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prendre sur les propriétés privées; c'est une faculté que le public a toujours, mais qu'il ne peut exercer que moyennant une juste et préalable indemnité, c'est-à-dire en payant toutes les valeurs dont il s'empare.

Le seul cas où il n'y a pas lieu à indemnité est celui où, pour donner à un chemin public la largeur prescrite par la loi, il suffit de reprendre des terrains qui en ont fait jadis partie, et qui ont été usurpés par les propriétaires riverains.

Il ne serait pas possible de pourvoir à l'entretien des chemins publics, si l'on ne tirait pas des propriétés qui les bordent, les matériaux dont on a besoin; mais la valeur de ces matériaux doit être payée par le public qui en profite.

Aussi, la loi du 28 septembre 1791 déclare-t-elle que les agens de l'administration ne pourront fouiller dans un champ, pour y chercher des pierres, de la terre ou du sable, nécessaires à l'entretien des grandes routes ou autres ouvrages publics, qu'au préalable ils n'aient averti le propriétaire, et qu'il ne soit justement et préalablement indemnisé à l'amiable ou à dire d'experts (1).

La loi du 16 septembre 1807 ajoute que les terrains occupés pour prendre les matériaux nécessaires aux routes ou aux constructions publi

(1) Section VI, art. 1.— Code forestier, art. 145.

ques, pourront être payés aux propriétaires comme s'ils eussent été pris pour la route même; qu'il n'y aura lieu de faire entrer, dans l'estimation, la valeur des matériaux à extraire, que dans les cas où l'on s'emparerait d'une carrière déjà en exploitation, et qu'alors ces matériaux seront évalués d'après leur prix courant, abstraction faite de l'existence et des besoins de la route pour laquelle ils seraient pris, ou des constructions auxquelles on les destine.

Lorsqu'il s'agit de prendre sur des propriétés privées, des matériaux nécessaires à l'entretien de chemins publics, on ne suit pas les formes prescrites pour les cas où il y a lieu à expropriation pour cause d'utilité publique; la nécessité d'observer ces formalités rendrait souvent l'entretien des chemins impossible (1).

De nombreuses contestations peuvent s'élever entre les propriétaires dont les héritages sont bordés par des chemins publics, et les personnes auxquelles l'entretien et la garde de ces chemins sont confiés. Quelles que soient les difficultés qui s'élèvent, il est une vérité qu'il ne faut jamais perdre de vue, c'est qu'un peuple n'existe, et priétés privées n'ont de valeur que par munications. Le public doit, sans doute, faire les

(1) Arrêt du conseil du 25 avril 1820.

et que

les pro

lès com

sacrifices qu'exigent la formation et l'entretien des routes; mais quand il fait ces sacrifices, il n'est point d'intérêts qui soient supérieurs aux siens.

CHAPITRE XXII.

De la propriété des richesses minérales, et des limites qui en résultent pour les propriétés de la surface.

TANT qu'une peuplade laisse inculte le territoire qu'elle occupe, et qu'elle continue de se nourrir ou de gibier ou de poisson, la terre sur laquelle elle trouve sa subsistance, demeure tout entière une propriété nationale. Le sol ne se convertit en propriétés privées que quand des individus ou des familles, renonçant à la vie vagabonde, s'en approprient certaines parties au moyen de la culture. Cette appropriation d'une partie du sol ne fait rien perdre à personne, puisque celui qui devient propriétaire, loin d'empiéter sur la part des autres, renonce, au contraire, ainsi qu'on l'a vu précédemment, à la plus grande partie de ce qui lui était auparavant nécessaire pour sa subsistance.

Si l'appropriation, de l'espace de terre qu'un homme met en culture, n'est pas une usurpation, la valeur qu'il donne au terrain qu'il s'est approprié par le travail, est bien moins encore une pro

priété usurpée : c'est une richesse qui n'appartient qu'à lui, parce que ce n'est que par lui qu'elle a été formée. Mais les travaux qui convertissent en propriété privée un terrain qui était commun quand il était inculte, n'ajoutent aucune valeur aux minéraux que la terre renferme dans son sein. Une mine située sous des campagnes florissantes, n'est pas plus facile à exploiter que celle qui se trouve placée sous le sol le plus inculte ou le plus ingrat. L'or qu'on retire des flancs de la montagne la plus stérile, n'a pas moins de valeur que celui qu'on va chercher dans les profondeurs de la terre la mieux cultivée.

L'homme qui s'approprie, par le travail, une certaine étendue du sol, ne fait donc absolument rien pour acquérir la propriété des richesses qui sont ensevelies dans les entrailles de la terre. Entre elles et lui, il n'existe aucun rapport de création; ce n'est point par elles qu'il a vécu, et que ses habitudes se sont formées; ce n'est pas non plus par son travail ou par ses capitaux, qu'elles ont acquis de la valeur. Il n'a rien reçu d'elles, il n'y a rien mis du sien la nature a tout fait, sans qu'il se soit mêlé de rien.

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Aussi, les publicistes, comme les jurisconsultes, se sont-ils généralement accordés à reconnaître que, pour acquérir la propriété d'une mine, il ne suffit pas de devenir propriétaire du sol sous le

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