, comme à celui qui n'a pas été mis en possession de la chose qu'on devait lui donner en échange; que les principes généraux resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis, nemo plus juris in alium transferre potest quam ipse habet, se trouvent sans application dans une espèce où la loi y déroge spécialement; — que les lois qui décident que l'éviction de l'un des copermutants annule l'échange, ne s'expliquent dans leurs termes qu'entre les deux parties, et n'ont point de conséquence rigoureuse contre les tiers-acquéreurs; --qu'enfin la jurisprudence des arrêts n'étant pas uniforme sur la question dont il s'agit, on ne saurait trouver un motif de cassation contre le jugement du tribunal d'appel de Nîmes, en ce qu'il aurait préféré l'interprétation la plus récente, et celle qui lui a paru la plus conforme à l'équité. Par ces motifs la cour rejette....

L'article 1705 du Code civil ne s'explique pas aussi positivement que les lois romaines à l'égard des tiers acquéreurs. La question est donc aujourd'hui ce qu'elle était avant le Code.

Pour la résoudre, ne peut-on pas s'aider de

Or, d'après l'article 1707, ne doit-on pas s'appliquer cette décision à l'échange, dès qu'il y a parité entre l'échange et la vente?

On répond que les cas sont bien différents. Dans celui de la vente, les tiers ont pu et dû s'assurer que l'acheteur n'ayant pas payé son prix, il n'avait qu'une propriété résoluble ab initio ; qu'elle ne lui avait été transmise qu'à condition de payer ce prix, et que tant qu'il ne l'aurait pas soldé, le vendeur pourrait reprendre sa chose. Si donc les tiers ont fait ce qu'ils devaient faire, ils n'ont pu être dupes d'aucune surprise; et s'ils n'ont pas été attentifs et vigilants, ils ne peuvent imputer qu'à eux-mêmes la perte qu'ils éprouvent.

Mais dans le cas de l'échange consommé par la délivrance de l'immeuble, les tiers sont dans la même position que lorsqu'il s'agit d'un acheteur dont le contrat porte quittance du prix ; et comme dans ce cas le vendeur ne pourrait pas venir, au préjudice des tiers qui ont contracté avec l'acquéreur sur la foi de la quittance qu'il leur a exhibée, reprendre son immeuble franc et quitte, sous prétexte que la monnaie qu'il a reçue en paiement était fausse; de même les tiers qui ont contracté avec le copermutant qui a rempli son engagement aux termes du contrat, ne peuvent ni ne doivent examiner si la propriété qu'il a donnée en échange a été bien irrévocablement transmise à son copermutant.

Celui-ci a déclaré par le contrat et par l'exécution qu'il a reçue, qu'il était satisfait de la manière dont l'obligation a été remplie à son égard. Les tiers n'ont rien de plus à vérifier. Pour eux, l'échangiste avait la propriété pleine et entière, sans aucune apparence de condition; il a donc pu la leur transmettre d'une manière incommu̟table.

La loi 4, Cod. de rerum permutatione, autorise expressément cette décision, comme l'a très bien dit la cour régulatrice dans son arrêt ci-dessus rapporté. On voit que les principes du Code civil y sont conformes et que la cour de cassation l'a approuvée; il est donc à croire qu'elle l'a sanctionnerait encore sous le Code, ainsi qu'elle l'a fait dans une espèce régie par la législation antérieure.

Nous devons dire cependant que la loi romaine citée refuse également au copermutant évincé tout recours contre le tiers acquéreur pour res prendre sa chose, lorsque le contrat d'échange

V. Toutes les autres règles prescrites pour le contrat de vente sont, au surplus, applicables au contrat d'échange. (Code civil, art. 1707.)

n'a pas été exécuté à son égard. Il nous semble parce que plus valet quod agitur quam quòd simuque c'est pousser trop loin la conséquence du late concipitur. principe que le tiers est à l'abri de toute action, parce qu'il a reçu la chose de celui à qui la pro. priété en a été transmise. Car il n'y a eu transmission qu'à charge de délivrer l'immeuble promis en Il suit de cette disposition, que chacun des coéchange; or, tant que cette condition n'a pas été permutants étant tout à la fois vendeur et acheexécutée, l'échangiste est dans le cas de l'acqué-teur, chacun d'eux a tous les droits et actions du reur qui n'a pas soldé son prix.

vendeur et de l'acheteur; que chacun d'eux est également passible de toutes les obligations de l'acheteur et du vendeur.

