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les routes de plantations dont ils disposèrent ensuite en propriétaires.

L'abolition du régime féodal, prononcée en 1789, aurait dû suffire pour faire classer parmi les choses qui appartiennent au domaine public, tous les chemins destinés à mettre les diverses fractions dont la population était composée, en communication les unes avec les autres; mais, comme les lois qui avaient supprimé la féodalité ne s'étaient pas expliquées à cet égard, la loi du 10 juillet 1790 leva les doutes qu'elles pouvaient avoir laissé subsister.

Cette loi déclara que nul ne pourrait dorénavant prétendre aucun droit de propriété ni de voirie sur les chemins publics, rues et places des villages, bourgs ou villes. Le droit de planter des arbres ou de s'approprier les arbres crûs sur les chemins publics, rues ét places des villages, dans les lieux où il était attribué aux seigneurs, fut aboli. Les seigneurs furent néanmoins maintenus dans la propriété des arbres existans au moment de la promulgation de la loi, à l'exception de ceux qui avaient été plantés par des particuliers, et dont l'expropriation n'avait pas été légalement prononcée. Les propriétaires riverains furent autorisés à racheter les arbres plantés vis-à-vis de leurs propriétés, sur les rues ou chemins publics. Les communautés d'habitans furent autorisées, de leur

côté, à racheter les arbres existans sur les places publiques des villes, bourgs ou villages.

La loi du 16 juillet 1790, en déclarant que nul ne pourrait dorénavant prétendre aucun droit de propriété ni de voirie sur les chemins publics des villages, bourgs ou villes, n'avait pas dit si ces chemins feraient partie du domaine de l'État, ou s'ils appartiendraient aux communes. Le premier article du décret du 1er décembre suivant, mit tous les chemins publics parmi les choses qui appartenaient à la nation; il déclara que les chemins pablics, les rues et places des villes, et, en général, toutes les portions du territoire national qui n'étaient pas susceptibles d'une propriété privée, étaient considérées comme une dépendance du domaine public (1).

(1) Les principes adoptés par l'Assemblée constituante étaient professés, au seizième siècle, par un des jurisconsultes les plus éclairés de cette époque. Loyseau n'admettait pas que les seigneurs, ni le roi lui-même, fussent propriétaires des chemins publics. La distinction, entre les chemins royaux et les chemins de traverse, n'était convenable que quand il s'agissait d'en déterminer la largeur et d'en assurer l'entretien. « Les » chemins, pour être dits royaux, ne sont pas plus au roi, disait-il, que les traverses ou autres chemins publics; ils sont » de la catégorie des choses qui sont hors du commerce, dont » partant la propriété n'appartient à aucun, et l'usage est à un >> chacun, qui, pour cette cause, sont appelés chemins publics. Des Seigneuries, ch. IX.

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Les droits que la loi du 6 juillet 1790 avait réservés aux seigneurs sur les arbres plantés avant sa promulgation, sur les bords des chemins vicinaux et sur les rues des villes, bourgs et villages, leur furent enlevés, sans. indemnité, par les articles 14 et 15 de la loi du 28 août 1792. Le premier de ces deux articles déclara que tous les arbres existans actuellement sur les chemins publics, autres que les grandes routes nationales, et sur les rues des villes, bourgs et villages, étaient censés appartenir aux propriétaires riverains, à moins que les communes ne justifiassent en avoir acquis la propriété par titre ou possession. Le second ajouta que les arbres alors existans sur les places des villes, bourgs et villages, ou dans des marais, prés ou autres biens dont les communautés avaient ou recouvreraient la propriété, étaient censés appartenir à ces mêmes communautés, sans préjudice des droits que des particuliers, non seigneurs; pouvaient y avoir acquis par titre ou possession. Quant aux arbres plantés sur les grandes routes nationales, l'article 18 de la même loi déclara que nul ne pourrait se les approprier et les abattre, jusqu'à ce qu'il eût été prononcé à cet égard par la puissance législative. Les propriétaires riverains furent autorisés néanmoins à en percevoir les fruits, et à s'approprier les bois morts et les émondages, à charge d'entretenir lesdits arbres, et de remplacer les morts.

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Les chemins publics étaient jadis entretenus au moyen de la corvée. Deux déclarations, rendues en 1786 et 1787, supprimèrent cette imposition, et la remplacèrent par une prestation en argent. La loi du 6 décembre 1793 ordonna que tous les grands chemins, ponts et levées, seraient faits et entretenus par le Trésor, et que les chemins vicinaux continueraient d'être aux frais des administrés. Cette obligation du Trésor ayant été très-mal remplie, une loi du 24 fructidor an v (10 septembre 1797), déclara qu'il serait perçu sur toutes les grandes routes de la république une taxe, dont le produit serait spécialement et uniquement affecté aux dépenses de leur entretien, réparation et 'confection, ainsi qu'à celles de leur administration. La loi de finances du 9 vendémiaire suivant (30 septembre 1797) détermina le mode de perception de cet impôt, et les voitures et animaux qui y seraient assujétis (1). Les fonds perçus dans l'étendue d'un département devaient être versés dans la caisse du receveur-général, et exclusivement employés à l'entretien et à l'administration de ses grandes routes. En cas d'insuffisance de l'impôt perçu dans un département pour acquitter les dépenses de ses routes, il devait y être pourvu par

(1) Voy. le titre VIII de cette loi, qui établit un droit de passe sur les chemins. Un pareil droit est établi sur tous les chemins publics d'Angleterre.

des reprises sur les départemens qui avaient obtenu des produits supérieurs à leurs besoins.

Cette loi avait uniquement pour objet de pourvoir à l'entretien, à la réparation et à l'administration des grands chemins; elle ne les faisait pas sortir du domaine public, pour en attribuer la propriété, soit aux départemens, soit aux communes. La loi du 25 janvier 1804, qui forme le titre Ier du livre second du Code civil, en déterminant les biens dont le domaine public serait composé, parut en exclure les chemins, routes et rues qui ne seraient pas à la charge de l'État. Le projet de loi portait que les chemins publics, les rues et places publiques, étaient considérés comme domaine public. M. Regnault (de Saint-Jean-d'Angely) prétendit que cette rédaction était vicieuse, en ce qu'elle comprenait dans le domaine de l'État tous les chemins publics, les rues et places publiques. Il fit observer que les lois distinguaient entre les grandes routes et les chemins vicinaux, et que, suivant la jurisprudence du Conseil-d'État, ceux-ci étaient la propriété des communes et entretenus par elles. M. Tronchet répondit qu'il y avait des chemins qui, sans être grandes routes, appartenaient à l'État ; mais M. Regnault (de Saint-Jeand'Angely) répliqua qu'il était facile de distinguer les chemins qui appartenaient à la nation: ce sont dit-il, ceux qu'elle entretient. Cette opinion triom

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