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Il soutenait ensuite que le commissaire de la marine avait seul, suivant les lois de la matière, le pouvoir de statuer, sauf sa responsabilité, sur les mesures à prendre relativement au navire échoué; qu'après sa décision, les parties intéressées, libres de réclamer auprès de l'autorité maritime supérieure, n'étaient point obligées de recourir au tribunal de commerce pour obtenir de lui un jugement qui statuât sur le sort de ce navire, et que, en décidant le contraire, l'arrêt attaqué avait contrevenu, 1o à l'article 8, titre XIV, des décrets de l'Assemblée nationale des 6 et 7 septembre 1790; 2° à l'article 3, titre 11, et aux articles 12 et 13, titre 11 de la loi des 9-13 août 1791; 3° à l'arrêté du gouvernement, du 17 floréal an Ix.

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tant cet arrêté, fait observer que les juges de paix sont, par ce moyen, devenus étrangers à toutes ces opérations. - Or, qu'on le remarque, le législateur ne distingue point entre l'échouement simple et l'échouement avec bris. Il ne dit pas que ces fonctionnaires ne seront appelés et n'auront droit d'agir qu'en cas d'échouement avec bris, qu'au cas où le navire serait préalablement reconnu innavigable. L'échouement est désigné d'une manière générique, précisément pour éviter qu'on ne voulût invoquer, dans ce cas, une distinction qui est admise seulement lorsqu'il s'agit, après l'événement et selon les résultats, de régler les intérêts particuliers. En un mot, les lois et réglements cités attribuent au commissaire de marine le droit d'agir en cas d'échouement, de bris, de naufrage, c'estma-à-dire, dans tous les cas où un accident maritime appelle des secours. Il ne faut, d'ailleurs, qu'un peu d'attention pour être convaincu que le législateur n'a ni pu ni voulu admettre de distinction.

Ce moyen important a été développé de la nière suivante par l'avocat du demandeur: Le droit de veiller à la sûreté des rivages, a-ton dit, appartient notamment dans un état policé, à l'autorité souveraine. C'est par ce motif que l'ar- Qu'on se figure la position des choses et des perticle 538 du Code civil a placé les rivages dans sonnes au moment où un navire échoue à une côte! le domaine public. - Parmi les objets sur lesquels Averti par les signaux et tous les autres moyens que s'exerce cette surveillance si intimement liée à la sagesse a multipliés, le commissaire de marine, la défense générale de l'état et à la juste protec- ou celui qui le remplace, se rend sur le rivage, tion qu'il doit au malheur, il est impossible de quelquefois au milieu de la nuit, par un gros ne pas placer dans un rang distingué les mesures temps, sur un point inhabité. Comment concevoir à prendre pour le sauvetage des navires. Les que, dans une telle situation, ces fonctionnaires amirautés, à la fois administratives et judiciaires, ne soient pas investis d'un pouvoir discrétionnaire? en étaient chargées autrefois. A l'époque des Ils n'ont point d'intérêts particuliers à défendre, grands changements qu'a produits la révolution ni même à juger; peu leur importe que le navire dans l'organisation des autorités publiques, l'article soit ou ne soit pas assuré; que les mesures qu'ils 8 de la loi du 11 septembre 1790 déclara que les vont prendre puissent, en résultat, nuire à l'un fonctions judiciaires des amirautés passeraient aux ou à l'autre ; ils ne prennent et ne doivent prendre tribunaux, et leurs fonctions administratives aux conseil que .de leurs lumières et de leur conautorités qui seraient ultérieurement indiquées. science; ce qu'ils font, ils le font comme repréCette indication a été faite par la loi du 13 août sentant l'administration suprême qui, semblable 1791. Les articles 1 et suivants du titre 1er at- à la providence, agit sur les choses, abstraction tribuent tout ce qui concerne les échouements, faite des intérêts individuels; qui peut exercer en bris et naufrages, aux juges de paix, maires et quelque sorte un domaine éminent sur ces choses, syndics des gens de mer, chacun à défaut de en ce sens, que nul n'a droit de lui demander l'autre. Le tribunal de commerce est appelé, d'a- pourquoi telle ou telle mesure est ordonnée, ni près l'article 7, à ne connaître que des réclama- d'en arrêter l'exécution en s'y opposant; en ce tions contre le réglement des salaires des ouvriers sens, que ce qui a été fait en exécution de ses employés au sauvetage. Comme le juge de paix ordres n'est réputé le fait d'aucune partie privée, intervenait plutôt administrativement que judi- mais le fait du prince, et doit être considéré comme ciairement, l'arrêté du 17 floréal an Ix, a élagué événement de force majeure, dans les débats parce reste de participation d'un fonctionnaire judi- ticuliers qui pourraient s'élever entre les intéresciaire à des opérations essentiellement administra-sés au navire ou à l'expédition. - Qu'arriverait-il, tives. L'article 1 substitue au juge de paix l'officier si la jurisprudence de la cour de Bordeaux pouvait en chef de l'administration, ou, en son absence, être consacrée, s'il fallait, dans l'application des celui qui le remplace dans l'ordre du service. Du droits et devoirs de l'administration, distinguer reste il déclare que ses dispositions comprennent entre l'échouement avec bris et l'échouement sans tout ce qui concerne les échouements, bris et bris; s'il fallait, avant que le commissaire prît une naufrages, quelle que soit la qualité du navire.-mesure qu'il croit nécessaire, faire examiner et Cet officier est le seul à qui, d'après l'article 2, les avis doivent être donnés; et les mesures provisoires, jusqu'à son arrivée, sont prises par les syndics des gens de mer. L'auteur du Répertoire de jurisprudence, au mot naufrage, en rappor

