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reçoit les eaux dont nos rivières sont formées, pour l'obliger à les mieux retenir, et à les distribuer d'une manière moins irrégulière, on obtiendrait des résultats plus avantageux. En même temps qu'on améliorerait d'une manière permanente tous les cours d'eau, et qu'on donnerait ainsi un stimulant à tous les genres d'industrie, on éviterait le danger de manquer de combustible.

Après avoir démontré qu'un fleuve et les rivières qui le forment, sont la propriété commune des populations qui en occupent les bassins, il est presque inutile d'ajouter que les ports de mer sont aussi des propriétés nationales: c'est une vérité que tous les peuples se sont accordés à reconnaître, et qui a peu besoin d'être développée.

Les rivages, lais et relais de la mer sont mis aussi au rang des propriétés publiques, ainsi que je le ferai voir plus loin; aussi, lorsque des communes ont voulu s'emparer des biens de cette nature, comme faisant partie de leurs propriétés communales, leurs tentatives ont été réprimées (1).

Il est d'autres parties du territoire national qui restent dans le domaine public; on y laisse souvent de vastes forêts ou d'autres terres.

(1) Voyez les décrets de la Convention nationale du 11 nivôse an II (31 décembre 1793), et 21 prairial suivant (9 juin 1794).

Ayant exposé dans les chapitres précédens quelle est la nature de certaines proprietés nationales, il reste à faire connaître, comment on peut en régler la jouissance de la manière la plus avantageuse pour le public et pour les particuliers; mais je dois faire connaître auparavant les mesures qu'on a prises, à diverses époques, pour arrêter ou prévenir le déboisement des montagnes.

CHAPITRE XV.

Des lois destinées à prévenir le déboisement des montagnes.

de

TOUTES les fois qu'on observe, avec un peu soin, les effets qui résultent des changemens subis par les diverses parties du territoire d'un peuple, on ne tarde pas à s'apercevoir que les modifications éprouvées par les unes, exercent sur les autres une influence qui leur est, tantôt avantageuse, et tantôt funeste, selon la nature de ces modifications; une terre marécageuse dont on épuise les eaux, et sur laquelle s'élève un riant village, donne de la valeur à toutes les terres des environs, et cette valeur s'accroît si le village se transforme en une ville; des campagnes que les abus long-temps prolongés d'une mauvaise administration, transforment en marais mal sains, comme les campagnes des en-virons de Rome, dégradent et déprécient au contraire toutes les propriétés au milieu desquelles elle sont placées; les travaux qui rendent un fleuve navigable, et qui facilitent les communications entre les diverses parties du territoire qu'il arrose, accrois

sent la valeur de toutes les terres auxquelles ils ouvrent des débouchés; les dégradations qu'éprouvent les parties les plus élevées du bassin d'un fleuve, exercent, au contraire, sur tous les cours d'eau qui sillonnent ce bassin, une influence plus ou moins funeste, et nuisent ainsi à toutes les autres parties du territoire.

Un peuple ne peut donc atteindre le degré de bien-être et de puissance que comporte sa nature, qu'autant que chacune des parties du sol qui le nourrit, reçoit la destination la plus conforme à l'intérêt général. Pour donner à ses richesses un grand développement, il faudrait, s'il était possible, qu'une volonté unique, et surtout éclairée, présidât à la disposition de chacune des parties de son territoire, et la fit concourir à la prospérité de toutes les autres. Mais l'existence d'une telle volonté, en la supposant possible, ne saurait se concilier avec la division du sol en propriétés privées, communales, provinciales, nationales, et avec la faculté garantie à chacun de disposer de ses biens d'une manière à peu près absolue. On peut bien donner à la partie qui reste commune au corps entier de la nation, la destination la plus favorable à la prospérité publique; mais on ne peut pas contraindre chacune des fractions entre lesquelles la population se partage, à disposer de la part qui lui est dévolue, dans l'intérêt de toutes les autres. Si

les possesseurs de terres étaient tous des hommes éclairés, et s'ils ne pouvaient être entraînés par aucune passion vicieuse, on pourrait compter, pour les bien diriger, sur la puissance de l'intérêt privé, dans tous les cas où cet intérêt serait d'accord avec l'intérêt général; mais, outre qu'il n'est pas permis de compter sur une nation d'hommes éclairés et exempts de vices, cette concordance, entre tous les intérêts privés et l'intérêt général, n'existe pas toujours, quoiqu'elle ait lieu dans le plus grand nombre de cas.

Lorsque l'agronome Arthur Young visita la France pour en étudier les ressources, il fut frappé tout à la fois, et des dévastations qui se commettaient dans les forêts, et des plaintes qui s'élevaient de toutes parts sur la cherté du bois, et du bas prix auquel il se vendait comparativement aux autres produits du sol. En mettant en parallèle les revenus que donnait une certaine étendue de terre en nature de bois, avec les revenus que donnait une égale étendue de terre de même qualité, consacrée à produire des céréales ou à engraisser des animaux, il trouvait qu'il y avait encore en France beaucoup trop de forêts. Il assurait que, s'il possédait des bois dans ce pays, il les ferait abattre et mettrait la terre en culture, bien sûr de faire une bonne spéculation.

«La rente des terres de labours, abstraction

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