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les premières années de leur vie, ou lorsqu'ils sont devenus capables de comprendre les leçons de la doctrine chrétienne. Nous l'avons suffisamment prouvé, en parlant de la manière dont se fait le plus souvent le catéchisme. Voyons à présent quelle utilité les peuples chrétiens peuvent retirer des prônes qui se font communément.

Pour nous convaincre du peu de fruits qu'on doit en attendre, laissons parler les paroissiens sur les instructions qu'ils entendent à la messe paroissiale. Il ne s'agit pas ici de ceux qui répondront que leur pasteur et ceux qui doivent leur enseigner la religion ne leur en parlent jamais, ou la leur prêchent si rarement qu'ils sentent fort bien n'être pas instruits comme ils devroient l'être : mais écoutons ceux qui sont assidus aux prônes dans les paroisses même où ils se font exactement; que nous diront-ils, et principalement ceux qui, s'appliquant en leur particulier à étudier la loi de Dieu, sont plus capables de connoître la force et les défauts des prônes? Ils nous diront que ces instructions sont le plus souvent si superficielles qu'il n'est pas possible que des paroissiens y trouvent jamais tout ce qu'ils devroient savoir; qu'il n'est pas rare de voir que les pasteurs et les prêtres, chargés de faire le prône, n'en ont qu'un petit nombre qu'ils ne cessent de redire, en sorte que le peuple entend toujours les mêmes : ce qui rebute tellement les paroissiens, et fatigue si fort les auditeurs que plusieurs se retirent à l'écart, pour ne pas les écouter. Il y en a même parmi eux, à qui la continuelle répétition de ces prônes les a fait apprendre par cœur, de manière qu'ils pourroient les réciter mot à mot avec le prédicateur, qui est le seul qui n'en soit pas fatigué et ennuyé. Ils nous diront que les vérités qu'on leur prêche au prône, n'y sont jamais développées comme elles devroient l'être; qu'il s'en faut bien qu'on y apprenne aux fidèles toutes celles qui leur sont nécessaires, et qu'on leur y explique la loi du Seigneur dans toute son étendue. Comment doit-on à plus forte raison regarder ces prônes qui n'offrent qu'un verbiage, sans ordre, sans onction, sans dessein, sans étude; qui ne peuvent ni éclairer l'esprit, ni toucher le cœur de ceux qu'on prétend instruire, qui n'apprennent jamais rien à ceux qui viennent les entendre? C'est ce qu'on doit attendre surtout de ces ministres qui, pour avoir paru souvent en pu→ blic, ont la témérité de se croire capables de parler sur-le-champ;

qui ne rougissent point de débiter hardiment dans la chaire de vérité tout ce qui leur vient à l'esprit; qui supposent la vérité de ce qu'ils avancent, sans en donner aucunes preuves, ou ne les présentent qu'à demi; qui se perdent dans les détails, qui se répètent, qui s'égarent dans des digressions ennuyeuses, et qui s'imaginent bien prêcher, parce qu'ils crient de toute leur force, et qu'ils parlent beaucoup.

En vain dira-t-on que les sermons suppléent, pour l'instruction des peuples, aux défauts des prònes: car la plupart des sermons supposent les auditeurs instruits, et ne les instruisent pas. D'ailleurs, est-il bien sûr que tous ceux qui assistent aux sermons les comprennent toujours, principalement dans un temps où l'éloquence n'est plus à la portée du commun des auditeurs; où l'on rougiroit de penser avec saint Paul, que notre foi ne doit pas être établie sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu; où l'on auroit honte de ne savoir autre chose parmi ceux que l'on doit instruire, que Jésus-Christ, et Jesus-Christ crucifié; temps où la plupart des prédicateurs ne veulent plus, pour annoncer la doctrine de Jésus-Christ, que les discours élevés de l'éloquence et de la sagesse humaine? Ce grand apôtre nous enseigne que celui qui instruit les autres, soit en leur expliquant les obscurités de l'Écriture, soit en leur développant les mystères de la foi, soit en leur apprenant ce qu'ils doivent à la loi du Seigneur, ne peut chercher qu'à les édifier, à les exhorter, à les consoler. Que personne ne cherche ses intérêts propres, nous dit-il, mais ceux des autres. Cette doctrine ne peut être du goût de notre siècle; il la méprise, il la rejette; celui qui a le talent de la parole, dit-il à un grand nombre de prédicateurs, doit chercher à paroître dans le public, et à se faire connoitre au monde. Et voilà ce qui produit tant de ministres de l'Evangile, qui parlent d'eux-mêmes, et qui ne cherchent que leur propre gloire. Heureux les peuples qui ne sont instruits que par des pasteurs et des prêtres qui craignent d'anéantir la croix de Jésus-Christ en annonçant l'Evangile avec des paroles étudiées, et qui savent qu'on altere la parole de Dieu, des qu'on ne la prêche pas comme venant de Dieu, devant Dieu, et au nom de Jésus-Christ: La prédication vraiment chrétienne n'a pas besoin de l'ornement fastueux et de l'éclat des paroles, dit saint Ambroise : Prædica-· tio christiana non indiget pompâ et cultu sermonis. Elle porte avec soi sa recommandation. C'est par elle que d'ignorants pêcheurs

