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l'enfant adultérin est fondé à réclamer des ali- La cour d'appel demandait, en conséquence, ments même en vertu d'une reconnaissance sous qu'on ajoutât la disposition suivante : la loi proseing-privé; décision, à la vérité, évidemment hibe la reconnaissance des enfants adultérins et inerronnée, puisque, comme on peut le voir au cestueux; celles qui pourraient être faites seront mot Enfant naturel, § 1 une telle reconnais-nulles, comme non avenues, et ne pourront donner sance ne donne pas ce droit à l'enfant naturel simple. (Voyez le Journal des audiences, volume de l'an xin, page 461; volume de 1812, page 44, suppl. de 1817, page 92.)

Quelque respect que nous ayons pour des autorités aussi imposantes, nous ne pouvons dissimuler que nous sommes d'un sentiment contraire. Dès que la loi prohibe formellement la reconnaissance des enfants auxquels l'inceste ou l'adultère a donné le jour, toute reconnaissance faite au mépris de cette prohibition, doit être nulle, et si elle est nulle, elle ne peut produire aucun effet; d'où il résulte qu'aux yeux de la loi, elle ne rend point constant le fait de la paternité qui peut seul assurer l'état de ces enfants et servir de base à une réclamation d'aliments. Nous allons rendre cette vérité palpable.

M. Locré nous apprend que l'article 335 ne se trouvait point dans le projet de Code civil; que l'intention de la commission était que les bâtards incestueux ou adultérins pussent être reconnus comme les bâtards simples; que c'était pour établir ce système, que, dans le titre de la paternité et de la filiation, elle n'avait pas fait de distinction entre eux; qu'elle s'était expliquée d'une manière très-positive, au titre des Successions, en accordant des aliments seulement aux enfants incestueux ou adultérins, et en proposant de restreindre cette faveur à ceux de ces enfants qui auraient été légalement reconnus.

La cour d'appel de Lyon fit à ce sujet les observations suivantes : « Serait-il possible, disaitelle, que la loi autorisât la déclaration publique et authentique de l'inceste et de l'adultère! Ce ne sont pas précisément les actions immorales qui anéantissent les mœurs lorsqu'elles demeurent ensevelies sous le voile d'un mystère impénétrable: le mystère lui-même est un hommage aux mœurs; ce n'est pas même leur publicité, si l'opinion pu- | blique les flétrit, si elle voue au mépris les êtres immoraux : mais si l'opinion publique, si la loi elle-même les tolère, si elle n'en proscrit pas les fruits, l'immoralité triomphe, la vertu est dédaignée; bientôt, par une contagion funeste, il n'y a plus de mœurs, plus de vertu et qu'est-ce qu'une nation sans vertu et sans mœurs? Il est donc impossible que la loi autorise une mère, une sœur, à consigner authentiquement dans les registres publics leur turpitude incestueuse; un père, un frère, à faire constater par l'officier civil, qu'il est frère de son fils, le père de son neveu; un libertin à publier légalement et impunément qu'il est coupable d'adultère. La loi peut tolérer une faiblesse, elle ne peut supposer un crime; s'il existe, elle doit le punir.

aucune action; elles seront biffées à la diligence du commissaire du gouvernement. Le père ou la mère, qui les auront faites, seront condamnés correction. nellement à six mois de détention, et à une amende égale à deux années de leur revenu. L'officier civil qui les aurait sciemment reçues, sera destitué et condamné à six mois de détention.

« La section, dit M. Locré, n'admet pas les articles proposés par la cour d'appel de Lyon, dont elle adopte cependant l'opinion, et ne présente d'abord aucun article sur les enfants dont il s'agit. Au conseil-d'état on lui demanda quelle était la raison de ce silence. Pourquoi, disait le premier consul, le projet ne contient-il pas de dispositions sur les enfants adultérins ? La section répondit que les tribunaux ayant cru que ces enfants ne devaient pas être reconnus, elle avait pensé que le mieux était de n'en point parler. On objecte que cependant il importait de donner une règle positive aux juges. Si un père se présente, il faut que les tribunaux puissent prononcer sur sa réclamation. Mais quelle serait cette règle?

