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sa qualité, et le vol que commet, dans l'auberge ou hôtellerie, toute personne qui y est reçue comme hôte.

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Notre première question ainsi résolue, la seconde ne souffrira pas de grandes difficultés. « A entendre la demanderesse, la responsabilité « On ne distingue même pas, relativement à à laquelle les articles 1952 et 1953 du Code civil un vol commis dans une auberge ou hôtellerie, par assujettissent les aubergistes et hôteliers, relativeune personne qui y est reçue comme hôte, entre ment aux effets apportés chez eux par les voyale cas où il a été commis au préjudice d'une autre geurs, cesse relativement aux effets que les personne reçue en la même qualité dans l'hôtelle-voyageurs ont oubliés chez eux à leur sortie. Du rie ou auberge, et le cas où il a été commis au moment que le voyageur a quitté l'auberge ou préjudice de l'aubergiste, ou hôtelier. Dans l'un l'hôtellerie, il ne se forme, entre lui et l'aubercomme dans l'autre cas, le voleur est puni de la giste ou hôtelier, relativement aux effets qu'il y peine portée par l'art. 386; et c'est ce qu'ont jugé a laissés, qu'un contrat de dépôt volontaire. deux arrêts de la section criminelle, des 8 août 1811 et 6 avril 1813, par ce grand motif que, l'aubergiste étant, aux termes de l'art. 1953 du Code civil, responsable des vols que les voyageurs commettent au préjudice les uns des autres, le voyageur qui vole un autre voyageur, est censé, par cela seul, voler l'aubergiste lui-même.

« D'après ces données, deux questions se sont présentées à la section criminelle.

«L'une était de savoir si la peine portée par l'art. 386, était applicable à un particulier qui, en dinant chez un traiteur à Paris, avait pris le couvert d'argent qu'on lui avait servi et y avait substitué un couvert d'étain; et la section criminelle s'est prononcée pour l'affirmative, en rejetant, au rapport de M. Buschop, le 19 août 1813, le recours en cassation du nommé Signoret, contre un arrêt de la cour d'assises du département de la Seine.

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L'autre question était de savoir si l'on devait appliquer la même peine au nommé Jean Dupont, qui, dans un café, avait pris, sur une table près de laquelle il était assis, une tabatière oubliée par le sieur Marteau. La cour d'assises du département de la Seine l'avait jugée affirmativement; Jean Dupont s'est pourvu en cassation, mais sans succès; par arrêt du 28 mai 1813, au rapport de M. Buschop, la section criminelle a rejeté son recours.

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Que résulte-t-il de ces deux arrêts? Une chose très-remarquable: c'est que les traiteurs et les teneurs de cafés sont compris, dans l'art. 386 du Code pénal, sous la dénomination d'aubergistes et d'hóteliers. C'est, par conséquent, qu'ils sont également compris, sous la même dénomination, dans les articles 1952 et 1953 du Code civil; car, en jugeant que les vols commis chez les traiteurs et les cafetiers, par les personnes reçues dans leurs établissements, doivent être punis comme les vols commis chez les aubergistes et les hôteliers, par leurs hôtes ou au préjudice de ceux-ci, la section criminelle a évidemment reconnu qu'il y a la même nécessité de confiance réciproque entre les traiteurs ou cafetiers, et les personnes reçues chez eux, qu'entre les aubergistes ou hôteliers et

leurs hôtes.

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Mais, s'il en était ainsi, l'aubergiste ou hôtelier, qui s'approprierait les effets oubliés chez lui par le voyageur, ne pourrait être puni que comme coupable d'un vol simple : il ne pourrait pas l'être comme coupable du vol qualifié par l'art. 386 du Code pénal.

Et c'est effectivement ce qu'avait décidé un jugement en dernier ressort du tribunal correctionnel de Pise, du 15 juin 1813, en rejetant la réquisition du ministère public, tendante à ce que Jean-Baptiste Iretti, aubergiste à Livourne, fût poursuivi au grand criminel, pour s'être approprié une montre oubliée dans son auberge par le nommé Ange Lottin, qui y avait soupé, et en était sorti après avoir payé sa dépense.

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Mais, le ministère public s'étant pourvu contre ce jugement, il a été cassé par arrêt du 29 octobre 1813, au rapport de M. Coffinhal.