ont converti le monde. S'ils avoient été orateurs on auroit attribué à leur éloquence la ruine de l'idolâtrie.

Lorsque vous instruisez, dit saint Jérôme, ne cherchez pas des applaudissements, mais des larmes ; il ne vous faut d'autre éloge que celui des pleurs de votre auditoire: Lacrymæ auditorum laudes tua sint. Un prédicateur ne doit donc chercher, dans son ministère, qu'à toucher, qu'à convertir les âmes. Malheur à ceux qui ne pensent qu'à se prêcher eux-mêmes, et qui ne sont pas persuadés qu'ils doivent ne prêcher que Jésus-Christ NotreSeigneur! Malheur à ceux qui ne regardent pas des yeux de la foi le ministère de la chaire, qui se pressent de se produire en public, et de prêcher la parole de Dieu, sans s'y être préparés par l'intelligence des divines Écritures, par une étude sérieuse et réfléchie de la doctrine des saints Pères, de celle de l'Eglise et des ouvrages des théologiens catholiques, par la méditation continuelle des mystères et des vérités de la religion, et surtout des vérités de la morale. Malheur à ceux qui ignorent que c'est de Dieu seul qu'ils doivent attendre cette sagesse qui a ouvert la bouche des muets, qui a rendu éloquentes les langues des petits enfants! Malheur à ceux qui ne veulent pas demander au Seigneur ce cœur docile, nécessaire pour discerner entre le bien et le mal, ces paroles propres à enseigner utilement aux hommes ce qui doit les conduire dans la voie du salut, ces discours pleins de droiture et de vérité, sans lesquels on ne peut annoncer dignement les volontés du Seigneur ! Malheureux les peuples instruits par ces ministres, qui veulent être docteurs de la loi, sans entendre ni ce qu'ils disent, ni ce qu'ils assurent.

Plût à Dieu que de pareils apôtres fussent plus rares, et qu'on les éloignât, dès qu'ils sont connus, de l'exercice du saint ministère ! L'Église n'auroit pas la douleur de voir un si grand nombre de ses enfants, croupir dans la plus profonde ignorance de ce que Dieu demande d'eux. Et au fond, comment le sauroient-ils, puisqu'ils n'en entendent jamais parler ? Quomodò audient sine prædicante? Comment leur prèchera-t-on, si ceux qui, par le devoir de leur charge sont obligés de les éclairer et de les conduire peu à peu jusqu'à la connoissance du fond de la religion, ou négligent de leur donner toutes les instructions qu'ils leur doivent, ou n'ont pas toujours les talents et les lumières néces saires pour les instruire?

Combien y a-t-il de choses, par exemple, dans la morale, dans les dogmes, dans le service divin et les prières publiques, dans les usages et les cérémonies de la religion, dont on ne dit jamais rien aux peuples; et dont l'ignorance fait commettre tous les jours à la plupart des chrétiens, sans qu'ils s'en aperçoivent, des fautes considérables qui sont cause que le nom de Dieu est blasphémé parmi les infidèles, les hérétiques, les impies et les libertins!

