Page images
PDF
EPUB

ne pourrait être changé qu'avec l'autorisation du gouvernement. Les partages déjà faits furent maintenus comme ils l'avaient été par la loi du 24 prairial an IV.

La loi du 9 floréal an XI (29 avril 1803) mit quelques nouveaux obstacles au déboisement, en appliquant aux bois des particuliers les mêmes dispositions qu'aux bois des communes. L'article 1er déclara que, pendant vingt-cinq ans, aucun bois ne pourrait être arraché et défriché que six mois après la déclaration qui en aurait été faite par le propriétaire devant le conservateur forestier de l'arrondissement où le bois serait situé. L'administration forestière fut autorisée, par l'article 2, à faire mettre, sans délai, opposition au défrichement du bois, à la charge d'en référer, avant l'expiration des six mois, au ministre des finances, sur le rapport duquel le gouvernement statuerait définitivement dans le même délai. Suivant l'article 3, en cas de contravention aux dispositions de l'article précédent, le propriétaire devait être condamné, sur la réquisition du conservateur de l'arrondissement, à remettre une égale quantité de terrain en nature de bois, et à une amende qui ne pouvait être au-dessous du cinquantième ni au¬ dessus du vingtième de la valeur du bois arraché. Faute par le propriétaire d'effectuer la plantation ou le semis, dans le délai fixé par le jugement de

condamnation, il devait, suivant l'article 4 de la loi, y être pourvu à ses frais par l'administration forestière. Enfin, l'article 5 exceptait de ces dispositions les bois non clos, d'une étendue moindre de deux hectares, lorsqu'ils n'étaient pas situés sur le sommet ou la pente d'une montagne, et les parcs ou jardins clos de murs, de haies ou fossés, attenant à l'habitation principale (1).

La loi qui autorisait le partage et le défrichemens des biens communaux, ne fut en vigueur que pendant trois années environ, depuis le 10 juin 1793 jusqu'au 9 juin 1796; mais, dans cet intervalle, elle produisit les effets les plus désastreux, surtout dans les vallées situées au bas des montagnes les plus escarpées. L'eau des pluies et des neiges, au lieu de s'infiltrer dans la terre et d'alimenter les sources, descendit en torrens, remplit de gravier le lit des rivières, se répandit sur les propriétés privées, et les dévasta.

« Les nombreux défrichemens qui ont eu lieu depuis la révolution, et principalement depuis la loi du 10 juin 1793, disait, en 1804, le préfet du département du Doubs, ne paraissent point étrangers à la cause des débordemens extraordinaires et fréquens qui occasionnent, depuis quelques an¬ nées, tant de ravages dans le département.

(1) Le code forestier du 21 mai 1827 a renouvelé ces prohibitions pour vingt années. Voyez les art. 219-225.

» Les longues chaînes de montagnes mises en culture, et qui n'offrent plus aujourd'hui que des rochers arides, étaient, avant cette époque, couvertes de forêts qui s'entretenaient sur une couche plus ou moins profonde de terre légère et végétale.

>> Ces forêts maintenaient sur les neiges une fraîcheur qui les garantissaient de l'ardeur des premiers rayons du soleil, et des vents chauds qui en opèrent aujourd'hui la fonte subite; et la terre, en se saturant de la neige fondue, diminuait le volume de celles qui s'écoulaient par les ruisseaux et par les rivières..

» Aujourd'hui, à la première fonte des neiges ou après les grandes pluies, toutes ces montagnes deviennent la source de torrens dévastateurs qui inondent les vallées et les plaines, en charriant avec eux des sables et des pierres, qui, en exhaussant successivement le lit des ruisseaux et des rivières, préparent, pour la suite, des inondations plus con ́sidérables, dont l'effet sera indubitablement de changer toutes les terres riveraines en marécages (1).

[ocr errors]

On a pu faire, sur toutes les parties de la France,

(1) Statistique générale de la France Département du Doubs, ch. 1, p. 5.

Dans le département des Deux-Sèvres, le déboisement a eu pour effet de rendre la pluie plus rare et moins abondante,

et particulièrement dans les vallées situées au pied des montagnes, les mêmes observations que dans les vallées du Jura: partout le déboisement et le défrichement des parties supérieures des bassins a multiplié les torrens et les inondations, et diminué, par conséquent, le nombre et l'abondance des sources régulières et permanentes.

Les rivières ont participé, jusqu'à un certain degré, de la nature des cours d'eau qui les alimentent: à certaines époques de l'année, dans le temps des pluies et de la fonte des neiges, elles deviennent subitement violentes, rapides, dévastatrices comme des torrens; dans d'autres temps, elles n'ont pas assez d'eau pour la navigation ou pour les autres besoins de l'industrie.

Des fleuves et des rivières qui n'éprouvent que de faibles variations, qui ont toujours une quantité d'eau suffisante pour les besoins de l'agriculture, de la navigation et de toutes les branches d'industrie, mais qui n'ont jamais assez de violence pour être dangereux, donnent aux terres qu'ils traversent une immense valeur; ils sont les agens les plus actifs de la prospérité et de l'accroissement des populations qui en possèdent les bords.

d'accroître la force des vents, de rendre le temps plus froid et les terres moins productives. Statistique générale de la France. Département des Deux-Sèvres, p. 166.

1

Des modifications faites au sol, dont le résultat est de les rendre irrégulières, de les mettre presque à sec dans certaines saisons de l'année, et de les convertir, à d'autres époques, en torrens dévastateurs, sont de véritables atteintes portées à la propriété, au commerce, à l'industrie, à l'existence, en un mot, de toutes les populations qui se sont développées sous la salutaire influence de leurs

eaux.

Or, si les populations qui occupent les vallées et les plaines situées dans le bassin d'un fleuve, ont, ainsi qu'on l'a déjà vu, la propriété de ce fleuve, il s'en suit nécessairement qu'elles sont fondées à exiger que les plateaux et les versans les plus élevés des montagnes qui y portent leurs eaux, ne subissent aucun changement qui puisse les priver de leur propriété ou la dégrader.

Ces plateaux et ces versans, qui forment les bords des bassins des rivières et des fleuves, n'ont, en général, que peu de valeur par eux-mêmes; c'est là qu'on trouve de vastes espaces de terres incultes, qui ne sont propres qu'à produire du bois ou à servir de pâturages.

Mais ces mêmes terres dont l'agriculture ne peut tirer immédiatement presque aucun produit, sont d'une immense utilité, par les eaux qu'elles reçoivent et qu'elles portent, au moyen d'infiltrations graduelles, dans le fond des bassins où se trouvent

« PreviousContinue »