Page images
PDF
EPUB

Cependant, les difficultés qu'ils trouvèrent à mettre le sol en état de culture, furent si grandes, que beaucoup d'entre eux succombèrent sans les avoir vaincus. Dans le premier hiver, la moitié des colons qui avaient passé dans la Nouvelle-Angleterre, périrent de fatigue, de misère, ou par suite des rigueurs du climat (1).

Quand le gouvernement anglais voulut, en 1788, fonder une colonie dans cette partie du monde qu'on appelait alors la Nouvelle- Hollande, et qu'on nomme aujourd'hui l'Australe-Asie, il fournit en abondance aux colons des instrumens d'agriculture, des semences, des subsistances et des animaux domestiques de toute espèce. La première année, les colons furent nourris aux frais de la métropole; ils reçurent ensuite une demi-ration pendant dix-huit mois; enfin, ce ne fut que la septième année après leur établissement, qu'ils purent pourvoir par eux-mêmes à leurs besoins. Les hommes que le gouvernement avait envoyés la première année dans cette contrée, étaient, pour la plupart, des gens endurcis au travail et habitués aux privations. Néanmoins, quoique le climat fût très

(1) Aux États-Unis, les familles qui habitent des terres nouvellement mises en culture, éprouvent toutes les maladies que produit l'insalubrité de l'air. La Rochefoucault, Voyage aux États-Unis, t. 1, p. 243, 279 et 280; tom. 2, p. 305. M. Wright, lett. 12 et 13, p. 203, 204, 231 et 232.

doux, ils furent obligés de se livrer à des travaux excessifs, pour donner à la terre quelque valeur (1).

Les Hollandais ne parvinrent à fonder une colonie au cap de Bonne-Espérance qu'en faisant des sacrifices immenses. Non-seulement ils offrirent gratuitement de la terre aux hommes qui voudraient aller s'y fixer, ils donnèrent à ceux qui acceptèrent leurs offres, des instrumens d'agriculture, des semences, des subsistances pendant un certain temps. Comme leurs propositions ne pouvaient être acceptées que par des hommes qui n'avaient aucun moyen d'existence, ils leur donnè

(1) On peut juger des difficultés que présenta d'abord la culture par le rapport qu'en ont fait les officiers qui commandaient la première expédition.

« J'avais lieu de craindre que la récolte ne fût point assez abondante, car on ne peut se faire une juste idée de la difficulté qu'éprouvèrent ceux d'entre eux qui étaient chargés du défrichement des terres. Croirait-on que j'ai vu douze hommes occupés durant cinq jours à arracher un arbre jusqu'aux racines? Qu'on joigne à ce travail excessif la faiblesse des travailleurs souvent épuisés par les maladies, la rareté des outils, leur facilité à s'émousser à raison de la dureté du bois, ceux enfin qu'on perdait dans la forêt parmi les herbes, on jugera sans peine que le sort qui nous attendait n'était rien moins qu'agréable.» Voyage à New-Sud Wales, p. 142. Arthur Philipp, Voyage à Botany-Bay. L. Freycinet, Voyage aux terres australes, tome 11, ch. 1x, p. 295. Peron, t. 2, v, ch. 40, p. 393-395.

[ocr errors]

liv.

rent pour compagnes des femmes tirées des maisons de travail. Enfin, ils prirent envers eux l'engagement de les ramener dans leur patrie, si, au bout de trois ans, ils jugeaient à propos d'y retourner; et, dans ce cas, chacun devait avoir la faculté de disposer de la propriété qu'il aurait formée. Il est prouvé, dit un historien, que, pour fonder cette colonie, quarante-six millions furent dépensés dans l'espace de vingt ans (1).

Une compagnie française, ayant obtenu du gouvernement la concession de la Guadeloupe, de Mari-Galante et de Sainte-Lucie, forma quelques établissemens dans ces îles. Elle ne tarda pas à s'apercevoir que la possession lui en était plus onéreuse que profitable. En 1649, elle les vendit à un nommé Boissent pour la somme de 75,000 livres. L'année suivante, la Martinique, Sainte-Lucie et la Grenade furent vendues à Duparquet pour la somme de 60,000 livres. Les îles de Saint-Christophe, Saint-Martin, Saint-Barthélemi, SainteCroix et la Tortue furent vendues, en 1651, pour le prix de 120,000 livres. Les acquéreurs de ces îles devaient y jouir de l'autorité la plus étendue; non-seulement ils avaient la disposition du terrain, mais ils en avaient la souveraineté. Ils nommaient

(1) Raynal, Histoire politique et philosophique, liv. 2. Suivant cet historien, chaque colon reçut gratuitement une lieue carrée de terrain.

à tous les emplois civils et militaires; ils pouvaient faire grâce à ceux que leurs délégués avaient condamnés à mort (1).

que

Pour se faire des idées exactes de la valeur les terres avaient dans ces îles, vers le milieu du dix-septième siècle, une simple opération suffit: il ne faut que comparer l'étendue des terres vendues au prix pour lequel elles furent livrées. Les trois îles de la Martinique, de Sainte-Lucie et de la Grenade, furent données pour 60,000 livres. L'étendue de la première est de 127,285 hectares suivant Malte-Brun. En comptant pour rien la Grenade, et Sainte-Lucie qui a cependant près de cinquante lieues carrées, on donnait un hectare de terre pour quelques sous.

Le gouvernement portugais a toujours été fort libéral de terres dans le Brésil; les colons qui ont voulu en obtenir, n'ont pas eu d'autres frais à faire que de les demander; jamais on ne les leur a vendues (2). Le gouvernement français a tenu la même conduite au Canada, aussi long-temps que cette contrée est restée sous sa domination. La seule condition qu'il ait mise aux concessions qu'il a faites, a été d'exiger que les terres concédées fussent mises en état de culture dans un temps donné;

(1) Raynal, Hist. philosoph., liv. 13.

(2) De Humboldt, Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, suppl., p. 142 et 143.

mais jamais il n'a tenu à l'accomplissement de cette condition (1).

Cependant le gouvernement des États-Unis vend les terres que les indigènes lui ont cédées. Ces terres ne sont quelquefois vendues qu'à raison d'un centième de dollar par acre (un peu plus d'un · sou (2). Quelquefois aussi elles sont vendues un peu plus ou un peu moins d'un dollar l'acre, selon qu'elles sont plus ou moins éloignées des pays cultivés. Cette valeur est, en grande partie, le résultat des travaux exécutés sur les terres voi

sines. On a déjà vu, dans le chapitre précédent, en effet, que les terres incultes augmentent de valeur à mesure que des populations civilisées s'étendent vers elles. La raison en est que la culture en devient moins difficile, et qu'on trouve plus aisément à échanger les produits qu'on en retire, contre d'autres produits.

Toutes ces terres, qui n'avaient presque point de valeur, quand elles n'étaient parcourues que par des tribus sauvages, sont devenues des propriétés précieuses, à mesure que l'industrie humaine les a fertilisées. La Martinique, vendue en 1650 pour une somme de trente ou quarante mille francs, exportait en 1775 pour près de dix-neuf millions de ses produits Des terres, qui n'auraient coûté

(1) Raynal, Histoire philosophique, vol. 7, liv. 13, p. 27. (2) Larochefoucault, Voyage aux États-Unis, t. 5, p. 192.

« PreviousContinue »