«Par cet arrêt et par celui du 28 mai précédent, que nous rappelons dans nos conclusions, la section criminelle a jugé bien nettement que le dépôt nécessaire qui se forme entre l'hôte et l'hôtelier par l'apport que le premier fait dans la maison du deuxième, des effets qui servent à son usage personnel, continue, même après la sortie de l'hôte, de subsister pour les effets que celui-ci a oubliés dans l'hôtellerie; et, dès là, notre deuxième question se trouve, comme la première, résolue contre la demanderesse.

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Mais que dirons-nous sur la troisième? «La demanderesse prétend que le tribunal de Cahors n'a pas pu tenir pour constant le fait que le défendeur avait oublié sa montre chez elle; et sa raison est que le défendeur n'en avait point rapporté la preuve.

«Non le défendeur n'avait pas rapporté de preuve proprement dite de ce fait.

«

Mais il avait articulé plusieurs circonstances, qui ont paru au tribunal de Cahors en former une présomption suffisante.

« En effet, 1° la demanderesse reconnaissait, et cela est constaté par le jugement même dont elle se plaint, qu'elle avait déplacé la montre du défendeur pendant qu'il était dans le bain ; qu'elle l'avait retirée de la table où il l'avait posée près de sa baignoire, et qu'elle l'avait suspendue à un crochet;

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C'était déja un grand acheminement à la pré9

somption, non-seulement que le défendeur avait | formément à l'art. 1369 du Code civil, la somme oublié sa montre chez la demanderesse, mais jusqu'à concurrence de laquelle il serait cru sur encore qu'il ne l'avait oubliée que par le fait de son serment. la demanderesse elle-même.

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2o La demanderesse soutenait, qu'étant allée au marché, immédiatement après la sortie du défendeur, elle avait, suivant son usage, laissé ouverte la porte de la chambre, dans laquelle le défendeur s'était baigné.

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« Un pareil usage était trop invraisemblable pour être cru, et l'on eût dû en tirer une conséquence bien favorable à la demanderesse; on eût dû, en effet, conclure de là que la demanderesse avait commis une grande imprudence en laissant ouverte, à tout le monde, une chambre dans laquelle il était possible que le défendeur eût oublié des effets; et que, par cette imprudence, elle avait pris à ses risques tout le dommage que le défendeur pourrait dire en avoir souffert.

« 3o Enfin la demanderesse avait déclaré, devant le bureau de conciliation, qu'elle s'en remettait à la discrétion du juge de paix ; et par là elle pouvait, jusqu'à un certain point, être censée avoir passé condamnation.

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En faisant sortir du concours de ces circonstances une présomption du fait de l'oubli de la montre du défendeur chez la demanderesse, le tribunal de Cahors a-t-il pu violer, a-t-il violé en effet une loi quelconque ?

« Il aurait, sans contredit, violé l'art. 1353 du Code civil, si ce fait n'avait pas été susceptible de la preuve par témoins; car, aux termes de cet article, le juge ne peut se déterminer par des présomptions non établies par la loi, que dans les cas où la loi admet les preuves testimoniales.

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Mais si les baigneurs publics sont, comme nous croyons l'avoir démontré, assimilés aux hôteliers et aubergistes; sils sont, comme eux, dépositaires nécessaires des effets apportés dans leurs bains par les personnes qu'ils y reçoivent, il est clair qu'on peut prouver par témoins tout fait qui tend à établir qu'il y a eu dépôt nécessaire dans leurs bains; il est clair, par conséquent, que l'oubli des effets apportés dans leurs bains peut être prouvé par témoins, puisque de cet oubli même il résulte une continuation de dépôt nécessaire; et, par conséquent encore, il est clair que le juge peut, en cette matière, fonder sa décision sur des présomptions non établies par la loi, et de la gravité, comme de la concordance desquelles il est souverain appréciateur.

« Il nous reste un mot à dire sur la disposition du jugement attaqué, qui fixe à 600 francs la valeur de la montre oubliée par le défendeur chez la veuve Ayma.

"

« Il pourrait, au premier abord, paraître extraordinaire que, sur la valeur de cette montre, le tribunal de Cahors n'ait pas déféré au défendeur le serment in litem, en déterminant, con

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« Mais, à cet égard, deux choses sont à remarquer.

« Dans le droit, il n'y a lieu, suivant l'article cité du Code civil, à la délation du serment in litem que lorsqu'il y a impossibilité de constater autrement la valeur de l'objet demandé.

« Dans le fait, la demanderesse convenait que la montre du défendeur était telle que celui-ci la décrivait, et elle ne niait pas que cette montre valût 600 francs.

« Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête en cassation, et de condamner la demanderesse à l'amende. »

Ces conclusions ont été suivies; et, par arrêt du 4 juillet 1814, au rapport de M. Cochard, « Attendu que le tribunal civil de Cahors, en appréciant les faits, les circonstances, et surtout les aveux faits par les parties, a pu en tirer, sans contrevenir à aucune loi, la conséquence que le dommage souffert par le sieur F....., par la perte de sa montre d'or dans l'établissement des bains publics de ladite ville, appartenant à la demanderesse, avait été occasionée par le fait et par la négligence de celle-ci ;

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D'où il suit, qu'abstraction faite des art. 1952 et 1953 du Code civil, et d'après les dispositions des articles 1383 et 1384 du même Code, ledit tribunal a pu juger que ladite demanderesse en était responsable;

a

Par ces motifs, la cour rejette le pourvoi.... » VI. Doit-on regarder comme dépôts nécessaires ceux qui sont admis à la banque de France?

Non, ce sont des dépôts purement volontaires, et qui, d'après les statuts de la banque, ne peuvent avoir pour objet que les effets publics nationaux et étrangers, les actions, contrats et obligations, les lettres-de-change, billets et engagements à ordre au porteur, les diamants, les lingots d'or et d'argent, ainsi que les monnaies d'or et d'argent nationales et étrangères. Voy. Banques, sect. III, § 1.

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la propriété ou la possession d'une chose, et conviennent que, durant le litige, elle restera entre les mains d'un tiers qui s'oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, c'est un séquestre conventionnel. (Ibid., art. 1956.)

Le séquestre conventionnel peut être ou n'être pas gratuit. (Ibid., art. 1957.)

Dans le premier cas, il est soumis aux règles du dépôt proprement dit; si ce n'est cependant qu'il peut avoir pour objet, non-seulement des effets mobiliers, mais même des immeubles. (Ibid., art. 1958 et 1959.)

Il est à observer aussi que la restitution de l'objet séquestre ne s'accomplit pas toujours d'une manière aussi simple que celle d'un dépôt. Dans cette dernière espèce, le propriétaire est connu, au lieu que, dans le cas du séquestre, il est incertain, puisque ses droits sont litigieux.

Celui qui est chargé d'un séquestre, même conventionnel, ne peut donc le remettre qu'après le jugement du litige, ou si les parties s'arrangent, du consentement de toutes les parties intéressées, ou pour une cause jugée légitime. (Ibid., art. 1960.)

"

Nous disons du consentement de toutes les parties intéressées (disait M. le conseiller-d'état Réal, dans l'exposé des motifs ), car l'on n'a pas cru que cette disposition dût se borner aux seules personnes qui auraient constitué le séquestre, mais qu'elle devait s'étendre à toutes celles qui, par leur intervention au litige, auraient manifesté des prétentions capables d'exiger leur concours lors de la remise de l'objet séquestré. »

Si le séquestre conventionnel n'est pas gratuit, alors ce contrat tient plutôt du contrat de louage que de celui de dépôt, et, dans ce cas, le dépositaire est tenu de toutes espèces de fautes, même de la faute légère. (Pothier, du Dépôt, no 90.)

II. Le séquestre judiciaire diffère peu du séquestre conventionnel. La principale différence est que, pour le séquestre judiciaire, le gardien est nommé par la justice, soit d'office, soit sur la désignation des parties, et que de plein droit il lui est accordé un salaire; tandis que, pour le séquestre conventionnel, le gardien est nommé par les parties, et n'est pas salarié de droit. Mais ils sont établis dans les mêmes vues, et dans l'un comme dans l'autre cas, pour la conservation d'une chose litigieuse.

L'article 1961 du Code civil porte que la justice peut ordonner le séquestre:

Des meubles saisis sur un débiteur (voyez à l'article Saisie-exécution, § 11, n° v et suivants, les formalités à remplir, et les obligations qui en naissent entre le saisissant, le gardien et le saisi );

2o D'un immeuble ou d'une chose mobilière, dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes :

Mais la mesure du séquestre judiciaire des immeubles est purement facultative; les tribunaux peuvent, s'ils le jugent convenable, ordonner toute autre mesure, telle que la maintenue provisoire de chaque partie en sa possession ; 3o Des choses qu'un débiteur offre pour sa libération.

