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pha dans le conseil; et, en conséquence, l'art. 538 du Code civil considéra comme dépendances du domaine public, les chemins, routes et rues, à la charge de l'État, les fleuves et rivières navigables ou flottables, les lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d'une propriété privée.

Cette disposition fut promulguée en 1804, હૈ une époque où tous les grands chemins étaient entretenus et administrés au moyen de droits de passe perçus sur ces mêmes chemins. Ces droits furent supprimés par la loi du 24 avril 1806, qui les remplaça par un impôt sur le sel, et qui déclara que le produit de cet impôt aurait la destination de celui qui était supprimé. Le produit de la contribution établie par la présente loi, disait l'article 59, est exclusivement affecté à l'entretien des routes et aux travaux des ponts et chaussées. Les chemins vicinaux furent donc les seuls qui ne furent pas entretenus et administrés aux frais du Trésor public.

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Aussitôt que l'impôt sur le sel, qui devait pourvoir aux dépenses des grandes routes et de l'administration des ponts et chaussées, eût été bien établi, on rejeta sur la population presque toutes les dépenses auxquelles il devait pourvoir. Un décret du 16 décembre 1811 divisa les routes de

Franceen routes impériales et en routes départementales; les premières furent subdivisées en trois classes. Cette division et cette subdivision n'avaient qu'un objet, c'était d'affranchir le Trésor des charges que lui avait imposées la loi de 1806, en établissant un impôt sur le sel. L'article 6 du décret déclara, en effet, que les frais de construction, de reconstruction et d'entretien des routes de troisième classe, seraient supportés concurremment par le Trésor et par les départemens qu'elles traverseraient. L'article 7 ajouta que la construction, la reconstruction et l'entretien des routes départementales, demeureraient à la charge des départemens, arrondissemens et communes, qui seraient reconnus participer plus particulièrement à leur usage. Il est presque inutile d'ajouter qu'on eut soin de faire entrer dans la troisième classe, et parmi les routes départementales, celles qui, prises en masse, exigeaient les plus fortes dépenses (1).

Lorsque les membres du Conseil-d'État discutaient l'article du Code civil, qui devait donner la définition du domaine public, on ne divisait les chemins qu'en trois espèces, comme sous les

(1) Les routes de première classe sont au nombre de 14; les routes de seconde classe au nombre de 13; celles de troisième classe au nombre de 202; quant aux routes départementales, on ne jugea pas à propos d'en faire le dénombrement.

lois romaines : les grands chemins, les chemins vicinaux, et les chemins privés, dont je n'ai pas à m'occuper dans ce moment. Les premiers étant tous entretenus aux frais du trésor public, les conseillers d'état voyaient peu d'inconvéniens à déclarer que les hemins, routes et rues à la charge de l'État, seraient considérés comme des dépendances du domaine public, et à mettre ou à laisser les chemins vicinaux au rang des propriétés communales. S'ils avaient prévu que bientôt un décret mettrait à la charge des départemens ou des communes la plupart des grandes routes, auraient été certainement frappés de la fausseté de la définition qui leur était proposée, et qu'ils adop tèrent avec tant de facilité.

ils

CHAPITRE XXI.

Suite du précédent. De la propriété des chemins publics, et des droits qui en résultent.

La question de la propriété des chemins publics est plus grave que ne paraissaient l'avoir cru les jurisconsultes qui s'en sont occupés.

A leurs yeux, elle tire toute son importance des difficultés qui peuvent se présenter quand une route est supprimée, et qu'il s'agit de disposer du terrain dont elle était formée. La question de savoir s'il faut adjuger ce terrain à la commune, au département ou à l'État, dépend, suivant eux, de. celle de savoir si le chemin supprimé appartenait à l'État, au département ou à la commune.

Si la question était réduite à ces termes, elle se présenterait rarement dans la pratique, et n'aurait qu'un faible intérêt; mais elle a une portée beaucoup plus haute. Le pouvoir le plus étendu qu'un homme puisse exercer sur une chose qui lui appartient, est, suivant les lois de tous les peuples civilisés, le pouvoir d'un propriétaire sur sa propriété ce pouvoir est même d'autant plus

respecté, que la civilisation est plus avancée. Si donc on admettait que les communes et les départemens sont propriétaires des chemins à l'entretien desquels ils doivent pourvoir, il faudrait, ou leur reconnaître une puissance et une indépendance destructives de l'unité nationale, ou donner au mot propriété un sens contraire à celui qu'il a toujours eu. On ne saurait admettre, en effet, que les communes et les départemens sont propriétaires des chemins qu'ils sont chargés d'entretenir, sans reconnaître que chaque commune et chaque département sont souverains sur leur territoire, et sans briser les principaux liens qui unissent entre elles toutes les parties dont une nation se compose.

La faculté de veiller à l'entretien d'une chose, ou de la laisser périr en empêchant que d'autres ne l'entretiennent, peut être considérée comme un signe de propriété, quand le libre exercice de cette faculté est garanti par l'autorité publique. On ne peut pas en dire autant de l'obligation de contribuer à certaines dépenses, pour tenir en bon état une chose qui, par sa nature, est destinée à un usage public. Une charge n'est pas un droit; elle n'est pas toujours et nécessairement une marque de propriété.

Dans l'état actuel de notre législation, les communes sont obligées de pourvoir à l'entretien des chemins vicinaux; les départemens doivent pour

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