Tome II.

juger par un tribunal de commerce, souvent éloigné de dix lieues, si, ou non, le navire est innavigable? Les lois et réglements seraient inexécutables. Les administrateurs à qui on en a confié l'exécution, précisément parce que leurs formes,

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merce maritime; qu'en effet, après avoir distingué la partie administrative de celle litigieuse qui, avant leur suppression, étaient l'une et l'autre privativement dans les attributions des tribunaux de l'amirauté, elle a confié la police et la surveillance des ports aux commissaires de la marine; ellé les a chargés du soin qu'exige le sauvetage dans le cas de naufrage et d'échouement; enfin, elle les a autorisés à prendre les mesures conservatoires et d'urgence qui leur paraîtraient convenables; que, quant à la partie litigieuse et aux intérêts privés, les articles 1er et 8 du titre 1er de

leur manière de procéder sont plus promptes, ne seraient plus que de simples rapporteurs qui se rendraient sur le rivage pour constater un échouement, et devraient ensuite attendre que le tribunal de commerce, sur la demande des parties, ou au moins sur leur référé, déclarât les mesures à prendre. Qui ne sait que, d'après le texte des lois et réglements cités plus haut, et d'après la force des choses, le commissaire de marine est juge de ce que commande la nécessité? Si l'examen ou l'expertise qu'ordonne le commissaire, lorsqu'il le juge à propos, lui font croire que le navire est brisé et ne peut être remis à flot, à lui seul appar-la loi du 13 août 1791, attribuent spécialement tient de régler les mesures de sauvetage qui consistent souvent à le dépecer sur place, pour en extraire plus promptement les marchandises et en conserver les débris. Qu'il prenne des mesures imprudentes ou précipitées, les supérieurs de ce commissaire peuvent seuls juger de sa conduite; mais ce qu'il a fait, doit être considéré, entre les parties intéressées, comme légitimement fait; ce qu'il a commandé et ce qui a été executé par ses ordres ne peut être réputé fait par la libre volonté du propriétaire du navire. La conséquence irrésistible de ces principes est alors que le navire assuré, dont le commissaire aurait, même mal à propos, ordonné la vente, est légalement perdu : qu'une force majeure en a privé l'assuré, et que cette force majeure étant la suite et l'effet d'une fortune de mer, est à la charge des assureurs, conformément à l'article 350 du Code de com

merce.