« D'un côté l'on dit : tout enfant a intérêt d'appartenir à quelqu'un. Il serait donc trop dur d'exclure les adultérins de l'avantage d'être reconnus; l'inconvénient de n'être pas avoués par leur mère est moins considérable.

« D'un autre côté, on répondit que ce système aurait l'inconvénient de donner aux adultérins l'état de bâtards simples; en effet, il suffirait, pour qu'ils le devinssent, que la mère demeuràt dans le silence et que le père seul les reconnût. Or, on sait que d'après les art. 756 et 757 du Code, les bâtards simples prennent une portion de la succession du père, quoique ce ne soit pas à titre d'héritier, tandis que l'art. 762 ne donne que des aliments aux bâtards incestueux ou adultérins. « L'opinion de la cour d'appel de Lyon a prévalu.» (Esprit du Code civil, tome v, page 348 et suivantes.)

Or, si l'opinion de la cour de Lyon a prévalu, si c'est pour consacrer cette opinion que l'art. 335 a été inséré dans le Code, que s'ensuit-il? Que les reconnaissances d'enfants adultérins prohibées par cet article, sont nulles et non avenues, et ne peuvent donner aucune action. Le motif de l'art. 335 est d'empêcher la confession d'une turpitude, l'aveu d'un commerce honteux. La reconnaissance des enfants adultérins ou incestueux, disait M. BigotPréameneu dans l'exposé des motifs, serait, de la part du père et de la mère, l'aveu d'un crime. Il a été réglé qu'elle ne pourrait avoir lieu qu'au profit d'enfants nés d'un commerce libre. » Or, si le législateur a prohibé la reconnaissance des enfants nés d'un commerce incestueux ou adul

adulterins. Le 26 thermidor an vIII, donation par Jean Lanchère, à ses trois enfants, de deux maisons situées à Paris, et estimées l'une 40,000 fr. et l'autre 45,000. La donation est acceptée par Marie Bâtard, au nom et comme tutrice de ses enfants naturels. Le 27 vendémiaire an ix, elle est tran

vingt-six inscriptions; la demoiselle Bâtard les dénonce au sieur Lanchère, avec sommation d'en rapporter main-levée dans le délai de quinzaine, conformément à la promesse qu'il en a faite dans l'acte de donation.

térin, pour empêcher la révélation d'un crime, d'une turpitude, comment concevoir que cette révélation, faite au mépris d'une défense formelle, puisse produire quelque effet? Admettre qu'une semblable reconnaissance n'est pas entièrement nulle, qu'elle donne droit à des aliments, n'est-ce pas reconnaître qu'elle est propre à établir la filia-scrite au bureau des hypothèques. Il se trouve tion de l'enfant reconnu, qui ne peut réclamer d'aliments que parce que le fait de la paternité ou de la maternité est constant? N'est-ce pas rentrer dans le système combattu par la cour de Lyon, et réformé par les rédacteurs du Code? N'est-ce pas enfin reconnaître que la volonté du législateur peut être enfreinte, et refuser à la loi sa sanction? Disons-le donc : la reconnaissance volontaire des enfants adultérins ou incestueux est interdite, non pas pour les écarter de la succession de leur père et de leur mère, puisque dans le premier système du Code, qui ne la prohibait pas, ils étaient également exclus des droits successifs, mais uniquement pour empêcher la déclaration authentique d'un inceste ou d'un adultère. Cette déclaration, si elle est faite, doit donc demeurer sans effet. La filiation de l'enfant reste incertaine, il n'a point d'état, et ne peut, par conséquent, rien réclamer, pas même des aliments.

Ces principes ont, au surplus, été proclamés solennellement par la cour de cassation, qui a jugé qu'une reconnaissance de paternité adultérine ne peut produire aucun effet, soit que l'enfant reconnu veuille s'en servir, soit que des tiers veuillent la lui opposer.