Dans un cas comme dans l'autre, le contrat de vente et celui d'échange avertit les tiers que l'acheteur et l'échangiste ne sont propriétaires que Il n'est pas besoin d'observer que les règles du sous une condition résolutoire. Le vendeur non contrat de vente étant applicables au contrat d'épayé et l'échangiste auquel la chose promise en change, et ce contrat se formant comme le concontre-échange n'a pas été livrée, ont donc éga-trat de vente par le seul consentement des parties, lement droit de faire résoudre le contrat et de rentrer dans leur propriété. Cette solution nous paraît résulter avec évidence du rapprochement des dispositions du Code civil, l'échange et la vente, et déroger en cela avec raison à la loi romaine.

les choses données en échange deviennent aux risques de celui qui les reçoit du moment où le consentement respectif est intervenu, et par suite le contrat consommé, suivant la maxime res perit domino.

Il faut voir, relativement à l'échange de l'immeuble dotal, et aux formalités à observer pour cet échange, l'article Régime dotal, § 11.

La cour de cassation a décidé l'affirmative par un arrêt du 19 octobre 1814, rapporté à l'article Droits successifs, n° xiv.

ÉCHANGISTES.

Quoi qu'il en soit, pour prévenir toutes contestations à cet égard, et pour assurer à l'échangiste évincé le retour de la chose, soit qu'elle soit L'aliénation de droits successifs par voie d'éencore entre les mains de son contre-échangiste, change avec un étranger à la succession, donnesoit qu'elle soit passée en d'autres mains, les no-t-elle ouverture au retrait successoral? taires doivent stipuler dans tous les actes d'échange, et particulièrement dans ceux où l'un des immeubles échangés serait dotal, qu'en cas d'éviction, l'échangiste évincé reprendra sa chose, en quelque main qu'elle soit. Cette stipulation étant une condition expresse de l'échange, chaque immeuble échangé ne peut passer à des tiers qu'à la charge de cette condition, et elle assurera dans tous les cas à l'échangiste évincé le retour de sa chose. C'est ainsi que les notaires peuvent, par des clauses particulières, suppléer au silence de la loi, prévenir les contestations qui pourraient en résulter, et établir la législation particulière des parties.

IV. Dans l'ancienne jurisprudence, celui qui avait donné un immeuble en échange de choses dont la valeur était inférieure à la moitié du juste prix de cet immeuble, était admis à demander la rescision de l'échange pour cause de lésion, si mieux n'aimait le contre-échangiste suppléer le juste prix. L'article 1706 du Code civil a abrogé cette jurisprudence, et statue positivement que « la rescision pour cause de lésion n'a pas lieu « dans le contrat d'échange». Cette règle s'applique au cas où l'échange est fait avec soulte, car la loi ne fait aucune distinction. Comment distinguer d'ailleurs dans le contrat ce qui est vente d'avec ce qui est échange?

Mais si l'objet donné en échange n'avait qu'une si mince valeur, eu égard à l'importance du contrat, que l'on dût nécessairement y voir une vente déguisée sous le titre d'échange, afin d'éviter la rescision pour lésion, les juges ne devraient faire aucune difficulté d'admettre l'action en rescision,

échangés.

Voy. Domaines engagés et

ÉCHÉANCE DES LETTRES DE CHANGE ET DES BILLETS A ORDRE. Voyez Lettre de change, sect. 1, § II.

ÉCHELLAGE. C'est le droit qu'a le propriétaire d'un bâtiment de placer ses échelles sur l'héritage du voisin, pour réparer son édifice. Ce droit peut-il s'acquérir par la possession ? Voy. Servitude, sect. II, § VII, no vii.

ÉCHELLES DU LEVANT. On appelle ainsi les places de commerce sur les côtes et dans les mers du Levant, où les négociants français, anglais, etc., entretiennent des consuls, facteurs et commissionnaires.

Ces termes sont consacrés, notamment par l'article 160 du Code de commerce, qui fixe le délai dans lequel on doit exiger le paiement d'une lettre de change tirée des Echelles du Levant, et payable dans les possessions européennes de la France; et réciproquement de celle qui est tirée des possessions européennes de la France, et payable aux Echelles du Levant.

