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quelquefois même un zèle précipité, peuvent en faire passer quelques-uns dont l'observance seroit sujette à bien des difficultés. On sait que dans les corps le parti le plus sage n'est pas toujours le parti dominant; on doit donc s'en tenir à la règle que nous venons de proposer.

Il faut cependant remarquer, 1.o que si un nouveau statut n'étoit qu'une explication d'un autre, le serment qu'on a fait de garder celui-ci, obligeroit à garder le second, lequel alors ne seroit en effet qu'une rénovation du premier; 2.0 que si le second statut étoit nécessaire ou avantageux au corps, il pourroit exiger le serment de le garder; et que quand il ne l'exigeroit pas, on seroit toujours obligé de s'y conformer, non en vertu d'un serment qu'on n'auroit pas fait, mais parce que chacun doit observer les lois de son état, et s'accorder avec le tout dont il est partie.

Celui qui a fait serment de garder les statuts d'un corps dont il est membre, pèche mortellement quand il les viole en matière grave; véniellement, s'il les viole en matière légère. Un chanoine, par exemple, qui dit au dehors quelque chose de ce qui s'est passé en chapitre, ne pèche grièvement que quand la chose est importante. La raison en est, 1.o que dans tout serment fait en faveur d'un tiers, il y a une condition tacite, au moyen de laquelle ce serment n'oblige que comme il est accepté. C'est pour cela que si celui à qui on l'a fait, le remet totalement, il n'oblige plus du tout; et par la même raison, s'il le remet jusqu'à un certain degré, par exemple, jusqu'à ne pas vouloir que celui qui l'a fait, ne puisse aller contre, sans pécher mortellement, il n'obligera pas sous peine de péché mortel : or on ne peut raisonnablement supposer qu'un corps sage, tel qu'est un chapitre, par exemple, exige de ses membres qu'ils s'engagent sous peine de damnation éternelle, à accomplir tous et chacun des statuts qu'on leur propose à leur réception; et il n'en est pas un seul qui puisse avoir intention de s'obliger d'une manière si rigoureuse; autrement chaque jour seroit marqué par un grand nombre de parjures. C'en seroit un de ne pas 'assister à une messe, à une procession, etc. 2.o Si le serment de garder les statuts d'un corps, obligeoit sous peine de péché mortel, à garder les plus légers statuts, le vœu d'observer l'Évangile obligeroit sous la même peine, à observer tout ce qui est dans

l'Évangile, surtout quand la matière est importante: or le contraire a été décidé par le pape Nicolas III, dans la décrétale Exit qui seminat, où ce souverain pontife remarque, qu'en vertu d'une pareille promesse, on ne seroit tenu qu'à observer l'Évangile comme Jésus-Christ l'a donné, c'est-à-dire, les préceptes comme préceptes, et les conseils comme conseils. C'est donc en ce sens qu'il faut entendre le serment de garder les statuts d'un corps à moins qu'il n'y eût dans la constitution de ce corps des raisons d'en juger autrement.

On doit distinguer le serment de garder les statuts, du serment de garder des choses contenues dans ces mêmes statuts. Le second serment tomberoit sur la chose prise en elle-même; et par conséquent il ne pourroit jamais être violé sans crime, dans le sentiment de ceux qui n'admettent point de parjure léger à raison de la légèreté de la matière. Mais le premier serment ne tombant que sur les statuts, n'oblige que selon la mesure de l'obligation imposée par les statuts mêmes; et par conséquent sous peine de péché mortel, quand la matière est grave; de véniel, quand elle est légère; et de nul péché, quand elle n'est que de conseil.