La demoiselle Marie Bâtard, aujourd'hui femme Psalmon, a donné successivement le jour à trois enfants naturels. Ils ont été inscrits sur les registres des actes de naissance; savoir le premier le 22 novembre 1786, sous le nom de MargueriteAlexandrine, comme fille de messire Jean Lanchère Boisdel, écuyer, seigneur de Vantoux-Saint-Martin, et de demoiselle Marie Bátard, son épouse; le second, le 29 décembre 1791, sous le nom d'Edme, comme fils de Jean Devaux et de Marie Bodel; et le troisième, le 2 frimaire an IV, sous les noms d'Adrien-Jean-Marie, comme fils de Jean Lanchère et de Marie Bâtard. Dans un acte reçu par Chiboust, notaire à Paris, le 9 fructidor an v, le sieur Jean Lanchère et la demoiselle Marie Batard, déclarèrent que ces trois enfants étaient leurs enfants naturels. Trois jugements rendus sur leur demande, les 26 vendémiaire an vi, 27 vendémiaire et 12 germinal an vII, ordonnèrent que les actes de naissance seraient rectifiés, et que ces enfants seraient désignés dans les registres de naissance comme enfants naturels du sieur Jean Lanchère et de demoiselle Marie Bátard. Jean Lanchère était marié avec Marie Véry, depuis 1749. Sa femme vivait encore, non-seulement lors de la naissance des enfants, mais même lors de l'acte de reconnaissance du 9 fructidor an v. Ainsi il s'agissait bien, dans l'espèce, de reconnaissance d'enfants

Le sieur Lanchère prenant cette sommation pour une offense, demande la révocation de la donation pour cause d'ingratitude. Mais sa prétention est rejettée par jugeinent du 1er prairial an XI, confirmé par arrêt du 12 ventose an xii, qui maintient la donation et condamne le donateur à rapporter main levée des inscriptions hypothécaires.

27 nivose an XIII, décès du sieur Lanchère, laissant plusieurs enfants légitimes. Edme Lanchère étant aussi décédé, Marie Bâtard se porte son héritière.

Les deux autres donataires et Marie Bâtard ayant provoqué l'exécution de l'arrêt du 12 ventose an x11, les enfants légitimes du sieur Lanchère demandent la nullité de la donation; ils se fondent sur la filiation adultérine des donataires, qui les rendait incapables de recevoir de leur père autre chose que des aliments; ils offrent de payer à chacun une pension alimentaire de 800 fr.

23 avril 1811, jugement qui annule la donation, et adjuge à chacun des deux donataires une pension de 1416 fr.

13 août 1813, arrêt infirmatif de la cour royale de Paris, qui déboute les enfants légitimes du sieur Lanchère de leur demande en nullité de la donation, et ordonne l'exécution de l'arrêt du 12

ventose an XII.

Pourvoi en cassation. Sept moyens sont présentés: 1° fausse application et violation de l'article 335 du Code civil, en jugeant que l'effet de cet article est de rendre, aux yeux de la loi, les enfants nés d'un commerce adultérin, étrangers à celui qui les reconnaît, et en confirmant, sur ce principe, la donation que l'auteur de la reconnaissance leur a faite en cette qualité; 2o violation des art. 1132 et 1133, en validant une obligation dont la cause exprimée est un délit; 3o fausse application de l'art. 100; 4o violation des art. 1350, 1351 et 1352, en contrevenant à la chose nonseulement jugée, mais acquiescée et non contestée; 5° violation des art. 762, 763, 764 et 908 du Code civil, et de l'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 2, en adjugeant à des enfants adultérins autre chose qu'un traitement alimentaire; 6o excès de pouvoir, en se permettant de juger contre les noms et qualités constamment pris au procès; 7o enfin violation des art. 1109 et 1110 du Code civil, en

