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favorable au système que soutient le sieur Kermel. Il en est peu qui aient traité la question qui nous occupe, parce que, sans doute, jamais une aussi singulière pretention ne leur est venue à l'idée. Valin, à qui son plan de commenter la totalité de l'ordonnance ne permettait pas d'entrer dans de longs détails sur les objets précisés par la loi, se borne à rappeler, avec les divers articles, que l'assureur doit payer la somme assurée; qu'il est débiteur jusqu'à concurrence des sommes assurées. Pothier, dont le plan était de traiter méthodiquement, quoique d'une manière concise, les diverses obligations produites par le contrat d'assurance, s'exprime d'une manière un peu plus développée, dans le n° 1115:

« Les assureurs, dit-il, contractent, par le contrat d'assurance, deux espèces d'obligations envers Fassuré la première est de payer à l'assuré la somme assurée, portée par la police, en cas de perte totale ou presque totale des choses assurées, par quelque accident de force majeure, à la charge, par l'assuré, de leur faire l'abandon de ce qui peut rester des choses assurées, et de tous ses droits par rapport auxdites choses; la seconde, d'indemniser seulement l'assuré des avaries arrivées aux choses assurées, ou par rapport auxdites choses. »

« Ainsi, d'après cet auteur, l'action en avarie est autre que l'action en délaissement, et la seconde est moindre que la première: elle oblige l'assureur à payer moins qu'il ne paierait par l'effet de la première; ce que l'auteur exprime très-bien par le mot seulement. L'une exclut l'autre, ainsi qu'il le dit, d'une manière précise, dans les n° 164 et 169.

La seconde espèce d'obligation que les assureurs contractent par le contrat d'assurance, envers l'assuré, est celle de l'indemniser des avaries causées par quelqu'un des accidents ou risques, desquels ils se sont chargés. Il ne peut y avoir lieu à cette action, que lorsqu'il n'y a pas lieu à la première, soit parce que l'accident n'a pas causé une perte entière des effets assurés, soit que l'assuré ait préféré cette action, en paiement d'avarie, à celle qui, en lui donnant le droit de demander toute la somme assurée, l'aurait obligé à faire le délais

sement.

« Émérigon, qui a écrit après ces auteurs, les copie textuellement en plusieurs endroits; et, en outre, il décide, d'une manière expresse, que, dans aucun cas, l'assureur ne doit rien au-delà de la somme qu'il a promise. C'est ce qu'on lit, tome 11, page 200, à l'occasion de l'art. 7 de la déclaration du 17 août 1779, conservé dans l'article 391 du Code de commerce, et qui est relatif aux mesures à prendre pour trouver, en cas d'innavigabilité, un nouveau navire qui transporte les marchandises. Émérigon dit : « Mais les assureurs ne seront jamais tenus (ainsi que je le dirai bientôt plus amplement) à rien de plus qu'à payer

les sommes par eux assurées. A la page 205, il ajoute: « Les assureurs ne s'exposent pas à perdre au-delà des sommes qu'ils ont assurées; et, en effet, ils ne se sont obligés à rien de plus.

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« Les recherches de toute espèce que nous avons faites, dans les monuments de la jurisprudence antérieure au Code de commerce, ne nous ont fait trouver qu'une seule décision sur cette question. Elle a été rendue par la cour supérieure, établie à Rennes, en vertu de la loi du 4 février 1790: l'arrêt, qui est de cette même année 1790, décida contre les assurés, qui ne pouvaient, en délaissant pour sinistres majeurs, demander à la fois les avaries éprouvées par le navire, au cours de la navigation, et le capital assuré par la police.

