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ou qu'ayant quelqu'autre occasion d'être instruits ils négligent d'en profiter. Quicumque negligit habere vel facere id quod tenetur habere vel facere, peccat peccato omissionis, dit saint Thomas (1.2, 9. 76, art. 2); unde propter negligentiam ignorantia eorum qua aliquis scire tenetur, est peccatum.

Quoique tous les chrétiens qui ont l'usage de leur raison soient obligés, de nécessité de moyen, de croire explicitement quelques vérités, et tenus, de nécessité de précepte, d'en croire quelques autres, tous ne sont pas obligés de les savoir également.

La connoissance distincte des articles de la foi doit être plus ou moins grande, selon l'état, la profession, le caractère d'esprit, et les autres circonstances où se trouvent les fidèles. Il est difficile de déterminer, au juste et certainement, quel est le degré de connoissance distincte, nécessaire pour chacun. Nous parlons ici des chrétiens baptisés qui ont l'usage libre de leur raison. Il n'en est point, ainsi que nous l'avons déjà fait voir qui puisse être sauvé, s'il ignore les mystères de la Trinité, de l'Incarnation, de la Rédemption, et qui ne soit obligé de s'instruire des commandements de Dieu et de l'Eglise, du symbole des apôtres, de l'oraison dominicale, de ce que l'Eglise veut qu'il sache sur les sacrements qu'il doit recevoir, et des devoirs de l'état où il est engagé : tout ceci regarde les plus simples d'entre les fidèles.

Quant aux autres articles que chaque fidèle n'est pas obligé de savoir ni de croire en particulier, quoiqu'il suffise de les croire en général et d'une foi implicite, en croyant fermement tout ce que l'Eglise croit, on se peut trouver dans de certaines circonstances où l'on soit obligé de se faire instruire de quelquesuns, et de les croire d'une foi explicite : par exemple, lorsqu'on s'engage dans le mariage, on doit savoir et croire ce que l'Église enseigne sur ce sacrement, et sur les dispositions qu'il exige pour être reçu dignement.

Ceux qui sont capables d'apprendre à fond la religion doivent s'en instruire le plus exactement qu'il leur est possible, afin de s'affermir dans la foi, de s'avancer dans la piété, et d'être plus en état de résister aux erreurs contraires à la foi et aux fausses maximes du monde. Ceux qui négligent cette obligation, et qui vivent dans une ignorance volontaire sur plusieurs points de la religion, dont la connoissance leur seroit très-utile, ou

sur les règles des mœurs établies dans l'Évangile, ne les regardant qu'avec indifférence, ne sont pas excusables; et ils ont lieu d'appréhender que les suites de leur négligence ne soient terribles au jugement. Combien ne voit-on pas de chrétiens engagés dans le monde, qui, au mépris de la religion, dédaignent d'employer, pour apprendre et pour approfondir les vérités importantes qu'elle leur enseigne, un temps qu'ils ne rougissent pas de prodiguer et de perdre pour des bagatelles !

A l'égard des pasteurs et des prêtres, chargés par état d'instruire les peuples, ils doivent connoître et croire plus distinctement, et d'une manière plus parfaite, les vérités que nous propose la religion: Superiores homines ad quos pertinet alios erudire, tenentur habere pleniorem notitiam de credendis, et magis explicitè credere, dit saint Thomas. (2.2, q. 2.a 6.)

DE L'OBLIGATION DE FAIRE DES ACTES DE FOI.

Il ne suffit pas au chrétien adulte qui a l'usage libre de sa raison, d'avoir la foi habituelle; il faut encore qu'il en produise des actes; et, pour satisfaire à toutes les obligations que le précepte de la foi lui impose, il ne lui suffit pas d'en faire des actes intérieurs; il est encore nécessaire, de nécessité de salut, qu'il la professe par des actes extérieurs. Corde enim creditur ad justitiam, dit saint Paul; ore autem confessio fit ad salutem.

