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Henri VIII avait auparavant combattue dans son royaume. Il est vrai qu'il conserva le même esprit d'intolérance dans la nouvelle église dont il fut déclaré le chef suprême, et qui avait une doctrine également éloignée du catholicisme et du lutheranisme; il retint aussi l'épiscopat et la plupart des cérémonies catholiques; enfin il donna aux évêques une partie des biens immenses qu'il avait arrachés au clergé romain. Cette richesse originaire du clergé anglican et la conservation de la hiérarchie épiscopale établirent sans doute une grande différence entre l'église d'Angleterre et l'église protestante des autres parties de l'Europe. C'est en cela même que consiste une partie importante de l'aristocratie anglaise actuelle; mais malgré tous ces élémens de corruption dans le berceau même de la réformation anglicane, il n'est pas moins certain que cette révolution, moitié politique et moitié religieuse, ouvrit la carrière de toutes celles qui devaient suivre dans ces deux directions. Elle introduisit l'esprit d'examen dans le domaine des affaires civiles, aussi bien que dans celui des choses spirituelles. Elle servit enfin d'aliment aux longues querelles de ceux qui prétendaient au pouvoir, et au milieu desquelles la masse de la nation, toujours opprimée, finit par comprendre une partie de ses droits et s'efforça sérieusement de les

recouvrer.

Nous arrivons à la minorité d'Edouard VI, dont le commencement fut encore extrêmement tyrannique. Le régent créa une commission de loi martiale, qui procéda de la manière la plus violente et la plus arbitraire, et qui traita les pays qu'elle parcourait en véritables pays conquis. Le régent fut victime lui-même du système judiciaire de ces temps, car il fut condamné par une commission

de vingt-sept pairs, où se trouvaient ses accusateurs. A la fin, cependant, le parlement profitant de la faiblesse de la régence, établit peu à peu la réforme religieuse et abolit quelques-unes des lois les plus révoltantes des parlemens antérieurs.

Ce nouvel éclair d'indépendance ne dura pas longtemps. La reine Marie, aussi cruelle que fanatique, se ressaisit bientôt de tous les instrumens de tyrannie. Elle rétablit violemment la religion catholique et toutes les lois de sang que le parlement avait abolies sous Edouard VI. Les parlemens qu'elle convoqua se prêtèrent sans résistance à tous ses desseins. Cependant ces variations rapides et violentes des systèmes religieux et politiques ébranlèrent fortement les esprits, et ce fut alors même que prit naissance la secte des puritains, secte austère et enthousiaste, qui étendit ses vues sur la double réforme de l'église et de l'état.

Sous Elisabeth, qui était du parti de la réforme religieuse, quoiqu'elle fût sœur de la dernière reine, l'église anglicane fut rétablie; mais on ne fit encore que changer d'intolérance religieuse et de joug politique. On condamnait aux fers quiconque s'abstenait de l'église pendant une année, ou quiconque se prononçait contre la nouvelle doctrine; on bannissait du royaume ceux qui refusaient une déclaration de conformité à cette doctrine. Enfin le parlement établit encore en principe que la reine était au-dessus des lois et qu'elle pouvait en affranchir ses sujets, selon son bon plaisir. Les juges étaient également serviles et cruels; ils refusèrent des avocats à Marie- Stuart, ainsi qu'une copie de sa protestation. Toutefois, le peuple commençait à s'éclairer et à développer ses forces morales et physiques. Ce fut le temps

des Shakespeare, des Spencer et du grand Bacon. Le commerce fit des progrès, et l'on accueillit des réfugiés flamands qui apportèrent leur industrie en Angleterre. Les élémens d'opposition se développaient donc en silence; la nation, moins corrompue que ses parlemens, était encore comprimée par la main trop vigoureuse d'Elisabeth, en même temps qu'elle était entraînée par ses brillantes qualités; mais elle n'attendait qu'une occasion favorable pour tenter de briser ses fers.

(De 1603 à 1649.)

DYNASTIE DES STUARTS.

