Page images
PDF
EPUB

Rémond, sans relever encore la nullité de l'assignation du 6, fit sa contre-enquête le 22.

Mais, le 10 novembre suivant, jour où il signifia cette contre-enquête, il demanda la nullité de cette assignation ainsi que de l'enquête, à défaut de mention, dans la copie, de la personne à qui elle avait été laissée.

Dusaultoir et consorts répondirent que l'article 261 n'exigeait pas cette mention; et, qu'au surplus, cette nullité était couverte par la contreenquête faite par Rémond, dans la vue d'établir, au fond, que le passage, objet du litige, n'était pas dû; et ils le firent ainsi juger, le 23 du même mois, par le tribunal de Saint-Omer, qui écarta cette nullité, soit parce que cet article 261 n'exigeait pas, comme l'article 61, mention, dans la copie, de celui a qui elle est laissée, soit parce que l'avoué de Rémond convenait qu'il avait reçu cette copie, et qu'il l'avait reportée avant le jour fixé par l'enquête à Rémond qui ne le déniait

pas.

Appel et arrêt de la cour d'appel de Douai, du 12 juin 1809, qui, après avoir reconnu la nullité de cette assignation, parce que l'assignation ordonnée par l'art. 261 est soumise aux formalités prescrites, à peine de nullité, par l'article 61, pour toute assignation, confirme néanmoins ce jugement, non-seulement, à cause de cet aveu fait par l'avoué de Rémond, mais encore parce que cette contre-enquête, faite avant que cette nullité fût proposée, l'aurait au besoin cou

verte.

Cet arrêt faisait évidemment une fausse application de l'art. 173 du Code de procédure, qui admet la défense ou exception comme couvrant une semblable nullité articulée depuis ; il violait en outre l'article 61 du même Code, qui exige, à peine de nullité, la désignation de la personne à qui est remise la copie de l'exploit. Il expliquait faussement l'art. 173,

« Oui le rapport de M. Babille, conseiller en la cour, les observations de Camus, avocat de Dusaultoir et consorts; et les conclusions de M. Daniels avocat-général;

« Vu les articles 61 et 261 du Code de procédure civile;

« Et attendu que l'assignation pour assister à une enquête, notifiée, conformément à l'article 261 ci-dessus, au domicile de l'avoué constitué, est assujettie aux mêmes formalités que l'assignation donnée au domicile réel de la partie et doit, par conséquent, aux termes de l'art. 61, déclarer, à peine de nullité, sur la copie comme sur l'original, à qui cette copie a été laissée;

« Et qu'ainsi l'assignation donnée à Rémond, pour assister à l'enquête, aurait dû être déclarée nulle, puisque la copie laissée à l'avoué constitué par Rémond ne dit pas à qui elle a été remise ;

« Attendu que cette nullité, expressément reconnue par l'arrêt attaqué, n'a pu être ensuite déclarée couverte ni par la déclaration faite en jugement par l'avoué de Rémond, qui, quoique présent à l'audience, ne l'a pas contredite, que cette copie lui avait été remise, et qu'il l'avait ensuite rendue à Rémond avant le jour fixé pour l'enquête; ni par la contre-enquête faite depuis par celui-ci ;

« 1° Parce que la formalité du parlant à.............. étant intrinsèque et essentielle dans un exploit d'assignation, doit être consacrée par l'acte même et ne peut être suppléée par aucun témoignage êt

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

procédé;

[ocr errors]

Qu'il n'y a pas été procédé en vertu de l'assignation ensuite arguée de nullité;

« Qu'il n'y a été procédé qu'en vertu d'une ordonnance ad hoc qui l'a permise, et en exécution de laquelle Rémond a dû faire assigner lui-même sa partie adverse;

