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cause qui ne touchait pas à l'action directe du pouvoir administratif, la constitution de l'an VIII consolida ce système de juridiction extraordinaire, tout en paraissant la rendre moins dépendante du gouvernement. Elle avait créé un conseil d'état, qui devait être tout-à-fait distinct du ministère. Ce conseil était chargé principalement de la rédaction des lois et des réglemens d'administration publique, et elle l'investit aussi du droit de résoudre les difficultés qui pourraient s'élever en matière administrative. Toutefois cette disposition vague avait besoin d'une interprétation précise; et loin de la faire donner par le corps législatif, le gouvernement la donna lui-même de la manière la plus extensive par le réglement du 5 nivose an 8' (25 décembre 1799). Ce réglement porte que le conseil d'état prononcera tant sur les conflits qui peuvent s'élever entre les autorités judiciaires et administratives, que sur les affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise aux ministres ; or nous avons vu, à la fin de la précédente période, que les ministres du directoire avaient commis à cet égard les plus grands empiétemens sur l'ordre judiciaire. Mais pour rendre la similitude parfaite sous tous les rapports, le réglement du 5 nivose confia aux conseillers d'état diverses parties d'administration active, ce qui en fit de véritables sous-ministres; et il acheva ainsi de leur enlever toute espèce d'indépendance. Ainsi ils furent chargés de prononcer comme juges sur les actes mêmes qui étaient leur fait comme administrateurs.

Ce n'est pas tout: on avait créé un conseil pour juger

(1) Ce réglement fut une si grande usurpation sur l'autorité législative, qu'il attribua au conseil d'état le droit de développer le sens des lois.

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en dernier ressort les matières contentieuses administratives; mais il manquait une autorité analogue pour les décider en première instance, et la loi du 28 pluviose an VIII (16 février 1800) établit à cet effet dans chaque déparlement un conseil de préfecture, dont les membres sont choisis et révocables à volonté par le gouvernement. Cette loi chargea expressément les conseils de préfecture de prononcer: 1° sur les demandes des particuliers tendant à obtenir la décharge ou la diminution de leurs contributions directes; 2° sur les difficultés qui peuvent s'élever entre les entrepreneurs de travaux publics, concernant le sens et l'exécution des clauses de leurs marchés; 3° sur les réclamations des propriétaires à raison des dommages qu'ils pourraient souffrir par le fait personnel de ces mêmes entrepreneurs: 4° sur les demandes et contestations concernant les indemnités dues aux particuliers, à raison des terrains pris et fouillés pour la confection des travaux publics; 5° sur les difficultés relatives à la grande voirie; 6° sur le contentieux des domaines nationaux, c'est-à-dire des domaines déclarés tels par les lois de la révolution, et aliénés comme tels à des particuliers.

Une foule d'autres lois ont encore augmenté considérablement ces objets de compétence administrative, dont il nous suffit d'avoir indiqué la nature ainsi que les principales espèces '.

Le décret du 11 juin 1806 apporta diverses modifi

(1) Voyez dans Sirey le détail vraiment effrayant des matières soumises maintenant aux conseils de préfectures et au conseil d'état. M. de Cornemin, maitre des requêtes au conseil d'état, dans ses Questions de droit administratif rapporte que le conseil d'état prononce annuellement sur quatre cents requêtes, et pour la valeur de cinquante millions de francs.

cations à l'organisation du conseil d'état ; mais je ne remarquerai qu'une seule de ses dispositions, celle qui crée des avocats en titre près le conseil avec la faculté exclusive de signer les mémoires et requêtes.

Après cette époque jusqu'à la déchéance de l'empereur, plusieurs décrets modifièrent encore l'organisation du conseil d'état, mais d'une manière peu essentielle sous le rapport qui nous occupe.

Après le retour des Bourbons, la charte constitutionnelle étant entièrement muette sur le conseil d'état, on avait lieu d'espérer qu'on serait délivré d'une juridiction aussi monstrueuse, d'autant plus que le même acle portait qu'il ne pouvait être créé de tribunaux extraordinaires, et que les juges seraient inamovibles, à l'exception seule des juges de paix '.

Mais, par une simple ordonnance du 29 juin 1824, vingt-cinq jours après la publication de la charte, l'on créa un nouveau conseil qui fut divisé en deux parties principales, savoir le conseil d'en haut ou des ministres, et le conseil privé ou des parties, et dont une section fut chargée du contentieux. Quant à la compétence de cette section, elle fut absolument basée sur l'ancienne jurisprudence du conseil d'état impérial.

L'ordonnance du 23 août 1815, qui réorganise le conseil d'état, n'apporta cependant aucun changement essentiel, quant à sa compétence contentieuse, ni quant à tout ce qui aurait dû assurer des garanties en faveur des droits des citoyens. On peut en dire autant de quelques autres ordonnances postérieures qui ont modifié de nouveau certaines parties de cette organisation.

(1) M. de Cornemin, dans l'ouvrage ci-dessus cité, avoue l'inconstutionnalité du conseil d'état comme tribunal.

Enfin l'ordonnance du 10 septembre 1817, en réunissant les fonctions d'avocat au conseil avec celles d'avocat à la cour de cassation, créa pour ce nouvel ordre un conseil de discipline, qui eut les attributions de ceux des avocats près les autres cours et tribunaux. Le président seul est nommé par le ministère sur la présentation de trois candidats, et le choix des autres membres de ce conseil est laissé à l'ordre entier.

Quant à l'ordonnance du mois d'août 1824, la dernière qui soit relative au conseil d'état, elle est purement réglementaire et elle n'apporte aucun changement essentiel sous le rapport qui nous occupe.

Tel est l'abrégé historique de la juridiction nommée administrative. Cette branche est si importante qu'il était indispensable d'entrer dans les détails précédens pour faire concevoir l'ensemble et la nature précise de toutes nos institutions judiciaires'.

Maintenant, comme il s'agit surtout de bien fixer le lecteur sur l'état actuel de ces institutions, je vais terminer ce chapitre par un résumé succinct de cette partie de mon travail.

(1) Je ne crois point devoir parler de la cour des comptes, parce que ses attributions n'atteignant point en général les simples particuliers, on ne doit la considérer que comme une branche spéciale du pouvoir purement administratif. Cependant il faut observer que cette cour prononçant en certains cas des condamnations pécuniaires contre les comptables de deniers publics, elle rentre à cet égard sous la catégorie des corps judiciaires.

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QUANT à cette première espèce de juges, il faut distinguer: 1o les cas où leur ministère est obligé, 2o ceux où les parties sont libres de recourir à leur ministère, et 3o les cas où l'arbitrage ne peut avoir lieu.

1o Entre associés pour affaires commerciales, toute contestation qui s'élève à raison de cette société doit être absolument jugée par des arbitres ;

2o Dans toutes les affaires autres que celles dont il sera question à l'alinéa suivant, les parties peuvent convenir librement qu'elles seront jugées par des arbitres, avec ou sans appel.

3o Enfin, il n'est pas permis de recourir à l'arbitrage sur les dons et legs d'aliment, logement et vêtement, sur les séparations entre mari et femme, sur toute question concernant l'état civil des individus, ni sur aucune des contestations sujettes à être communiquées au ministère public. Au reste, dans les jugemens arbitraux,

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