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Enfin, le demandeur présentait un dernier moyen, pris de la violation de l'article 353 du Code de commerce. De deux choses l'une, disaitil, ou le navire a été régulièrement condamné et vendu comme innavigable, et alors la cour royale pu déclarer nul le délaissement fait par l'armateur, sans violer l'article 369 du Code de commerce; ou bien le commissaire de la marine était incompétent pour prononcer l'innavigabilité de ce navire et pour en ordonner la vente; et, dans ce cas, il y eu faute et baratterie de la part du capitaine, qui ne s'y est point opposé, et qui n'a point recouru devant le tribunal de commerce, pour y faire déclarer l'innavigabilité du navire. Or, dans l'espèce, les assureurs étaient chargés des fautes du capitaine par la clause de baratterie insérée dans la police d'assurance. L'arrêt dénoncé n'a donc pu les en décharger sans violer

l'article 353.

Mais ce système n'a point été accueilli, et le 3 août 1821, la cour de cassation, section des requêtes, a rendu l'arrêt suivant, sur les conclusions conformes de M. Lebeau, avocat-général :

aux tribunaux de commerce, dans l'étendue de leurs districts, la connaissance de toutes affaires de commerce de terre et de mer en matière civile ; que l'article 8, notamment, soumet à leur juridiction les réglements d'avarie et les autres demandes et actions civiles des intéressés aux navires et aux marchandises....;- attendu, enfin, que cette nouvelle législation a été confirmée par le Code de commerce, livre second, ayant pour titre : DU COMMERCE MARITIME; d'où il suit que l'arrêt dénoncé ne renferme aucun excès de pouvoirs, puisque la cour royale de Bordeaux était compétente pour connaître de la contestation;

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« Sur les autres moyens pris de la violation des articles 353 et 369 du Code de commerce: tendu qu'il a été reconnu, en point de fait, par les arbitres, et, sur l'appel, par la cour royale de Bordeaux, que l'échouement du navire avait été fait sans bris; que l'innavigabilité du navire n'était pas constante; que la détérioration ou la perte des objets assurés n'allait pas aux trois quarts et même à la moitié de la valeur de l'objet assuré; enfin, que la conduite du capitaine du navire était exempte de reproches, et qu'on ne pouvait lui imputer aucune espèce de baratterie.....;-attendu qu'il n'entre pas dans les attributions de la cour de cassation de critiquer ces points de fait, dont l'appréciation était dans le domaine exclusif de la cour royale de Bordeaux. Par ces motifs, la cour rejette, etc. »

V. L'arrêt de puissance, défini sous ce mot et appliqué à l'article Embargo, autorise l'assuré à faire le délaissement, soit qu'il émane d'un gouvernement étranger, soit qu'il ait été ordonné par le roi de France. Dans l'un et l'autre cas, délaissement n'est permis qu'après le voyage commencé, ainsi que cela résulte des art. 369 et 370 du Code de commerce.

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Y a-t-il également lieu au délaissement, lorsque le souverain, par l'ordre duquel l'arrêt a été fait, a payé la valeur des objets assurés, ou au moins une indemnité quelconque ? Non. D'abord « Vu la loi du 13 août 1791, relative à la police il serait sans objet; car les choses ainsi appréhende la navigation et des ports de commerce;-at-dées n'étant point susceptibles de restitution, ne tendu que l'Assemblée nationale, en prononçant la suppression des tribunaux d'amirauté, a introduit une nouvelle législation en matière de com

pourraient point être révendiquées par l'assureur. D'un autre côté, à quoi servirait l'abandon, puisqu'il tend à faire rembourser l'assuré du prix des

marchandises assurées, et que nous supposons que ce remboursement a déja eu lieu? Toutefois, si la somme reçue était inférieure au montant de l'assurance, l'assuré serait fondé à répéter la différence contre son assureur, mais non pas l'action de délaissement.

« L'assuré qui reçoit un prix de sa chose, dit M. Pardessus, n'a pas le droit de la délaisser à l'assureur; seulement si ce prix n'égale pas la valeur primitive de l'achat, augmenté du fret et autres dépenses accessoires, et de la prime d'assurance, il peut en demander le complément par action d'avarie.» (Cours de droit commercial, no 843, 2e édition.)

