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un système fondé sur l'esprit de rapine commerciale.

>> Mais quelle que puisse être la nécessité des marines, il n'y en a aucune pour cultiver des chênes pour les construire; il en coûte infiniment moins de les acheter que de les cultiver. On ne peut pas prévoir l'époque où l'on aura épuisé le chêne du Nord, de la Bohême, de la Sibérie, de la Pologne, de la Hongrie et des terres qui bordent l'Adriatique. Le prix s'en élevera à mesure que le.transport en sera plus coûteux, mais ces pays en fourniront pendant des siècles. Jusqu'au commencement du siècle dernier, la rareté du chêne nous a contraints de faire usage du pin ; et cependant, malgré la grande consommation qui en a été faite, les pays d'où nous l'avons tiré, pourraient nous en fournir encore pendant cinq cents ans >> (1).

La nécessité de veiller à la conservation des bois, n'est pas la même pour toutes les nations ; une multitude de circonstances physiques, telles que l'élévation et l'étendue des montagnes, la chaleur ou la fraîcheur du climat, la nature et la disposition du sol, peuvent faire varier les besoins des hommes. Le déboisement d'une île située sous un cli

mat humide et froid, ne peut pas avoir pour les habitans les mêmes effets que le déboisement d'un tel que la Perse.

pays

(1) Arthur Young, vol. 2, p. 115-116.

Quelque sages que puissent être, au reste, les mesures d'un gouvernement, elles ne sauraient jamais produire de grands résultats, si elles n'étaient pas secondées par les mœurs de la population. C'est donc sur les esprits qu'il faut surtout agir ; il faut montrer aux hommes leurs véritables intérêts. Lorsqu'ils verront clairement le but vers lequel il leur importe de se diriger, ils y tendront sans qu'on ait besoin de les presser.

CHAPITRE XVI.

Des anciennes lois sur la jouissance et la conservation des fleuves et des rivières.

IL existe, ainsi qu'on l'a vu, des rapports intimes entre l'état du sol des parties supérieures d'un grand bassin, et les cours d'eau qui le parcourent. Ces rapports auraient dû servir de base aux mesures prises en divers temps et en divers lieux pour la conservation des grands cours d'eau, et cependant ils ont été sans influence sur les actes de la plupart des gouvernemens. Nous ne devons pas en être étonnés : ils n'étaient pas connus, il n'y a pas très long-temps, même par les hommes qui s'occupaient des sciences avec le plus de succès. H aurait été difficile, d'ailleurs, qu'on les prît pour règles à des époques de troubles et de guerres, quand les peuples étaient divisés de la manière la plus arbitraire; quand l'industrie et le commerce étaient des objets de mépris, et que les nations, comme leurs gouvernemens, étaient plongées dans une profonde ignorance (1).

(1) Descartes supposait que les eaux de la mer se rendaient,

Il aurait fallu, pour oser concevoir, et surtout pour mettre en pratique dans chaque grand bassin, un système propre à en développer toutes les ressources agricoles, industrielles et commerciales, que les divisions politiques des divers pays fussent en harmonie avec les divisions territoriales formées par la nature elle-même, et que l'autorité publique se trouvât entre les mains d'hommes assez éclairés, assez puissans, et surtout assez intègres pour subordonner aux intérêts généraux tous les intérêts individuels qui s'y trouvaient opposés; dans les temps où nous vivons, il y a peu de nations qui puissent se vanter d'être parvenues à ce degré de perfection; et aucune n'y était arrivée dans les temps qui nous ont précédés; nous ne devons donc pas espérer de trouver, dans les lois des anciens peuples, un ensemble de mesures propres à tenir les grands cours d'eau toujours en bon état.

Les rivières, ainsi qu'on l'a vu précédemment, ont, pour les nations qui savent en faire usage, di

par des conduits secrets, dans des réservoirs placés sous les montagnes; que là elles étaient réduites en vapeur par le feu central; que ces vapeurs, élevées dans l'intérieur des montagnes, se condensaient en eau contre leurs parois, et que cette eau s'écoulait par les fentes des rochers, comme l'eau distillée coule par le bec d'un alambic. Si telles étaient les idées d'un des plus grands philosophes et des meilleurs observateurs du dix-septième siècle, qu'on juge de ce que devaient être celles du vulgaire dans les siècles antérieurs.

vers genres d'utilité: elles ne servent pas seulement à leur fournir l'eau qui leur est nécessaire pour leur breuvage, pour la préparation de leurs alimens, et pour leur propreté, ou à nourrir le poisson qui fait une partie de leur subsistance; dans beaucoup de lieux, elles portent la fertilité sur un sol qui serait stérile ou du moins peu productif, s'il n'était arrosé que par les eaux du ciel; comme forces motrices, elles transportent dans un lieu les denrées ou les marchandises qui y manquent, et qui abondent dans un autre; elles donnent le mouvement à des machines puissantes, et contribuent ainsi au développement et à la perfection des arts; la force de la vapeur qui produit aujourd'hui tant de merveilles, ne saurait remplacer toujours la puissance d'un cours d'eau, et elle est plus dispendieuse.

Quand on considère un fleuve dans toutes les parties qui concourent à le former, on peut, ainsi que je l'ai fait voir, le comparer à un arbre immense dont le tronc repose sur la mer, et dont les branches et les rameaux s'étendent sur la surface d'un grand bassin. Les diverses parties dont il se compose peuvent être divisées et traitées séparément dans un écrit ; des administrateurs ou des écrivains peuvent s'occuper alternativement de la tige, des branches principales ou secondaires, et des plus petits rameaux; mais de quelque manière qu'ils le divi

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