« Mais que dans l'espèce il n'en est pas de 1° Parce que l'exploit devant prouver par lui-même de la contre-enquête à laquelle il a été même l'observation des formalités que l'art. 61 prescrit, à peine de nullité, en toute assignation, l'aveu de la remise de cet exploit, avant le jour fixé pour l'enquête à Rémond, ne pouvait élever aucune fin de non-recevoir contre cette nullité; 2o Parce que la contre-enquête n'était pas faite en vertu de l'assignation dont il s'agit, mais en exécution de l'ordonnance obtenue personnelle- Ensorte que cette contre-enquête ne dérivant ment par Rémond; et qu'ainsi cette contre-en- en aucune manière de l'assignation nulle, en étant quête n'avait pu couvrir cette nullité, puisqu'elle absolument indépendante, n'a pu avoir l'effet de était étrangère à l'assignation dont elle était abso-couvrir la nullité de cette assignation; lument indépendante, et n'en était pas la conséquence nécessaire et immédiate.

Il violait, par suite, l'art. 61 de ce Code, puisqu'il donnait effet à une assignation dont cet article prononçait textuellement l'annulation et qu'il venait lui-même de reconnaître nulle.

Ces fausse application et violation ont été réprimées par l'arrêt de cassation qui suit:

[ocr errors]

« D'où il suit que l'arrêt a faussement appliqué l'article 173 ci-dessus, rappelé et violé par suite les articles 61 et 261 également rappelés.

Par ces motifs la cour casse et annule l'arrêt rendu, le 12 juin 1809, par la cour d'appel de Douai, etc.

D

« Fait et prononcé, etc. Section civile.
Par suite du même principe, l'assignation

gnations données à domicile, est-il applicable à l'assignation donnée à la partie au domicile de son avoué pour être présente à l'audition des témoins?

donnée à plusieurs parties au domicile de leur avoué commun est nulle, s'il n'est laissé autant de copies qu'il y a de parties intéressées; et c'est, en effet, ce qu'a jugé un arrêt de la cour royale de Dijon, du 14 mars 1818. (Sirey, 1818, 2° partie, page 228.)

IV. Si, au lieu d'être notifiée au domicile de l'avoué, l'assignation est remise au domicile de la partie, elle est radicalement nulle, ainsi que l'enquête faite en conséquence. La cour de cassation, section civile, l'a ainsi décidé par arrêt du 17 décembre 1811, au rapport de M. Babille, dont voici les motifs qui en feront suffisamment connaître l'espèce :

« La cour, considérant, sur le premier moyen, que la disposition de l'art. 261 du Code de procédure, qui veut, à peine de nullité, que l'assi gnation, pour être présent à l'enquête, ne soit donnée au domicile réel de la partie qu'autant qu'elle n'a pas d'avoué constitué, au domicile duquel cette assignation puisse l'être, est générale et absolue, et qu'elle ne comporte aucune exception, pas même celle où cette enquête se fait dans le lieu même où cette partie est domiciliée, et à une distance éloignée de celui où siége le tribunal qui l'a ordonnée;

« Considérant que la peine de nullité que cet article attache à son inexécution, s'applique à toutes les parties de cet article, et, par consé quent, à celle relative à l'assignation, comme à celle concernant les indications par rapport aux témoins; ce qui résulte évidemment de ces mots LE TOUT à peine de nullité; d'où il suit qu'en déclarant nulle l'assignation, et par suite l'enquête dont il s'agit, sur le motif que cette assignation avait été donnée aux défendeurs à leur domicile réel, et non à celui de leur avoué constitué, ainsi que le veut cet art. 261, d'une manière absolue, qui ne permet pas d'exception, ni même d'en chercher l'esprit, son texte étant clair et précis, cet arrêt, loin de violer la disposition de cet article, s'y est au contraire littéralement conformé; Considérant, sur le second moyen, que de la combinaison des articles 292 et 293 du même Code, il résulte qu'une enquête déclarée nulle ne doit être recommencée que quand la nullité en peut être imputée au juge-commissaire; qu'il est établi par l'instruction, que c'est uniquement par la faute de l'huissier des demanderesses que l'assignation a été donnée à un domicile autre que celui prescrit, à peine de nullité, par l'art. 261; et que c'est au surplus ce qui est jugé en fait par l'arrêt attaqué, et ne peut fournir matière à cassation; d'où il suit pareillement qu'en déniant, comme il l'a fait, aux demanderesses la faculté de recommencer leur enquête, l'arrêt dénoncé a fait une juste application de ces art. 292 et 293; rejette, etc. »>