Le délaissement est-il permis, lorsque l'arrêt a été fait pour cause de contrebande, et que les marchandises assurées ont été confisquées par ce motif? Valin tient l'affirmative, si les assureurs savaient que les marchandises étaient de contrebande; et il raisonne dans l'hypothèse où les marchandises sont transportées hors de France, et où l'arrêt émane d'un souverain étranger. Mais Pothier le combat énergiquement. « Il est faux, dit-il, qu'il soit permis à un Français de faire dans un pays étranger un commerce de contrebande, défendu par les lois du pays. Ceux qui commercent dans ces pays sont, par le droit des gens, et par la loi naturelle, obligés de se conformer, pour ce commerce, aux lois du pays où ils le font. Chaque souverain a empire et juridiction sur tout ce qui se fait dans le pays où il a le droit de commander; il a, par conséquent, le droit de faire, pour le commerce qui se fait dans ses états, des lois qui obligent tous ceux qui le font, les étrangers aussi bien que ses sujets. (Traité du contrat d'assurance, no 58.)

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VI. Après avoir spécifié plusieurs fortunes de mer qui donnent lieu au délaissement, le Code de commerce exprime un cas qui peut être le résultat de tout autre événement maritime; c'est lorsqu'il y a perte ou détérioration des effets assurés, si la détérioration ou la perte va au moins à trois quarts.

Ce Code regarde la perte ou détérioration des trois quarts comme équivalant à la perte intégrale, et il autorise le délaissement dans les deux hypothèses. Les expressions perte et détérioration dont il se sert ne sont pas synonymes; il ne faut point les confondre. La première concerne la quantité, la seconde la qualité. Il y a perte, lorsque les objets assurés ont disparu en tout ou en partie; il y a détérioration, lorsque ces objets, existant encore, ont été altérés par les accidents de la navigation.

La perte proprement dite est facile à déterminer. Mais il n'en est pas de même de la détérioration. On sent qu'il n'est pas toujours aisé d'apprécier le degré d'altération éprouvé par les objets assurés ; c'est à des experts que cette appréciation est confiée. M. Pardessus donne, sur la manière d'y procéder, d'excellentes règles qui trouvent naturellement place ici. « Il faut, dit-il, évaluer, en quelque lieu qu'on la suppose, la marchandise, comme si elle n'avait éprouvé aucune détérioration par fortune de mer, et déterminer la valeur de cette même marchandise dans ce lieu, en l'état où elle a été réduite par les évé-nements sur lesquels l'assuré fonde sa demande de délaissement. La différence constitue la perte; et selon qu'elle est, ou non, des trois quarts, le délaissement est ou n'est pas admis: Les experts chargés de cette opération doivent donc raisonner abstractivement, sans examiner d'où vient là chose assurée, ni combien il en a pu coûter de fret, ou autres dépenses qui ne sont pas au compte des assureurs, pour l'amener du lieu où elle a été expédiée, à celui où se fait l'estimation. Ils doivent faire une véritable opération algébrique, dont l'objet est de déterminer des rapports de choses les unes avec les autres, en elles-mêmes.» (Cours de droit commercial, no 845, 2o édition.)

VII. Les périls de la mer sont si nombreux et si variés, ils sont quelquefois si rapides et si cachés, qu'il arrive qu'on ignore souvent le sort d'un navire parti pour une expédition plus ou moins lointaine. Si le défaut absolu de nouvelles, L'ordonnance de la marine ne s'exprimait pas et l'impossibilité d'attester les sinistres qui ont pu ainsi; elle disait: perte entière des effets assurés. le frapper, empêchaient l'exercice des droits de Si on s'en tenait à la lettre de la loi, on devait l'assuré, il perdrait le plus souvent le fruit de sa conclure que le délaissement était impossible tant prévoyance, et la garantie qu'il a cherchée dans qu'il restait le moindre vestige des marchandises le contrat d'assurance, il la verrait s'évanouir. assurées. Mais une telle interprétation n'était sans C'est pour obvier à ce grave inconvénient, que doute pas conforme à l'esprit du législateur; car l'article 375 du Code de commerce dispose: « Si, il serait déraisonnable de ne pas assimiler à une après un an expiré, à compter du jour du départ perte entière une détérioration ou une perte qui du navire, ou du jour auquel se rapportent les aurait détruit la valeur des objets assurés. Cepen- dernières nouvelles reçues, pour les voyages ordant, où devait-on s'arrêter ? Fallait-il perte de dinaires; après deux pour les voyages de long la moitié, des deux tiers, ou des trois quarts? cours, l'assuré déclare n'avoir reçu aucune nouLes auteurs n'étaient pas d'accord là-dessus, et la velle de son navire, i peut faire le délaissement jurisprudence n'était pas plus fixe que leurs doc- à l'assureur, et demander le paiement de l'assutrines. Le nouveau Code de commerce a fait dis-rance, sans qu'il soit besoin d'attestation de la paraître toute difficulté par une rédaction claire et formelle.