sur

ne déclarant pas la donation nulle, pour erreur | interdite, surtout en matière d'adultère, par les dans les personnes. art. 340 et 342 du Code civil; et que, d'après la disposition générale de ces deux articles, la recherche ne peut pas plus avoir lieu contre dest enfants qu'à leur profit, pour établir leur filiation; qu'enfin, dans l'espèce, les faits et les actes qui contiendraient l'aveu de la part de la veuve Blainé et de ses deux frères, qu'ils sont enfants adultérins de Jean Lanchère, n'ont été ni constatés, ni interprétés par l'arrêt dénoncé; que la preuve qui peut en résulter n'a pas été appréciée par ledit arrêt, et qu'il n'entre pas dans les attributions de la cour de cassation, de vérifier des faits, d'interpréter des actes, ni d'apprécier la preuve qui en peut résulter; 5° que, des motifs qui précèdent, il suit nécessairement que l'arrêt dénoncé a fait une juste application de l'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 2, et des art. 100, 335, 340 et 342 du Code civil, et en a tiré de justes conséquences, en décidant que, malgré tous les actes et les jugements de rectification intervenus, l'état de la veuve Blainé et de ses deux frères demeure incertain; qu'ils sont, aux yeux de la loi, étrangers à Jean Lanchère, et que l'incapacité résultant des art. 762 et 908 du Code civil, ne leur est pas applicable; qu'en jugeant ainsi, il n'a commis aucun excès de pouvoir, et qu'il n'a pas violé les dispositions des art. 1350, 1351 et 1352 du Code civil, qui ne sont pas applicables à l'espèce; les deuxième et septième moyens proposés par les demandeurs, et qui sont relatifs, l'un à la cause illicite, l'autre à la cause fausse et à l'erreur, quant aux personnes qui se trouveraient dans la donation du 26 thermidor an vIII; que rien ne justifie que le second moyen ait été présenté devant la cour qui a rendu l'arrêt dénoncé; qu'il n'en est fait aucune mention, dans cet arrêt, ni dans les qualités et les faits, ni dans les questions qui ont été posées, ni dans les motifs; que les demandeurs conviennent eux-mêmes qu'ils n'ont pas proposé le septième moyen devant la cour d'appel de Paris, et que cependant ils auraient pu et dû le proposer, d'après les défenses fournies par la veuve Blainé et ses deux frères; qu'en conséquence, ces deux moyens ne sont pas admissibles comme ouvertures de cassation, puisque, en matière civile, un arrêt de cour d'appel ne peut être cassé pour n'avoir pas prononcé des nullitésqui n'avaient pas été demandées et proposées par les parties intéressées; que, d'ailleurs, pour décider que la paternité adultérine de Jean Lanchère a été l'unique cause de la libéralité qu'il a faite à la veuve Blainé et à ses deux frères, il faudrait interpréter les termes de l'acte de donation; mais que cette interprétation n'a pas été faite par l'arrêt dénoncé, et qu'elle n'est pas dans les attributions de la cour, etc.... » Voyez toutefois l'arrêt du 13 juillet 1813, rapporté à l'article Avantage indirect, n° III. Mais alors, dira-t-on, comment les enfants,

Mais le 28 juin 1815, arrêt de la section civile, au rapport de M. Chabot de l'Allier, qui rejette le pourvoi. En voici le texte : « La cour, sur les conclusions de M. Giraud Duplessis, avocat-général, et après en avoir délibéré en la chambre du conseil; vu l'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 2, et les art. 100, 335, 340, 342, 762, 763, 764,908, 1350, 1351 et 1352 du Code civil; -attendu, sur les premier, troisième, quatrième cinquième et sixième moyens proposés par les demandeurs en cassation, 1° que, conformément à l'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 2, l'état des enfants qui ont été reconnus, sous l'empire de cette loi, par Jean Lanchère et Marie Bâtard, doit être réglé par les dispositions du Code civil, Jean Lanchère et Marie Bâtard ayant survécu à la promulgation de ce Code; qu'ainsi, puisque l'état des enfants naturels ne peut dépendre que des reconnaissances qui ont été faites par leurs père et mère, les reconnaissances souscrites par Jean Lanchère doivent être réglées par les dispositions du Code civil, et qu'elles doivent l'être par la disposition de l'art. 335, puisqu'il s'agit de reconnaissances d'enfants adultérins; 2° que l'article 335 dispose, d'une manière générale, et en termes prohibitifs, que la reconnaissance ne pourra avoir lieu au profit des enfants nés d'un commerce incestueux et adultérin ; que l'objet de cet article, proclamé par les orateurs du gouvernement et par les orateurs du Tribunat, a été d'empêcher, par respect pour les bonnes mœurs et la pudeur sociale, toutes les reconnaissances, toutes les confessions volontaires des crimes d'inceste et d'adultère, et de prévenir les débats scandaleux auxquels pourraient donner lieu ces révélations honteuses; et qu'ainsi, lorsque ces reconnaissances, ces confessions volontaires ont été faites malgré la prohibition de la loi, elles ne peuvent produire aucun effet; 3° qu'aux termes de l'article 100 du Code civil, les jugements de rectification des actes de naissance ne peuvent, en aucun temps, être opposés aux parties intéressées qui ne les ont pas requis, ou qui n'y ont pas été appelés; d'où il suit qu'il n'est pas nécessaire que ces parties se pourvoient contre lesdits jugements, pour les faire anéantir; 4° que les confessions volontaires d'une filiation adultérine ou incestueuse, se trouvent proscrites par les mêmes motifs que les reconnaissances volontaires d'une paternité adultérine ou incestueuse; qu'elles offenseraient également les bonnes mœurs; qu'elles porteraient également atteinte à la pudeur sociale; qu'elles donneraient également lieu à des débats scandaleux, et qu'en conséquence elles sont également illicites; que, d'ailleurs, rechercher dans des faits et des actes la preuve de l'aveu d'une filiation adultérine, ce serait indirectement rechercher la paternité; mais que toute recherche de paternité est formellement

