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et qu'elle ne condamne; frappant d'anathème l'injustice, en quelque sujet qu'elle paroisse; ne respectant en cela ni rang ni qualité; n'ayant égard ni à la coutume ni à la possession; ne s'accommodant ni à la foiblesse ni à l'intérêt; ne cédant même à la plus pressante de toutes les nécessités, qui seroit celle de mourir : ne moriendi quidem necessitati disciplina nostra connioct, dit Tertullien.

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Telle est la sublimité de la morale de la loi nouvelle. Or, puisqu'il faut professer une religion, en peut-on trouver une plus sûre que celle qu'elle nous enseigne, et que nous trouvons

si bien établie sur le fondement des vertus, si saintement ordonnée par l'exercice des bonnes œuvres, si parfaitement dégagée de toutes les impuretés du vice? Et pourrions-nous ne pas dire, avec l'apôtre saint Jean: la loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité ont été apportées par Jésus-Christ.

DE LA DIFFÉRENCE ENTRE LES PRECEPTES ET LES CONSEILS ÉVANGÉLIQUES.

L'EVANGILE ne renferme pas seulement des préceptes dont Dieu exige indispensablement l'observation; il contient aussi des exhortations à la pratique de certains actes de vertu, qui ne sont pas d'une nécessité absolue pour le salut. C'est sur quoi il est important que les confesseurs instruisent les pénitents, pour leur faire éviter les excès d'une fausse dévotion sur cette matière, qui ne sont que trop fréquents, et qui jettent les âmes dans des embarras et des proplexités nuisibles à la paix du cœur, et souvent à leur salut.

En général, les conseils évangéliques concernent des actions vertueuses, que Jésus-Christ ne commande point absolument, auxquelles néanmoins il exhorte, comme à quelque chose de plus parfait, et qui mérite d'autant plus d'être récompensé qu'on le fait plus librement, et qu'on n'a à craindre aucun châtiment, si on l'omet. Lorsque Jésus-Christ relève, par exemple, le mérite de la continence, il nous fait entendre en même temps qu'il n'en fait pas une loi, et qu'il la propose seulement comme un moyen plus sûr pour acquérir le ciel : moyen qui n'est pas pour tout le monde, comme il nous le fait entendre, en ajoutant ces paroles

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qui potest capere, capiat. Aussi saint Paul nous assure-t e-t-il positivement que la continence n'est point de précepte, et qu'il ne veut que la conseiller comme une chose très-sainte et très-avantageuse: de virginibus præceptum Domini non habeo; consilium autem do.

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Saint Thomas distingue deux sortes de conseils évangéliques. Les premiers regardent des actions vertueuses que tous ne peuvent pas pratiquer, et qu'il ne seroit pas même convenable que tout le monde pratiquât : telles sont la pauvreté, la chasteté, l'obéissance; vertus qui sont l'objet des trois vœux de religion. La société humaine ne pourroit pas subsister, si tous les hommes renonçoient au mariage, à la propriété de leurs biens et à l'autorité légitime attachée à leurs dignités ou à leurs personnes. Aussi ces conseils ne sont pas pour tous les fidèles. Ils sont adressés à l'Église en général, et il est de sa gloire qu'il y ait dans son sein des sociétés toujours subsistantes qui fassent profession de les suivre. Mais tous ses membres ne sont pas appelés au même genre de vie à cet égard, il faut que chacun suive la vocation de Dieu.

La seconde espèce de conseil renferme ceux qui sont propres à tous les hommes, et qu'ils peuvent tous pratiquer; comme de s'abstenir quelquefois des plaisirs permis, de faire certains actes de patience, de charité, d'abstinence, de miséricorde, etc., qui ne sont pas d'une étroite obligation.

Les principales différences des conseils et des préceptes évangéliques sont, 1.o que les conseils ne sont proposés que comme des moyens de perfection: les préceptes, au contraire, sont exprimés en termes qui signifient une étroite obligation: ubi consilium datur, offerentis arbitrium est, dit saint Jerôme; ubi præ-. ceptum, necessitas est servientis.