Sur la demande de plusieurs chambres de commerce, un décret, du 21 septembre 1807, a donné un règlement pour la fabrication des draps destinés au commerce du Levant.

ÉCHENILLAGE. C'est l'action de détruire les bourses et toiles qui renferment les œufs des chenilles.

Lorsque ces insectes éclosent, et que la saison est favorable à leur développement, ils font quelquefois de grands ravages dans les campagnes. Il est donc d'une bonne police de les prévenir par l'échenillage. Mais il est certaines contrées tellement couvertes de bois et de buissons, que cette mesure y est généralement impraticable, et l'expérience le démontre. C'est à l'administration vigilante et éclairée qu'il appartient de juger quand l'échenillage peut vraiment être mis en pratique, à le prescrire aux habitants, et à poursuivre ceux qui montrent de la négligence, conformément aux dispositions que nous allons faire connaître. Les articles 1 et 6 de la loi du 26 ventose an iv, portent que chaque année, avant le 1er ventose (21 février), tous propriétaires, fermiers, locataires ou autres faisant valoir leurs propres héritages ou ceux d'autrui, seront tenus, chacun en droit soi, d'écheniller ou faire écheniller les arbres étant sur lesdits héritages... »; et ceux qui y manquent sont punis par l'article 471, n° 8, du Code pénal, d'une amende d'un à cinq francs, qui est prononcée par le tribunal de simple po

lice.

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L'article 2 de cette loi ajoute « qu'ils seront tenus, sous les mêmes peines, de brûler sur-lechamp les bourses et toiles qui sont tirées des arbres, haies ou buissons, et ce dans un lieu où il n'y aura aucun danger de communication de feu, soit pour les bois, arbres et bruyères, soit pour les maisons et bâtiments».

Par l'article 3, les administrateurs de départe ment (aujourd'hui les préfets) sont tenus de faire écheniller, dans le même délai, les arbres étant sur les domaines nationaux non affermés ».

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L'article 4 charge les agents des communes (aujourd'hui les maires) et leurs adjoints, « de surveiller l'exécution de la présente loi dans leurs arrondissements respectifs, et les déclare responsables des négligences qui y sont découvertes ». L'article 7 porte que « dans le cas où quelques propriétaires ou fermiers auraient négligé de faire écheniller (à l'époque fixée par les art. 1 et 6), les agents et adjoints le feront faire aux dépens de ceux qui l'auront négligé, par des ouvriers qu'ils choisiront, et que l'exécutoire des dépenses leur sera délivré par le juge de paix, sur les quittances des ouvriers, contre lesdits propriétaires et locataires, et sans que ce paiement puisse les dispenser de l'amende ».

« négligé d'écheniller dans les campagnes ou jar« dins où ce soin est prescrit par la loi ou les « réglements », il nous paraît que pour que la loi sur l'échenillage soit obligatoire dans une commune, il faut, ou que l'exécution en soit ordonnée par un arrêté du maire, ou que la publication en soit faite chaque année, comme le veut le dernier article de la loi.

Il résulte aussi des articles 1er et 7, que l'échenillage est une charge de la jouissance des héritages, et que dès lors le propriétaire ne peut pas être puni, lorsque c'est son fermier qui a contrevenu à la loi.

ÉCHEVINS. On donnait ce titre aux officiers élus par les bourgeois pour veiller à la police et administrer les affaires communes d'une ville. En certains lieux, ils avaient une espèce de juridiction.

L'article 1er de la loi du 14 décembre 1789, a supprimé les municipalités connues sous le nom d'échevinage, et ordonné qu'il en serait formé de nouvelles.

Voy. Commune et Tribunal de simple police. navire contre un écueil, ce qui le met ordinaireÉCHOUEMENT. Ce mot désigne le choc d'un ment en grand danger de se briser ou de se perdre.

Voy. Assurance, Avarie, Délaissement.

ÉCLUSE. On appelle ainsi un ouvrage fait sur une rivière ou sur un canal, pour retenir et lâcher l'eau, et faciliter la navigation.