II. Les enfants adultérins sont-ils placés sous la puissance paternelle?

adultérins ou incestueux pourront-ils obtenir les aliments que leur accorde l'article 762, si, d'un côté, la recherche de la paternité et de la ma- L'affirmative est adoptée par M. Loiseau, dans ternité leur est interdite, et si, de l'autre, il est son Traité des enfants naturels. Cet auteur, conencore défendu de les reconnaître volontaire-sidérant la puissance paternelle comme un droit ment ?

tutélaire, s'exprime ainsi : « Du fait seul de la paternité et de la maternité, dérive l'obligation de nourrir, d'élever et de protéger l'être faible auquel nous avons donné la vie; et comme on ne peut vouloir la fin sans vouloir le moyen, la même obligation emporte essentiellement le droit de diriger cet enfant, de le conseiller, et même de le corriger convenablement. Si donc la puissance paternelle.... n'est plus qu'une tutelle légale, tous les enfants nés hors le mariage, c'est-à-dire, les enfants naturels, les adultérins, et même les incestueux, doivent, comme les enfants légitimes, jouir de ce bienfait. » ( Page 743.)

La réponse à cette objection est simple. Il peut se présenter bien des cas où la filiation adultérine ou incestueuse serait certaine. Par exemple, par suite d'une recherche de maternité, ou de paternité, dans le cas d'enlèvement, on acquiert la preuve de la filiation de l'enfant naturel; mais il résulte en même temps de l'instruction, la preuve que cet enfant doit le jour à un commerce adultérin ou incestueux. Que fera alors l'autorité judiciaire ? Elle déclarera la filiation constante, mais en même temps elle la déclarera adultérine ou incestueuse. C'est, en effet, en ce sens que l'article 762 a été particulièrement entendu. « Cependant, disait M. Treilhard, dans l'exposé des motifs du titre des successions, et en parlant de cet article, cependant, comme la recherche de la maternité admise par la même loi (celle sur la paternité et la filiation) pourrait entraîner la preuve de commerces adultérins ou incestueux, il a bien fallu assurer des aliments aux fruits malheureux de ces désordres révoltants.» La filiation incestueuse peut encore être certaine, lorsqu'il s'agit d'enfants nés d'un mariage contracté entre parents, au degré prohibé, et déclaré nul ensuite, pour cause de parenté. La qualité d'enfant adultérin peut être constante, lorsque l'enfant est né d'un second mariage contracté avant la dissolution du premier; elle peut l'être encore, lorsque, conformément à l'art. 312, il y a désaveu de paternité d'un enfant né pendant le mariage. Dans ces diverses hypothèses, la filiation adultérine ou incestueuse de l'enfant se trouve acquise sans re-mot Enfant naturel, § 11; mais ce droit reçoit, cherche et sans reconnaissance volontaire, et par la seule force des choses; c'est pour ces cas que les art. 762 et 763 ont été décrétés.