Le débiteur peut ainsi déposer, par autorité de justice, la somme qu'il doit, non-seulement en cas de refus du créancier de recevoir, mais, en général, toutes les fois que le débiteur qui veut se libérer, et qui en a le droit, est empêché de payer à son créancier, lorsque, par exemple, il y à des saisies-arrêts faites entre ses mains. Le débiteur qui veut se libérer peut, en ce cas, faire le dépôt de ce qu'il doit, en vertu de jugement rendu contradictoirement avec le créancier et les saisissants, ou par défaut contre eux. Ce dépôt se désigne sous le nom de consignation. Voy. Offres réelles et Consignation.

III. Les objets séquestrés par autorité de justice sont confiés à un gardien judiciaire; de là des obligations entre ce gardien, le saisissant, et la partie contre qui a été ordonné le séquestre.

Le gardien, porte l'article 1962 du Code civil, doit apporter pour la conservation des effets saisis les soins d'un bon père de famille ;

Il doit les représenter, soit à la décharge du saisissant pour la vente, soit à la partie contre laquelle les exécutions ont été faites, en cas de main-levée de la saisie.

Remarquez que la loi impose au gardien judiciaire des obligations plus étendues que celles imposées au dépositaire volontaire; elle n'astreint, en effet, celui-ci qu'à apporter pour la conservation de la chose déposée les mêmes soins qu'il donne à ses affaires propres, tandis qu'elle exige de celui-là les soins d'un bon père de famille. La raison de cette différence est facile à sentir; le gardien judiciaire reçoit un salaire pour la garde de son dépôt; ce dépôt lui est donc profitable: au contraire, le dépositaire volontaire rend un service d'ami; il se charge du dépôt gratuitement, et par pure obligeance: il est juste, dès lors, que la loi exige moins de lui que du gardien judiciaire.

L'obligation du saisissant consiste à payer au gardien le salaire fixé par la loi (Ibid., art. 1962 ). On peut voir pour la fixation des droits du gardien, l'art. 45 du Tarif des frais en matière civile, du 16 février 1807.

Au surplus, le séquestre judiciaire est donné, soit à une personne dont les parties intéressées sont convenues entre elles, soit à une personne nommée d'office par le juge; dans l'un et l'autre cas, celui auquel la chose a été confiée est soumis à toutes les obligations qu'emporte le séquestre conventionnel. (Ibid., art. 1963.)

IV. Nous avons dit que le débiteur peut toujours, par autorité de justice, se libérer, même

en cas de refus du créancier de recevoir; qu'il est admis alors à mettre en dépôt les sommes offertes, et que ce dépôt se nomme consignation. Mais où doit être faite cette consignation? Depuis des siècles, l'on a senti en France qu'il importait à la sûreté publique qu'il existât, sous les yeux des magistrats, un dépôt permanent et inviolable pour toutes les consignations judiciaires; cet établissement, qui fut introduit par l'édit de 1578, a subi de nombreuses modifications, mais le principe en a toujours été conservé, et la loi du 28 avril 1816, la dernière sur la matière, porte (art. 110) que les dépôts, les consignations, etc., seront administrés par un établissement spécial, qu'elle désigne sous le nom de Caisse des dépôts et consignations.

Le 3 juillet 1816, sa majesté a rendu une ordonnance relative aux attributions de cette caisse; elle l'organise et réunit les diverses dispositions des lois actuelles sur cet objet, en attendant qu'une loi spéciale ait déterminé tous les cas dans lesquels il y a lieu à consigner des sommes ou valeurs. Cette ordonnance est rapportée à l'article Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, il est d'autres espèces de séquestres, dont il ne peut être question ici.

Tel est celui des biens des contumaces. Mais il diffère essentiellement par sa cause, sa nature et son objet, soit du séquestre conventionnel, soit du séquestre judiciaire en matière civile. Il a lieu au nom et au profit de l'état, et entre dans les attributions de la régie des domaines, tant que les héritiers présomptifs n'ont pas fait prononcer en leur faveur l'envoi en possession provisoire, comme s'il s'agissait des biens d'un absent. (Avis du conseil-d'état, du 19 août 1809, approuvé le 20 septembre suivant. ).

DÉPUTÉ. Le caractère et les attributions d'un député, les conditions d'éligibilité, et le mode d'élection, sont fixés par la Charte et par les lois organiques.

Voy. Charte constitutionnelle et Elections.