Jacques 1, fils de Marie-Stuart, monta sur le trône, sans avoir aucune idée véritable de l'état moral et économique de la nation, état sur lequel il faut nous arrêter un instant encore. A cette époque, de grands changemens s'étaient opérés sous divers rapports. Outre le résultat produit en Angleterre par la fréquence des commotions politiques et la versatilité des révolutions religieuses, la découverte de l'imprimerie avait donné un grand essor à l'esprit humain en général. D'un autre côté, l'extension du commerce opérée par la découverte de l'Amérique avait enrichi les communes, tandis qu'une grande partie de la noblesse s'était appauvrie par les guerres civiles et par les dépenses qu'elle faisait pour égaler en luxe les nouvelles fortunes commerciales. Enfin le clergé, quoique richement doté par Henri VIII, avait beaucoup perdu par l'avidité des princes suivans et de leurs favoris. L'affranchissement de l'obéissance papale l'avait d'ailleurs rendu tout-à-fait dépendant de la couronne. Cet affaiblissement des deux ordres privilégiés explique parfaitement l'accroissement momentané du

despotisme royal; mais il disposait le reste de la nation à prendre le sentiment de sa puissance, et à mépriser ses anciens maîtres de toutes les classes.

Ce fut dans cette disposition générale que Jacques eut l'imprudence d'affecter ouvertement le droit divin des rois sur les peuples. Il fit discuter formellement par ses écrivains ce dogme fondamental de la puissance absolue, ainsi que les points de théologie qui divisaient alors les sectes religieuses. Il apprit ainsi au peuple à discuter ses droits politiques et religieux. En opérant cette tendance dans les esprits, il prépara lui-même la révolution qui devait bientôt renverser le trône. Durant toutes ces controverses, la chambre des communes commença à sentir toute son importance. Elle prenait insensiblement un nouvel esprit ; elle discuta publiquement, à son tour, les prétentions de la prérogative royale, et elle s'immisça jusque dans les affaires politiques de l'extérieur. Chaque fois que le roi lui demandait des subsides, elle exigeait quelque réforme dans l'état; et quoique Jacques s'irritât sans cesse de ces attaques envers son pouvoir, il n'eut jamais la force d'y résister efficacement.

Charles le fut encore plus aveuglé sur sa position que ne l'avait été Jacques lui-même; car ce premier avait trouvé le despotisme fortement établi sous les règnes précédens, tandis que Charles le trouvant déjà ébranlé, voulut néanmoins ramener tous les abus qu'on avait réformés sous son prédécesseur. Il est vrai qu'il réussit d'abord dans quelques-unes de ses tentatives; il cassa plusieurs parlemens qui n'étaient pas assez dociles, et il cessa bientôt d'en convoquer; il défendit même d'oser parler de leur convocation; il leva arbitrairement les taxes les plus onéreuses et les juges de l'échiquier le

favorisèrent par leurs décisions. Tout l'ordre judiciaire, entièrement corrompu, ne fut plus qu'un vil instrument des passions du ministère. Non content d'augmenter les rigueurs de la chambre étoilée, le ministère institua encore des cours martiales, pour sacrifier plus facilement les citoyens. Le clergé anglican, de son côté, avide de richesses, de domination et d'honneurs, prêcha le droit absolu comme une émanation du ciel. Bientôt les ageris du pouvoir ne connurent aucun frein et l'état fut en proie aux spoliations et aux exécutions de toute espèce.

Un tel système révolta jusqu'aux esprits les plus apathiques. La nation entière se réveilla enfin de sa stupeur. L'orage grondait de toutes parts. Les ministres voulurent le conjurer en assemblant un parlement qu'ils se croyaient certains de corrompre, comme l'avaient fait tant de fois leurs prédécesseurs. Mais cette fois les circonstances n'étaient plus les mêmes; la voix nationale fut entendue dans les élections de la chambre des communes, et la chambre des pairs elle-même était entraînée par le mouvement général. Ce parlement fut unanime dans l'adoption de la pétition des droits, que les Anglais regardent avec raison comme une seconde grande charte. On y stipula plusieurs garanties pour la liberté individuelle et celle des propriétés. Le roi, il est vrai, refusa d'abord sa sanction, mais ce refus devint comme le signal de la guerre civile.

Toute confiance était désormais anéantie entre la nation et le gouvernement. Tous les germes d'insurrection, qui depuis long-temps s'étaient accumulés de toutes parts, acquéraient chaque jour des développemens terribles. Déjà le parlement prenait une tendance toute républicaine. Il condamna à mort le comte de Stafford, favori du roi, que celui-ci eut la lâcheté de sacrifier. Le parle

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