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la qualité de noble, et qui suivent tout propriétaire d'une terre primitivement seigneuriale ( un manoir).

Il est vrai qu'une très grande partie de ces terres sont encore possédées par les familles des lords mais aucun citoyen anglais n'est exclu de la faculté d'en posséder. Quant aux titres, les enfans mêmes des lords, sans en excepter l'aîné', ne sont appelés du titre de lord que par courtoisie2; et à moins qu'ils ne succèdent à la pairie, ils rentrent absolument dans la classe des autres citoyens. Cependant on doit regarder comme un grand avantage l'influence de leur famille et la préférence qu'ils obtiennent dans les emplois civils, ecclésiastiques et militaires.

Les priviléges particuliers des pairs, sans être aussi considérables que ceux des anciens seigneurs, ne laissent pas d'avoir encore quelque importance; d'abord ils partagent avec les membres de la chambre des communes le privilége de ne pouvoir être arrêtés pour affaires civiles, chose fort précieuse en Angleterre où l'arrestation pour dettes est prodiguée d'une manière effrayante; de plus, en matière de grand criminel, il ont le privilége de n'être jugés que par la chambre des lords; enfin ils sont exempts de toute peine pour le premier délit, lorsqu'ils

féodalité est complètement détruite en Angleterre, et il est de principe parmi les jurisconsultes anglais que toutes les terres y sont féodales, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent être possédées qu'à titre de foi et hommage envers le roi, soit médiatement, soit immédiatement, et à la charge de payer une rente féodale, ou de rendre un service quelconque.

(1) Blackstone, tom. I, pag. 406.

(2) Tous les fils d'un duc et d'un marquis sont appelés lords; quant aux titres inférieurs à ceux-là, il y a quelques différences d'usage entre les fils ainés et les cadets: par exemple, dans les familles des comtes, le fils ainé seul porte le nom de lord, et les cadets sont appelés honorables.

sont admis au bénéfice du clergé ( particularité de la loi anglaise que j'expliquerai plus tard), tandis que, dans les mèmes cas, les autres citoyens sont brûlés dans la main, ou fouettés, ou condamnés à l'amende, ou emprisonnés à la discrétion du juge'.

2o LA DEMI-NOBLESSE.

J'appelle demi-noblesse, en Angleterre, la réunion de divers ordres de citoyens qui n'ont ni droits politiques exclusifs, ni exemption des charges publiques, ni priviléges particuliers, mais qui ont certains titres honorifiques et des droits de préséance dans certaines cérémonies. On pourrait assimiler cette classe à la noblesse actuelle de France, qui, légalement, n'a d'autre prérogative que celle des titres et des honneurs, ainsi que porte l'article 71 de la Charte.

Le seul titre héréditaire parmi la demi-noblesse est celui de baronnet, institué par Jacques Ir. Ce titre, comme celui de lord, se transmet au fils aîné seulement.

Les autres titres sont purement personnels.

Le premier est celui de chevalier (knight) dont il y a plusieurs espèces : 1° les chevaliers de la jarretière créés par Edouard III; 2° les chevaliers bannerets, qui étaient autrefois institués par le roi sur le champ de bataille, mais qui sont tombés en désuétude, depuis qu'il n'y a plus d'armées agissant en Angleterre ; 3° les chevaliers du bain; 4° les chevaliers bacheliers.

Le second titre purement personnel est celui d'esquire (écuyer) qui n'est donné légalement qu'aux descendans des pairs, aux fils des chevaliers, aux juges de paix et à

(1) Blackstone, tom. IV, pag. 373.

quelques autres fonctionnaires publics, ainsi qu'aux avecats et officiers de l'armée, soit de terre, soit de mer.

Il est un autre titre, usité généralement en Angleterre, celui de gentleman, que les étrangers pourraient confondre avec un titre de noblesse, surtout à cause de sa ressemblance avec le mot français gentilhomme, qui indiquait autrefois le premier degré de noblesse. Mais en Angleterre ce mot ne signifie souvent autre chose que monsieur, et d'autres fois il ne peut se traduire que par ce que nous appelons un homme comme il faut.

3° LE CLERGÉ,

Le clergé anglican forme une partie fort essentielle de l'aristocratie. D'abord, quant au pouvoir politique, les archevêques et évêques sont de droit membres de la chambre des pairs, et l'on a vu la réunion de leurs votes faire pencher la balance contre des mesures adoptées par la chambre des communes.