DERNIER RESSORT. C'est un principe fondamental qu'en France il n'y a que deux degrés de juridiction (loi du 1er mai 1790). Ainsi, tout 1' tribunal qui juge une affaire en second degré, la juge en dernier ressort. En cela il exerce le droit de souveraineté, que caractérise essentiellement celui de juger en dernier ressort, comme l'a trèsbien décidé la cour de cassation, par un arrêt du 30 janvier 1821, rapporté à l'article Biens. Voilà pourquoi on qualifie de cours souveraines les cours royales; elles rendent, en effet, la justice souverainement; leurs décisions portent le nom comme elles ont la force d'arrêts; il n'existe au-dessus d'elles aucune autorité qui puisse dire qu'elles ont mal jugé leurs arrêts définitifs ne peuvent être attaqués que pour contravention expresse à la loi,

ou pour violation des formes établies par elle, ainsi que cela est expliqué à l'article Cassation (cour de ).

Mais les tribunaux inférieurs ne jugent qu'en premier ressort ou à charge d'appel; tel est le principe général : tous les cas où la loi les autorise à juger sans appel ou en premier et dernier ressort, sont des exceptions au principe. De là il suit que tout jugement émané d'un tribunal inférieur, est de premier ressort, à moins qu'une disposition de la loi ne porte expressément qu'il est en premier et dernier ressort; et que, dans le doute, il faut décider qu'il est sujet à l'appel, suivant la règle que les exceptions doivent être restreintes aux cas pour lesquels elles ont été faites.

On peut voir aux articles Tribunal de première instance, Tribunal de commerce, Justice de paix, Conseil de prud'hommes, Tribunal correctionnel, Tribunal de simple police, Complainte, Appel, Juridiction, dans quels cas les tribunaux inférieurs jugent en premier et dernier ressort, et ceux où ils ne jugent qu'à charge d'appel : nous y avons parlé des principales difficultés qui se sont présentées. Peut-être ne sera-t-on pas fàché cependant de trouver ici l'indication de plusieurs de celles que la jurisprudence a résolues.

1. Doit-on considérer comme rendu en dernier ressort, un jugement par lequel un tribunal qui a droit de statuer sans appel sur une affaire, se déclare incompétent pour en connaître ?

En est-il à cet égard des jugements rendus par les tribunaux de paix, comme des jugements rendus par les tribunaux civils et de commerce? Voy. Appel, sect. I, § 1, nos III et iv.

La demande tendante à faire réduire ou annuler un bail, dont le prix annuel excède 50 fr., mais ne s'élève pas à 1000 fr. pour toute sa durée, peutelle être jugée en dernier ressort par un tribunal de première instance ?

Voy. Convention, sect. Iv, § 1, no v.

Lorsqu'à une demande possessoire le complaignant joint une demande de dommages-intérêts, non excédant 50 fr., le juge de paix statue-t-il en dernier ressort?

Voy. Complainte, sect. 1, § v, n° vIII. Quand les dommages-intérêts doivent-ils concourir pour fixer la compétence en premier ou en dernier ressort?

Voy. Justice de paix, § II, n° vi.

Une demande reconventionnelle doit-elle entrer en ligne de compte avec la demande principale, pour déterminer le dernier ressort?

Voy. Ibid., § 1, nos VIII, IX et x.

II. Un tribunal de première instance peut-il statuer en premier ou dernier ressort, sur la demande alternative, ou du paiement d'une somme au-dessous de 1000 francs, ou du délaissement d'un immeuble de valeur indéterminée ?

Fiando, créancier d'un sieur Riando, avait ob

«

tenu, le 20 floréal an x1, au tribunal de Savillan, | censé rendu en premier et dernier ressort, la cour unrjugement qui le déclarait adjudicataire, à titre d'appel de Turin a violé les articles précités de la de gage, et jusqu'au paiement de ce qui lui était loi du 24 août 1790, et du Code de procédure; dû, d'environ six journaux de terre appartenant La cour casse et annule l'arrêt de cette cour, à ce débiteur; et il avait pris, le même jour, une du 30 novembre 1808, etc. » inscription hypothécaire sur tous les biens de ce Voyez à l'article Justice de paix, § 11, n° 11, dernier. un arrêt du 23 prairial an XII, fondé sur le même principe.

Les frères Delprato, créanciers aussi de Riando, avaient également pris inscription, le 14 août 1806, sur les biens de celui-ci; et ils avaient ensuite assigné Fiando en paiement d'une somme de 386 francs qui leur était due, ou, à défaut, pour se voir condamner à délaisser les six journaux de terre à lui adjugés, comme étant ces terres hypothéquées à leur créance.