Les contestations relatives aux écluses établies sur des cours d'eau navigables ou flottables, sont de la compétence des conseils de préfecture.

Voy. Conseil de préfecture, Cours d'eau, Navigation intérieure, Servitude.

ÉCRITS. On nomme ainsi des ouvrages composés sur quelque matière.

La loi garantit aux auteurs et à leurs héritiers la propriété de leurs écrits.

Voy. Propriété littéraire.

ÉCRIT PÉRIODIQUE. Il en est de ces écrits comme des journaux; ils sont assujettis les uns et les autres à la même législation, c'est à l'occasion d'un écrit périodique qu'a été rendu par la cour de cassation, le 6 mars 1823, l'arrêt dont nous allons rendre compte.

Le sieur Catineau, libraire à Poitiers, publia au mois d'août dernier un prospectus par lequel s'engageait envers les souscripteurs à imprimer jour par jour un compte exact des séances de la cour d'assises du département de la Vienne devant laquelle la cour de cassation avait renvoyé l'affaire de la conspiration de Thouars et de Saumur,

Enfin l'article 8 et dernier dispose: « La pré-il sente loi sera publiée le 1er pluviose (21 à 22 janvier) de chaque année, à la diligence des agents des communes (maires)...

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En combinant cet article avec l'article 471, n° 8, du Code pénal, qui, comme on l'a dit, punit de peine de simple police « ceux qui auront

Tome II.

Ce libraire a, en effet, publié et distribué un journal des séances, relatives au procès de Berton

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et de ses coaccusés, mais bientôt le procureur- nières, de l'obligation des formes judiciaires quand général de la cour royale de Poitiers crut remar- ils ont à prononcer sur le délit d'infidélité ou de quer dans les livraisons de ce recueil des infidé- mauvaise foi dans le compte rendu de leurs aulités nombreuses et un mauvais esprit qui décélait diences? évidemment le dessein d'altérer le respect dû aux Ici, messieurs, il convient de citer le texte magistrats et aux jurés de la cour d'assises, il si-même de la loi qui lui sert de base. gnala, dans un réquisitoire du 10 septembre, plusieurs passages qu'il jugeait repréhensibles et propres à motiver contre le sieur Catineau l'application des articles 7, 15 et 16 de la loi du 25 mars

1822.

Cité à la requête du procureur-général devant la cour d'assises de Poitiers, Catineau y comparut le 14 septembre, et se borna à présenter un déclinatoire fondé sur ce que la loi du 25 mars 1822 n'était applicable qu'aux journaux et écrits périodiques, et que l'ouvrage à raison duquel il était poursuivi ne pouvait être rangé dans cette classe; que dès lors, en admettant qu'il fût condamnable, il rentrerait sous ce rapport dans les délits ordinaires de la presse attribués non aux cours d'assises, mais aux tribunaux de police correctionnelle.

La cour maintint sa compétence et ordonna qu'il serait plaidé au fonds.

Mais Catineau refusa de plaider, et le même jour 14 septembre, arrêt par défaut qui le condamna comme s'étant rendu coupable, dans le recueil périodique qu'il avait publié, d'infidélité, de mauvaise foi et d'injures envers la cour, les jurés et le procureur-général, à un mois d'emprisonnement et 1000 francs d'amende.

Ce n'est que le 23 novembre suivant que le ministère public fit signifier cet arrêt à Catineau, qui, le 25 du même mois, y forma opposition; il comparut à l'audience de la cour d'assises du 13 décembre, et cette cour rendit un arrêt par le quel elle le déclara non-recevable dans son opposition, se fondant sur ce que l'esprit de la loi du 25 mars 1822, concernant la police des audiences, relativement au compte rendu de ces audiences, impliquait contradiction avec le droit de, former opposition.