«

[ocr errors]

"

Un arrêt de la cour de cassation, section des requêtes, du 22 novembre 1810, rendu au rapport de M. Bailly, et sur les conclusions conformes de M. Merlin, a décidé que non, attendu que la prorogation de délai à raison d'un jour pour trois myriamètres de distance, voulue par l'art. 1033 du Code de procédure, pour les actes qui sont faits à personne ou domicile, n'a pas été également prescrite par l'art. 261, qui, en matière d'enquête, concerne l'assignation à donner à la partie au domicile de son avoué. » (Sirey, 1811, page 54.)

Mais un arrêt de la même cour, section civile, du 11 janvier 1815, semble avoir adopté des principes différens. Voici l'espèce dans laquelle il a été rendu, telle qu'elle est rapporté au Bulletin civil.

Il s'agissait de savoir:

1° Si le délai de trois jours, qui est prescrit par l'art. 261 du Code de procédure civile, entre l'assignation donnée à la partie, au domicile de son avoué, pour assister à l'enquête, et le jour où les témoins sont entendus, doit être, conformément à l'art. 1033 du même Code, augmenté d'un jour, à raison de trois myriamètres de la distance qui existe entre le domicile de l'avoué où l'assignation a été donnée, et le lieu où l'enquête est faite;

2o Si les preuves résultant d'une enquête peuvent être opposées à la partie qui n'a pas été assignée pour être présente à cette enquête, et qui n'y a pas assisté, quoiqu'elle fût partie dans la contestation.

En fait, par actes passés devant notaires, les 20 janvier, 17, 22 et 25 février 1808, Delestrange a souscrit des obligations de diverses sommes au profit de Fressinet, Divernesse, Lassaigne, Drive et Desassis.

Les porteurs de ces obligations ont pris des inscriptions hypothécaires.

Le 25 du même mois de février, Delestrange a vendu à Fressinet les bestiaux qui garnissaient la réserve de sa terre de Magnac.

Dupie était créancier de Delestranges, en vertu de lettres-de-change. Les 8 et 15 avril 1808, il a obtenu des jugements de condamnation en vertu desquels il a pris une inscription hypothécaire; mais il se trouvait primé par les porteurs d'obligations.

Par acte du 1er mars 1809, Delestrange a vendu sa terre de Magnac à Grellet, Fressinet, Desassis, Roi-Pierrefitte et Ruineau-Saint-Georges.

Le 20 janvier 1810, Dupie a formé demande en nullité de l'acte de vente, pour cause de dol et fraude, et subsidiairement en rescision, pour V. Le délai d'un jour pour trois myriamètres cause de lésion: il a assigné Delestrange en déde distance prescrit par l'art. 1033 pour les assi-claration de jugement commun.

La disposition de cet arrêt qui a rejeté le moyen de nullité proposé contre les enquêtes, est ainsi motivée :

Il a, en outre, formé, le 4 juillet 1810, contre | Ravel et Magdelaine Chabrillat, autres créanciers Fressinet, Desassis, Lassaigne, Drive et Diver- de Delestrange, qui étaient intervenus, et avaient nesse, une demande tendante à ce que les cinq pris les mêmes conclusions que Dupie. obligations souscrites à leur profit par Delestrange, fussent déclarées frauduleuses, simulées et nulles; que main-levée fût donnée des inscriptions prises en vertu desdites obligations, et que lesdits Fressinet, Desassis, Lassaigne, Drive et Divernesse, fussent condamnés à payer ses créances, avec 100,000 francs de dommages et intérêts.

Delestrange est intervenu sur la demande en nullité de la vente; il a articulé des faits de dol, de fraude et même de violence, qu'il soutenait avoir été pratiqués à son préjudice particulier; et il a adhéré aux conclusions prises par Dupie. Plusieurs jugements ont été rendus par le tribunal de première instance. Ils ont débouté Dupie de sa demande en nullité des cinq obligations: ils ont, en outre, débouté Dupie et Delestrange de leur demande en nullité de la vente; et, avant de faire droit sur la demande en rescision pour cause de lésion, ils ont ordonné l'estimation des biens vendus.