Nous ajouterons à tout ce que nous venons de dire sur ce qui regarde le serment de garder les statuts d'un corps, qu'il n'oblige que quand les statuts eux-mêmes obligent: ainsi si un statut devient ou impossible, ou illicite, ou abrogé par le nonusage, il est sûr qu'on n'est plus obligé à le garder; parce que ce serment ne regarde que les statuts qui sont en vigueur, ou qui doivent nécessairement y être. Par la même raison, si un statut n'est reçu que dans un sens plus limité que celui que présentent d'abord les termes dans lesquels il est conçu, ou s'il n'y en a plus qu'une partie qui soit en usage, on n'est tenu à le garder que de la manière dont il est actuellement observé. Mais on seroit obligé de garder de nouveau un statut, si d'impossible il redevenoit possible, ou d'illicite, licite, ou si, ayant été abrogé par le non-usage, il redevenoit en vigueur, parce que dans tous ces cas le serment de le garder n'auroit été que suspendu par les circonstances qui ont empêché son exécution.

Cependant il faut remarquer que si un statut qui auroit été révoqué par une autorité légitime, redevenoit en vigueur, on ne seroit pas tenu à l'observer en vertu du serment, parce que

ce seroit alors, à proprement parler, un nouveau statut : et que, comme nous l'avous dit ci-dessus, le serment de garder les statuts ne s'étend qu'à ceux qui sont déjà faits, à moins qu'il n'y ait des raisons spéciales de l'étendre à ceux qu'on pourra faire dans la suite.

Il est difficile de ne pas blâmer ceux qui oseroient exiger ou prêter le serment de garder un statut qui ne seroit plus en vigueur; car c'est se moquer de Dieu et des hommes, que de prendre ou faire prendre Dieu à témoin qu'on accomplira un règlement qu'on est très-disposé à n'accomplir jamais, et qu'on ne pourroit même souvent accomplir sans une singularité toujours odieuse, et quelquefois répréhensible, à cause du trouble et des scandales qu'elle pourroit exciter.

Il n'est pas toujours sûr, pour la conscience, de regarder comme n'étant plus en vigueur, un statut qui cesse d'être observé par la plus grande partie d'une communauté. Dans les choses qui regardent Dieu, il ne suffit pas de s'autoriser de l'exemple de la plus grande partie, si elle n'est en même temps la plus saine; elle peut bien être présumée telle dans le for extérieur; mais le for de la conscience est celui qu'on doit le plus consulter, quand il s'agit de choses aussi essentielles que le serment et le parjure.

DES CAUSES QUI EXEMPTENT DE L'OBLIGATION DU SERMENT.

DEUX sortes de causes exemptent de l'obligation de garder un serment. Il y en a qui empêchent de contracter cette obligation en jurant. Il y en a qui font cesser l'obligation qu'on avoit contractée par le jurement.

I. Les premières viennent ou du côté de la personne qui jure, ou du côté de la matière du jurement, qui est la chose promise.

Il peut arriver en différentes manières de la part de la personne qui jure, qu'elle ne soit pas obligée de garder son serment: 1.o lorsque celui qui jure n'a pas l'usage de la raison, parce qu'il n'est pas libre et capable de délibérer; 2.0. lorsque celui qui a juré a été surpris par quelque erreur ou par quelque fraude; s'il a été trompé sur la substance et le fond même de

la chose promise par serment, parce qu'en ce cas, le jurement n'est pas volontaire; car il est contre l'intention et le consentement de celui qui a juré, et qui a promis tout autre chose que ce qu'il vouloit promettre : ainsi, celui qui a promis de donner un vase qu'il a cru par erreur être d'airain, n'est pas obligé de tenir sa promesse si ce vase est d'or. Nous disons, s'il a été trompé sur la substance et le fond même de la chose promise par serment; parce que s'il ne l'a été que sur des circonstances accidentelles, cette erreur ne rend pas nul son serment, à moins que celui qui a juré n'ait eu tellement en vue ces circonstances, qu'il ait été déterminé en jurant, à ne pas s'engager par serment si elles n'étoient pas telles qu'il les croyoit. Il faut néanmoins observer que nous ne parlons ici que de l'erreur positive; car si elle n'étoit que négative, c'est-à-dire, si elle ne consistoit qu'à ne pas connoître toutes les difficultés de ce qu'on promet par serment, quoiqu'on en connût bien d'ailleurs le fond et la substance, ainsi que les principales qualités, cette erreur n'empêcheroit pas la validité du serment; 3.0 lorsqu'on fait un serment contre la défense des lois, parce qu'alors le serment a pour objet une chose mauvaise. Telle est la défense du concile de Trente (sess. 25, c. 16, de Regular.), sur les renonciations ou obligations faites avant la profession religieuse, même avec serment, et en faveur de quelque cuore pieuse que ce soit; lesquelles ce concile. a déclarées non valables, si elles ne sont faites avec la permission de l'évêque, ou de son grand vicaire, dans les deux mois précédant immédiatement la profession