« Les écrivains étrangers les plus connus en France n'ont pas discuté aussi la question. Tous se bornent, comme Valin, Pothier, Emérigon, à énoncer cette simple proposition: L'assureur doit payer la somme portée en la police: l'assureur n'est pas tenu au-delà de ce qu'il a promis. Tel est Werderkop, auteur d'un des ouvrages les plus estimés dans le Nord, sur le droit maritime, sous le titre : Introductio ad jus maritimum, année 1757. Dans le paragraphe 95 du tit. 7, liv. 3, il dit textuellement que « l'assureur ne doit jamais rien de plus que la somme portée en la police; savoir, toute cette somme, si la chose assurée périt; et, si la chose n'a que des avaries de moindre valeur, jusqu'à concurrence de ces avaries: Sequitur quod si res assecurata plane pereat, ad totam quam promisit sortem; si verò aliquid saltem capiat detrimenti, secundùm proportionem sortis, et quod contigit periculi obligatus sit adsecurator.» Verlof, dans son Traité de la police d'assurance, publié en 1736, avait dit, avant lui, la même chose, avec des expressions identiques, sect. 1, § XVI; et, pour appuyer davantage son sentiment, il observe, dans la section II, § X no " XVIII, que les assureurs doivent déclarer la somme à concurrence de laquelle ils s'obligent: Denique suscribunt assecuratores cum expressione quantitatis quousquè periculum in se recipiunt. On trouve les mêmes principes dans la dissertation publiée par Dehn, en 1788, § LVI. Il distingue, comme tous les auteurs français ou étrangers, les accidents en avarie, ou perte totale; la première, donnant seulement action en indemnité, l'autre, autorisant le délaissement. Il présente ensuite les effets de ces deux actions, en ce qui concerne l'obligation de l'assureur; et voici ses termes: Il y a avarie, lorsque l'événement de la perte est moindre que la somme promise; la totalité de la somme promise n'est payée qu'en cas de perte totale Avaria in prestatione venire dicitur, ubi id quod minùs per eventum ex re contigit pro raiá assecuratá debetur; alias verò, scilicet ubi tota rata debetur, damnum totale.

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Il nous reste, puisque la contestation est régie

décide cette loi.

« Nous avons déja prouvé, par le rapprochement des art. 332, 378, 382, 383, 384, 385, que ce Code ne supposait pas même la possibilité que l'assureur dût, en cas de délaissement, payer plus que la somme promise par la police.

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par le Code de commerce, à examiner ce que | ment, ainsi que l'atteste le discours des orateurs du conseil-d'état, à la séance du Corps législatif, du 1 septembre 1807. Les observations que nous venons de transcrire ne leur échappèrent pas; ils prirent un parti, sur la difficulté qu'avait balancée la cour de cassation, et que les tribunaux de Paimpol et du Havre avaient proposé de résoudre chacun dans un sens différent; ils accordèrent la préférence à l'opinion du tribunal du Havre, et s'exprimèrent ainsi : « Le dernier paragraphe, en rendant l'assureur garant des avaries et frais « pour sauver les marchandises, exigeait une restriction que nous avons ajoutée. Elle est con« forme à ce principe, que l'assureur ne peut être « tenu au-delà de la somme qu'il a assurée, et « dont il a reçu la prime. » Le procès-verbal atteste que cette rédaction a passé sans aucune contestation.

« A cette autorité, qui serait suffisante, ce nous semble, parce qu'il faut une disposition formelle dans la loi, pour obliger quelqu'un au-delà des termes précis de la convention, se joint la décision textuelle, que l'assureur n'est jamais tenu au-delà de la somme promise, même dans le cas où la nature des événements aurait pu faire naître quelques doutes.

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Les articles 391 et 392 déclarent que l'innavigabilité du navire n'est pas une cause de délaissement des marchandises, s'il y a possibilité de trouver un autre navire pour leur transport. Qu'est-il donc possible de dire maintenant, L'art. 393 oblige seulement l'assureur à continuer pour l'opinion de ceux qui voudraient que l'asde courir les risques sur le nouveau navire, et à sureur supportàt cumulativement les avaries du supporter comme avaries, les frais de décharge-voyage, et le paiement de la somme assurée, en ment, emmagasinement, et autres qui, par la na- cas de sinistre? ture des choses, n'auraient été que des risques de terre, et termine par ces mots remarquables: jusqu'à concurrence de la somme assurée.

