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cusent d'avoir consenti à des pensées de haine de Dieu; ils jugeront de ce consentement, non par le ton d'assurance avec lequel elles l'affirmeront, mais par les effets de ces pensées ; c'est-à-dire que, si ces personnes ont agi en conséquence de ces pensées par exemple, si elles ont quitté leurs exercices de piété, on peut croire que le consentement est réel: mais si elles n'ont rien fait en conséquence, et qu'au contraire ces pensées les aient fatiguées, attristées, et pour ainsi dire désespérées, c'est une preuve qu'il n'y a point eu de consentement.

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La paresse ou le dégoût volontaire dans le service de Dieu est un péché opposé à la charité et contraire au premier commandement. Le précepte de l'amour de Dieu, en tant que négatif, nous défend de concevoir jamais volontairement de l'ennui, du dégoût, ou de la tristesse, à l'occasion de l'amour de Dieu et du service qu'on doit lui rendre, au point que la peine que nous trouvons à le servir, nous fasse omettre nos devoirs envers lui, plutôt que de nous faire violence pour les remplir.

Le propre de la charité est de nous porter à servir Dieu avec joie, avec courage, avec empressement, et à nous réjouir de tout ce qui lui est agréable: c'est donc agir directement contre la charité à ce service à cause de ses diffimanquer que

cultés.

de

Tous les théologiens, après saint Thomas, regardent ce dégoût, lorsqu'il est considérable, comme péché mortel de sa nature: il peut cependant n'etre que véniel, lorsqu'il n'est pas pleinement volontaire, ou lorsqu'étant volontaire on ne laisse pas de faire son devoir envers Dieu, mais avec négligence. Si cependant cette négligence est habituelle, et qu'on ne fasse pas des efforts pour surmonter le dégoût, il est difficile de le regarder comme véniel.

Ce péché est bien plus considérable par rapport aux personnes qui sont spécialement consacrées à Dieu par les saints ordres, ou par les vœux solennels de religion: outre l'opposition que ce dégoût a à la charité, il est encore opposé à l'obligation étroite et plus particulière que ces personnes ont de tendre tous les jours à une plus grande perfection. Si à ce dégoût du service de Dieu ces personnes joignent encore le dégoût de lear état, et qu'en conséquence elles négligent de remplir leurs ob ligations, elles pèchent mortellement: ce dégoût ne seroit ce

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pendant que véniel si, malgré le sentiment des difficultés que ces personnes éprouvent dans l'accomplissement des devoirs de leur état, qui leur fait regretter de l'avoir embrassé, elles ne laissent pas de les remplir; elles doivent toutefois ne pas se flat ter là-dessus, et faire tous leurs efforts pour détruire ce dégoût, qui, dans le cas même où il ne seroit que véniel, est très-dangereux et a ordinairement des suites funestes: car ce vice ne se combat pas par la fuite, mais en l'attaquant de front, et en entreprenant courageusement l'œuvre du salut, quelque répugnance qu'on ait, quelque difficulté qu'on éprouve. Si l'amour de Dieu n'est pas capable d'aplanir ces difficultés et de chasser ces répugnances, il faut s'animer par la crainte des peines destinées aux serviteurs négligents et paresseux, et par l'espérance de la récompense promise aux serviteurs fidèles et fervents.

On pèche encore contre la charité, lorsque, par une fausse honte, ou par respect humain, on omet de faire le bien qu'on est obligé de faire : car, c'est alors préférer en effet la créature au Créateur.

DE LA RELIGION.

La religion est une vertu morale qui nous porte à rendre à Dieu un culte convenable, qui lui est dû comme au premier principe de toutes choses.

1.o C'est une vertu morale, et même la première de ce genre, puisque, selon la remarque de saint Thomas (quæst. 81, art. 6,), elle nous unit à Dieu plus étroitement qu'aucune autre vertu morale. Elle n'est cependant pas vertu théologale, parce qu'elle n'a pas Dieu lui-même pour objet immédiat, mais seulement son culte, en tant qu'il est convenable; c'est-à-dire, que le but de la vertu de religion est de diriger l'homme dans le culte qu'il rend à Dieu, et de lui montrer le culte que Dieu agrée, en le portant à le pratiquer, et en le détournant de celui que Dieu réprouve.

2.° Qui est dû à Dieu. La vertu de religion ne rend de culte qu'à Dieu seul, et un culte de latrie, ce qui exprime une excellence infinie du côté de celui à qui elle rend son culte, et une soumission infinie de la part de celui par qui elle le fait rendre.

Ainsi, l'honneur de dulie qu'on rend aux saints, et d'hyperdulie qu'on rend à la très-sainte Vierge, n'est pas un acte de religion proprement dite, mais plutôt une observance religieuse.

3.o Qui est dû à Dieu comme au principe de toutes choses. C'est en effet à raison du souverain domaine que Dieu a sur nous et de notre dépendance que nous lui devons un culte. Comme notre premier principe, nous tenons tout de lui; nous devons done tout lui rapporter, et faire tout servir à sa plus grande gloire or, le culte que nous lui rendons est la seule manière dont nous pouvons lui marquer notre dépendance.

Ce culte, ou cette marque de notre dépendance, est de deux sortes: l'un corporel, comme les prières vocales, les inclinations, génuflexions, prostrations, par lesquelles nous exprimons au dehors notre respect, et la grande idée que nous avons de sa grandeur et de son excellence; l'autre spirituel et intérieur, comme l'oraison mentale, l'anéantissement intérieur devant Dieu. C'est ainsi que les esprits bienheureux dans le ciel, et souvent les hommes sur la terre, rendent leurs hommages à Dieu en secret.