Nous avons donc eu raison de dire qu'il est facile de connoître la source de cette famine spirituelle dont nous parle l'Écriture, et que souffrent les fidèles au milieu même des instructions continuelles qu'ils entendent. Famine, non de pain, ni soif d'eau, mais famine et soif de la parole de Dieu : non famem pa nis, neque sitim aquæ, sed audiendi verbum Domini. C'est de cette famine que Dieu menaçoit les Juifs par le prophète Amos. Plaise à son infinie miséricorde nous en préserver, en donnant à son Église la consolation de n'avoir que des ministres dignes, par leurs lumières, par leur piété, par leur zèle pour la gloire de Dieu et pour le salut des âmes, d'annoncer, comme ils le doivent, le mystère de l'Évangile!

DES AUTRES INSTRUCTIONS NÉCESSAIRES AU PEUPLE

CHRÉTIEN.

si

Il ne suffit pas d'annoncer aux fidèles la parole de Dieu, on ne leur apprend en même temps ce qu'elle attend d'eux, et quel est le fruit qu'ils doivent en retirer. Dieu veut des œuvres, et non des paroles : c'est donc en vain qu'on reçoit des instructions, si on ne les met pas en pratique. C'est celui qui fait la vo– lonté de mon Pere qui est dans le ciel, dit Jésus-Christ, qui entrera dans le royaume du Ciel. Celui qui entend ce que je dis, ajoute ce divin Sauveur, et qui ne l'exécute pas, est semblable à un homme qui a bâti sa maison sur la terre sans lui donner le fondement; ausque le fleuve s'est débordé, et qu'il s'est porté contre cette maison, il l'a renversée, et la ruine en à été grande.

sitôt

C'est ce que cet adorable Maître a ordonné à ses disciples, d'enseigner à tous ceux qu'ils instruiroient. Mes chers Frères, disoit l'apôtre saint Jacques, recevez avec douceuret avec docilité la

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parole qui a été entréeenvous, et qui peut sauver vos âmes. Mais accomplissez cette parole, et ne vous contentez pas de l'écouter, en vous trompant vous-mêmes. Car celui qui ne fait qu'écouter la parole de Dieu, sans l'accomplir, est semblable à un homme qui, jetant les yeux sur un miroir, y voit son visage naturel couvert de taches, et qui à peine s'y est vu qu'il s'en va sans les avoir ôtées, oubliant aussitôt quel il étoit.

Dans cette comparaison, le miroir est la parole de Dieu, qui nous représente à nous-mêmes ce que nous sommes et ce que nous devons être ; le visage de l'homme est l'état intérieur de sa conscience; les taches du visage sont les péchés qui souillent l'âme se regarder dans le miroir, c'est écouter la parole de Dieu, et y remarquer la différence de ce que nous sommes, et de ce que l'Evangile veut que nous soyons; oublier l'état on la disposition de son visage, c'est mettre en oubli les vérités qui nous ont été prêchées, et négliger d'effacer par les larmes de la pénitence les souillures de notre âme. Or, comme le rapport du miroir est inutile à celui qui n'ôte pas les taches qu'il y a vues sur son visage, aussi la parole de Dieu ne sert de rien à ceux qui l'écoutent et qui ne font pas ce qu'elle leur enseigne. Cependant il n'est que trop vrai que la plupart de ceux qui entendent prêcher l'Evangile, après y avoir vu, comme dans un miroir, combien leur vie est éloignée de la pureté de la morale chrétienne, oublient, aussitôt après la prédication, tout ce qu'on leur a dit et les réflexions qu'ils y ont faites : la vérité s'efface de leur mémoire, et ils sont les mêmes qu'auparavant.

C'est donc en vain qu'on entend la parole de Dieu, si l'on néglige de considérer attentivement les vérités qu'on a apprises; si l'on n'a pas soin de demeurer ferme dans cette méditation ; d'observer continuellement la loi sans la perdre jamais de vue, et d'assurer par la pratique la connoissance des obligations qu'elle impose. C'est ce que nous enseigne encore l'apôtre saint Jacques, lorsqu'il nous dit que celui qui, après avoir considéré attentivement la loi parfaite de l'Evangile, qui nous donne la liberté des enfants de Dieu, l'aura observée constamment, ne l'ayant point entendue pour l'oublier, mais pour l'accomplir, trouvera son bonheur dans la fidélité avec laquelle il aura conformé ses mœurs et sa vie aux préceptes de cette divine loi.

Voilà ce que Moïse ordonnoit de la part de Dieu aux Israć

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