« A moins de vouloir fermer les yeux à l'évidence, il est impossible de nier que ces mots n'expliquent et ne décident, de la manière la plus précise, que, dans le système de notre législation, l'assureur ne peut jamais être tenu au-delà des sommes qu'il a promises.

Cependant un texte aussi formel n'est pas le dernier moyen que nous ayons à présenter; les circonstances qui ont amené cette rédaction de la loi, offrent une démonstration bien décisive. Le premier projet de Code de commerce, communiqué aux tribunaux, ne contenait pas les derniers mots qui terminent maintenant l'art. 393. La cour de cassation en fit la remarque, dans ses observations sur les articles 303 et 304 du projet, qui répondent aux articles 389, 390, 391, 392 et 393 du Code. Elle fit connaître la possibilité de contestations de la nature de celle qui existe aujourd'hui entre la Compagnie royale et le sieur Kermel; et, sans exprimer d'opinion arrêtée, elle insista pour qu'une rédaction quelconque tranchât la difficulté. »

Ici M. Pardessus transcrit les observations de la cour de cassation, qui demandait une solution positive de la difficulté, et celles des tribunaux de commerce de Paimpol et du Havre qui, au lieu de se borner à demander une solution, lavaient proposée eux-mêmes, chacun dans un sens différent. Ensuite il continue ainsi :

« Tel était donc l'état de la question, lorsque les commissaires-rédacteurs du projet du Code, firent, d'après les observations des cours, des tribunaux et des chambres de commerce, une révision, qui a mérité les éloges du gouverne

Tome II.

Qui ne voit que cette opinion, qu'aucune autorité ancienne ne rend même tolérable, que repoussent le texte et l'esprit de la loi nouvelle, a été glissée et peu à peu accréditée par les assurés, qui, plus nombreux que les assureurs, plus vigilants sur leurs intérêts, plus rapprochés des localités et des tribunaux, ont formé une sorte de doctrine erronée qu'ils ont réussi à répandre, au point que les juges ont fini par croire être dans les vrais principes, lorsqu'ils consacraient cette erreur?>>

Les principes de la matière ainsi présentés ont eu un plein succès, et, par arrêt du 8 janvier 1823, la cour de cassation, sur le rapport de M. le conseiller Rupérou, a prononcé en ces termes :

"

« Statuant d'abord sur le premier moyen, attendu que l'arrêt attaqué, appréciant les circonstances de l'affaire, a jugé que les faits dont la Compagnie d'assurance offrait la preuve, n'étaient ni pertinents ni admissibles, et qu'il a décidé que, n'y ayant aucune faute à reprocher à l'assuré, ni au capitaine, c'était le cas d'ordonner le délaissement demandé, la cour rejette ce moyen; « Statuant ensuite sur le second moyen,

"

Vu les articles 332, 393 et 409 du Code de commerce;

« Attendu que si l'art. 332 exige que la police d'assurance exprime la somme assurée et le coût de l'assurance, c'est d'après le principe qu'en cas de perte totale de la chose assurée, les assureurs ne sont tenus que jusqu'à concurrence de la somme qu'ils ont assurée et dont ils ont reçu la prime; que ce principe fondé sur la nature des choses et commun à tous les contrats synallagmatiques, est consacré par l'art. 393, sans être contredit par l'art. 350 du même Code, qui; en

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déclarant que les assureurs sont responsables de toutes les fortunes de mer, ne dit pas qu'ils en répondront encore au-delà de la somme qu'ils ont assurée; qu'il serait aussi contraire à l'équité qu'à l'essence de tout contrat qui renferme des obligations réciproques et proportionnelles, d'assujettir l'assureur qui ne stipule et ne reçoit de prime que pour une somme déterminée, à fournir une somme plus forte que celle pour laquelle il s'est engagé, et à raison de laquelle il a reçu la prime qui est le prix de son engagement; qu'enfin, on ne saurait argumenter de l'art. 409, «portant que « la clause franc d'avaries affranchit les assureurs de toutes avaries, excepté dans les cas qui don«< nent ouverture au délaissement, et que dans ce << cas, les assurés ont l'option entre le délaissement « et l'exercice d'action d'avarie, parce que cette disposition toute spéciale au cas qu'elle régit, <<< se trouvant absolument étrangère et sans rapport à celui du litige, il n'y a, dans l'espèce, « aucune induction à en tirer;

a

a

"