perte. »

Le seul défaut de nouvelles pendant un an, ou

arrivée dans le temps de l'assurance.»

pendant deux ans, selon l'étendue de la naviga-« de long cours, la perte du navire est présumée tion, établit en faveur de l'assuré, et sans qu'il soit obligé d'y joindre aucune preuve, une présomption de perte qui donne ouverture au délaissement. Les auteurs assimilent, avec raison, cette présomption légale avec celle que produit l'absence d'un individu. Si en effet celle-ci fait considérer l'absent comme mort, celle-là répute le vaisseau perdu.

Cette présomption légale pourrait servir à résoudre la question suivante, si elle se présentait. Un armateur a fait assurer son navire pour six mois, à compter du jour du départ; ce délai étant expiré, sans qu'il ait reçu des nouvelles du vaisseau, il le fait assurer de nouveau; un an ou deux ans après, il veut faire le délaissement, la perte retombera-t-elle sur les premiers assureurs ou sur les

seconds ?

tenus de supporter la perte. La circonstance d'une assurance subséquente ne doit pas changer la force et les conséquences du principe posé dans l'art.

L'assuré n'a qu'une chose à faire pour avoir le droit de délaisser les objets assurés ; c'est, comme dit l'article cité, de déclarer qu'il n'a reçu aucune S'il était prouvé que la perte fût arrivée pennouvelle de son navire. Mais l'assureur peut com- dant la durée de la première assurance, battre cette déclaration, et détruire la présomptain que l'assurance subséquente serait nulle par tion légale, en justifiant qu'il a reçu, ou même le défaut de risques; or, la présomption dont nous que de tierces-personnes ont reçu des nouvelles avons parlé produisant précisément le même effet, du vaisseau; car, dans cette supposition, la pré-il faut conclure que les premiers assureurs seraient somption doit céder à la certitude. « Il faut, dit M. Pardessus, non-seulement que l'assuré n'ait aucunes nouvelles de son navire, mais encore que personne n'en ait eu; si les assureurs en ont reçu qui, sans avoir une parfaite authenticité, soient au moins très-vraisemblables, l'assuré n'est pas fondé dans sa demande. » Et il ajoute : « Au reste, c'est ici une matière arbitraire, où des principes absolus seraient impossibles ou dangereux à indiquer, et le juge doit se déterminer suivant les circonstances.» (Cours de droit commercial, n° 844, 2e édition.)

Le Code, après avoir fait une distinction entre les voyages ordinaires et ceux de long cours, devait tracer la ligne de démarcation entre ces deux espèces de voyages, et c'est ce qu'il a qu'il a fait par l'art. 377, où on lit: « Sont réputés voyages de long • cours, ceux qui se font aux Indes orientales et occidentales, à la mer Pacifique, au Canada, à « Terre-Neuve, au Groënland, et aux autres côtes et « îles de l'Amérique méridionale et septentrionale, « aux Açores, Canaries, à Madère, et dans toutes « les côtes et pays situés sur l'Océan, au-delà des « détroits de Gibraltar et du Sund. Voyez au surplus ce que nous avons dit à cet égard sous le mot Cabotage.