Il faut avouer néanmoins que quelquefois ce qui n'est que de conseil est joint, dans l'Évangile, à des choses qui sont véritablement de précepte, et qu'il y paroît prescrit à peu près de la même manière. Par exemple, lorsque Jésus-Christ semble ordonner à ses disciples de présenter encore la joue gauche à celui qui leur a donné un soufflet sur la droite, d'abandonner aussi leur manteau à celui qui veut leur faire procès pour avoir leur robe, etc. Ce sont moins les actions extérieures prescrites par le Seigneur dans ces expressions, que l'esprit de patience, de détachement et d'union, qui fait le propre caractère de la loi chrétienne. Ces

vertus sont de précepte; mais l'intention de Jésus-Christ n'est pas qu'on les pratique toujours, précisément de la même manière Dieu sauveur le marque par ces paroles que ce Lorsqu'il y a quelque difficulté sur la manière dont une chose nous est proposée dans les livres saints, il faut en examiner la nature, et voir si elle est du nombre de celles qui sont essentielles au salut; et surtout s'en tenir, sur ce point, à la commune interprétation des Pères et au jugement de l'Église.

2.o Le précepte est d'une obligation étroite et absolue: le conseil, au contraire, est une œuvre de surérogation, qu'on est maître de faire ou de ne pas faire. Et si quelquefois on est obligé à la pratique des conseils évangéliques, ce n'est qu'à cause des circonstances particulières dans lesquelles on se trouve, ou des tentations auxquelles on est exposé, et qu'on ne surmontera point si l'on se borne aux seuls préceptes indispensables de la loi. On peut encore y être obligé, en conséquence des engagements qu'on a pris, ou à raison du scandale qu'on causeroit, si on ne les observoit pas dans ces circonstances.

3.o Celui qui n'observe pas un précepte, mérite d'être puni à proportion de son importance. Celui, au contraire, qui ne veut pas s'assujétir à ce qui n'est que de conseil, ne mérite aucune peine, parce qu'il ne commet en cela aucun péché, pourvu toute fois qu'il ait, pour la vertu qu'il ne pratique pas, toute l'estime qu'elle mérite. Car, s'il est permis de ne pas observer les conseils évangéliques, il n'est pas permis de les mépriser comme des pratiques inutiles. Ils viennent de Jésus-Christ, on doit donc les regarder comme des pratiques très-saintes et infiniment avantageuses.

4.o Dans les bornes de la même vertu, ce qui est de précepte est le plus aisé; ce qui est de conseil est le plus difficile: Semper grandia in audientium ponuntur arbitrio, dit saint Jérôme. La virginité est beaucoup plus difficile à garder que la chasteté conjugale.

5. Lorsqu'à l'observation des préceptes on joint celle des conseils, on mérite une plus grande récompense, que si l'on s'en tenoit à ce qui est d'étroite et d'indispensable obligation: Majoris est gratia, offerre quod non debeas, quàm reddere quod exigaris, dit saint Jerôme.

Il nous paroît nécessaire d'observer en passant que, quoique

les états dans lesquels on fait profession de garder les conseils évangéliques, soient plus parfaits en eux-mêmes que ceux où l'on s'en tient aux seuls préceptes; il peut cependant arriver, et les exemples n'en sont pas rares, que des personnes observent tes commandements de Dieu d'une manière si parfaite qu'elles surpassent en vertu et en mérite ceux-mêmes qui aux commandements ajoutent la pratique des conseils. La raison en est évidente: c'est la charité et l'amour pour Dieu qui fait notre principal mérite. C'est l'amour qui rend le culte parfait ; et c'est dans ce sens que saint Augustin dit qu'on n'honore Dieu qu'en l'aimant. La pratique des conseils est sans doute un moyen excellent de témoigner à Dieu que nous l'aimons; et c'est, à la vérité, l'effet d'un grand amour de Dieu d'accomplir non-seulement les préceptes du Seigneur, mais encore ses conseils; d'où vient la perfection de l'état où l'on contracte cet engagement. Mais si la charité est plus parfaite dans celui qui n'observe que les préceptes, elle le rendra plus agréable à Dieu que celui qui pratique aussi les conseils, et dont la charité est moins grande: Charitas inchoata, inchoata justitia est, dit saint Augustin (de nat. et grat. c. 70); charitas magna, magna justitia est; charitas propecta, provecta justitia est; charitas perfecta, perfecta justitia est.