« De tout quoi il résulte, qu'en décidant que la Compagnie d'assurance devait, pour n'avoir pas déclaré qu'elle assurait franc d'avaries, payer, à raison des sinistres partiels qui avaient précédé l'échouement avec bris, plus que la somme qu'elle avait assurée et pour laquelle elle avait reçu une prime de tant pour cent, la cour royale de Poitiers a violé les articles 332 et 393, et faussement appliqué l'art. 409 du Code de commerce.

«Par ces motifs, la cour casse, etc. »>

le 8 décembre 1818, que les assurés Leleu et compagnie citèrent, devant le tribunal de commerce de La Rochelle, les assureurs Sorbé-Lormont et autres; et, excipant de la police d'assurance, ainsi que des actes dont on vient de parler, ils demandèrent, à titre de dommages-intérêts, une somme d'environ 8,000 francs.

Les assureurs soutinrent que, d'après l'art. 436 du Code de commerce, cette demande était nonrecevable, parce qu'elle n'avait pas été formée dans le mois, à dater de la protestation que les assurés avaient faite dans les premiers jours de mai 1817.

Ceux-ci répondirent qu'à la vérité l'article 436 déclarait non-recevable toute action intentée contre les assureurs, lorsque les protestations faites par l'assuré n'étaient pas, dans le mois de leur date, suivies d'une demande en justice.

Mais ils soutinrent que très-peu de jours après leur protestation, et long-temps avant que le mois ne fût expiré, ils avaient demandé et obtenu une ordonnance qui nommait un expert, à l'effet de constater le dommage dont ils se plaignaient. Ils dirent que cette demande en nomination d'expert était une véritable demande en justice, et précisément celle que l'article 436 avait en vue, et, par conséquent, que la fin de non-recevoir tirée de cet article n'était pas fondée.

Le tribunal de commerce de la Rochelle a accueilli ce système, par jugement du 16 janvier 1819. Mais ce jugement a été infirmé par arrêt de la cour royale de Poitiers, du 3 juin de la même année. Čet arrêt juge que la demande des

V. Nous terminerons cet article par un autre arrêt de la cour de cassation, du 27 novembre 1822, rendu depuis l'impression de l'article Assu-assurés était recevable. rance, où cet arrêt aurait été mieux placé, s'il avait existé à cette époque; il décide d'une manière très-positive que pour conserver ses droits contre l'assureur, il faut que l'assuré forme sa demande en justice dans le mois à compter du jour de ses protestations. Voici l'espèce de cet arrêt qui se trouve dans le Bulletin civil, page 323.

Le 2 avril 1817, les sieurs Leleu et compagnie, expédièrent du port de Marans un navire chargé de grains à la destination de Calais. Cette cargaison fut assurée par le sieur Sorbé-Lormont et autres. Le 1 mai, ce navire arriva à Calais. Pendant la traversée, il avait éprouvé des coups de mer et des avaries qui furent déclarées, le 2, par le rapport du capitaine. L'agent de la compagnie Leleu, consignataire, reçut les marchandises consignées, mais en faisant les protestations indiquées dans les articles 435 et 436 du Code de commerce. Il fit signifier ces protestations dans le délai prescrit, se pourvut ensuite devant le président du tribunal de commerce, et demanda qu'il fût procédé à la nomination d'un expert, à l'effet de constater les avaries. Cet expert fut nommé d'office; et, le 7 du même mois de mai, il rédigea son rapport.