Il faut remarquer qu'il y a dans les serments, des conditions bu restrictions sous-entendues et supposées de droit, ou selon la coutume. Quoiqu'elles n'aient point été exprimées en jurant, le serment n'oblige pas au-delà de ces restrictions, parce que celui qui a juré, est censé avoir limité son intention suivant ces conditions.

La première de ces conditions ou restrictions est, si on peut faire la chose; car un homme sage ne prétend point s'engager à l'impossible.

La seconde, si la promesse faite en faveur de quelqu'un est acceptée; car elle doit l'être pour l'obliger; et jusqu'à ce que cette acceptation ait été faite, on est toujours en droit de la révoquer, parce qu'on ne peut pas être obligé envers quelqu'un

qu'il ne le veuille. Si la promesse a été faite à Dieu, elle n'a besoin d'être acceptée.

pas

La troisième, si la chose se peut faire, sauf les droits d'autrui; tar on ne peut promettre que ce qui est à soi et dont on est maître. Si donc on avoit juré de faire quelque chose qui fit tort aux droits du prochain, ce serment n'obligeroit pas. Selon le pape Innocent III, dans le chap. Venientes, de jurejurando, le serment fait contre le droit du supérieur est nul, si le supérieur s'y oppose. Les supérieurs peuvent annuler les serments que les inférieurs font, à l'égard des choses dans lesquelles ces derniers dépendent de l'autorité des premiers. On doit même sous-entendre dans le jurement, si la chose n'est point nuisible au prochain car si elle l'étoit, on ne doit pas tenir son serment.

On doit sous-entendre encore dans le jurement, toutes les autres conditions particulières propres à la matière du serment, et qu'elle suppose de droit, ou par la coutume; parce que le serment n'en étant que l'accessoire, doit suivre la nature du principal. C'est pourquoi celui qui a contracté des fiançailles avec jurement, n'est pas tenu d'accomplir son serment, s'il veut se faire religieux. Pareillement celui qui a juré de résider dans un bénéfice, peut s'en absenter dans les cas permis dans le droit.

A l'égard des causes qui viennent de la matière du serment, et qui empêchent de contracter aucune obligation en jurant, elles ont lieu dans les cas suivants :

1.° Lorsqu'on a juré de faire une chose mauvaise, parce que le serment, qui de sa nature est un acte de religion, n'a pu être établi pour être un lien d'iniquité, et pour déshonorer Dieu; c'est cependant ce qui arriveroit, si pour l'accomplir on étoit obligé de faire le mal auquel on a paru vouloir s'engager. Aussi trouve-t-on dans le droit cette règle : Non est obligatorium contra bonos mores præstitum juramentum. Un pareil serment est un péché: non-seulement on n'est pas obligé, mais ce seroit encore un autre péché de l'accomplir. Nous l'avons déjà remarqué en disant qu'on doit jurer avec justice.

On ne peut donc pas dire que celui qui par serment se seroit engagé à faire un péché véniel, un mensonge officieux, par exemple, devroit plutôt faire ce péché et mentir, que de manquer à son serment, pour ne pas faire un parjure. Car pour

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