Ces réflexions sont propres à consoler ceux que l'impossibilité où ils se trouvent de pratiquer les conseils jette dans le découragement; elles sont propres à humilier l'orgueil de ceux qui croient devoir leur être préférés, et qui se glorifient uniquement de ce que, par leur état ou par leur propre choix, ils se voient engagés à la pratique des conseils de l'Évangile.

Nous avons encore beaucoup de choses à dire sur la loi de Dieu; nous en parlerons en expliquant le décalogue.

DES LOIS HUMAINES.

Nous n'avons parlé jusqu'ici que des lois dont Dieu est l'auteur. Ce sont sans doute les plus importantes et les plus indispensables, mais ce ne sont pas les seules qu'on soit obligé d'observer. Il y a d'autres lois qui n'ont pour auteurs que des hommes, mais ce sont des hommes revêtus de l'autorité de Dieu, et auxquels on est obligé d'obéir comme à Dieu même.

Deux grandes puissances partagent le gouvernement du monde, dit le pape Gélase écrivant à l'empereur Anastase : l'autorité souveraine des rois, et la dignité sacrée des pontifes: Duo sunt quibus principaliter hic mundus regitur, auctoritas sacra pontificum, et regalis potestas. On doit donc distinguer deux sortes de lois humaines : les lois ecclésiastiques et les lois civiles.

L'ÉGLISE A-T-ELLE LE POUVOIR DE FAIRE DES LOIS?

LES hérétiques Aérius, Jean Hus, les Vaudois, Luther et Calvin, ont disputé à l'Église le pouvoir de faire des lois; cependant ce pouvoir de l'Église est appuyé sur des principes immuables, tirés de la révélation et consacrés par la tradition: il est prouvé, dans les livres saints, par tout ce qui y établit l'autorité de l'Eglise. On y voit Jésus-Christ déclarer à ses apôtres qu'il les envoic, comme il a été envoyé par son Père; que celui qui n'écoute pas l'Église doit être tenu comme un païen et comme un publicain. On y voit ce Dieu sauveur donner à ses apôtres les clefs du royaume des cieux, le pouvoir de lier et de délicr.

Les clefs que cet Homme-Dieu donne à ses apôtres sont des marques de l'autorité qu'il leur confie. Le pouvoir de lier renferme celui de lier les consciences par des lois qui regardent le gouvernement spirituel du corps des fidèles. Il est vrai que l l'Église a été premièrement instituée pour faire observer celles de JésusChrist; mais elle n'auroit pu remplir sa destination à cet égard, si elle n'avoit pas le pouvoir d'en faire elle-même de nouvelles ; soit pour expliquer celles de ce divin législateur, lorsqu'il s'élève à ce sujet des disputes et des contestations; soit pour en faire l'application aux cas particuliers, et déterminer ce qui n'a point été réglé dans le détail. Le Sauveur avoit, par exemple, recommandé à ses disciples la pratique du jeûne; mais il ne leur avoit ordonné aucun jeûne en particulier. Il étoit nécessaire que l'Église en fixât le temps, pour établir partout l'uniformité; l'auroit-elle pu faire, si elle n'avoit pas eu le droit de faire des lois?

Droit dont l'Église a fait usage dans tous les temps, depuis son établissement jusqu'à nous. Dans le concile de Jérusalem, les apôtres ordonnèrent aux Gentils la pratique de certaines observances que Jésus-Christ n'avoit point ordonnées lui-même;

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