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Depuis le commencement du quatorzième siècle jusque vers la fin du dix-septième, les rois de France se sont beaucoup occupés de la conservation des forêts: si l'on s'en rapportait aux titres de leurs ordonnances, on serait même tenté de croire qu'ils ont considéré les propriétés de ce genre, dans leurs vrais rapports avec la prospérité publique; tous ces titres, en effet, annoncent qu'on va traiter des eaux en même temps que des forêts, comme si, par la conservation de celles-ci, on avait eu principalement en vue de veiller à la conservation de celles-là; mais ce n'est qu'une trompeuse appa→ rence; la liaison qui est dans les mots, ne se trouve ni dans les idées ni dans les mesures (1).

Il aurait fallu, pour soumettre les bois et les forêts à une bonne police, que les causes qui en recommandaient la conservation, fussent bien connues, et que la puissance du gouvernement fût incontestée sur toutes les parties du territoire national; mais ce n'était pas dans les ténèbres du moyen âge, et au milieu de l'anarchie produite par le régime féodal, qu'il était possible de concevoir

(1) Voyez les ordonnances de Philippe V, du mardi avant Pâques 1318; de Philippe VI, du 29 mai 1346; de Charles VI, du 1er et du 8 mars 1388, du mois de septembre 1402, du 25 mai 1413, et du mois février 1415; de Charles VII, du 8 juin 1456; d'Henri IV, du mois de juin 1601 et du 27 sep tembre 1607; et de Louis XIV, du mois d'août 1669.

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et de prendre des mesures générales pour faire concourir chacune des parties du territoire à la prospérité de l'ensemble; tout ce qu'il était possible de faire alors était de veiller, autant que possible, à la conservation ou à la bonne administration de chaque partie, sans s'occuper des rapports qu'elle pouvait avoir avec les autres.

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Les ordonnances rendues depuis le commencement du quatorzième siècle jusqu'en 1669, sur les eaux et forêts, n'avaient eu généralement pour objet que la conservation des revenus de la couronne. On n'avait vu, dans les forêts, que les produits im-. médiats qu'elles donnaient annuellement, et le gibier auquel elles offraient des refuges; on n'avait vu, dans les fleuves et les rivières, que le poisson qu'on pouvait y prendre. La chasse et la pêche étaient dans ces temps des affaires plus importantes pour le monarque et sa maison, que l'agriculture

et le commerce.

Louis XIV et ses conseillers furent dominés par les mêmes idées et par les mêmes passions; cependant ils portèrent leurs vues un peu plus loin. Après avoir pris les mesures que les lumières ou les besoins du temps pouvaient leur suggérer, pour conserver les forêts de l'état et assurer le service de la marine, ils s'occupèrent des bois des particuliers. L'ordonnance du mois d'août 1669 enjoignit à toutes personnes, sans exception ni diffé

rence, de régler la coupe de leurs bois taillis au moins à dix années, avec réserve de seize baliveaux dont ils pourraient disposer après l'âge de quarante ans. Elle leur ordonna d'en réserver dix dans les ventes ordinaires de haute futaie, en leur laissant toutefois la faculté d'en disposer à leur profit, après l'âge de cent vingt ans. Il leur fut enjoint de plus d'observer, dans l'exploitation de leurs bois ou forêts, ce qui était prescrit pour l'usance des forêts de la couronne, sous les peines portées par les ordonnances.

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Les grands maîtres et autres officiers des eaux et forêts furent autorisés à visiter ou inspecter les bois des particuliers, pour assurer l'observation de ces dispositions et réprimer les contraventions (1).

Les particuliers étant tenus de se conformer dans l'exploitation de leurs bois, aux règles prescrites pour les forêts de l'état, il s'ensuivait qu'il leur était interdit de les arracher pour les convertir en terres labourables. C'est, en effet, ce qui fut décidé par deux arrêts du conseil, l'un du 9 décembre 1703, l'autre du 16 mai 1724. Les bois étaient soumis aux règles du droit public, quant à l'exploitation, et aux règles du droit privé, quant à la transmission.

Les mêmes motifs qui avaient porté le gouver

(1) Ordonnance de 1669, tit. XXVI, art. 1 et 2.

nement à interdire aux particuliers la destruction de leurs bois, et à leur imposer des règles pour l'exploitation, le déterminèrent à leur défendre d'y établir, sans une autorisation particulière, des forges, fourneaux et verreries (1); on craignait que la consommation de bois qui serait faite par ces usines, quelque profitable qu'elle fût pour les propriétaires, ne fût nuisible à l'intérêt public.

L'ordonnance de 1669 n'avait pas suffi pour mettre les bois à l'abri des dévastations; il résulte, au contraire, du témoignage d'Arthur Young, cité dans le chapitre précédent, que même avant la révolution, ils étaient impunément ravagés, au moins dans quelques parties de la France. Quand la révolution éclata, les anciennes lois sur les eaux et forêts ne furent pas immédiatement abolies, mais elles eurent encore moins de force qu'elles n'en avaient auparavant. Cette faiblesse des lois eut des conséquences d'autant plus étendues que l'aliénation des domaines nationaux donna aux acquéreurs le moyen de disposer, sans contrôle, des bois dont ils avaient fait l'acquisition. L'assemblée nationale, par son instruction du 12 août 1790, essaya de faire respecter les anciennes règles par les administrations locales et par les citoyens; mais, comme aux yeux de beaucoup de

(1) Arrêt du conseil du 9 août 1723.

personnes, la liberté n'était que l'affranchissement de toute règle et de tout devoir, ses exhortations ne produisirent que peu d'effet.

« L'assemblée nationale, est-il dit dans cette instruction, n'a pu s'occuper encore des réformes que peut exiger l'administration des domaines et bois; elle a décreté seulement la vente des biens nationaux. Ainsi, par rapport à la régie de ces biens et à la perception de leurs revenus, les choses doivent rester, quant à présent, sur l'ancien pied, et les municipalités, ainsi que les administrations, ne peuvent y prendre part.

>> Il en est de même de la juridiction des eaux et forêts, qui subsiste toujours, et qui n'ayant encore perdu que la seule attribution des délits de chasse, doit continuer de connaître, comme par le passé, de toutes les autres matières que les anciennes lois ont soumises à sa compétence, jusqu'à ce qu'un décret formel de l'assemblée nationale ait prononcé sa suppression.

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Nombre de municipalités cependant égarées par une fausse interprétation des décrets des 11 décembre et 18 mars derniers, se sont permis des entreprises dont la durée et la multiplication auraient les suites les plus funestes. L'assemblée nationale a mis sous la sauvegarde des assemblées administratives et municipales les forêts, les bois et les arbres, et elle leur en a recommandé la con

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