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L'ordonnance de la marine avait laissé indécise la question de savoir si, lorsque le vaisseau est assuré pour un temps limité, il doit être présumé avoir péri pendant ou après le temps de l'as

surance.

Valin, sur l'art. 58, du titre des Assurances, pensait que le navire devait être regardé comme ayant péri du jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, de même que pour les individus absents, et il cite un arrêt de l'année 1749, qui l'avait ainsi jugé. L'opinion parfaitement juste de cet excellent commentateur, a été érigée en loi par le Code de commerce, qui dit, art. 376: Dans le cas d'une assurance pour temps limité, après l'expiration des délais etablis comme ci-dessus, pour les voyages ordinaires et pour ceux

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376.

VIII. Le délaissement étant une voie extraordi

naire, un remède extrême, comme disait le guidon de la mer, il est de toute évidence qu'il ne peut être admis que dans les cas prévus par la loi. Cela est hors de doute, bien que le Code de commerce, par ces mots: Le délaissement des objets assurés peut être fait etc. ne s'exprime pas en termes restrictifs et prohibitifs, comme l'ordonnance de la marine qui disait: Ne pourra le délaissement être fait qu'en cas de prise, etc. L'art. 371 du Code, viendrait d'ailleurs à l'appui de cette vérité, s'il en était besoin, il y est dit en effet: « que tous autres domassureurs et les assurés, à raison de leurs intérêts, mages sont réputés avaries, et se règlent entre les disposition qui au surplus se trouvait également

dans l'ordonnance.

manière générale, le législateur n'a sans doute Mais en réglant ainsi le sort des parties, d'une pas interdit de déroger, par des stipulations parsemble que dans la police d'assurance, les conticulières, aux principes qu'il a établis. Il nous tractants peuvent restreindre ou augmenter le nombre des causes de délaissement, et comme de telles conventions librement formées, ne blessent ni les lois, ni les mœurs, ni l'ordre public, elles doivent être exécutées. C'est le sentiment d'Emérigon, et il nous serait impossible de ne pas l'adopter.

Mais on peut élever la question de savoir si l'existence d'une des causes prévues par la loi suffit pour autoriser le délaissement, ou s'il faut, en outre, qu'il y ait perte ou détérioration des trois quarts au moins des objets assurés?

Pothier, dont l'autorité est toujours imposante, examine cette question dans son Traité du Contrat d'assurance, nos 119 et 120, et il décide formellement que le délaissement ne peut avoir lieu qu'autant que le sinistre est accompagné de la perte totale ou presque totale des objets assurés.

»

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Valin exprime la même opinion sur l'art. 46, tit. | celle de M. Locré. Nous pouvons même invoquer vi, liv. II, de l'ordonnance de la marine; et l'autorité d'Émérigon, qui dit formellement, dans M. Merlin semble avoir aussi incliné pour cette son Traité des Assurances, chap. xvII, sect. 11: doctrine dans un plaidoyer rapporté au Réper- Lorsqu'on se trouve dans l'un des cas majeurs toire universel de Jurisprudence, sous le mot Délais déterminés par l'art. 46 (de l'ordonnance de la marine), l'action de délaissement est ouverte tant Mais nous osons ne pas nous ranger à cet avis, pour le corps que pour les facultés. On ne conquelque respect que lui aient imprimé de si ha-sidère pas alors si la marchandise a souffert une biles jurisconsultes. perte effective, où si elle n'en a point souffert.

sement.

S II.

Des délais et formes de délaissement.

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Si nous nous reportons à l'art. 369 du Code de commerce, nous voyons que ses rédacteurs ont pris soin d'énumérer et de préciser cinq espèces de sinistres majeurs, savoir: la prise, le naufrage, l'échouement avec bris, l'innavigabilité et l'arrêt I. Dès que l'assuré est informé du sinistre qui de prince ; qu'ils ont ensuite ajouté comme sixième peut donner lieu au délaissement, comme de cause de délaissement, la perte ou détérioration tout autre accident maritime aux risques des asdes trois quarts. Or, à quoi servirait cette énu-sureurs, son devoir est d'en donner connaissance mération, si les sinistres énoncés ne suffisaient pas à son assureur. Il est tenu, dit l'art. 374 du Code par eux-mêmes pour motiver l'abandon, et s'il de commerce, de signifier à l'assureur les avis fallait qu'il y eût en outre perte ou détérioration qu'il a reçus. Il est à croire que la loi n'entend des trois quarts au moins? L'article n'aurait-il pas parler que des avis directs que l'assuré a pu redû être réduit à ces mots? Le délaissement peut être cevoir, soit du capitaine, soit de toute autre perfait, en cas de perte ou détérioration des effets as-sonne, pouvant imprimer à la nouvelle un caracsurés, si la détérioration ou la perte va, au moins, à trois quarts.