Ce ne fut que plus de dix-huit mois après,

Ses motifs sont : 1o que « la demande en justice, prescrite par l'article 436 du Code de commerce, ne peut s'entendre que de la demande qui doit être portée devant le tribunal de commerce du lieu du débarquement du navire, pour faire procéder à la reconnaissance et à l'évaluation des avaries; 2° que l'on ne peut admettre que la demande de l'assuré contre l'assureur doive nécessairement être intentée dans le délai d'un mois, parce que, dans ce système, on ne pourrait presque jamais ramener à effet la police d'assurance, à raison de la distance qui se trouverait entre le domicile des assureurs et le lieu où la protestation a été faite; 3° qu'il résulte de l'article 432 du Code de commerce que cette demande contre l'assureur peut être formée dans le délai de cinq ans, puisque cet article dispose formellement que toute action dérivant d'une police d'assurance, ne se prescrit que par cinq ans, à compter de la date de la police.»

Le sieur Sorbé-Lormont et autres assureurs se

sont pourvus en cassation de cet arrêt. Le moyen a été tiré de la violation des articles 435 et 436 du Code de commerce.

Il résulte de ces articles, ont-ils dit, que l'assuré, pour conserver ses droits contre l'assureur,

doit former une demande en justice dans le mois, à dater de ses protestations. Ici, la loi stipule évidemment dans l'intérêt de l'assureur. Elle exige cette demande, afin qu'il soit averti des prétentions élevées contre lui, afin qu'il puisse vérifier les faits qu'on lui oppose et se défendre. Mais de là il résulte que, par cette demande en justice, on ne peut entendre qu'une demande formée directement contre les assureurs, signifiée à leur personne ou à leur domicile, avec citation à comparaître devant un tribunal.

Ainsi, ce que la loi exige, c'est que, dans le délai d'un mois, il soit formé une demande contradictoire, et non une demande en nomination d'expert, qui, à le bien prendre, n'est qu'une simple formalité qui peut n'avoir aucune suite, et qui, n'engageant pas nécessairement l'affaire en justice, ne peut, dans le sens de l'article 436, être considérée comme une demande en justice. Les demandeurs ont fait observer ensuite que rien ne s'opposait à ce que cette demande fût intentée dans le courant du mois, alors même que les parties étaient séparées par de grandes distances; que tout ce qui importait dans ce cas, c'est que l'assuré eût un délai suffisant pour citer l'assureur; mais que le Code de procédure civile avait pourvu à cette nécessité, en déterminant les délais des ajournements, à raison des distances; que les règles qu'il établissait à cet égard s'appliquent aux ajournements donnés pour affaires de commerce, comme à ceux donnés pour affaires purement civiles; que, s'il en était autrement, il serait impossible d'exécuter plusieurs dispositions du Code de commerce, notamment l'article 374, qui prescrit à l'assuré de signifier à l'assureur, et ce dans le très-bref délai de trois jours, l'avis qu'il a reçu du sinistre.

«Considérant que, dans les cas prévus par ces articles, l'assuré est déchu de tous droits contre l'assureur, si, dans le mois, à dater du jour de ses protestations, il n'a pas formé une demande en justice;

Enfin, les demandeurs ont soutenu que l'on ne pouvait leur opposer l'article 432 du Code de commerce; car, si cet article pose en principe que les actions dérivant d'une police d'assurance durent pendant cinq ans, les articles 435 et 436 ont dérogé, pour le cas dont il s'agit dans la cause, au principe général établi par cet article 432, et y ont dérogé à juste titre; car l'intérêt du commerce s'oppose évidemment à ce que l'ac-« tion en réparation du dommage causé à des marchandises assurées, puisse se perpétuer pendant cinq ans.

En réponse à ce moyen, les défendeurs ont reproduit et développé les motifs de l'arrêt attaqué.