Fiando a opposé son acte d'adjudication et son inscription antérieure à celle des frères Delprato. Mais, par jugement du 20 juin 1808, le tribunal civil de Savillan a déclaré y avoir lieu à la mise en possession de six journaux de terre, pour les frères Delprato, les tenir à titre de gage et d'hypothèque, jusqu'au paiement par Fiando de la somme de 386 livres qui leur était due.

Appel de ce jugement par Fiando.

Le 30 décembre 1808, arrêt de la cour de Turin qui déclare cet appel non recevable, sur le fondement que « la demande des frères Delprato était restreinte en des bornes telles, que lors même qu'elle eût été fondée et adjugée en totalité, et ainsi qu'elle a été proposée en l'état, Fiando aurait pu s'affranchir de toute poursuite, par le moyen du seul paiement d'une somme moindre de 1000 fr. »

Cet arrêt violait ouvertement l'art. 5, titre IV de la loi du 24 août 1790, et l'art. 453 du Code de procédure civile.

Cette double violation a été réprimée par l'arrêt dont la teneur suit, sous la date du 10 avril

1811:

« Oui le rapport de M. Boyer, chevalier, conseiller en la cour; les observations de Dupont et de Dumesnil-Merville, avocats, et les conclusions de M. Lecoutour, avocat-général;

« Vu l'article 5, titre Iv de la loi du 24 août 1790, et l'article 453 du Code de procédure civile;

« Attendu qu'il s'agissait, dans l'espèce, d'une contestation dont l'objet était indéterminé, puisque les conclusions subsidiaires des sieurs Delprato devant les premiers juges, tendaient à l'annulation de l'acte ou jugement d'adjudication, en vertu duquel le sieur Fiando avait été mis en possession de six journaux de terre, dont la valeur n'était aucunement déterminée ;

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Qu'ainsi les premiers juges ne pouvaient juger qu'à charge d'appel, sur de semblables conclusions;

D'où il suit que l'appel de leur jugement était recevable sous ce rapport, et qu'en refusant d'y statuer, sur le motif que ce jugement était

III. Une demande à fin de paiement d'arrérages de rente peut-elle être jugée en dernier ressort, s'il s'agit d'une rente en denrées, dont l'évaluation est faite dans l'exploit de demande, d'après les mercuriales, à un revenu annuel moindre de 50 francs?

Voici un arrêt qui a jugé l'affirmative.

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La Régie de l'enregistrement et des domaines, réclamait le paiement de cinq années d'arrérages d'une rente foncière de cinq boisseaux et demi de froment, cinq boisseaux et demi d'orge, et une moitié de poule, évalués par elle à 61 fr. 68 centimes, déduction faite de la retenue légale. Le tribunal civil de Bourges ayant fait droit à ses réclamations, le sieur Pierre Damours interjeta appel. La Régie soutint que le tribunal civil de Bourges avait jugé en dernier ressort, quoiqu'il eût omis de qualifier ainsi son jugement. pendant il fut réformé, par arrêt de la cour de Bourges, du 10 avril 1815.- La Régie s'est pourvue en cassation, et a soutenu que l'arrêt violait l'art. 5 du titre iv de la loi du 24 août 1790, et l'art. 453 du Code de procédure civile; que vainement on prétendait trouver une différence entre les rentes stipulées en denrées, et les rentes stipulées en numéraire; car les rentes en grains sont appréciables d'après les mercuriales; et dès qu'elles sont appréciées en la demande, si cette appréciation n'excède pas le taux fixé par la loi, la compétence des premiers juges est entière.

Ces moyens ont été accueillis; et, par arrêt du 23 juin 1817, au rapport de M. Portalis,

« Vu l'art. 5, titre iv, de la loi du 24 août 1790, et l'art. 453 du Code de procédure civile;

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Attendu, en fait, que, dans l'espèce, la Régie avait évalué en argent les arrérages de la rente en denrées, dont elle réclamait le paiement, et que, d'après cette évaluation, cette rente était évidemment inférieure à cinquante francs de revenu déterminé;

« Attendu, en droit, qu'il résulte de l'art. 5 du titre iv de la loi du 24 août 1790, que les juges de première instance connaissent en premier et dernier ressort des affaires réelles, dont l'objet principal est de cinquante francs de revenu déterminé, ou n'excède pas une valeur capitale de mille francs, et qu'aux termes de l'art. 453 du Code de procédure civile, les appels de jugements rendus sur des matières dont la connaissance en dernier ressort appartient aux premiers juges, mais qu'ils auraient omis de qualifier en dernier ressort, ne sont pas recevables;

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