En second lieu, il arriverait très-fréquemment que dans quelques-uns des cas spécifiés par le Code, le délaissement serait impossible. Par exemple, dans le cas d'innavigabilité, il n'y a point de doute sur l'abandon du corps du navire, dont la perte, comme vaisseau, est entière, puisqu'il n'est plus propre à la navigation; mais les facultés peuvent n'être que faiblement et peut-être pas du tout endommagées, et comment soutenir alors que l'assuré n'est pas admis à les abandonner, lorsque la loi dit d'une manière absolue que l'innavigabilité est une cause de délaissement? Ne serait-ce pas créer une distinction que le législateur n'a point faite?

L'échouement avec bris, le naufrage, qui détruisent le navire, peuvent ne pas anéantir entièrement les facultés; ils peuvent n'entraîner la perte ni la détérioration des trois quarts, par suite du sauvetage, de la nature des marchandises, et de leur prompte extraction du vaisseau. Pourrait-on, contre le texte exprès de la loi, rejeter le délaissement?

Nous pensons pensons donc que les sinistres majeurs, dont parle l'art. 369 du Code, donnent lieu au délaissement, par cela seul qu'ils existent, quelle que soit, d'ailleurs, la quotité du dommage qu'ils ont occasionné, et que les autres événements de mer, non spécifiés par la loi, n'y donnent ouverture qu'autant qu'ils entraînent perte ou détérioration des trois quarts au moins. Dans les cas légaux, qui sont les plus fréquents et les plus graves, c'est assez que l'expédition soit manquée, ou, au moins, considérablement retardée, pour que l'assuré ait le droit de recourir à la garantie qu'il s'est donnée. Nous pouvons fortifier cette opinion de

tère de vérité, et qu'il serait facilement excusé. du défaut de signification, s'il ne s'agissait que de bruits vagues et incertains de tel ou tel événement.

Le législateur ne s'est pas borné à prescrire cette signification; il a ajouté, par le même article 374, qu'elle serait faite dans les trois jours de la réception de l'avis. L'ordonnance de la marine exigeait seulement que la signification eut lieu incontinent. Sans doute, c'était accorder un bref délai; mais ce n'était pas le préciser. Aussi les auteurs pensaient-ils avec raison qu'il ne pouvait pas y avoir de déchéance. La disposition du nouveau Code est plus claire. Cependant elle ne saurait pas plus entraîner la déchéance que celle de l'ordonnance. Une déchéance, en effet, ne peutrésulter que d'un texte formel, et aucun article du Code ne la prononce.

Cette même notification, que l'art. 374 exige d'une manière générale, les articles 387 et 390 le prescrivent de nouveau, pour les cas particuliers d'arrêt de puissance, et d'innavigabilité.

II. En faisant la signification dont nous venons de parler, l'assuré peut, par le même acte, faire le délaissement avec sommation à l'assureur, de payer la somme assurée, aux termes fixés par le contrat. Mais ce n'est là qu'une faculté que lui donne la loi; il peut retarder le délaissement, pourvu qu'il le fasse, d'ailleurs, dans le délai légal. L'art. 378 est formel sur ces deux points. Dans le choix qu'il laisse des deux partis à prendre, il est toujours prudent d'adopter le second qui laisse le temps de l'examen et de la réflexion. « Tant d'assurés, dit Valin, se sont mal trouvés d'avoir fait leur délaissement à la légère, qu'il en est peu aujourd'hui qui tombent dans cette faute. »

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