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Par son instruction du 12 août 1790, elle chargea les assemblées administratives, de rechercher et d'indiquer le moyen de procurer le libre cours des eaux, d'empêcher que les prairies ne fussent submergées par la trop grande élévation des écluses, des moulins, et par les autres ouvrages d'art établis sur les rivières; de diriger enfin, autant qu'il serait possible, toutes les eaux de leur territoire, vers un but d'utilité générale d'après les principes de l'irrigation; mais, quoique l'autorité donnée à ces assemblées pût faire supposer que toutes les rivières étaient des dépendances du domaine public, la puissance législative ne s'expliqua point alors sur la question de savoir si elles appartenaient, en effet, à l'État.

Le 22 novembre de la même année, l'assemblée constituante rendit un décret par lequel elle détermina les biens dont le domaine public était composé. Par l'article 1 er, elle déclara (S1) que le domaine national proprement dit s'entendait de toutes les propriétés foncières et de tous les droits réels et mixtes qui appartenaient à la nation, soit qu'elle en eût la possession et la jouissance actuelle, soit qu'elle eût seulement le droit d'y rentrer par voie de rachat, droit de réversion ou autrement. « Les chemins publics, ajoutait l'article 2, les rues et

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jets du même genre. Cette classification n'a rien de commun avec celle que fait la loi du 22 décembre 1790.

places des villes, les fleuves et rivières navigables, les lais et relais de la mer, les ports, les hâvres, les rades, et, en général, toutes les portions du territoire national qui ne sont pas susceptibles d'une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine public (1). »

Cette loi ne comprenait donc pas, dans l'énumération des biens faisant partie du domaine de l'État, les rivières non navigables; et l'on pourrait conclure de là que ces rivières n'entraient pas dans là composition du domaine public: mais si, dans sa pensée, elles n'appartenaient point à l'État, à qui appartenaient-elles? Étaient-elles la propriété des communes qu'elles traversaient? Les propriétaires des héritages riverains en étaient-ils les maîtres, ou bien appartenaient-elles aux populations qui en occupaient les bassins? La loi du 22 novembre, sur les domaines nationaux, ne s'expliquait pas à cet

égard.

Le 27 septembre 1794, l'assemblée constituante,

(1) Cette loi met, en outre, parmi les choses qui appartiennent à la nation, tous les biens et effets, meubles ou immeubles, demeurés vacans et sans maîtres, et ceux des personnes qui décèdent sans héritiers légitimes, ou dont les successions sont abandonnées; les murs et fortifications des villes, entretenus par l'état et utiles à sa défense, enfin les anciens murs " fossés et remparts de celles qui ne sont point places fortes. (Art. 3 et 5.)

dans un décret relatif aux biens et aux usages ruraux, s'occupa de nouveau des fleuves et des rivières. Elle déclara d'abord que nul ne pouvait se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou d'une rivière navigable ou flottable. Elle reconnut ensuite que tout propriétaire riverain pouvait, en vertu du droit commun, faire, dans ces rivières, des prises d'eau, sans néanmoins en détourner ui embarrasser le cours d'une manière nuisible au bien général et à la navigation (1).

Il semblait résulter de ces deux dispositions, que les rivières qui n'étaient ni navigables ni flottables, étaient ou pouvaient devenir propriétés privées ou communales, et que les propriétaires riverains n'avaient pas, en vertu du droit commun, la faculté d'y faire des prises d'eau, comme quand il s'agissait d'une rivière navigable ou flottable. Si l'on reconnaissait, en effet, à tout propriétaire riverain le droit de pratiquer des prises d'eau dans toute rivière qui bordait son héritage, pourquoi ne faisait-on mention de ce droit que pour les rivières navigables? Pourquoi dire que nul ne pouvait se prétendre propriétaire exclusif de ces rivières? Admettait-on que les autres pouvaient appartenir exclusivement à des personnes qui n'en posséderaient pas les bords, et que les proprié

(1) Art. 4. tit. I, sect. Ire.

taires riverains ne pourraient pas en faire usage?

Ayant reconnu, en principe, que nul ne pouvait se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou d'une rivière navigable ou flottable, et que tout propriétaire riverain pouvait, en conséquence, y pratiquer des prises d'eau, la même loi déclara que personne ne pourrait inonder l'héritage de son voisin, ni lui transmettre volontairement les eaux d'une manière nuisible, sous peine de payer le dommage, et d'une amende qui ne pourrait excéder la somme du dédommagement; elle déclara, de plus, que les propriétaires ou fermiers des moulins et usines construits ou à construire, seraient garans de tous les dommages que les eaux pourraient causer aux chemins ou aux propriétés voisines, par la trop grande élévation du déversoir ou autrement; qu'ils seraient forcés de tenir les eaux à une hauteur qui ne nuirait à personne, et qui serait fixée parle directoire du département, d'après l'avis du directoire du district. La peine en cas de contravention, était une amende qui ne pouvait excéder la somme du dédommagement (1).

Le décret du 15 mars 1790, qui avait supprimé les droits féodaux de péage, passage, halage, et

(1) Décret du 27 septembre et 6 octobre 1791, tit. II, art. 15 et 16.

autres de même nature, nominativement désignés, perçus par terre ou par eau, avait provisoirement excepté, par l'article 15 du titre II, 1o les octrois autorisés, qui ne se percevaient sous aucune des dénominations comprises dans cet article; 2o les droits de bac et de voiture d'eau. Le décret du 25 août 1792 fit disparaître cette exception; l'article 7 prononça l'abolition, sans indemnité, de ces péages; l'article 9 déclara que les droits exclusifs des bacs et voitures d'eau, provisoirement conservés, étaient pareillement supprimés ; il reconnut à tout citoyen le droit de tenir, sur les rivières et canaux, des bacs, coches ou voitures d'eau, sous les loyers et rétributions qui seraient fixés et tarifés par les directeurs de département, sur l'avis des municipalités et du directoire de district.

Les nombreuses lois qui avaient prononcé l'abolition des droits féodaux n'ayant fait aucune mention spéciale des droits exclusifs de pêche que les gens d'église et les nobles s'étaient attribués sur toutes les rivières non navigables, la Convention nationale fut invitée à rendre un décret qui dissipât les doutes qui pouvaient s'élever à cet égard; elle écarta toujours les pétitions qui lui furent adressées, par des ordres du jour, motivés sur ce que les droits exclusifs de pêche, dont jouissaient les seigneurs, avaient été abolis par les articles 2 et 5 du décret du 25 août 1792; elle reconnut ainsi

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