Sur l'appel de ces jugements, un premier arrêt rendu par la cour de Limoges, le 11 juin 1812, a ordonné, avant de faire droit au principal, que Dupie et Delestrange prouveraient, tant par titres que par témoins, les faits de dol et de fraude par eux articulés. La preuve contraire n'a été réservée qu'à Fressinet, Grellet, Desassis, Roi-Pierrefitte et Ruineau-Saint-Georges.

En vertu de cet arrêt, Delestrange a fait procéder à une enquête devant un membre de la cour de Limoges; et, en vertu d'un second arrêt du 26 août 1812, qui prorogeait le délai pour faire enquête, jusqu'au 10 novembre suivant, Delestrange a fait procéder à de nouvelles enquêtes devant les juges de paix des cantons de Riom, Pontaumur, Saint-Pourçain, Clermont-Ferrand et Aigueperse.

La discussion s'étant engagée sur le fond, les parties ont proposé respectivement plusieurs moyens, et notamment Grellet, Fressinet, Desassis, Roi-Pierrefitte et Ruineau-Saint-Georges, ont demandé la nullité des enquêtes qui avaient été faites devant les juges de paix de Riom, de Pontaumur, de Saint-Pourçain, de Clermont-Ferrand et d'Aigueperse, attendu que les délais prescrits par les articles 261 et 1033 du Code de procédure civile n'avaient pas été observés entre les assignations données au domicile de leur avoué à Limoges, et les jours indiqués pour l'audience des

témoins.

Le 17 mai 1813, arrêt contradictoire et définitif qui, sans avoir égard aux nullités proposées contre les enquêtes, et ayant, au contraire, égard aux preuves résultant des enquêtes, a déclaré la vente du 1er mars 1809, et les cinq obligations des 20 janvier, 17, 22 et 25 février 1808, frauduleuses et nulles, relatives à Dupie et à Louis

- Considérant que l'art. 261 du Code de procédure veut que la partie soit assignée, pour être présente à l'enquête, au domicile de son avoué, si elle en a constitué un, trois jours au moins avant l'audition; que cet article ne fait pas de distinction entre les parties plus ou moins éloignées du lieu où doit se faire l'enquête, et les comprend toutes indistinctement; qu'aucun autre article du Code ne prescrit de plus long délai en faveur des parties dont le domicile serait plus ou moins éloigné; qu'il n'est point permis d'ajouter, sous prétexte de leur insuffisance, aux dispositions de la loi, qui a dû ordonner tout ce qui était nécessaire; qu'il est même facile d'apprécier ici la sagesse de la loi, dans la fixation générale indistinctement faite par toutes les parties sans exception, d'un délai commun, en la rapprochant des dispositions qui la précèdent ou la suivent, et des délais de rigueur dans lesquels elle ordonne, à peine de nullité, que les enquêtes soient commencées; délais incompatibles avec ceux que pourrait exiger encore le plus ou moins d'éloignement des parties, qui, étant déja instruites, par la signification du jugement qui ordonne la preuve, du bref délai de l'assignation qui doit leur être donnée pour être présentes, si bon leur semble, à l'enquête, ont dû prendre à l'avance leurs précautions pour instruire leurs avoués de tout ce qu'il pouvait importer de faire dans leur intérêt; que le moyen de nullité opposé aux enquêtes faites à Riom, Clermont, Saint-Pourçain, Pontaumur et Aigueperse, ne saurait dès lors être accueilli, d'autant que le délai de trois jours prescrit par la loi pour l'assignation des parties y a été non-seulement observé, mais qu'il a même été étendu au-delà, puisque cette assignation a été donnée le 21 octobre, pour les 29, 30, 31 dudit mois, 2, 5 et 6 novembre suivants, ce qui présente, pour le moindre délai, sept jours francs, non compris celui de l'assignation et celui de l'échéance. »

Grellet, Fressinet, Desassis, Roi-Pierrefitte, Ruineau-Saint-Georges, Lassaigne, Derive, Divernesse et Jourdain, sous - cessionnaires, se sont tous pourvus contre l'arrêt du 17 mai 1813.