« Qui le rapport fait par M. le conseiller baron Zangiacomi; les observations de Lassis, avocat des demandeurs; celles de Naylies, avocat des défendeurs, ainsi que les conclusions de M. l'avocat-général Jourde, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil;

« Vu les articles 435 et 436 du Code de com

merce;

« Qu'en toute matière contentieuse, on ne peut entendre par demande en justice, que celle formée par un individu contre un autre qui est cité, dans les délais prescrits par le Code de procédure civile, à comparaître en justice pour pondre aux conclusions prises contre lui;

«

Qu'ainsi le sens évident de l'article 436 est que l'assuré doit former une demande contre l'assureur, avec ajournement devant un tribunal; qu'il doit former cette demande dans le mois, en se conformant, pour le délai de l'ajournement, à celui fixé par le Code de procédure civile, en raison des distances;

« Considérant, dans l'espèce, que, lorsque les assurés Leleu et compagnie ont cité les assureurs Sorbé-Lormont et autres, devant le tribunal de La Rochelle, le délai déterminé par l'article 436 du Code de commerce, pour intenter leur demande, et celui fixé par le Code de procédure pour l'ajournement, étaient expirés; par conséquent, que leur demande était non-recevable, et qu'en jugeant le contraire l'arrêt attaqué a violé les articles ci-dessus cités, et faussement appliqué l'article 432 à l'espèce actuelle:

La cour casse et annule l'arrêt de la cour royale de Poitiers, du 3 juin 1819, etc.

a

. Fait et jugé, etc.-Section civile, etc. »

DÉLAISSEMENT PAR HYPOTHÈQUE. C'est l'abandonnement d'un immeuble fait par le propriétaire, pour se libérer des poursuites d'un créancier, envers lequel il n'est pas personnellement obligé, mais qui a sur cet immeuble un privilége ou une hypothèque. (Code civil, article 2166 et 2172.)

"

I. L'effet des priviléges et hypothèques contre les tiers détenteurs, est expliqué à l'article Hypothèque, sect. IV.

Le principe fondamental est que « les créanciers ayant privilége ou hypothèque inscrite sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre « de leurs créances ou inscriptions. » (Code civil, art. 2166.)

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L'acquéreur qui ne veut pas rester exposé à payer toutes les dettes hypothécaires ou privilégiées auxquelles l'immeuble est affecté, a deux partis à prendre, purger ou délaisser sans réserve.

S'il veut purger, il doit observer les règles expliquées à l'article Transcription.

S'il veut délaisser, il doit suivre celles qui font l'objet du présent article.

Le tiers détenteur peut encore se refuser à payer, à purger et à délaisser; mais alors chaque créancier hypothécaire a droit de faire vendre sur

lui l'immeuble hypothéqué, trente jours après commandement fait au débiteur originaire, et sommation faite au tiers détenteur de payer la dette exigible ou de délaisser l'héritage. (Code civil, art. 2169.)

Ce mode de poursuite est le seul que la loi autorise pour l'exercice de l'action hypothécaire. Lors donc que le tiers détenteur qui n'a pas purgé, se refuse à payer et à délaisser, les créanciers ne peuvent requérir contre lui une condamnation personnelle; ils n'ont d'autre droit que de poursuivre sur lui l'expropriation forcée. C'est ce que la cour de cassation a décidé, par un arrêt du 27 avril 1812, rapporté à l'article Hypothèque,

sect. IV, n° iv.

Ainsi le délaissement est toujours facultatif de la part du tiers détenteur.

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de 5,500 fr., constituée en deux rentes. Le 11
thermidor de la même année, le sieur Barbier
transporte ces deux rentes au sieur Campion.
Le 30 thermidor an vi, le sieur Vallery revend
au sieur Morel l'immeuble qu'il a acquis du sieur
Barbier; et par l'une des clauses du contrat, il
charge celui-ci de payer les deux rentes au sieur
Barbier ou son représentant. Le sieur Morel en
contracte l'obligation envers lui; mais cette obli-
gation n'est acceptée ni par le sieur Barbier, ni
par le sieur Campion, qui ne paraissent nullement
dans l'acte.

Quelque temps après, faute de paiement des arrérages des deux rentes, le sieur Campion pour

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suit le sieur Morel et fait saisir ses meubles.
sieur Morel fait le délaissement de l'immeuble, sur
lequel les deux rentes sont hypothéquées par pri-
vilége; et soutient ne pouvoir plus être inquiété
par le sieur Campion, attendu qu'il n'a contracté
envers lui, personnellement, aucune espèce d'en-

gagement.

