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long-temps les assemblées des hauts-barons, ou autrement les états-généraux étaient absolument volontaires de la part des rois, qui les convoquaient selon leur convenance et uniquement pour demander leur avis ou des subsides. Il ne faut donc les confondre ni avec les anciens comices ou plaids des peuples libres d'origine germanique, qui étaient les assemblées du peuple souverain avant l'établissement de la féodalité, ni avec les étatsgénéraux postérieurs, qui sous le nom de parlemens, sont devenus partie intégrante du pouvoir législatif'. Mais, d'un autre côté, Henri II accorda à plusieurs villes des chartes par lesquelles les citoyens n'étaient plus soumis à d'autre autorité que celle du roi, ce qui porta un grand coup au pouvoir féodal, et commença à donner de l'importance aux communes qui, jusqu'alors, se bornaient à la ville de Londres et peut-être à quelques autres villes de peu de considération 2. Il faut toutefois remarquer ici que, malgré cette sorte d'émancipation, le lien féodal existait encore entre les membres de la commune et le roi, qui devenait suzerain immédiat de la commune; mais la qualité de suzerain se confondant alors avec celle de roi ou chef de la nation, cela tendait à faire éteindre par la suite les obligations du vassal, pour ne laisser subsister que celles du citoyen de la grande communauté nationale. Ainsi donc, cette mesure nʼattaquait alors directement que le pouvoir féodal des degrés inférieurs, parce qu'elle enlevait des vassaux aux barons; mais elle augmenta au contraire le pouvoir tant féodal que national du roi, et ce ne fut qu'indirectement et à

(1) Meyer, t. I, p. 483, 484, et t. II, p. 23, 24.

(2) Meyer, t. II, p. 17, 18.

l'aide de plusieurs autres circonstances, qu'elle devait contribuer à détruire plus tard le pouvoir féodal du roi lui-même.

Le règne de Richard Ier, dit Coeur-de- Lion, n'offre rien de remarquable sous le rapport du régime intérieur, si ce n'est un grand abus du système féodal, surtout quant aux rigueurs du droit de chasse. Cependant, aucune insurrection sérieuse n'éclata pendant le règne de ce prince. Il est vrai qu'il fit quelques concessions favorables au peuple, entre autres à la ville de Londres '; c'est aussi sous son règne qu'on rédigea un code de lois maritimes, ou plutôt qu'on recueillit celles de l'île d'Oleron, qui ont encore force de loi en Angleterre ".

Mais sous le règne de Jean, qui succéda à Richard, l'on vit naître une foule de dissensions civiles. Jean ayant épousé la querelle des évêques contre les moines augustins, au sujet de la nomination des archevêques, il se brouilla avec le pape, qui cherchait à profiter seul des dissensions du clergé anglais. Le roi ayant refusé d'admettre l'archevêque de Cantorbéry qui avait été nommé par le pape, le royaume fut mis en interdit. En conséquence le service divin fut interrompu; on refusa d'enterrer les morts dans les cimetières; on les jetait dans les fossés, ou sur les grands chemins, sans aucune prière ni cérémonie funèbre. A cette époque, les peuples étaient si superstitieux que Jean fut obligé de se soumettre aux humiliations les plus extraordinaires pour être relevé de l'interdiction. Cette conduite commença à le faire mépriser de ses sujets. Les barons profitèrent de cette disposition; ils assemblèrent un corps de troupes considé

(1) Meyer, t. II, p. 17, à la note.

(2` Blackstone, t. IV, p. 423.

rable, et ce fut alors qu'ils forcèrent le roi Jean à signer la fameuse grande charte, qu'on regarde comme un des premiers fondemens de la liberté anglaise. Outre les intérêts des barons et du clergé, on y stipula plusieurs clauses favorables à toutes les classes de citoyens', ce qui contribua de plus en plus à l'union des divers ordres qu'une oppression commune avait déjà préparée. Il est vrai que durant tout le reste de son règne, Jean fit constamment ses efforts pour violer cet acte; mais enfin, il mourut avant d'avoir pu réussir à dompter les barons, qui, dans le cours de ces dissensions, appelèrent à leur secours une armée de quarante mille Français, preuve assez évidente que, de leur part, il ne s'agissait ni de vraie liberté ni d'indépendance nationale.