Ils ont proposé plusieurs moyens de cassation: il suffira d'en faire connaître deux principaux. Le premier consistait dans une violation des art. 261 et 1033 du Code de procédure.

En droit, les demandeurs ont soutenu que la disposition de l'art. 1033 devait être appliquée aux assignations données aux parties, au domicile de leurs avoués, pour être présentes aux enquêtes, puisqu'autrement, et dans le cas où les enquêtes seraient faites à une distance de plus de trois

myriamètres du domicile de l'avoué, la disposition | noncé était fondé principalement sur les aveux de l'art. 261 qui accorde aux parties le droit d'assister aux enquêtes, et celle de l'art. 270 qui leur impose l'obligation de proposer les reproches avant l'audition des témoins, ne pourraient pas être

exécutées.

En fait, ils ont soutenu que les délais prescrits par les art. 261 et 1033, n'avaient pas été observés à l'égard des enquêtes faites hors de la ville de Limoges; et que notamment à l'égard de l'enquête faite à Clermont-Ferrand, il n'y avait eu qu'un délai de sept jours entre l'assignation donnée au domicile de l'avoué à Limoges, et le jour où les témoins ont été entendus à Clermont-Ferrand, quoiqu'il y ait eu entre ces deux villes une distance de vingt-un myriamètres et demi.

Les défendeurs n'ont pas contesté les faits allégués par les demandeurs; mais ils ont soutenu, en droit, que la disposition de l'art. 1033 n'était pas applicable aux assignations dont il est parlé dans l'art. 261. Après avoir rappelé les motifs de l'arrêt dénoncé, ils ont ajouté que le texte même de l'art. 1033, qui ne parle que d'actes faits a personne ou domicile, s'oppose à ce que la disposition de cet article soit appliquée à des assignations qui, d'après l'art. 261, doivent être données, non au domicile réel des parties, mais au domicile de leurs avoués.

Les défendeurs ont, en outre, invoqué en faveur de leur système un arrêt de la section des requêtes de la cour de cassation, du 22 novembre 1810.

Mais il a été reconnu que cet arrêt avait été rendu sur une question et dans une espèce bien différentes. Il s'agissait de savoir, dans l'espèce, sur laquelle est intervenu cet arrêt, si le délai entre l'assignation donnée au domicile de l'avoué et le jour où l'enquête devait être faite, devait être augmenté d'un jour par trois myriamètres, à raison de la distance du domicile réel de la partie qui avait été assignée au domicile de son avoué. C'était ainsi que, par sa requête en pourvoi, du 31 juillet 1810, le sieur Dhervault de Plumartin proposait son moyen de cassation contre l'arrêt de la cour de Poitiers, qui avait justement rejeté sa prétention, puisqu'on ne doit considérer que la distance entre le domicile de l'avoué et le lieu où l'enquête était faite.

Le second moyen de cassation proposé par Lassaigne, Drive, Divernesse et Jourdain, consistait dans une violation des articles 256, 261, 270 et 275 du Code de procédure civile, en ce que l'arrêt du 17 mai 1813 avait décidé, d'après les preuves résultant des enquêtes, que les obligations étaient frauduleuses et nulles, quoique lesdits Lassaigne, Drive, Divernesse et Jourdain n'eussent pas été assignés pour être présents à ces enquêtes, et n'y eussent pas assisté, et que même, par le premier arrêt du 11 juin 1812, la preuve contraire ne leur eût pas été réservée.

Les défendeurs ont répondu, 1o que l'arrêt dé

faits par Lassaigne, Drive, Divernesse et Jourdain; 2° que l'article 261 du Code de procédure civile n'ordonne pas, à peine de nullité, que les parties soient assignées pour être présentes aux enquêtes; 3° qu'il n'était pas nécessaire de réserver à Lassaigne, Drive, Divernesse et Jourdain, la preuve contraire, puisqu'il est dit dans l'article 256 du même Code, que la preuve contraire sera de droit.