II. Le tiers détenteur qui n'est pas personnellement obligé à la dette, et qui n'a purgé, payé ni délaissé, peut même s'opposer à la vente de T'héritage hypothéqué qui lui a été transmis, sil est demeuré d'autres immeubles hypothéqués à la Le 24 floréal an x1, jugement qui donne acte même dette dans la possession du principal ou au sieur Morel de son délaissement, et lui fait des principaux obligés, et en requérir la discus-main-levée de la saisie de ses meubles. sion préalable. Pendant cette discussion, il est sursis à la vente de l'héritage hypothéqué. (Code civil, art. 2170.)

Mais l'exception de discussion ne peut être opposée au créancier privilégié ou ayant hypothèque spéciale sur l'immeuble (Ibid., art. 2171). C'est qu'alors l'immeuble est le gage particulier du

créancier.

pas

III. Le délaissement par hypothèque peut être fait par tous les tiers détenteurs qui ne sont personnellement obligés à la dette, et qui ont la capacité d'aliéner. (Code civil, art. 2172.)

Ceux qui sont obligés personnellement ne sont pas admissibles à faire le délaissement, parce qu'ils sont tenus de remplir leur engagement sur tous leurs biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. (Ibid., art. 2092.)

juillet 1806, qui réforme le jugement, et con-
Sur l'appel, arrêt de la cour de Rouen, du 14
et à écheoir des deux rentes.
damne le sieur Morel à payer les arrérages échus

violation des articles 2168, 2169 et 2172 du Code Recours en cassation, fondé sur une prétendue civil. Mais, par arrêt du 21 mai 1807, au rapport de M. Bailly, — « La cour, considérant que par le contrat du 30 messidor an vi, le sieur Morel qui a pris possession et s'est lui-même qualifié propriétaire des immeubles y énoncés, s'est obligé des poursuites du sieur Campion; qu'ainsi il est à servir et payer les deux rentes qui ont été l'objet devenu débiteur personnel; d'où il suit que, loin de Rouen s'est littéralement conformée à son ard'être contrevenue au Code civil, la cour d'appel La faculté de délaisser, accordée aux tiers déten- ticle 2172, qui n'autorise le tiers détenteur à déteurs capables d'aliéner, qui ne sont obligés que personnellement obligé à la dette; — rejette.....» laisser l'immeuble, que dans le cas où il n'est pas comme biens-tenant, n'est subordonnée à aucune condition; le délaissement peut être fait de plano V. Le délaissement peut être fait par le tiers aux créanciers, et ceux-ci n'ont pas droit d'exiger détenteur, encore bien qu'il ait reconnu l'obligaque le tiers détenteur leur offre préalablement tion ou subi condamnation en cette qualité seuleson prix. C'est aussi ce qu'a jugé la cour de cas-ment. ( Code civil, art. 2173.) sation, section des requêtes, par arrêt du 8 août 1816, au rapport de M. Rousseau. (Sirey, 1816, page 333.)

Il suit de cette disposition que tout jugement qui condamne hypothécairement un tiers détenteur, est censé lui réserver la faculté de délaisser, quoiqu'il ne l'exprime pas.

IV. Le tiers détenteur qui, sans le concours du créancier, s'est obligé envers le débiteur, par un Il en résulte encore, comme le dit l'article contrat synallagmatique, au paiement de la dette, 2172, que le tiers détenteur qui s'est personnellepeut-il s'en affranchir en délaissant l'immeublement obligé à la dette, ne peut délaisser l'immeuble hypothéqué?

La cour de cassation, section des requêtes, a décidé que non, dans l'espèce suivante:

Le 20 prairial an v, le sieur Barbier vend au sieur Vallery un immeuble moyennant la somme

hypothéqué pour éviter de la payer.

Mais les autres créanciers dont il n'a pas personnellement reconnu la dette et envers lesquels il n'est obligé que comme biens-tenant, peuvent-ils se prévaloir du contrat par lequel il a personnelle

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