Une autre circonstance de ce règne, à laquelle on fait généralement peu d'attention, mais qui me semble plus importante que la vaine signature de la grande charte, fut la distinction entre les grands et les petits barons, quant au mode de leur convocation au parlement. Celle distinction paraît avoir été le prélude de la création postérieure des deux chambres 2; car les grands seigneurs furent dès lors convoqués directement par le roi, tandis que les petits vassaux ne le furent plus que par le shériff. Cette distinction me paraît avoir aussi opéré une véritable révolution dans le corps de la noblesse anglaise, qui devait par la suite se réduire à l'ordre de la pairie. Enfin, cette mesure, qui n'eut sans doute pour but que d'opérer la division entre les barons, produisit bientôt un autre résultat, celui de faire jeter la petite noblesse

(1) Blackstone, t. IV, p. 423, 424. V. aussi Tommlins, Dictionaryof law, 3e édition, au mot Magna charta.

(a) Blackstone, t. IV, p. 422.

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dans les rangs du peuple, quoique d'un autre côté, cette origine aristocratique de la seconde chambre du parlement dût influer pour toujours sur les élémens de sa composition; car je dois faire observer qu'à cette époque les véritables communes, c'est-à-dire les villes ou bourgs affranchis par le roi, ou par d'autres grands vassaux, n'étaient point encore représentées au parlement. La grande charte porte seulement que les cités, bourgs, etc., ne pourront être imposés que du consentement du conseil commun de la nation; mais ce conseil n'était alors composé que des grands et petits vassaux et non des représentans des cités et bourgs'.

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Le règne de Henri III n'offre également qu'une lutte continuelle entre la couronne et les ordres privilégiés de l'état ; mais cette lutte amena la confirmation des droits naissans des communes, chaque parti cherchant tour à tour à se les rendre favorables. Ce fut après la révolte du comte Leicester, qui avait fait le roi prisonnier, qu'on assembla un parlement où furent appelés deux chevaliers de chaque comté dans tout le royaume, ainsi que des députés des communes, ce qui commença à faire vraiment participer la masse nationale à l'exercice du pouvoir législatif. C'est aussi sous Henri III que fut signée la charte des forêts, où l'on chercha à réprimer les abus insupportables dérivés du droit de chasse que possédait exclusivement la couronne. Sous le même prince, on passa le fameux statut d'Oxford, qui fixa la tenue des parlemens, tous les trois ans, afin de faire des réglemens pour le bien du royaume, ce qui leur donna de véritables attributions législatives. Enfin, l'on verra (1) Meyer, t. II, p. 27, 28.

(2) Meyer, t. II, p. 26.

plus amplement dans le cours de cet ouvrage que c'est du même règne que date la véritable naissance du jury anglais.

Nous arrivons maintenaut au règne d'Edouard Ier, surnommé le Justinien de l'Angleterre. En effet, sous ce prince on s'occupa beaucoup de législation, tant en droit privé qu'en droit public; mais c'est surtout sous ce dernier rapport que son règne fut remarquable. Edouard continua à appeler au parlement les chevaliers des comtés et les députés des communes, ce qui confirma les droits du peuple à se nommer des représentans. Un de ces parlemens força Edouard à signer la grande charte, et à y ajouter une clause pour que le roi ne pût jamais lever de taxes sans le consentement du parlement. Quant au droit privé, la plus importante loi de ce règne fut celle qui détruisit l'effet des substitutions à l'infini, en permettant l'aliénation de toute espèce de terres, ainsi que leur affectation aux dettes du possesseur.

Sous Edouard II, la seule chose remarquable à l'intérieur fut qu'on priva le peuple de la participation qu'il avait auparavant à la nomination des shériffs; avant ce règne, le peuple nommait douze électeurs, lesquels présentaient trois candidats au roi qui choisissait l'un d'eux. Mais sous ce prince, il fut décidé que le roi les nommerait sur la présentation du chancelier, du trésorier, et des juges.

Sous Edouard III, il paraît que le parlement prit sa forme actuelle, par la séparation de la chambre des communes d'avec celle des lords. Je regarde cette circonstance comme une des plus importantes dans l'histoire de la constitution anglaise. Si les membres des divers (1) Blackstone; t. IV, p. 228.

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