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les végétaux; mais il l'en tire d'une manière médiate, en se nourrissant des objets qu'elle lui prépare: Sous quelques rapports, il paraît dans une plus grande dépendance des choses, puisqu'il ne peut, sans périr', en être séparé aussi long-temps; mais, d'un autre côté, il est doué de la faculté d'aller à la recherche de celles qui lui sont né

cessaires.

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Les hommes, considérés sous des rapports purement physiques, sont soumis aux mêmes lois; comme tous les autres animaux, ils ont besoin, pour se conserver et se reproduire, d'air, de lumière, de chaleur, d'alimens, et de l'union des sexes; ils ont besoin, de plus, de vêtemens et d'abri. Si les végétaux tirent immédiatement leur subsistance de la terre et si la plupart des animaux l'en tirent d'une manière médiate en se nourrissant de végétaux, l'homme tire la sienne de la même source, en se nourrissant des uns et des autres. Les animaux ayant besoin, pour se conserver, de substances plus élaborées et plus variées que celles que demandent les plantes, ont la faculté de se déplacer pour aller les chercher. De même les hommes, ayant des besoins plus nombreux et plus variés qu'aucun autre genre nimaux, ont la faculté de diriger les productions. végétales et animales de manière qu'elles soient propres à les satisfaire.

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L'action d'un être organisé qui unit à sa propre substance les choses au moyen desquelles il croît, se fortifie et se reproduit, est ce que nous nommons appropriation. Par cette action, en effet, il se les approprie, il les transforme en une partie de lui-même; de telle sorte qu'on ne pourrait les séparer de lui sans le détruire. Il serait également impossible de diminuer d'une manière considérable la quantité de choses qu'un homme consomme habituellement dans un temps donné, sans l'affaiblir ou le détruire, ou sans lui causer des souffrances plus ou moins vives. Arrêter ou suspendre la multiplication des choses au moyen desquelles les nations existent, c'est arrêter ou suspendre la multiplication même des hommes; de même, multiplier ces choses, c'est donner aux hommes les moyens de s'accroître dans les mêmes proportions.

Un homme qui serait privé d'air atmospherique pendant quelques minutes, cesserait d'exister, et une privation partielle lui causerait de vives souffrances; une privation partielle ou complète d'alimens produirait sur lui des effets analogues, quoique moins prompts; il en serait de même, du moins dans certains climats, de la privation de toute espèce de vêtemens ou d'abri; enfin, l'isolement dans lequel un individu serait placé relativement à des individus de son espèce, s'il ne

causait pas sa destruction', l'empêcherait du moins de se reproduire.

Pour se conserver et se reproduire, l'homme a donc besoin de s'approprier incessamment des choses de diverses espèces; mais ces choses n'existent pas dans les mêmes proportions: quelques-unes, telles que la lumière des astres, l'air atmosphérique, l'eau renfermée dans le bassin des mers, existent en si grande quantité, que les hommes ne peuvent leur faire éprouver aucune augmentation ou aucune diminution sensibles; chacun peut s'en approprier autant que ses besoins en demandent, sans nuire en rien aux jouissances des autres, sans leur causer le moindre préjudice. Les choses de cette classe sont, en quelque sorte, la propriété commune du genre humain; le seul devoir qui soit imposé à chacun à leur égard, est de ne troubler en rien la jouissance des autres.

Il est d'autres choses qui, sans exister en aussi grande quantité que celles que nous appelons communes, peuvent satisfaire quelques-uns des besoins d'une nombreuse agrégation d'hommes; de ce nombre sont les fleuves qui parcourent le territoire d'une nation, les grandes routes qui le coupent en divers sens, les ports de mer qui en font partie, et d'autres objets destinés à un usage commun. Ces choses étant propres à satisfaire les besoins généraux d'une nation, sont dites pro

priétés nationales; considérées relativement aux membres de l'État, elles sont des propriétés communes; elles sont particulières, quand on les considère dans les rapports qui existent de nation à

nation.

Ces grandes agrégations auxquelles on donne le nom de nations ou de peuples, sont formées d'autres agrégations moins considérables qu'on désigne sous diverses dénominations. Celles-ci prennent les noms de provinces, d'états, de villes, de cantons, de communes, ou autres, selon les langues et les institutions de chaque pays. Ces agrégations inférieures ont aussi certaines choses particulièrement destinées à l'usage commun des membres dont elles se composent. On désigne ces choses sous le nom de propriétés communales, cantonales, départementales ou provinciales, parce que la fraction de population par laquelle elles sont possédées, s'en approprie en commun la jouissance.

Enfin, il est des choses qui ne sont destinées qu'à satisfaire les besoins de ces petites agrégations qu'on désigne sous le nom de familles, ou des besoins purement individuels: telles sont les choses qui nous servent d'alimens, de vêtemens, d'abri. Celles-ci sont dites propriétés privées ou particulières, parce qu'elles sont partagées entre les particuliers qui ne se conservent qu'en les appliquant à la satisfaction de leurs besoins.

Les choses que les jurisconsultes désignent sous le nom de communes et qui forment pour ainsi dire la propriété du genre humain, existant en trop grande quantité pour que l'usage que les hommes en font, puisse en diminuer la masse d'une manière sensible, il est peu nécessaire de s'en occuper dans la législation. Comme il n'arrive guère qu'on s'en dispute la jouissance, il suffit d'un petit nombre de lois de police pour en assurer à chacun le libre usage. Les hommes n'ont rien à faire pour les produire, pour les conserver, ou pour en régler la transmission d'une génération à l'autre.

Les choses dont la quantité est bornée, et qui sont destinées à satisfaire des besoins individuels ou de famille, n'existent généralement que par le moyen d'un travail humain et par le concours des forces de la nature. Chacun ne peut en consommer qu'une certaine quantité, et il est impossible d'en détruire inutilement une partie sans causer quelque mal, ou sans faire disparaître la cause de quelques jouissances. L'augmentation ou la diminution des choses de cette nature est suivie d'une augmentation ou d'une diminution propor→ tionnelle de population ou de bien-être.

Nous avons donné le nom d'appropriation à l'action par laquelle une personne unit à sa propre substance, ou emploie à la satisfaction de ses besoins, les choses qui servent à sa conservation ou

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