« Sur quoi, ouï le rapport fait par M. Chabot de l'Allier, conseiller en la cour, et les conclusions de M. Joubert, avocat-général;

a

Attendu, 1o en point de droit, qu'il résulte de la combinaison des articles 258, 259, 261, 270, 273 et 1033 du Code de procédure civile, que la disposition de l'article 1033, qui porte que le délai général fixé pour les ajournements, les citations, sommations et autres actes faits à personne ou domicile, sera augmenté d'un jour, à raison de trois myriamètres de distance, doit être nécessairement appliqué aux assignations qui, suivant l'article 261, sont données aux parties au domicile de leurs avoués, pour être présentes aux enquêtes;

«

Qu'en effet, s'il suffisait que, suivant la disposition isolée de l'article 261, il n'y eût qu'un délai de trois jours entre l'assignation au domicile de l'avoué et l'audition des témoins, quelle que fût la distance entre le domicile de l'avoué et le lieu où l'enquête doit être faite, il est évi dent que la partie qui est instruite du jour où les témoins doivent être entendus, non par la signification du jugement qui ne fait que déterminer le délai dans lequel l'enquête sera commencée, mais seulement par la notification qui lui est faite de l'ordonnance du juge-commissaire, et par l'assignation qui lui est en même temps donnée au domicile de son avoué, pour être présente à l'audition des témoins, aux jour, heure et lieu indiqués par l'ordonnance, n'aurait pas le temps nécessaire pour se rendre à ces jour, heure et lieu avant l'audition des témoins, lorsque l'enquête serait faite à une distance considérable du domicile de l'avoué;

[ocr errors]

Que, d'autre part, et dans le même cas, la partie se trouverait dans l'impossibilité de proposer des reproches contre les témoins produits contre elle, puisqu'aux termes de l'article 270, elle doit proposer les reproches avant l'audition des témoins; que, suivant l'article 261, ce n'est que dans l'assignation qui lui est donnée au domicile de son avoué, que sont indiqués les noms, professions et demeures des témoins à produire contre elle; et qu'ainsi, ne connaissant les témoins que par l'assignation, elle n'aurait pas le temps nécessaire pour fournir les reproches avant l'audition des témoins;

[ocr errors]

Qu'il en résulterait donc que, dans tous les cas où une partie ne pourrait, dans le délai de

trois jours à compter de celui où l'assignation lui a été donnée au domicile de son avoué, se transporter elle-même, ou que son avoué ne pourrait se transporter, à raison de l'insuffisance du délai, aux jour, heure et lieu indiqués pour l'audition des témoins par l'ordonnance du juge-commissaire; elle se trouverait privée du droit d'assister à l'enquête, privée du droit de faire aux témoins, par l'organe du juge-commissaire, conformément à l'article 273, les interpellations convenables pour éclaircir les dépositions, et enfin privée du droit de fournir des reproches contre les témoins; Mais qu'on ne peut pas raisonnablement supposer que telle ait été l'intention du législateur, et que, d'ailleurs, les dispositions des art. 261, 270 et 273, étant générales et illimitées, ne peuvent être restreintes à certains cas, pour rester sans exécution à l'égard de tous les autres;

[ocr errors]

"

Qu'à la vérité, ces expressions, actes faits à personne ou domicile, qui se trouvent employées dans l'article 1033, ne s'appliquent ordinairement qu'aux actes qui sont faits au domicile réel des parties, ou à leur personne; mais que la partie contre laquelle on veut faire une enquête, est censée, d'après l'article 261, avoir son domicile chez son avoué, pour que les opérations se fassent avec plus de célérité; que c'est elle-même qui est assignée au domicile de son avoué, pour être présente à l'enquête; qu'elle est assignée, non par un simple acte d'avoué à avoué, mais par un exploit dans la forme ordinaire; et qu'ainsi l'assignation devant être considérée comme si elle était faite au domicile même de la partie, se trouve comprise dans la disposition de l'article 1033;

[ocr errors]