Mais l'art. 383 du Code civil, qui est relatif à la puissance paternelle des père et mère naturels sur leurs enfants, ne paraît pas favorable à ce système : il n'accorde, en effet, cette puissance que sur les enfants naturels légalement reconnus et l'on sait que la reconnaissance des enfants adultérins ou incestueux est formellement prohibée. Sans doute le père d'un enfant adultérin doit le nourrir, l'élever, protéger son enfance; mais s'ensuit-il qu'il soit investi, à son égard, de la puissance paternelle telle qu'elle est caractérisée par la loi ? Sans doute cette puissance, fondée sur la nature, dérive du fait de la paternité; mais s'ensuit-il qu'en droit elle soit attachée à la paternité adultérine? C'est ce qu'il est permis de contester. La puissance paternelle est un droit fondé sur la nature, le fait est certain, et c'est pour cela qu'elle a lieu sur les enfants naturels légalement reconnus, comme on peut le voir au

comme le disait M. Bigot-Préameneu, une confirmation de la loi civile, et cette confirmation n'existe pas dans notre Code, à l'égard des enfants légitimes qui ne sont pas légalement reconnus, et par conséquent de ceux qui, comme les enfants

Les aliments, dans le cas où ils sont dus, sont réglés eu égard aux facultés du père ou de la mère, au nombre et à la qualité des héritiers lé-nés de l'inceste ou de l'adultère, ne peuvent jamais gitimes. (Code civ., art. 763.)

Lorsque le père ou la mère de l'enfant adultérin ou incestueux lui auront fait apprendre un art mécanique, ou lorsque l'un d'eux lui aura assuré des aliments de son vivant, l'enfant ne pourra élever aucune réclamation contre leurs successions. (Code civ., art. 764.)

L'obligation des aliments doit être réciproque entre l'enfant adultérin ou incestueux, et ses père et mère. Les aliments ne sont dus que lorsque celui qui les réclame en a besoin, et que celui à qui ils sont demandés peut les donner. Leur prestation cesse, lorsque l'un n'en a plus besoin, ou lorsque l'autre ne peut plus les fournir.

Voyez ce que nous avons dit au mot Enfant naturel, § 1.

l'être. La loi ne veut pas que ces enfants du crime puissent être reconnus, parce qu'elle veut empêcher la révélation d'une turpitude; comment pourrait-elle établir des droits dont l'exercice serait un aveu perpétuel et scandaleux de cette même turpitude? La loi ne reconnaît la filiation adultérine ou incestueuse que dans un cas d'absolue nécessité, lorsqu'il s'agit de donner des aliments réclamés par l'humanité.

III. Les père et mère d'un enfant adultérin ont-ils sur ses biens l'usufruit légal?

L'usufruit accordé par la loi aux père et mère sur les biens de leurs enfants, est une émanation de la puissance paternelle, il en est le droit utile. Ainsi cette question doit se résoudre par une conséquence de la première.

IV. La reconnaissance légale des enfants natu- | rels produit entre eux et leur père et mère un lien de parenté, et cette parenté produit une affinité. Ainsi une femme légitimement mariée, est alliée de l'enfant naturel reconnu par son mari, et vice versa.

En est-il de même à l'égard des enfants adultérins? Lorsque leur filiation adultérine se trouve établie, produit-elle une parenté et une affinité ? Voyez l'arrêt de la cour de cassation du 6 avril 1809, rapporté à l'article Enquête, section 1, § III, no Ix.

re

V. Les héritiers légitimes sont-ils admissibles à prouver par témoins qu'un légataire est enfant adultérin du testateur, afin de faire déclarer le legs nul?

Non; car ce serait faire une recherche de paternité, et même d'une paternité adultérine; ce qui est doublement prohibé, et par l'art. 340 et par l'art. 342 du Code civil.

La cour de cassation l'a ainsi décidé par arrêt du 14 mai 1810, rapporté en ces termes au Bulletin civil:

Le 13 floréal an III, François Dubois passa vente à Françoise Lemur d'un domaine qui lui appartenait à la Berle, moyennant 6000 francs que le vendeur reconnaît avoir reçus, et sous réserve d'usufruit tant pour lui que pour sa femme pendant leur vie.