C'est contre cet arrêt que Catineau s'est pourvu. M. l'avocat-général de Marchangy, portant la parole dans cette affaire, a requis la cassation. Voici quelques passages qu'il m'a remis de son réquisitoire :

L'opposition de Catineau était-elle recevable? Cette question, messieurs, n'est pas nouvelle pour vous, et votre arrêt du 7 décembre dernier vous a rendu familiers les principes qui doivent la résoudre. Il est vrai de dire, cependant, que la cause actuelle comparée à celles des journalistes de Paris, offre des différences notables qui rendent peut-être encore le pourvoi moins susceptible de controverse, mais dans l'un, comme dans l'autre, il s'agit de savoir, en définitive, si la loi du 25 mars 1822 assimile tellement les tribunaux aux chambres législatives, qu'elle les dispense, comme ces der

« Art. 15. Dans le cas d'offense envers les cham«bres où l'une d'elles, par l'un des moyens énoncés «en la loi du 17 mai 1819, la chambre offensée, sur la simple réclamation d'un de ses membres, «pourra, si mieux elle n'aime autoriser les pour«suites par la voie ordinaire, ordonner que le prévenu sera traduit à sa barre; après qu'il aura été «entendu ou dûment appelé, elle le condamnera, s'il y a lieu, aux peines portées par les lois; la décision sera exécutée sur l'ordre du président de «la chambre.

« Art. 16. Les chambres appliqueront elles«mêmes, conformément à l'article précédent, les dispositions de l'art. 7, relatives au compte rendu «par les journaux de leur séance.

« Les dispositions du même art. 7, relatives au compte rendu des audiences des cours et tribunaux, «seront appliquées directement par les cours et tri«bunaux qui auront tenu ces audiences. »

« Raisonnant d'après ces articles, on a cru voir entre les chambres législatives et les tribunaux parité de considérations et similitude de prérogatives dans la latitude et l'indépendance.

On a dit :

« La loi du 25 mars 1822 est incompatible avec l'exercice du droit d'opposition, cette loi est une exception aux voies ordinaires, elle se suffit à elle-même, elle renferme à la fois la fin et les moyens, le fonds et la forme, c'est une mesure de police et de discipline qui n'admet ni délais, ni procédure, ni révision. Car si l'intention du législateur a été de confier aux cours et tribunaux le soin de venger immédiatement la dignité de leurs séances outragées par des libellistes qui, sous le prétexte de rendre compte des débats judiciaires, viendraient jusques dans le sanctuaire de la justice rédiger le mensonge et préparer le scandale; cette sage intention ne serait-elle pas trompée si les magistrats, après avoir prononcé la peine due à tant d'irrévérences, pouvaient voir leur décision infirmée ou modifiée par d'autres juges? Ainsi, loin d'avoir vengé les cours et les tribunaux d'une offense qui leur est personnelle, et dont on les avait appelés, en quelque sorte, à être les arbitres souverains, on les exposerait à l'affront d'un démenti judiciaire qui ne ferait qu'irriter encore davantage l'insolence de ceux qui auraient manqué au respect dû à ces organes des lois.

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Eux seuls peuvent prononcer en connaissance de cause, leur déclaration est spontanée sur des faits dont le souvenir vit en eux, sur des faits qu'eux seuls peuvent à la fois apprécier comme témoins, juges et jurés; les éléments fugitifs qui doivent opérer leur conviction ne peuvent passer

dans la conscience des magistrats qui n'auraient point assisté aux débats qui ont donné lieu à l'infidélité ou à la mauvaise foi ceux-ci sont donc incompétents pour prononcer sur de pareilles causes, et tout, on le répète, doit se concentrer dans le tribunal ou la cour qui a tenu l'audience. L'adoption d'une jurisprudence contraire rendrait l'application de la loi du 25 mars impossible, quant aux cours et tribunaux, et les dépouillerait d'un droit qui leur est attribué par le législateur pour punir des délits qui ne pourraient être réprimés d'une autre manière et par

les voies ordinaires.

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Tels sont, messieurs, les principaux moyens qui semblent protéger l'opinion de ceux qui, dans le cas dont il s'agit, pensent que la loi du 22 mars a placé les cours et les tribunaux, ainsi que les chambres législatives, hors des voies ordinaires et des formes de procédure.