Qu'au surplus, l'expression domicile étant générique, peut comprendre le domicile fixé par la loi chez un tierce personne, comme le domicile réel ; et que, dans l'espèce actuelle, elle doit nécessairement comprendre le domicile légal chez l'avoué, puisque autrement les dispositions des articles 261, 270 et 273, quoique générales et illimitées, seraient souvent inexécutables, et que, pour interpréter sainement les termes d'un article de loi, il faut toujours les mettre en accord avec les autres dispositions de la même loi qui sont claires et précises;

K

Qu'en appliquant ces principes à la cause actuelle, il est certain que les délais entre les as signations et les enquêtes n'ont pas été suffisants; qu'il a été soutenu par les demandeurs et non contesté par les défendeurs, que les délais prescrits par les articles 261 et 1033, n'ont pas été observés à l'égard de toutes les enquêtes qui ont été faites hors de la ville de Limoges; que notamment, à l'égard de l'enquête qui a été faite à Clermont-Ferrand, il est prouvé par les pièces qui ont été produites, qu'entre l'assignation au domicile de l'avoué à Limoges, et le jour où les témoins ont été entendus, il n'y a eu qu'un délai

de sept jours, quoique la distance entre les villes de Limoges et de Clermont-Ferrand soit de 21 myriamètres et demi, et qu'en conséquence, ce délai dût être de onze jours, suivant les dispositions réunies des articles 261 et 1033;

"

« D'où il suit qu'en rejetant la demande en nullité de ces enquêtes, et en décidant, au contraire, d'après les preuves résultant des enquêtes, que la vente du 1er mars 18c9 était frauduleuse et nulle relativement à Dupie, Ravel et Madelaine Chabrillat, l'arrêt dénoncé a expressément violé les dispositions des articles 261, 270, 273 et 1033 du Code de procédure civile ;

[ocr errors]

2o Que la même violation se trouve également dans la disposition de l'arrêt qui a déclaré frauduleuses et nulles, relativement à Dupie, Ravel et Madelaine Chabrillat, les cinq obligations souscrites par Delestrange au profit des parties de Barbé; de Fressinet et Desassis, parties de Guichard, puisque c'est également d'après les preuves résultantes des enquêtes que l'arrêt a décidé que ces cinq obligations étaient frauduleuses et nulles;

« Que, d'ailleurs, on ne pouvait faire usage, à l'égard des parties de Barbé, des preuves résultant des enquêtes, puisque ces parties n'avaient pas été assignées pour y être présentes, puisqu'elles n'y avaient pas assisté, puisque les noms, professions et demeures des témoins ne leur avaient pas été notifiés, puisqu'elles n'avaient conséquemment pu fournir des reproches contre les témoins, avant leur audition; et qu'ainsi, sous ce nouveau rapport, il y a encore eu violation des art. 261,270 et 273 du Code de procédure civile;

[ocr errors]

er

La cour casse et annule l'arrêt de la cour de Limoges, du 17 mai 1813, dans toutes ses dispositions, à l'exception seulement, 1o de celle qui a déclaré Delestrange non recevable dans ses conclusions en nullité des cinq obligations, de la vente de la terre de Magnac, du 1 mars 1809, et de la vente du cheptel de bestiaux, du 25 février 1808, et en radiation ou restriction des inscriptions hypothécaires prises en vertu desdites obligations; 2° de celle qui a déclaré Roi-Pierrefitte et Ruineau-Saint-Georges non recevables ou mal fondés dans leurs conclusions en garantie contre Fressinet, Desassis et Grellet, etc. »

Le savant rapporteur de cet arrêt remarque dans la notice, qu'il n'est pas contraire à celui du 22 novembre 1810, parce que, dans l'espèce de celui-ci, il s'agissait de la distance entre le domicile réel du défendeur à l'enquête, et le lieu où elle devait être faite, tandis que, dans l'arrêt de 1815, il est question de la distance entre le domicile de l'avoué et le lieu où se fait l'enquête. Il en résulte que les espèces ne sont pas parfaitement identiques. Cependant, si la partie a besoin d'une augmentation de délai à raison de la distance du domicile de son avoué au lieu où se fait l'enquête, pour pouvoir y assister et fournir

« PreviousContinue »