Françoise Lemur avait alors, comme elle a encore aujourd'hui, deux enfants naturels, inscrits sur les registres de l'état civil comme nés de père inconnu; et ces enfants jouissaient d'une possession d'état conforme à leur titre, lorsque, le 17 fructidor an XII, François Dubois, qui n'avait pour héritiers naturels que des collatéraux, les institua dans son testament pour ses légataires universels, en déclarant qu'ils avaient eu le malheur de perdre leur père.

François Dubois mourut presque aussitôt; et à l'instant de son décès, sans attendre l'ouverture de son testament, ses héritiers naturels se mirent en possession des biens qu'il avait délaissés ; mais ils y furent troublés par Françoise Lemur, qui demanda, de son chef, l'exécution du contrat de vente du 13 floréal an 111, et du chef de ses enfants, celle du testament de François Dubois du 13 fructidor an XII.

Les héritiers naturels du testateur contestèrent la validité de la vente et celle du testament, sur les motifs que la vente n'avait été qu'une libéralité déguisée, faite par Dubois en faveur de sa concubine, et que le testament était au profit d'enfants adultérins du testateur.

Françoise Lemur dénia, pour ce qui la concernait, qu'elle eût été la concubine de François Dubois; elle soutint, d'ailleurs, que, quand elle l'aurait été, il n'en résulterait, dans sa personne, aucune incapacité d'en recevoir une libéralité, la vente du 13 floréal an 111, considérée comme

Tome II.

telle, ayant été passée sous l'empire de la loi du 17 nivose an 2, qui avait révoqué les dispositions de l'art. 32 de l'ordonnance de 1629, prohibitif des donations entre concubinaires.

Dans l'intérêt de ses enfants, Françoise Lemur prétendit qu'ayant été inscrits sur les registres de l'état civil comme nés de père inconnu, et ayant toujours joui de leur état conformément à leur titre de naissance, il n'était pas possible de leur supposer un autre état, pour leur enlever le fruit de l'institution testamentaire de François Dubois.

Ces moyens employés par Françoise Lemur, déterminèrent les héritiers naturels du côté maternel de François Dubois, à consentir l'exécution pure et simple du contrat de vente du 13 floréal an III, et du testament du 17 fructidor an XII: mais les héritiers du côté paternel persistèrent dans leurs prétentions; ils offrirent, en conséquence, de rapporter la preuve, soit du concubinage de François Dubois avec Françoise Lemur, soit de la qualité d'enfants adultérins dudit Dubois dans la personne de ses héritiers institués.

Cette preuve fut admise par arrêt du 31 mars 1808, contre lequel Françoise Lemur se pourvut en temps utile; ce qui n'empêcha pas d'en suivre l'exécution.

En première instance, Françoise Lemur avait gagné sa cause, attendu, en premier lieu, que le Code civil interdisait la recherche de paternité d'une manière absolue; et attendu, en second lieu, que, le testament devant avoir son effet, les héritiers naturels de François Dubois restaient sans intérêt et sans qualité pour contester la validité du contrat de vente du 13 floréal an III.

La cour d'appel, dans ses considérant, convint bien aussi que, si le testament devait obtenir son effet, les héritiers de François Dubois seraient sans qualité pour attaquer la validité de l'acte du 13 floréal an III; elle convint également que si les héritiers institués ne devaient être regardés que comme de simples enfants naturels, ils étaient capables de recueillir le fruit des libéralités de François Dubois.

Mais la cour d'appel prétendit que le Code civil ne s'opposait pas à ce que les héritiers naturels du testateur fussent admis à la preuve que ses héritiers institués étaient réellement ses bâtards adultérins ; et que, s'ils parvenaient à remplir cette preuve, le testament devrait être annulé, sauf à accorder aux héritiers institués de simples ali

ments.

Dans cette supposition, la cour d'appel déclara qu'il y avait lieu non-seulement à admettre les héritiers naturels de François Dubois à rapporter la preuve des faits qu'ils avaient posés, mais aussi celle du concubinage de Françoise Lemur avec François Dubois, puisque, si les héritiers institués se trouvaient déchus de leur legs, les héritiers naturels auraient intérêt et qualité pour

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