Quelques théologiens ayant osé enseigner une doctrine contraire à ces vérités, le pape Alexandre VII condamna en 1665, la proposition suivante : Homo nullo unquàm tempore tenetur ad actum fidei, spei et charitatis, ex vi præceptorum divinorum, ad eas virtutes pertinentium. Le pape Innocent XI censura par son décret de 1679 les propositions suivantes: Fides non censetur cadere sub præceptum speciale, et secundùm se. Satis est actum fidei semel in vitâ elicere. Sufficit illa mysteria semel credidisse.

Pour savoir en quel temps et de quelle manière nous devons professer extérieurement notre foi, il faut observer que cette obligation renferme un double précepte; l'un qui est négatif, et l'autre qui est affirmatif. Le précepte de la foi qui est négatif nous défend de refuser notre consentement aux vérités de la foi que l'Église nous propose de croire, et d'en révoquer au

cune en doute, en la regardant comme incertaine ; il nous défend de nier notre foi, et de la renoncer devant les hommes. Ce précepte, ainsi que tous ceux qui sont négatifs, oblige en tout temps: Semper, et pro semper, comme s'expriment les theologiens.

Le précepte de la foi qui est affirmatif nous ordonne trois choses: la première, de savoir certaines vérités de foi; la seconde, de les croire; la troisième, de faire une profession extérieure de notre foi; il n'oblige qu'en certaines occasions, ainsi que tous les préceptes affirmatifs, qui, selon cette autre maxime de l'école, obligant semper, sed non pro semper. Nous ne sommes pas obligés de faire à tout moment des actes de foi, mais seulement en certain temps, et dans de certaines circonstances. Mais quels sont les temps, quelles sont les circonstances où cette obligation a lieu? c'est ce qu'il est difficile de marquer précisément, et ce qui partage les sentiments des docteurs.

Sans entrer dans le détail de leurs différents sentiments, nous rapporterons seulement ce qu'enseignent, sur cette importante matière, de célèbres théologiens, et qui nous paroît mériter attention.

En premier lieu, disent-ils, on ne peut douter que le précepte affirmatif de la foi ne nous oblige souvent, durant la vie, d'en faire des actes, soit par lui-même, soit par accident, et à raison des différentes circonstances où nous nous trouvons. Pour s'en convaincre, il suffit de méditer ce que nous apprend saint Paul, lorsqu'il nous dit qu'on doit croire de cœur pour obtenir la justice; confesser de bouche, pour obtenir le salut, et que le juste vit de la foi. Or, comment l'homme pourra-t-il persévérer dans cette justice, espérer ce salut, conserver en lui cette vie, sans produire souvent des actes de cette foi si nécessaire, pour être juste, pour être sauvé, pour viore d'une manière qui rende agréable à Dieu; de cette foi qui est le commencement du salut de l'homme, le fondement et la racine de toute justification?

L'exemple suivant rendra sensible cette vérité. L'obligation de conserver notre vie demande que nous mangions autant qu'il est nécessaire pour ne pas mourir de faim; et quoiqu'il ne nous soit pas ordonné de manger précisement à telle ou telle heure, celui qui passeroit un temps considérable sans manger, et qui se mettroit par là dans le danger de mourir, seroit homicide de lui-même. Ainsi, quoiqu'il ne nous soit pas toujours commandé

de faire des actes de foi, précisément en tel et tel moment, néanmoins nous sommes obligés d'en produire autant qu'il faut pour ne pas laisser affoiblir notre foi, parce que nous ne pouvons nous conserver long-temps dans la foi et dans la justice, sans faire des actes de cette foi dont vit le juste: Justus ex fule vivit; et qu'elle est absolument nécessaire pour plusieurs actions qui doivent être fréquentes dans la vie chrétienne; comme sont, prier Dieu, lui rendre des actions de grâces, etc.

2.o Le précepte de la foi oblige d'en produire des actes sur les vérités dont la connoissance est nécessaire de nécessité de moyen et sur celles de nécessité de précepte, lorsqu'elles sont suffisamment expliquées, et que l'on connoît l'obligation de les croire: tel est le devoir d'un infidèle, d'un hérétique, de celui qui, baptisé dans son enfance, a atteint l'usage de sa raison, auxquels on propose ces vérités. Ils ne peuvent dans ce cas refuser de les croire, ni suspendre le consentement qu'ils doivent y donner, sans mépriser l'autorité de Dieu, sans s'exposer au danger de s'endurcir dans l'incrédulité, et de périr éternellement.