Sous le rapport des richesses, les archevêques et évêques ont des revenus considérables, ayant hérité d'une grande partie des dépouilles des évêques catholiques. Quoique la religion de l'état ne soit point celle de la majorité de la nation', son clergé a un revenu de trois millions de livres sterling, dont les prélats et les possesseurs de bénéfices absorbent la meilleure partie, car le bas

(1) Ensor, pag. 425, cite un discours du lord Harowby, en 1810, qui dit qu'il y avait en Angleterre douze mille maisons destinées aux divers cultes autres que celui appelé national, qui, selon lui, ne possédait que onze mille bénéfices. Je ne parle point ici de l'Écosse ni de l'Irlande surtout, où la disproportion est bien plus grande encore. En Irlande, sur une population de sept à huit millions d'ames, il n'y a guère que cinq cent mille anglicans. Ce dernier fait a été avoué par lord Liverpool dans la séance de la chambre des lords du 8 avril 1824.

clergé, qui seul supporte les travaux, est très peu rétribué. Malgré cela l'insatiabilité du clergé est telle qu'en 1810 et 1811 il a été voté cent cinquante mille livres sterling pour le pauvre clergé '.

Enfin, en matière criminelle, les ecclésiastiques sont encore plus favorisés que les lords, qui ne sont exempts de toute peine que pour le premier délit clergiable, tandis que les prêtres de l'église anglicane jouissent d'une impunité complète, au moins de la part de l'autorité temporelle, pour tous les délits de cette classe".

(1) Ensor, 425 et 428.

La richesse du clergé anglican d'Irlande est encore bien plus exorbitante. Ce fait a été affirmé dans la chambre des pairs le 8 avril 1824 par lord Darnley, qui n'a point été contredit par les évêques et archeveques irlandais qui étaient présens.

(2) Blackstone, tom. IV, pag. 373.

Je crois devoir expliquer maintenant ce que c'est qu'un délit clergiable, ou susceptible de ce qu'on appelle le bénéfice du clergé. On sait qu'à une certaine époque du moyen âge le clergé avait obtenu dans toute l'Europe une juridiction séparée, en sorte que lorsqu'un individu appartenant à cet ordre était poursuivi par les cours laïques, il avait le droit de demander son renvoi devant le juge ecclésiastique, et c'etait la principalement ce qu'on appelait le privilége ou le bénéfice du clergé ; mais outre cela les ecclésiastiques (autrement nommés les eleres) avaient aussi le privilége d'une exemption de peine pour certains crimes, et c'est cette partie des priviléges judiciaires du clergé dont il s'agit seulement ici, comme on va le voir par les explications suivantes. En effet, cette exemption de peine qui n'avait d'abord été introduite que pour le clergé seul, s'étendit par la suite à toute personne sachant lire, et elle a fini en Angleterre par être applicable à toute personne sans distinction, mais avec l'importante modification que pour les personnes laïques il n'y a pas impunité totale, mais seulement une substitution de peine plus douce. Le motif a été de mitiger la cruauté du Code pénal qui prodigue la peine de mort à chaque instant. Il eût été plus raisonnable sans doute de modifier directement le Code; mais une voie si simple n'était pas dans le génie des légistes anglais, et ils préfèrent avoir l'air de respecter un ancien principe en en détruisant l'effet par une fiction qui suppose maintenant que toute

4° LES LÉGISTES.

L'on a déjà vu que même au sein des professions commerciales et industrielles, qui semblent moins accessibles au privilége, il existe en Angleterre une mul- ⠀ titude de monopoles, dont les uns sont directement établis par les lois, et dont les autres sont le résultat indirect de certaines lois particulières ou de l'ensemble de toute la législation. Mais dans ce moment, je veux parler plus spécialement d'une profession, qui, prise en masse, est une véritable aristocratie fortement constituée, savoir celle des légistes. On verra par la suite de cet ouvrage que l'état barbare de la législation et de la jurisprudence anglaises donne une influence extraordinaire aux légistes dans toutes les transactions des citoyens. Mais il y a plus, et l'on verra également que les lois leur donnent d'importans priviléges, en même temps qu'elles rendent leur ministère obligé dans une foule de cas. Aussi est-ce dans cette carrière que se jettent de préférence ceux des fils cadets de lords qui n'entrent point dans le clergé et le militaire, et qui dédaigneraient d'embrasser une profession industrielle; car bien qu'on ait une opinion contraire sur le continent, il est certain que ce genre de profession est très méprisé par l'aristocratie anglaise. Si quelquefois elle prend quelque intérêt dans des entreprises commerciales, c'est presque toujours d'une manière détournée, et lorsqu'elle y est d'ailleurs entraînée

la nation anglaise est dans les ordres sacrés. M. Peel, dans la séance de la chambre des communes, du 24 mars 1825, a annoncé qu'il proposerait un bill pour détruire l'exemption de peine des ecclésiastiques; mais il parait que les divers embarras de la session de 1826 l'auront empêché de tenir sa promesse.

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