« Ces moyens sont plus que spécieux, ils sont séduisants, car ils prêtent à la loi du 22 mars une intention très-recommandable en elle-même, puisqu'elle aurait pour but de relever davantage encore la majesté du temple de la justice, et d'armer ses interprètes de dispositions vengeresses, capables d'intimider l'audace des pamphlétaires; il est convenable, il est conforme au sentiment des bienséances sociales qui surtout est éloquent dans les institutions civiles où le respect doit prêter à la force le secours des illusions, en un mot il est juste et raisonnable que toute corporation judiciaire et politique porte en elle les moyens de sa conservation. Or, le premier de ces moyens est d'extirper tout principe destructeur qui pourrait se mettre en point de contact avec elle. De là le droit de police et de discipline qui lui est attribué, et qui non-seulement serait imparfait, mais souvent inefficace et dérisoire s'il était subordonné à la fonction d'une juridiction étrangère, qui n'agissant pas en vertu du droit de sa conservation, ne serait pas apte à venger des injures qui lui sont étrangères et qu'elle ne saurait apprécier.

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En effet, messieurs, l'infidélité et la mauvaise foi dont les journalistes peuvent être accusés, ressortent pour les juges d'un instinct qu'ils doivent au sentiment de leur dignité, au discernement rapide avec lequel ils comparent les faits émanés des débats avec le compte perfide qu'on a pu en rendre. Tout cela échappe à d'autres juges qui ne peuvent se mettre à la place des premiers, car, non-seulement la philantropie, parfois abusive, qui amollit plus d'une conscience, rend fort indulgent pour les fautes dont on n'a pas ressenti l'atteinte, et il ne serait pas rare de voir une cour immoler à un vague désir de popularité, la dignité d'un autre tribunal dont l'offense ne lui est point personnelle.

nous avons eu l'honneur de vous soumettre à l'instant, disons que les corps nécessaires à l'existence sociale ou à la forme du gouvernement devant récéler en eux tous moyens de conservation, doivent aussi avoir par eux seuls et en vertu de leur constitution individuelle, une force d'action répulsive qui les dégage de tout ce qui pourrait les altérer et nuire au respect qui est une des conditions élémentaires de leur durée.

« Mais si c'est là un droit inhérent à ces corps, ils ne peuvent, quant à son mode, à son exercice et à son étendue, que le tenir d'une disposition écrite, car eux-mêmes sont des créations civiles qui ne doivent aucune partie de leur régime au droit naturel; ce sont des œuvres artificielles, comme la société elle-même, en telle sorte, que la voix de la conscience serait un guide insuffisant pour se gouverner dans une foule de cas et de positions qui peuvent être appréciés non d'après les inspirations spontanées, mais d'après des considérations sociales et politiques qui nécessitent des règles de convention, c'est-à-dire des lois. Tout ce qui dérive de la nature peut jusqu'à un certain point suppléer à la loi, mais tout ce qui est l'ouvrage de la loi ne peut enfreindre la loi sans compromettre la cause de son existence.

« Cette première réflexion nous invite donc à nous rapprocher de la loi du 25 mars, pour l'interroger avec soin; car, si tout ce qui milite en faveur du système des partisans de la juridiction absolue et exclusive, qu'on fait découler des articles 15 et 16 de la loi du 25 mars, ne peut s'induire facilement du texte de ces articles, il faudra se borner à souhaiter un article supplémentaire ou une interprétation législative, et rentrer, quoique avec un sentiment de répugnance, dans les voies ordinaires dont il serait bien séant et nécessaire de dispenser les cours et tribunaux, et en modifiant toutefois leur pouvoir, selon leur élévation dans les degrés de la hiérarchie judiciaire, pour le cas seulement qui fait l'objet de la discussion.

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Nous disons, messieurs, qu'il faudra, quoique regret, suivre les voies ordinaires; car les voies ordinaires étant la règle commune, la règle formellement prescrite par le législateur, pour tous les cas journaliers, on ne peut en dévier que par une exception; or, toute exception dérogeant à la règle commune, doit être autorisée textuellement par une loi; si elle n'est pas ainsi autorisée, ce n'est plus une exception, c'est une mesure arbitraire que vous devez repousser.

"

L'exception qui a motivé l'arrêt de la cour d'assises de Poitiers, en date du 13 décembre dernier, est-elle prévue, comme on l'a pensé, par la loi du 25 mars 1822, ou, en d'autres termes, est-il vrai de dire que cette loi ait voulu mettre sur la même ligne, dans ses articles 15 et 16, les chambres et tribunaux ?

Mais, sans donner trop d'extension à une .Et d'abord, y avait-il parité de raison, pour pareille hypothèse, et revenant au principe questipuler, en faveur des corps judiciaires, une in

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