3.o Le précepte de la foi oblige d'en faire des actes, lorsqu'on est en danger de mort; car alors nous devons faire tous nos efforts pour nous unir à Dieu : or, la foi nous approche de lui, dit saint Augustin: Non enim ad Christum ambulando currimus, sed credendo, elle nous fait triompher du monde dans ces derniers moments; Hoc est victoria quæ vincit mundum, fides nostra ; et s'il y a un temps où nous ayons besoin du bouclier de la foi, pour pouvoir éteindre tous les traits enflammés du démon, c'est surtout dans ces instants redoutables qui doivent décider de notre bonheur ou de notre malheur éternel. Aussi, les pasteurs et les prêtres, chargés d'assister les mourants, ont-ils soin de leur faire faire des actes de foi ; et l'on peut dire que cette sage pratique est universelle dans l'Église catholique.

4.o Le précepte de la foi oblige d'en faire des actes, lorsqu'ils sont nécessaires pour repousser des tentations contre cette vertu. L'apôtre saint Pierre nous avertit de veiller, parce que le démon notre ennemi tourne autour de nous comme un lion rugissant pour nous décorer. Résistez-lui, nous dit ce prince des apôtres, en vous tenant fermes dans la foi. Nous devons donc dire alors à Dieu : Augmentez en nous la foi; je crois, Seigneur; aidez-moi dans la foiblesse de ma foi.

par

Nous avons dit que le précepte de la foi nous oblige quelquefois accident d'en faire des actes : c'est ce qu'il est nécessaire d'expliquer ici. Ce précepte nous oblige par accident, lorsque nous ne pouvons, sans un acte de foi, ou accomplir un autre précepte que celui de la foi, ou éviter un péché contraire à une autre vertu que la foi. Comment, par exemple, pouvoir adorer Dieu en esprit et en vérité; faire des actes d'espérance, de charité, de religion, de pénitence; comment pouvoir résister à certaines tentations violentes, qui ne sont cependant pas directement contre la foi sans actes de foi au moins implicites? N'estce point ce que saint Augustin a voulu encore nous dire, lorsqu'il nous assure (serm. 8, de decem plagis et præceptis, c. 10), que la foi doit précéder les bonnes œuvres: Nemo benè operatur, nisi fides præcesserit. Le pape saint Léon (serm. 4, de natio.) nous dit aussi : Nihil sine fide sanctum, nihil castum,nihil vioum.

On est obligé de produire des actes de foi, pour être justifié par les sacrements de Baptême et de pénitence, ou par la contrition, lorsqu'il n'est pas possible de recevoir ces sacrements. Le pécheur ne peut être justifié sans concevoir la douleur de ses fautes, par un motif surnaturel que la foi suggère. C'est par la foi qu'on se dispose à la justification, dit le concile de Trente (sess. 6, c. 6, de Justif.); Disponuntur autem ad ipsam justitiam, dum excitati divinâ gratiâ, et adjuti, fidem ex auditu concipientes, liberè moventur in Deum, credentes vera esse qui divinitùs revelata et promissa sunt. Foi, ajoute ce concile (ibid.c. 7), sans laquelle personne n'a été justifié : Sine quâ nulli unquàm contigit justificatio. C'est pourquoi saint Augustin nous enseigne (serm. 38) que la foi est le commencement de la religion et de la vie chrétienne : Hoc est initium religionis et vita nostræ, fixum habere cor in fide. Toutes ces raisons prouvent encore qu'on ne peut sans la foi recevoir dignement la sainte Eucharistie. Et sans la foi, comment pourrions-nous espérer que cette divine nourriture nous procurera la vie éternelle?

Les théologiens remarquent cependant qu'il n'est pas nécessaire, pour recevoir dignement et avec fruit ces sacrements, de produire des actes formels de foi; et qu'on est censé les faire en produisant des actes d'amour de Dieu et de contrition, dans lesquels ceux de foi sont véritablement renfermés. Et comme alors on n'est pas obligé de produire des actes de foi, précisé

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