Le culte que nous devons à Dieu exprime quelque chose de plus qu'un honneur; car l'honneur n'est autre chose qu'un témoignage du cas que l'on fait de l'être qu'on honore. Le culte, au contraire, outre l'honneur qu'il rend à Dieu, renferme encore un abaissement, un anéantissement de la créature devant le Créateur.

Tous les actes des vertus qui ont rapport au culte de Dieu appartiennent à la religion; c'est elle qui les fait produire et qui les commande : c'est ce que les théologiens appellent actus imperati; et c'est en ce sens que l'apòtre saint Jacques appelle les actes de charité et de miséricorde une religion pure, sainte et agréable à Dieu, parce que c'est la religion qui inspire ces œuvres de piété: Religio munda et immaculata apud Deum et Patrem, hæc est: visitare pupillos et viduas in tribulatione eorum (Jac. 1, v. 27).

Les actes propres à la religion, qu'elle produit immédiatement par elle-même, et que les théologiens appellent actus eliciti. sont de deux sortes : les uns qui sont des actes de religion dans un sens plus étroit, tels que l'amour, le désir, l'intention du culte divin, le choix des moyens pour rendre à Dieu ce culte

d'une manière qui lui soit plus agréable, le plaisir que l'on goûte à lui rendre ce culte; les autres sont des actes de religion dans un sens moins étroit et moins propre, tels que l'adoration, le sacrifice, les oblations, le vou, le jurement, la prière, la dévotion. Ces derniers étant des effets des premiers, c'est en ce sens qu'ils sont moins proprement produits par la religion, quoique ce soit elle qui les produise.

Par l'adoration, nous attestons la suprême majesté de Dieu, et nous le reconnoissons comme notre premier principe. Par le sacrifice, nous adorons l'autorité suprême de Dieu sur nous. Par l'offrande, nous avouons que Dieu a un souverain domaine sur toutes choses. Par la prière, nous reconnoissons que Dieu est la source et l'origine de tout bien, et que nous avons continuelleinent besoin de lui. Par le vau, nous professons que Dieu est infiniment digne que nous remplissions les promesses qu'on lui fait. Par le jurement, nous attestons la souveraine équité et la suprême vérité de Dieu. Par la louange, nous avouons que Dieu mérite des louanges infinies. Par l'action de grâces, nous regardons Dieu comme notre bienfaiteur. Enfin, par la dévotion, nous protestons que Dieu mérite d'être servi avec zèle, avec ferveur, et avec un cœur qui lui soit entièrement dévoué : car la dévotion n'est autre chose qu'une ardeur de la volonté, et une affection fervente qui nous porte à faire promptement, courageusement et avec joie, tout ce qui regarde le service de Dieu, et à surmonter avec effort les obstacles qui s'y opposent. Telle étoit la disposition du roi prophète, qui ne pouvoit pas penser à Dieu, sans se sentir tout pénétré de joie : Memor fui Dei, et delectatus

sum.

Les confesseurs doivent mettre tout en œuvre pour exciter cette dévotion dans le cœur des personnes qu'ils conduisent: sans cela leur ministère sera sans succès: mais, pour parvenir à l'exciter dans les autres, il faut qu'ils en soient tout pénétrés eux-mêmes; autrement, leurs paroles seront sans force, sans onction et sans effet.

DES PÉCHÉS OPPOSÉS A LA RELIGION.

Le but de la vertu de religion étant de nous diriger dans le culte que nous rendons à Dieu, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, elle nous prescrit des limites au-delà et en-deçà desquelles il n'est pas permis d'aller, sans pécher contre cette vertu. Il y a donc en général deux sortes de péchés directement opposés à la religion; l'un par excès, et l'autre par défaut. L'on pèche par excès, lorsqu'on tombe dans un culte superstitieux; l'on pèche par défaut, lorsqu'au lieu de rendre à Dieu un culte convenable on l'oublie, ou on le déshonore.

La superstition est un péché par lequel on rend un culte à celui à qui on ne le doit pas ; ou, si on le rend à qui on le doit, on ne le rend pas en la manière qu'il lui est dû. On distingue donc deux sortes de superstitions: l'une à l'égard de la créature, lorsqu'on lui rend le culte qui n'est dû qu'à Dieu seul. Saint Thomas comprend dans cette première sorte l'idolâtrie, la divination et la vaine observance. Plusieurs théologiens y ajoutent la magie et le maléfice. L'autre espèce de superstition a Dieu pour objet, lorsqu'on rend à Dieu un culte illegitime, c'est-àdire, un culte faux ou superflu.

Les péchés opposés à la religion par défaut étant prohibés par le second précepte du Décalogue, nous ne parlerons ici que de la superstition, et de toutes les espèces qu'elle renferme, qui sont l'objet du premier commandement.

1.° De l'idolâtrie.

L'idolatrie, ou le culte des idoles, idoli-latria, est une superstition qui rend à la créature un culte de latrie ou divin; car, par le mot idole, on entend communément toute chose qu'on honore comme Dieu, quoiqu'elle ne le soit pas. Nous disons communément, parce qu'on donne souvent le nom d'idole, dans un sens plus étendu, à des choses qu'on n'adore pas en effet, mais parce que l'attachement qu'on y a est si fort qu'il semble qu'on y mette sa dernière fin, et qu'on est censé en faire son Dieu : ainsi, l'argent est l'idole de l'avare; l'idole du voluptueux, c'est l'objet de sa passion; les dignités et les honneurs sont les

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